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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20101209

Dossier : IMM-5361-09

Référence : 2010 CF 1270

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2010

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

ENTRE :

 

CHUN MEI YAN

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), qui vise la décision, datée du 2 octobre 2009,  par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de rouvrir la demande d’asile de la demanderesse.

 

[2]               La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l’affaire à un tribunal différent constitué de la Commission pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire.

 

Le contexte

 

[3]               Chun Mei Yan (la demanderesse) est entrée au Canada le 12 mai 2009 afin de travailler comme aide en santé. Elle n’avait cependant pas l’autorisation nécessaire à cet effet.

 

[4]               La demanderesse a fait une demande d’asile le 13 mai 2009, prétendant que sa vie serait menacée si elle retournait en Chine, parce qu’elle était incapable de rembourser une importante somme d'argent qu’elle avait empruntée afin de venir au Canada. Il serait de même difficile pour elle de faire face à sa famille et ses amis si elle retournait en Chine.

 

[5]               La demanderesse n’avait pas d’adresse fixe au moment de faire sa demande d’asile. 

 

[6]               Un formulaire de renseignements personnels (FRP) et le formulaire d’immigration

IMM 5292 ont été remis à la demanderesse le 13 mai 2009. Le formulaire IMM 5292 contenait les instructions suivantes :

Coordonnées

 

Vous devez informer la SPR et le ministre, par écrit, de votre adresse portale au Canada. Ces coordonnées doivent être reçues par la SPR et le ministre au plus tard dix jours suivant la réception du formulaire sur les renseignements personnels. Dès que vos coordonnées changent, vous devez transmettre celles-ci, par écrit, à la SPR et au ministre.

 

 

 

Droit à un conseil

 

Vous avez le droit de vous faire représenter par un conseil, à vos propres frais ou si vous êtes admissible à l’aide juridique, vous pouvez obtenir les services d’un conseil pour vous représenter. Si vous décidez de retenir les services d’un conseil, vous devez informer la SPR immédiatement des nom, adresse, numéros de téléphone et télécopieurs de votre conseil.

 

 

[7]               La demanderesse n’a pas fourni à la Commission d’adresse fixe, ni quelque indication qu’elle avait retenu les services d’un représentant légal.

 

[8]               La demanderesse devait remettre son FRP à la Commission au plus tard le 10 juin 2009. La demanderesse et le consultant en immigration qu’elle a engagé affirment que le FRP a été expédié par courrier ordinaire le 5 juin 2009.

 

[9]               La Commission n’a pas reçu le FRP et a donc prononcé le désistement de la demande d’asile le 25 juin 2009. Puisque la Commission n’avait pas les moyens d’entrer en contact avec la demanderesse, aucun avis concernant une audience relative au désistement ne lui a été transmis.

 

[10]           Le 21 septembre 2009, la demanderesse a déposé une requête afin de rouvrir sa demande d’asile.

 

[11]           La Commission a reçu le FRP original de la demanderesse en septembre 2009.

 

[12]           La Commission a rejeté la requête en réouverture, n’ayant trouvé aucun manquement à la justice naturelle venant de sa part.

 

La question en litige

 

[13]           La question est la suivante :

            La décision de ne pas rouvrir la demande d’asile était-elle raisonnable?

 

Les observations écrites de la demanderesse

 

[14]           La demanderesse invoque la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Osagie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1368, 262 F.T.R. 112, pour affirmer qu’un demandeur d’asile peut subir un manquement à la justice naturelle, même si la Commission elle-même n’est pas en faute, si le demandeur se voit refuser une audience impartiale en raison de la négligence ou l'incompétence d'un conseil.

 

[15]           La demanderesse affirme que sa situation est semblable à celle de l’affaire Osagie, précitée, en ce qu’il n’y a pas de faute de sa part dans la non-réception de son FRP par la Commission et que celle-ci a commis une erreur en refusant de rouvrir sa demande d’asile.

 

Les observations écrites du défendeur

 

[16]           Le défendeur avance que la Commission n’a pas la compétence inhérente pour rouvrir une demande d’asile. Une telle demande ne peut être rouverte que s’il y a eu manquement à la justice naturelle lors de l’instance relative au désistement.

 

[17]           Le désistement de sa demande a été prononcé, parce que la demanderesse n’avait pas fourni d’adresse fixe à la Commission comme elle était en devoir de le faire. La faute lui revient entièrement. La demanderesse a, de même, omis de faire un suivi auprès de la Commission afin de s’assurer que celle-ci avait reçu son FRP, malgré son expédition par courrier ordinaire, et non recommandé, seulement trois jours ouvrables avant la date limite. Il incombait à la demanderesse de s’assurer que son FRP arriverait en temps opportun. 

 

[18]           Les faits de l’affaire Osagie, précitée, sont différents de ceux en l’espèce. Dans l’affaire Osagie, précitée, l’avocat de la demanderesse avait commis plusieurs erreurs et cette dernière n’était pas en faute.   

 

[19]           De plus, la conduite du représentant légal de la demanderesse ne devrait pas être considérée comme distincte de celle de la demanderesse, et celle-ci n’a pas démontré quelque incompétence extraordinaire de la part de son représentant qui aurait entraîné un manquement à la justice naturelle. La norme pour juger de la compétence d’un avocat ou d’un consultant est élevée.

 

[20]           Le défendeur avance aussi que la demanderesse a agi de mauvaise foi en faisant une demande d’asile. La seule raison derrière cette demande était de contourner le système d’immigration en utilisant le statut de réfugié afin d’accomplir son objectif avoué qui était de trouver un emploi au Canada pour ensuite retourner en Chine. La demanderesse a plusieurs fois demandé au délégué du ministre à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) [traduction] « quand pourrait-elle retourner en Chine et quelle sera la procédure à suivre lorsqu’elle aura assez d’argent pour pouvoir y retourner ». Elle a de même admis qu’elle [traduction] « avait fait une demande d’asile dans l’espoir de trouver un emploi ». Accueillir la demande de contrôle judiciaire couvrirait de ridicule le système canadien de protection des réfugiés et jetterait le discrédit sur l’administration de la justice.

 

Analyse et décision

 

[21]           Je suis d’accord avec les deux parties sur le fait que la décision de rouvrir une demande d’asile à la Commission est une question mixte de droit et de fait à laquelle s'applique la norme de la décision raisonnable.

 

[22]           La question en litige

            La décision de ne pas rouvrir la demande d’asile était-elle raisonnable?

            La demanderesse a été avisée qu’elle devait fournir une adresse fixe à la Commission et qu’elle devait l'informer si elle avait trouvé un conseil. Elle a reçu cet avis en même temps que son FRP, mais n’a jamais transmis ces renseignements.   

 

[23]           Bien que son consultant en immigration puisse avoir commis une erreur en n’envoyant pas le FRP de la demanderesse à la Commission dans un délai suffisant, je conclus que la demanderesse n’est pas exempte de faute : si elle avait fourni une adresse à la Commission ou l’avait informée qu’elle avait trouvé un représentant légal, elle aurait alors été avisée de l’audience relative au désistement et aurait eu l’occasion d’y comparaître et d’être entendue. 

 

[24]           De plus, Mme Blessing Osagie, la demanderesse dans l’affaire Osagie, précitée, « a toujours eu l'intention de donner suite à sa demande d'asile » (au paragraphe 26), alors que la demanderesse en l’espèce a clairement indiqué à CIC qu’elle faisait une demande d’asile afin de pouvoir gagner de l’argent au Canada pour ensuite retourner en Chine.   

 

[25]           Pour ces motifs, l’affaire en l’espèce peut se distinguer des faits de l’affaire Osagie, précitée, invoquée par la demanderesse.

 

[26]           La conclusion de la Commission selon laquelle il n’y avait pas eu de manquement à la justice naturelle, ce qui l’aurait alors obligé à rouvrir la demande d’asile, était raisonnable et faisait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (voir Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[27]           La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

[28]           Aucune des parties ne m’a soumis de question grave de portée générale à certifier.


JUGEMENT

 

[29]           LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


 


ANNEXE

 

Dispositions législatives pertinentes

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

72.(1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

72.(1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

 

 

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228

 

55.(1) Le demandeur d’asile ou le ministre peut demander à la Section de rouvrir toute demande d’asile qui a fait l’objet d’une décision ou d’un désistement.

55.(1) A claimant or the Minister may make an application to the Division to reopen a claim for refugee protection that has been decided or abandoned.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5361-09

 

INTITULÉ :                                       CHUN MEI YAN

 

                                                            - et -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

                                                            L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 25 NOVEMBRE 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 9 DÉCEMBRE 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Korman

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Prathima Prashad

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Otis & Korman

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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