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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20101117

Dossier : T-2136-09

Référence : 2010 CF 1152

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2010

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

 

STACEY GERRARD

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision rendue le 9 décembre 2009 par la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission). Aux termes de l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C.1985, ch. H‑6 (la Loi), la Commission a décidé de rejeter la plainte de discrimination présentée par la demanderesse contre Justice Canada, son ancien employeur.

 

[2]               La demanderesse conteste cette décision pour un certain nombre de motifs et allègue pour l’essentiel que la Commission a violé son droit à la justice naturelle et à l’équité procédurale et a commis une erreur dans l'appréciation des preuves. Pour les motifs qui suivent, je ne peux prononcer une décision favorable à la demanderesse, étant donné qu’il n’existe aucun motif justifiant l’intervention de la Cour.

 

I.          Les faits

[3]               La demanderesse est arrivée première à un concours et a accepté un contrat de travail d’un an comme avocate LA-01 au sein du ministère de la Justice, dans le Bureau régional de l'Atlantique, à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Le contrat commençait le 20 juin 2005 et se terminait le 19 juin 2006. À l’époque, elle était mariée avec un jeune enfant et enceinte d’un second. Dans les mois qui ont suivi son embauche, deux autres candidates, Susan Taylor et Andrea Jamieson, toutes les deux célibataires sans enfant, ont été embauchées dans des conditions semblables.

 

[4]               Le 7 mars 2006, la demanderesse a reçu un avis écrit l'informant que son contrat à durée déterminée ne serait pas renouvelé. Par contre, le contrat de Mme Taylor, qui était arrivée deuxième au concours, a été renouvelé.

 

[5]               En mai 2006, la demanderesse a déposé un grief au ministère de la Justice. Le grief a été entendu au premier et au deuxième niveau et a été finalement rejeté en janvier 2007. La demanderesse n’a pas transmis son grief à la Commission des relations de travail dans la fonction publique.

 

[6]               En août 2006, la demanderesse a déposé une plainte devant la Commission de la fonction publique (la CFP). La CFP a décidé que la plainte ne relevait pas de ses compétences.

 

[7]               Dans une lettre datée du 1er février 2007, la demanderesse a demandé, avec l’aide de son député, une enquête ministérielle au sujet de la décision de ne pas renouveler son contrat. Dans une lettre datée du 21 décembre 2007, le ministère l’a informée qu’étant donné qu'elle exerçait des voies de recours devant la Commission, le ministère ne pouvait formuler de commentaires à ce sujet.

 

[8]               À la fin du mois de juin 2007, la demanderesse avait déposé une plainte auprès de la Commission alléguant que son contrat de travail n’avait pas été renouvelé à cause de son statut de femme enceinte, mariée et mère d’un jeune enfant. Entre autres choses, la demanderesse alléguait que la décision de ne pas renouveler son contrat s’expliquait par le fait qu’elle avait facturé moins d’heures que ses collègues et qu’elle ne pouvait faire du temps supplémentaire comme Mme Taylor, en raison de ses obligations familiales et matrimoniales.

 

[9]               La Commission a nommé une enquêteuse, Deidre Hilary, et l’a chargée d’examiner la plainte. Mme Hilary a terminé son travail et déposé un rapport d’enquête le 12 décembre 2008. Elle recommandait à la Commission de rejeter la plainte pour le motif que les preuves ne justifiaient pas l’allégation de discrimination de la plaignante, ni l’allégation selon laquelle le défendeur avait refusé de l’embaucher ou avait mis fin à son emploi pour des motifs fondés sur le sexe, la situation de famille ou l’état matrimonial.

 

[10]           La demanderesse a écrit une lettre à la Commission dans laquelle elle se plaignait, entre autres, du fait qu’elle n’avait pas eu la possibilité de fournir des preuves sur de nombreuses questions et que l’enquêteuse n’avait pas interrogé plusieurs témoins, notamment elle-même, qui pouvaient fournir des éléments susceptibles d’appuyer sa plainte.

 

[11]           Justice Canada a répondu aux commentaires de la demanderesse et la Commission a décidé, en avril 2009, qu’il y avait lieu de procéder à une enquête supplémentaire et d’interroger de nouveaux témoins. Andrew Sunstrum a été chargé de compléter l’enquête.

 

[12]           En juin 2009, M. Sunstrum a interrogé la demanderesse et les témoins qu’elle avait proposés, y compris le représentant syndical de la demanderesse. Un rapport d’enquête supplémentaire a été produit le 21 août 2009 et transmis à la demanderesse le 8 septembre 2009 pour commentaires. Le rapport de l’enquête supplémentaire contenait de nouvelles constatations de fait, mais pas de nouvelles conclusions, résumés ou recommandations. Les deux parties ont préparé d’autres commentaires au sujet de ce rapport.

 

[13]           Après avoir examiné les deux rapports d’enquête et les observations des parties à leur sujet, la Commission a décidé de rejeter la plainte.

 

II.         La décision attaquée

[14]           La décision attaquée a été communiquée à la demanderesse par lettre datée du 12 décembre 2009. La partie centrale de la lettre est suffisamment courte pour être reproduite ici :

[traduction]
Je vous écris pour vous informer de la décision qu’a rendue la Commission canadienne des droits de la personne à l’égard de votre plainte (20070766) contre Justice Canada.

 

Avant de rendre sa décision, la Commission a examiné le rapport qui vous avait été communiqué ainsi que les observations déposées en réponse au rapport. Après avoir examiné ces éléments, la Commission a décidé de rejeter la plainte aux termes de l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, pour les motifs suivants :

 

1.      Les preuves n’appuient pas l’allégation de discrimination de la plaignante.

2.      Les preuves ne démontrent pas que l'intimé a refusé d’embaucher ou a mis fin à l’emploi de la plaignante pour des motifs fondés sur le sexe, la situation de famille [ou] l’état matrimonial.

 

Le dossier relatif à cette plainte est donc maintenant classé.

 

 

III.       Les questions en litige

[15]           La demanderesse, qui n'était pas représentée par un avocat, a soulevé un certain nombre de questions concernant la décision de la Commission. Je pense qu’il est possible de regrouper toutes ces questions autour de trois thèmes :

A.                 La Commission a-t-elle tiré des conclusions de fait erronées ou s’est-elle fondée sur des preuves frauduleuses ou équivalentes à un parjure?

B.                 La Commission a-t-elle commis une erreur de compétence?

C.                 La Commission a-t-elle violé l’équité procédurale au cours de son processus d’enquête?

 

IV.       Analyse

A. Question préliminaire touchant les preuves

[16]           La demanderesse a fait abondamment référence à des documents tirés du dossier de l’enquête qui lui a été fourni par la Commission suivant un certificat supplémentaire accordé en application de l'article 318 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), et daté du 25 mars 2010. L’avocat du défendeur s’est opposé à l’admission de ces documents, pour trois motifs.

 

[17]           Premièrement, le défendeur soutient que ces documents n’étaient pas accompagnés d’un affidavit, comme l’exige l’article 306 des Règles. Deuxièmement, il soutient que la demanderesse ne les a pas versés dans son dossier de demande. Enfin, la Commission ne disposait pas de ces documents lorsqu’elle a rendu sa décision.

 

[18]           La règle générale veut que la cour de révision rende sa décision en se fondant sur les documents dont disposait le décideur administratif. Exceptionnellement, il arrive que des preuves supplémentaires soient pertinentes dans le cas d’une allégation de violation de l’équité procédurale ou d’erreur de compétence commise par l’organe administratif. Ce principe a été clairement établi par l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Ordre des architectes de l’Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, [2002] A.C.F. no 813, au paragraphe 30 :

Par contre, les demandes de contrôle judiciaire sont normalement jugées sur la base des documents soumis au décideur administratif. Une preuve par affidavit est toutefois recevable sur des questions d’équité procédurale et de compétence. Le dépôt d’affidavits supplémentaires et le contre-interrogatoire sur ces derniers exigent l’autorisation de la Cour : Règles de la Cour fédérale (1998), article 312.

 

 

[19]           Plus précisément, à l’égard des décisions prises à la suite d’un processus en deux étapes, dont la première consiste uniquement en une enquête, comme c’est le cas à la Commission, les tribunaux ont jugé que d’une façon générale, il suffit de produire les documents qui ont été soumis au décideur (en excluant ceux qui ont été uniquement utilisés au cours de l’enquête), étant donné que ce sont les seuls documents pertinents pour le contrôle judiciaire. Les notes d’enquête ne deviennent pertinentes que lorsqu’une partie met en doute l’exactitude ou l’exhaustivité du résumé des faits contenu dans le rapport : Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455 (C.A.), aux paragraphes 10 à 12; Assoc. des crevettiers du Golfe Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 229, [2009] A.C.F. no 861, aux paragraphes 17 et 18.

 

[20]           En l’espèce, la Commission avait la liste des documents fournis à la Cour et aux parties le 15 janvier 2010. Cette liste comprenait les rapports d’enquête, un résumé de la plainte, la réponse du défendeur aux allégations de la plaignante, datée du 31 mars 2008, et les observations des parties au sujet de chacun des rapports d’enquête.

 

[21]           Le 25 mars 2010, à la suite d’un certificat supplémentaire très détaillé délivré en application de l'article 318 des Règles, la Commission a transmis tous les documents contenus dans le dossier d’enquête concernant la plainte de la demanderesse. La demanderesse s’appuie sur de nombreux documents, notamment sur la défense de Justice Canada présentée en septembre 2007 à l’égard de sa plainte et la réfutation qu'elle en a faite en date du 14 mai 2008, qui se trouvent dans le certificat supplémentaire obtenu aux termes de l'article  318 des Règles, mais dont ne disposait pas la Commission lorsqu’elle a rendu sa décision.

 

[22]           Dans la mesure où les questions et les arguments concernent l’exactitude des rapports et des résumés de l’enquêteur ou soulèvent des questions d’équité procédurale ou de compétence, le certificat supplémentaire de l'article 318 des Règles intéresse la présente demande de contrôle judiciaire et les deux parties peuvent s’y référer. Dans le cas contraire, seul le dossier présenté à la Commission peut être pris en compte.

 

[23]           Je sais que le dossier supplémentaire n’était pas accompagné d’un affidavit. Cependant, à la lumière de la controverse qui a été soulevée devant la Cour d’appel au sujet de la façon appropriée de déposer le dossier d’un tribunal administratif (voir Canada (Procureur général) c. Lacey, 2008 CAF 242, [2008] A.C.F. no 1221, et Canada (Procureur général) c. Vold, Jones and Vold Auction Co., 2009 CAF 192, [2009] A.C.F. no 715) – controverse qui n’a été résolue que récemment en faveur de la règle selon laquelle le dossier d’un tribunal administratif, tout comme n’importe quelle autre pièce documentaire, doit être déposé par voie d’affidavit Select Brand Distributors Inc. c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 3, [2010] A.C.F. no 33, au paragraphe 56) – je suis disposé à examiner le dossier supplémentaire dans le cadre limité décrit dans le paragraphe précédent. Les avocats ont été informés de ma décision à l’audience et par souci d’équité à l’égard de l’avocat représentant le procureur général, je l’ai autorisé à déposer des documents supplémentaires en réponse au dossier supplémentaire. Il n’a pas déposé d’autres documents, mais a attiré mon attention sur certains documents contenus dans le dossier supplémentaire qui revêtaient, à son avis, un intérêt particulier parce qu’ils permettaient de bien comprendre le travail des enquêteurs et de replacer les arguments de la demanderesse dans leur contexte.

 

(1) La Commission a-t-elle tiré des conclusions de fait erronées ou s’est-elle basée sur des preuves frauduleuses et équivalentes à un parjure?

[24]           Il n’y a pas de désaccord entre les parties quant à la norme de contrôle applicable. Le rôle de la Commission n’est pas de décider si la plainte est établie, mais si, selon les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne, une instruction est justifiée compte tenu de l’ensemble des faits : Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, aux paragraphes 52 et 53; Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, à la page 899. Il a été jugé que ce type de décision doit être examiné par rapport à la norme de raisonnabilité : Balogun c. Canada (Ministre de la Défense nationale), 2009 CF 407, conf. par 2010 CAF 29, au paragraphe 6; Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056, au paragraphe 47. La raisonnabilité est une norme axée sur la déférence à l’égard du décideur, et tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Nouveau-Brunswick c. Dunsmuir, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 au paragraphe 47.

 

[25]           Dans son exposé des questions en litige, la demanderesse affirme que la Commission a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée parce qu’elle s’est appuyée sur le rapport d’enquête supplémentaire, qui contenait des inexactitudes factuelles. Il semble que les inexactitudes auxquelles la demanderesse fait référence concernent l’interrogatoire d’un de ses témoins par le deuxième enquêteur. Elle affirme dans son mémoire que Darlene Lamey a communiqué avec M. Sunstrum [traduction] « pour l’informer qu’il y avait "plusieurs points" du rapport d’enquête supplémentaire à propos desquels elle avait été mal citée » et que l’information fournie [traduction] « ne reflétait pas exactement ses réponses ».

 

[26]           Cet argument est tout à fait dénué de fondement et comme la demanderesse l’a elle-même admis dans son mémoire, elle ne sait pas quelles sont ces inexactitudes. En l’absence d’un affidavit de Mme Lamey corroborant les prétentions de la demanderesse et d'une preuve au dossier confirmant que Mme Lamey a effectivement communiqué avec M. Sunstrum pour se plaindre de l’entrevue, la Cour ne peut que faire des hypothèses sur la nature de ces inexactitudes, si effectivement il y en a eu. En outre, la demanderesse a expressément attiré l’attention de la Commission sur cet aspect dans ses observations du 21 septembre 2009. Si la Commission avait estimé que les inexactitudes alléguées étaient fondamentales, elle aurait pu demander un complément d’enquête. Il n’existe donc aucun élément permettant de conclure que la Commission s’est fondée sur un rapport d’enquête insuffisant ou lacunaire.

 

[27]           La demanderesse soutient également que la Commission a commis une erreur parce qu’elle ne mentionne aucune conclusion de fait dans sa décision. Cet argument ne peut être retenu. Aux termes du paragraphe 44(3) de la Loi, la Commission doit décider si, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, il y a lieu d’instruire la plainte. Lorsqu’elle rend cette décision, la Commission n’exerce pas une fonction juridictionnelle et elle n’est pas tenue de tirer des conclusions de fait : Cooper, précité, au paragraphe 53.

 

[28]           Il est en fait bien établi que, lorsque la Commission adopte la recommandation du rapport d’enquête, elle n’est pas tenue de fournir un raisonnement détaillé et de faire référence aux faits sous-jacents.

 

La Cour d’appel fédérale a clairement résumé ce principe au paragraphe 37 de son arrêt dans l’affaire Sketchley, précité :

[…] Lorsque la Commission adopte les recommandations de l’enquêteur et qu’elle ne présente aucun motif ou qu’elle fournit des motifs très succincts, les cours ont, à juste titre, décidé que le rapport d’enquête constituait les motifs de la Commission aux fins de la prise décision en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi […].

 

 

[29]           Enfin, la demanderesse affirme que le défendeur a formulé [traduction] « une observation frauduleuse et équivalente à un parjure » lorsqu’il a affirmé que la Commission de la fonction publique n’avait pas critiqué la décision du défendeur de renouveler le contrat d’un autre LA-01 en se fondant sur le critère de « la bonne personne » et allègue que le résumé qu’a fait l’enquêteur de l’issue de sa plainte devant la CFP était [traduction] « trompeur et frauduleux ». Le défendeur admet que cette affirmation était erronée et que la CFP n’avait pas fait enquête sur la plainte de la demanderesse, pour le motif qu’elle n’avait pas le pouvoir de le faire. Il n’existe toutefois aucune preuve donnant à penser que cette erreur ait été commise dans une intention frauduleuse et l’affirmation faite par une partie qui n’est pas assermentée destinée à un organisme d’enquête comme la Commission ne peut, à strictement parler, être considérée comme un parjure.

 

[30]           Aspect plus important, la demanderesse a eu de nombreuses possibilités de présenter cette observation devant la Commission et elle l’a fait à plusieurs reprises. Elle déclare tout d’abord clairement dans sa plainte que [traduction] « la Commission de la fonction publique a décidé qu’elle n’avait pas le pouvoir de faire enquête sur la plainte ». Deuxièmement, dans ses observations présentées à la Commission le 9 janvier 2009, elle se plaint du fait que le résumé qu’a fait l’enquêteur de la décision de la CFP au sujet de sa plainte est [traduction] « incomplet et inexact », alléguant que l’enquêteur n’a pas examiné la décision de la CFP. Elle poursuit en affirmant, comme elle l’a fait devant la Cour, que le défendeur a présenté des preuves frauduleuses ou assimilables au parjure dont l’enquêteur n’a pas tenu compte, en faisant, en particulier, référence à ses observations antérieures et à une lettre de la CFP. Troisièmement, elle soulève le même point dans sa lettre du 20 février 2009. La Commission était en possession de tous ces documents.

 

[31]           Quant au résumé préparé par l’enquêteur, il ne mentionnait pas que la CFP avait fait enquête sur la plainte et l’avait rejetée, mais que la demanderesse avait [traduction] « échoué » devant la CFP. Cette affirmation est techniquement exacte, étant donné que la demanderesse n’a pas réussi à convaincre la CFP de faire enquête sur sa plainte.

 

[32]           Quoi qu’il en soit, l’observation du défendeur sur ce point n’entraîne guère à conséquence. Il n’appartenait pas à l’enquêteur d’examiner la façon dont la CFP avait traité la plainte et il n’y a pas d’élément montrant que l’observation du défendeur à ce sujet a influencé la conduite de l’enquête ou la décision de la Commission.

 

(2) La Commission a-t-elle commis une erreur de compétence?

[33]           La Commission a décidé de rejeter la plainte parce qu’elle a estimé que les preuves ne justifiaient pas l’allégation de discrimination formulée par la demanderesse ni son allégation selon laquelle le défendeur [traduction] « a refusé d’embaucher ou a congédié la plaignante pour des motifs fondés sur le sexe, la situation de famille [ou] l’état matrimonial ».

 

[34]           La demanderesse critique le choix des mots « refusé d’embaucher » ou « congédié » et soutient, pour ce motif, que la Commission a excédé ses pouvoirs parce que l’art. 7 de la Loi énonce que le fait de « refuser d’employer ou de continuer d’employer » un individu pour un motif de distinction illicite constitue un acte discriminatoire. Je ne veux offenser personne, mais je ne vois vraiment pas comment il serait possible de prendre au sérieux un tel argument.

 

[35]           La Commission aurait certes pu mieux choisir ses mots, mais elle avait manifestement le pouvoir de rendre sa décision et de procéder à l’enquête en question. Quel que soit le langage utilisé dans sa décision, la Commission a clairement compris que la demanderesse alléguait que le demandeur avait refusé de continuer à l’employer au sens de l’article 7 de la Loi.

 

[36]           La décision de la Commission était étayée par les conclusions de fait contenues dans deux rapports d’enquête détaillés. Lors de la première enquête, l'enquêteuse a compris la plainte de la demanderesse selon laquelle son contrat n’avait pas été renouvelé parce qu’elle avait été victime de discrimination fondée sur le sexe, la situation de famille et l’état matrimonial. Elle a fait une enquête détaillée sur cet aspect. Elle a résumé la plainte dans les termes suivants :

[traduction]
La plaignante a conclu un contrat d’une durée d’un an pour travailler comme avocate. […] Le 7 mars 2006, la plaignante a reçu par écrit avis du fait que son contrat à durée déterminée ne serait pas renouvelé et que son dernier jour de travail serait le 19 juin 2006. Une des femmes a vu son contrat renouvelé. La plaignante allègue que son contrat n’a pas été renouvelé parce qu’elle était mariée, enceinte et qu’elle avait un jeune enfant.

 

 

[37]           L’enquêteuse a ensuite établi, en se fondant sur les preuves fournies par le ministère de la Justice, que la demanderesse n’avait pas été congédiée. En fait, son contrat avait expiré et n’avait pas été renouvelé. L’enquêteuse a ensuite examiné si la décision de ne pas renouveler son contrat avait été prise pour un motif illicite. Loin de refuser d’exercer son pouvoir ou de l’excéder, la Commission a fait enquête de façon appropriée sur la plainte déposée par la demanderesse avant de la rejeter. Le dossier ne contient aucun élément donnant à penser que la Commission ne s’est pas posé la bonne question ou a autrement mal interprété les limites de ses pouvoirs.

 

[38]           La demanderesse soutient également, de façon quelque peu confuse, que la Commission a outrepassé ses pouvoirs et fait enquête sur les aspects substantiels de la plainte, une enquête qui équivalait à une instruction de la plainte, ce qui relève uniquement de la compétence du Tribunal. La demanderesse estime que la Commission n’a pas analysé la question de savoir si la plainte correspondait au seuil d’une affaire de discrimination prima facie. La demanderesse étaye son argument en invoquant l’article 6.1 d’un manuel interne de la Commission intitulé Procédures opérationnelles de règlement des différends, qui invite à tort (à son avis) l’enquêteur à évaluer le bien-fondé de la plainte.

 

[39]           Encore une fois, cet argument ne tient pas. Premièrement, le document auquel la demanderesse fait référence n’est qu’un chapitre d’un ensemble plus vaste et il est, pour cette raison, difficile hors contexte de saisir la citation exacte qu’invoque la demanderesse. De toute façon, un manuel n’est pas un règlement, mais un document de politique interne qui n’est pas contraignant. Donner à un tel document une force obligatoire reviendrait à entraver le pouvoir discrétionnaire d’un organisme administratif : International Woodworkers of America, Local 2-69 c. Consolidated-Bathurst Packaging Ltd., [1990] 1 R.C.S. 282, au paragraphe 33.

 

[40]           En outre, la demanderesse n’explique pas comment la Commission a excédé ses pouvoirs dans la présente affaire.

 

[41]           La Commission doit disposer d’un fondement juste et adéquat pour déterminer s’il existe suffisamment de preuves pour qu'elle défère la plainte au Tribunal. Pour qu’elle dispose d’un « fondement juste », l’enquête doit répondre à au moins deux conditions : la neutralité et la rigueur (Slattery, [1994] 2 C.F. 574, aux paragraphes 48 à 50). Pour décider si l’enquête a été suffisamment rigoureuse, il faut concilier les droits du plaignant et de l'intimé à l’équité procédurale et l’intérêt de la Commission dans la préservation d’un système administrativement efficace et fonctionnel. Il convient de faire preuve de retenue à l’égard des décideurs administratifs qui apprécient la valeur des preuves et décident de tenir une enquête plus détaillée si nécessaire. Comme la Cour l’a déclaré : « Ce n’est que lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante, qu’un contrôle judiciaire s’impose » : Slattery,aux paragraphes 56 et 57.

 

[42]           Le rapport de la première enquête montre que celle-ci a été approfondie. L’enquêteuse a interrogé sept employés du ministère de la Justice, y compris les personnes qui avaient décidé de ne pas renouveler le contrat de la demanderesse et des conseillers en ressources humaines. Elle a également examiné et analysé des documents, y compris ceux qui avaient été présentés dans le cadre des griefs de la demanderesse, les dispositions légales applicables, le plan d’activité et les observations du défendeur. Elle a résumé les preuves fournies et a tiré des conclusions logiques et raisonnables avant de formuler ses recommandations.

 

[43]           L’enquêteuse a réuni suffisamment de preuves pour appuyer les conclusions qu’elle a tirées : à savoir que le défendeur a prolongé le contrat de l’autre employée parce que c’était « la bonne personne », compte tenu de ses diplômes, de son expérience et des besoins du ministère, que le nombre des heures facturées par les candidates était un élément qui n’avait pas été pris en considération pour prendre la décision et que la grossesse de la demanderesse n’avait pas été un facteur qui avait influencé la décision.

 

[44]           La demanderesse a soutenu que l’enquête était insuffisante et a présenté des observations en ce sens à la Commission. À la suite de ces observations, la Commission a décidé de procéder à une enquête supplémentaire. Le nouvel enquêteur a interrogé les témoins désignés par la demanderesse, a examiné les questions soulevées par celle-ci et a tiré d’autres constatations de fait. En particulier, il a fait enquête sur la compétence et l’expérience des candidates en matière de contentieux, sur le rendement de la demanderesse, sur la question de savoir si la décision de retenir les services de Mme Taylor avait été prise en fonction des heures facturées et sur les témoignages des divers employés concernant la conciliation des exigences professionnelles et des nécessités familiales.

 

[45]           Les lacunes que pouvait contenir le rapport de la première enquête ont été pleinement comblées par le rapport de la deuxième enquête. En outre, la Commission disposait des commentaires et des allégations de la demanderesse au sujet des lacunes des deux rapports lorsqu’elle a rendu sa décision. Dans ces circonstances, il est impossible de conclure que la Commission ne disposait pas d’un fondement adéquat et juste, sur le plan des preuves, pour rendre sa décision. C’est pourquoi j’estime que la Commission a mené l’enquête de façon responsable conformément à ses pouvoirs légaux et pouvait décider, d’après les preuves dont elle disposait, qu’il n’existait pas de motifs raisonnables de passer à l’étape suivante, c’est-à-dire, déférer la plainte au Tribunal.

 

[46]           La demanderesse conteste également le fait que le rapport d’enquête comprenne une analyse de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, articles 12 et 13, et de sa notion de « la bonne personne », qui, à son avis, ne relève pas des pouvoirs de la Commission. Elle ne cite toutefois aucun précédent qui appuierait cette prétention. Il me semble qu’il faut s’attendre à ce que les enquêteurs examinent et interprètent les dispositions légales pertinentes pour comprendre le cadre légal et réglementaire dans lequel ont été prises les décisions relatives à l’emploi. La demanderesse n’explique pas pourquoi il faudrait interdire aux enquêteurs d’interpréter et d’appliquer les dispositions légales pertinentes, ni de quelle façon l’enquêteur a, en l'occurrence, commis une erreur en le faisant.

 

[47]           Enfin, la demanderesse soutient que la Commission a excédé ses pouvoirs lorsqu’elle a ordonné une enquête supplémentaire. En acceptant cet argument, la Cour irait à l’encontre de l’économie générale de la Loi canadienne sur les droits de la personne. La Commission est maître de sa propre procédure et doit disposer d’une grande latitude dans la façon dont elle mène les enquêtes. Elle n’est pas dessaisie (functus officio) dès qu’un rapport d’enquête est remis. Si c’était le cas, il serait alors impossible de compléter les rapports d’enquête lacunaires et un dossier factuel insuffisant interdirait à jamais la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire de rejeter ou de déférer les plaintes au Tribunal. En particulier, la Commission n’est pas tenue de se limiter à rechercher de nouveaux éléments qui n’étaient pas accessibles auparavant. Le manuel de politique qu’invoque la demanderesse ne constitue qu’une ligne directrice générale, et non pas une limitation légale des pouvoirs de la Commission.

 

[48]           Dans le cas où la Commission a oublié quelque chose ou n’a pas compris un argument présenté par un plaignant ou un défendeur, l’intérêt de la justice commande qu’elle ait le pouvoir de rouvrir l’enquête et de remédier à la lacune alléguée. Cela est particulièrement important lorsqu’une partie attire l’attention du décideur sur une omission fondamentale : la Commission doit avoir le pouvoir de remédier à cette omission en demandant une enquête supplémentaire plutôt que d’attendre de recevoir une directive judiciaire en ce sens.

 

(3) La Commission a-t-elle violé l’équité procédurale pendant le processus d’enquête?

[49]           Il est incontestable que la Commission ne peut rendre sa décision de déférer la plainte au Tribunal ou de la rejeter qu’après avoir procédé à une enquête neutre et rigoureuse, conforme aux principes de justice naturelle : Slattery, précitée, au paragraphe 49.

 

[50]           La Commission n’a pas violé les principes de l’équité procédurale en menant une enquête supplémentaire. Après avoir examiné les observations de la demanderesse au sujet du rapport sur la première enquête, la Commission a décidé d’interroger les témoins qui ne l’avaient pas encore été, fait dont se plaignait la demanderesse. Ce faisant, elle a tenu compte de ses observations et a pris des mesures pour y répondre. Lorsqu’elle a ordonné la tenue d’une enquête supplémentaire dans la présente affaire, la Commission n’a pas violé l’équité procédurale mais, au contraire, elle est intervenue pour protéger les droits de la demanderesse et veiller à ce que l’enquête soit rigoureuse avant d’en arriver à sa conclusion.

 

[51]           La demanderesse conteste également le caractère rigoureux de la deuxième enquête. Premièrement, elle soutient que M. Sunstrum n’aurait pas dû interroger les témoins par téléphone. Deuxièmement, elle affirme qu’il a admis que les heures facturées étaient le motif à l’origine de la décision de Justice Canada, mais qu’il a tenté de trouver des preuves que le faible nombre d’heures facturées présentées par la demanderesse ne s'expliquait pas par sa situation de famille et son étant matrimonial. Encore une fois, ces affirmations ne sont pas appuyées par des preuves et le fait de recourir au téléphone pour mener des entrevues n’a pas d’incidence sur leur caractère approprié dans la présente affaire. Les questions qu’a posées l’enquêteur au sujet des heures facturées étaient appropriées, étant donné les plaintes formulées par la demanderesse au sujet des lacunes de la première enquête; en outre, les preuves démontrent clairement que les heures facturées des candidates n’ont pas été prises en compte au moment où la décision a été prise de ne pas prolonger le contrat de travail de la demanderesse.

 

[52]           La demanderesse soutient également que l’enquêteuse n’a pas pris en compte sa lettre du 14 mai 2008. Il est vrai que l’enquêteuse n’y a pas fait référence expressément dans son rapport d’enquête, mais un bon nombre des observations contenues dans cette lettre sont prises en compte dans le rapport. De toute façon, la demanderesse a abordé tous les points présentés dans sa lettre du 14 mai 2008 dans la correspondance subséquente qui a été déposée devant la Commission. De plus, l’enquêteur n’est pas tenu d’examiner en détail toutes les allégations faites par le plaignant. On ne peut exiger qu’une enquête relative aux droits de la personne soit parfaite; l’enquêteur n’est pas tenu de tout passer au peigne fin. Une enquête n’est lacunaire que si elle omet de prendre en compte un élément crucial ou si elle contient des conclusions de fait erronées :

Le fait que l'enquêteuse n'ait pas interrogé chacun des témoins recommandés par la requérante et le fait que la conclusion tirée par l'enquêteuse ne mentionne pas chacun des prétendus incidents de discrimination n'ont pas non plus de conséquence absolue. Cela est encore plus vrai lorsque la requérante a l'occasion de combler les lacunes laissées par l'enquêteuse en présentant subséquemment ses propres observations. En l'absence de règlements qui lui donnent des lignes directrices, l'enquêteuse, tout comme la CCDP, doit être maître de sa propre procédure, et le contrôle judiciaire d'une enquête prétendument déficiente ne devrait être justifié que lorsque l'enquête est manifestement déficiente. En l'espèce, je constate que l'enquêteuse n'a pas omis d'examiner l'un ou l'autre des aspects fondamentaux de la plainte de la requérante, telle qu'elle était formulée, et qu'il n'y avait aucun autre point, moins important, mais néanmoins pertinent, qui ait été traité de façon insatisfaisante et qui n'ait pu être repris dans les observations présentées en réponse par la requérante.

 

Slattery, précitée, au paragraphe 69.

 

 

[53]           La demanderesse a également mis en doute la neutralité du processus d’enquête et affirme qu’il existe une crainte raisonnable de partialité. Tout d’abord, la Commission n’étant pas un organisme de nature judiciaire, elle n’est pas tenue de respecter la même norme d’impartialité qu’une cour de justice. Comme la Cour l’a déclaré dans Sanderson c. Canada (Procureur général), 2006 CF 447, [2006] A.C.F. no 557, au paragraphe 75, « […] il ne s’agit pas de savoir s’il existe une crainte raisonnable de partialité de la part de l’enquêteur, mais plutôt de savoir si l’enquêteur a abordé l’affaire avec un "esprit fermé" […] ».

 

[54]           De toute façon, les allégations de partialité présentées par la demanderesse sont loin d’être convaincantes. La demanderesse accorde une grande importance aux conversations qu’elle a eues avec un agent d’accueil de la Commission qui lui aurait déclaré qu’elle aurait du mal à prouver qu’il y a eu discrimination, compte tenu de la nouvelle loi [traduction] « qui autorise maintenant les gestionnaires à nommer un candidat en fonction des critères qu’ils choisissent, y compris la couleur de leurs chaussures » (D.D., par. 92). Premièrement, cet élément n’est pas appuyé comme il le faudrait par un affidavit. En outre, la simple expression d’une opinion par un agent d’accueil de la Commission au sujet de l’effet de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sur le projet de plainte de la demanderesse ne saurait démontrer que la Commission n'est pas neutre. À ce moment-là, la plainte n’avait pas pris une forme définitive, un enquêteur n’avait pas été nommé et aucune mesure n’avait été prise pour faire enquête sur la plainte ou l’évaluer. Il n’existe pas d’éléments donnant à penser que cette opinion, si elle a été exprimée, ait été également celle de l’enquêteur ou de la Commission ou surtout, qu’elle ait influencé de quelque façon que ce soit la conduite de l’enquête ou la décision de la Commission.

 

V.        Conclusion

[55]           Pour les motifs exposés ci-dessus, j’estime que la Commission disposait d’un fondement factuel raisonnable pour rendre sa décision et n’a pas violé les principes de l’équité. Les enquêtes ont été rigoureuses et neutres et la demanderesse a eu amplement la possibilité de présenter des observations concernant les deux rapports d’enquête. Il n’y a donc pas de motif autorisant la Cour à intervenir en l’espèce.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE COMME SUIT : la demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens de 1 500 $ adjugés au défendeur.

 

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

                 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2136-09

 

INTITULÉ :                                       Stacey Gerrard c. Procureur général du Canada

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 14 juillet 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

  ET JUGEMENT :                            LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                      le 17 novembre 2010

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stacey Gerrard

 

LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

J. Sanderson Graham

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stacey Gerrard

Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

 

LA DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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