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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 

 

 

 

Date :  20101209

Dossier :  T-2-10

Référence :  2010 CF 1260

Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2010

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

MARIAM SHUBEILAT

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               L’interprétation de la notion de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la Citoyenneté, L.R., 1985, ch. C-29 (Loi), et de la jurisprudence de cette Cour a identifié trois approches différentes qui peuvent être adoptées par le juge de la citoyenneté :

[10]      La Cour a interprété le terme « résidence » de trois façons différentes. Premièrement, il peut s’agir de la présence réelle et physique au Canada pendant un total de trois ans, selon un comptage strict des jours (Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. no 232 (QL) (1re inst.)). Selon une interprétation moins rigoureuse, une personne peut résider au Canada même si elle en est temporairement absente, pour autant qu’elle conserve de solides attaches avec le Canada (Antonios E. Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.)). Une troisième interprétation, très semblable à la deuxième, définit la résidence comme l’endroit où l’on « vit régulièrement, normalement ou habituellement » ou l’endroit où l’on a « centralisé son mode d’existence » (Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), au paragraphe 10).

 

[11]      Je suis d’accord pour l’essentiel avec le juge James O’Reilly lorsqu’il écrit, au paragraphe 11 de la décision Nandre, précitée, que le premier critère exige la présence physique, alors que les deux autres nécessitent un examen plus qualitatif :

 

Manifestement, la Loi peut être interprétée de deux manières, l’une exigeant une présence physique au Canada pendant trois ans sur un total de quatre, et l’autre exigeant moins que cela, pour autant que le demandeur de citoyenneté puisse justifier d’attaches étroites avec le Canada. Le premier critère est un critère physique et le deuxième un critère qualitatif.

 

            (La Cour souligne).

 

(Mizani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 698, 158 A.C.W.S. (3d) 879).

 

[2]               Il est de plus bien établi que le juge de la citoyenneté peut appliquer l’une ou l’autre de ces trois approches à son choix :

[12]      Il a aussi été reconnu que le juge de la citoyenneté est libre d’appliquer l’un ou l’autre de ces trois critères (Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 410 (1re inst.) (QL)). Par exemple, dans la décision Hsu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 579, [2001] A.C.F. no 862 (QL), la juge Elizabeth Heneghan conclut, au paragraphe 4, que l’un ou l’autre de ces critères peut être appliqué pour rendre une décision sur la question de la résidence :

 

La jurisprudence sur les appels en matière de citoyenneté a clairement établi qu’il existe trois critères juridiques permettant de déterminer si un demandeur a démontré qu’il était un résident selon les exigences de la Loi sur la citoyenneté […] le juge de la citoyenneté peut soit calculer de façon stricte le nombre de jours de présence physique, soit examiner la qualité de la résidence, soit analyser la centralisation au Canada du mode de vie du demandeur.

[Renvois omis.]

 

[13]      Si le juge de la citoyenneté peut choisir d’appliquer l’un ou l’autre des trois critères, il ne lui est pas permis de les « fusionner » (Tulupnikov, précitée, au paragraphe 17).

 

            (La Cour souligne).

 

(Mizani, ci-dessus).

 

II.  Procédure judiciaire

[3]               Il s’agit d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi à l’encontre de la décision rendue le 8 septembre 2009 par le juge de la citoyenneté, par laquelle ce dernier rejetait la demande de citoyenneté présentée par la demanderesse.

 

III.  Faits

[4]               La demanderesse, madame Mariam Shubeilat, est citoyenne de Jordanie.

 

[5]               Le 6 juin 2001, la demanderesse est arrivée au Canada et a obtenu le statut de résidence permanente.

 

[6]               Le 28 novembre 2005, la demanderesse a présenté une demande de citoyenneté. Dans cette demande, elle indiquait avoir été absente du Canada pendant 362 jours au cours de la période désignée.

 

[7]               Le 23 octobre 2006, la demanderesse a rencontré un agent de la citoyenneté et a été invitée à remplir un questionnaire sur la résidence et à fournir certains documents.

 

[8]               Le 14 août 2006, la demanderesse a déposé le questionnaire complété sur la résidence ainsi qu’un dossier de preuves.

 

[9]               Le 29 mars 2007, le dossier a été référé par un agent de la citoyenneté à un juge de la citoyenneté.

 

[10]           Le 3 août 2009, la demanderesse a été convoquée à une entrevue avec un juge de la citoyenneté fixée pour le 17 août 2009.

 

[11]           Le 8 septembre 2009, le juge de la citoyenneté a refusé la demande de citoyenneté de la demanderesse :

Having reviewed all of the documentation submitted by the applicant, having personally interviewed her and for the reasons below, I am not satisfied, on a balance of probabilities that the information provided by the applicant accurately reflects the number of days that the applicant was, in fact, physically present in Canada.

 

 

DECISION

 

The applicant has the burden of establishing, on a balance of probabilities, that she satisfies the residency requirements pursuant to section 5(1)(c) of the Act – refer to Mr. Justice de Montigny in Yu Ll v. MCI, T-1222-05, March 17, 2006 and Mr. Justice Gibson in his reasons for order in Maheswary Maharatnam 2000 03 28, T-668-99.

 

On balance, all of the above does not satisfy me that the applicant meets the residency requirements under s.5(1)(c) of the Act. See Mr. Justice Muldoon in Re Pourghasemi.

 

(Dossier de citoyenneté: Motifs, pp. 13-14).

 

IV.  Point en litige

[12]           Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur en rejetant la demande de citoyenneté de la demanderesse sur la base qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 5(1)c) de la Loi?

 

V.  Analyse

[13]           La Cour est d’accord avec la position de la défenderesse; la demanderesse ne démontre pas que le juge de la citoyenneté aurait commis une erreur de droit ou de fait susceptible d’être révisée par cette Cour.

 

[14]           La norme de contrôle applicable aux décisions de juges de la citoyenneté est celle de la décision raisonnable :

[14]      Il est maintenant bien établi que la norme de contrôle applicable aux décisions des juges de la citoyenneté est celle de la décision raisonnable : voir, par ex., Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 483; Chen c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1140. Qu’il s’agisse de questions mixtes de droit et de fait, comme lorsqu’il s’agit d’appliquer l’un des tests jurisprudentiels sur la notion de résidence aux faits particuliers de l’espèce, ou de questions purement factuelles, comme la computation des journées d’absence, l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick (2008 CSC 9) enseigne que la Cour de révision doit faire preuve de déférence et résister à la tentation de substituer sa propre évaluation à celle du juge de la citoyenneté. Dans la mesure où la décision contestée est intelligible et bien motivée, et qu’elle peut être considérée comme une solution acceptable au vu de la preuve et du droit, elle ne saurait faire l’objet de contrôle judiciaire : Paez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 204. (La Cour souligne).

 

(El Falah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 736, [2009] A.C.F. no 1402 (QL)).

 

[15]           Dans le cadre d’appels en matière de citoyenneté, le rôle de cette Cour n’est pas de substituer son opinion à celle du juge de citoyenneté, mais plutôt de vérifier si le juge de la citoyenneté a correctement appliqué le test de résidence choisi (El Falah, ci-dessus).

 

[16]           L’article 5 de la Loi énonce quels critères doivent être satisfaits pour l’attribution de la citoyenneté canadienne :

5.      (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

a) en fait la demande;

 

 

b) est âgée d’au moins dix-huit ans;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

 

 

 

 

 

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

 

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

5.      (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

(a) makes application for citizenship;

 

(b) is eighteen years of age or over;

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

 

 

[17]           L’interprétation de la notion de résidence prévue à l’alinéa 5(1)c) de la Loi et de la jurisprudence de cette Cour a identifié trois approches différentes qui peuvent être adoptées par le juge de la citoyenneté :

[10]      La Cour a interprété le terme « résidence » de trois façons différentes. Premièrement, il peut s’agir de la présence réelle et physique au Canada pendant un total de trois ans, selon un comptage strict des jours (Pourghasemi (Re), [1993] A.C.F. no 232 (QL) (1re inst.)). Selon une interprétation moins rigoureuse, une personne peut résider au Canada même si elle en est temporairement absente, pour autant qu’elle conserve de solides attaches avec le Canada (Antonios E. Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.)). Une troisième interprétation, très semblable à la deuxième, définit la résidence comme l’endroit où l’on « vit régulièrement, normalement ou habituellement » ou l’endroit où l’on a « centralisé son mode d’existence » (Koo (Re), [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), au paragraphe 10).

 

[11]      Je suis d’accord pour l’essentiel avec le juge James O’Reilly lorsqu’il écrit, au paragraphe 11 de la décision Nandre, précitée, que le premier critère exige la présence physique, alors que les deux autres nécessitent un examen plus qualitatif :

 

Manifestement, la Loi peut être interprétée de deux manières, l’une exigeant une présence physique au Canada pendant trois ans sur un total de quatre, et l’autre exigeant moins que cela, pour autant que le demandeur de citoyenneté puisse justifier d’attaches étroites avec le Canada. Le premier critère est un critère physique et le deuxième un critère qualitatif.

 

            (La Cour souligne).

 

(Mizani, ci-dessus).

 

[18]           Il est de plus bien établi que le juge de la citoyenneté peut appliquer l’une ou l’autre de ces trois approches à son choix :

[12]      Il a aussi été reconnu que le juge de la citoyenneté est libre d’appliquer l’un ou l’autre de ces trois critères (Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 410 (1re inst.) (QL)). Par exemple, dans la décision Hsu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 579, [2001] A.C.F. no 862 (QL), la juge Elizabeth Heneghan conclut, au paragraphe 4, que l’un ou l’autre de ces critères peut être appliqué pour rendre une décision sur la question de la résidence :

 

La jurisprudence sur les appels en matière de citoyenneté a clairement établi qu’il existe trois critères juridiques permettant de déterminer si un demandeur a démontré qu’il était un résident selon les exigences de la Loi sur la citoyenneté […] le juge de la citoyenneté peut soit calculer de façon stricte le nombre de jours de présence physique, soit examiner la qualité de la résidence, soit analyser la centralisation au Canada du mode de vie du demandeur.

 

[Renvois omis.]

 

[13]      Si le juge de la citoyenneté peut choisir d’appliquer l’un ou l’autre des trois critères, il ne lui est pas permis de les « fusionner » (Tulupnikov, précitée, au paragraphe 17).

 

            (La Cour souligne).

 

(Mizani, ci-dessus).

 

[19]           Le juge de la citoyenneté, après avoir identifié la période pertinente comme s’échelonnant du 28 novembre 2001 au 28 novembre 2005, a noté que la demanderesse a déclaré s’être absentée du Canada pour 362 jours au cours de ladite période (Motifs, p. 13).

 

[20]           La demanderesse aurait donc été au Canada un total de 1 098 jours (Dossier de citoyenneté : « Residence Calculator », p. 4).

 

[21]           La demanderesse n’a pas respecté le critère strict de la présence physique obligatoire pour 1 095 jours au cours de la période visée, comme elle n’a pas prouvé le 1095 requis par la loi, calculée d’une façon stricte, parmi les 1098 jours qu’elle aurait été au Canada.

 

[22]           Le juge de la citoyenneté indique qu’après étude des documents fournis par la demanderesse, il n’est pas convaincu selon la balance des probabilités, que cette dernière a en réalité été physiquement présente au Canada pour le nombre de jours allégués (Motifs, p. 13).

 

[23]           Le juge de la citoyenneté énumère plusieurs raisons qui l’amènent à douter de la présence de la demanderesse au Canada :

a.       La demanderesse n’a pu expliquer à l’entrevue l’absence de deux étampes de retour au Canada, soit celles du 21 novembre 2004 et du 6 septembre 2005. Le juge de la citoyenneté lui a demandé de soumettre des documents additionnels au sujet de ces dates;

b.      Les reçus obtenus de la garderie « K.I.D.S. West Westmount Day Care » indiquent des présences pour Aysha et Bara, les enfants de la demanderesse, pour des dates où ils étaient, selon les déclarations mêmes de la demanderesse, en dehors du pays;

c.       Les documents fiscaux fournis par la demanderesse n’indiquent que des revenus de 1,00$ (2001), 848,00$ (2002), 1,00$ (2003), 1,00$ (2004) et 160,00$ (2005). La demanderesse ne déclare aucun emploi, uniquement un travail bénévole à titre d’assistante-professeur de septembre 2003 à l’été 2006 à l’école Al-Salam;

d.      Les relevés bancaires ne reflètent pas les dépenses régulières d’une famille avec enfants.

(Motifs, pp. 13-14).

 

[24]           Le juge de la citoyenneté note de plus que la demanderesse a le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle satisfait aux exigences de résidence de l’alinéa 5(1)c) de la Loi (Motifs, p. 14).

 

[25]           Suivant ces considérations, le juge de la citoyenneté a conclu que la preuve présentée par la demanderesse n’établissait pas que cette dernière rencontrait les exigences prévues à l’alinéa 5(1)c) de la Loi (Motifs, p. 14).

 

[26]           Dans son mémoire, la demanderesse soutient qu’elle rencontre les critères de Re Koo (1re inst.), [1993] 1 C.F. 286, 59 F.T.R. 27, et de Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 2008, [1978] 2 A.C.W.S. 482, et, qu’au regard de ces facteurs, elle a démontré avoir établi sa résidence au Canada (Mémoire des faits et du droit de la demanderesse au par. 39).

[27]           Toutefois, il ne s’agit pas du test que le juge de la citoyenneté a choisi d’appliquer. Il appert des motifs de la décision que le juge de la citoyenneté a choisi d’appliquer l’approche plus stricte de la présence physique au Canada au cours de la période visée.

 

[28]           En effet, il est très clair que nulle part dans sa décision le juge de la citoyenneté ne tente d’analyser la qualité des attaches du demandeur avec le Canada conformément à Papadogiorgakis, ci-dessus, ni n’effectue l’analyse des facteurs de Koo, ci-dessus, pour établir si la demanderesse a bel et bien centralisé son mode de vie au Canada.

 

[29]           Le juge de la citoyenneté réfère directement à la décision Re Pourghasemi (1993), 62 F.T.R. 122, 39 A.C.W.S. (3d) 251 du juge Francis C. Muldoon; décision qui prévoit que la détermination peut se baser sur la présence réelle et physique au Canada pendant un total de trois ans, selon une computation stricte des jours de présence :

[20]      Or, la jurisprudence de cette Cour établit que le juge de la citoyenneté peut appliquer l’une ou l’autre des trois approches qui ont été retenues pour interpréter la notion de résidence : voir, par ex., Mizani c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 698. L’une de ces approches consiste à déterminer si un demandeur a eu une présence physique et réelle au Canada pendant un total de trois ans, en additionnant ces jours de présence de façon stricte : Re Pourghasemi, [1993] A.C.F. no. 232. C’est la méthode qu’a privilégiée le juge de la citoyenneté dans le présent dossier. (La Cour souligne).

 

(El Falah, ci-dessus).

 

[30]           La jurisprudence a clairement énoncé que c’est au juge que revenait le choix du test de résidence (Mizani, ci-dessus). Le juge de la citoyenneté était tout à fait libre d’appliquer le critère de la présence physique, et d’étudier la preuve présentée pour déterminer si la demanderesse avait effectivement été physiquement présente au Canada au cours de la période.

[31]           La fusion de ces trois critères jurisprudentiels, que la demanderesse fait dans ses prétentions, est clairement interdite au juge de la citoyenneté par la jurisprudence :

[13]      Si le juge de la citoyenneté peut choisir d’appliquer l’un ou l’autre des trois critères, il ne lui est pas permis de les « fusionner » (Tulupnikov, précitée, au paragraphe 17). (La Cour souligne).

 

(Mizani, ci-dessus).

 

[32]           Dans le cadre de son analyse, le juge de la citoyenneté a examiné les documents présentés par la demanderesse, qui ne l’ont cependant pas convaincu que cette dernière avait effectivement été physiquement présente au Canada pour un nombre de jours équivalent à celui allégué. Le juge de la citoyenneté n’a commis aucune erreur en agissant de la sorte.

 

[33]           La demanderesse ne soulève aucune erreur autre la question de l’application des critères de Papadogiorgakis et de Koo, ci-dessus, critères qu’elle considère avoir satisfait.

 

[34]           Le juge de la citoyenneté a choisi d’appliquer le critère de Pourghasemi et n’avait pas à évaluer ceux de Papadogiorgakis et de Koo. Par ailleurs, ces tests ne sont pas conjonctifs, mais mutuellement exclusifs.

 

[35]           La décision du juge de citoyenneté doit être considérée avec déférence :

[12]      Étant donné qu’il s’agit d’une question mixte de fait et de droit au sujet de laquelle le juge de la citoyenneté possède un degré de connaissance et d’expérience, la Cour doit faire preuve d’une certaine retenue envers les conclusions portant sur le respect, par le demandeur, de la condition de résidence prévue à la Loi. Par conséquent, la conclusion d’un juge de la citoyenneté est raisonnable « si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux de la cour de révision » (Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247 (QL), paragraphe 55). (La Cour souligne).

(Paez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 204, 165 A.C.W.S. (3d) 228).

 

[36]           La preuve présentée était insuffisante et ne démontrait pas que la demanderesse avait été physiquement présente au Canada, pour un minimum de 1 095 jours.

 

[37]           La Cour reconnait que la conclusion du juge de la citoyenneté n’est pas déraisonnable.

 

[38]           Dans son affidavit, la demanderesse allègue ne pas se rappeler que le juge de la citoyenneté a soulevé l’absence de certaines étampes d’entrée au Canada et qu’il lui aurait demandé de soumettre de la documentation additionnelle au sujet de ces dates.

 

[39]           Dans le formulaire « Avis au ministre de la décision du juge de la citoyenneté », le juge de la citoyenneté a écrit la mention suivante, suivie de ses initiales :

I asked for additional information. Applicant has 20 days to submit them (CC and bank statements, schools receipts, pharmacy receipts, schools letters.

 

(Dossier de la citoyenneté, p. 12).

 

[40]           Une enveloppe, pré-adressée pour le Service de citoyenneté, portant la mention manuscrite du numéro de dossier, avec la date d’audience entre parenthèses, et la mention « Juge AA » a été reçue le 25 août 2009 (Dossier de citoyenneté, p. 20).

 

[41]           Cette enveloppe comprenait les documents qui se trouvent aux pages 22 à 111 du Dossier tu Tribunal et la lettre datée du 20 août 2009, adressée par la demanderesse au juge de la citoyenneté, dans laquelle elle mentionne que le juge de la citoyenneté lui avait demandé des preuves additionnelles pour démontrer sa présence physique au Canada.

 

[42]           La demanderesse savait, ou devait savoir, que les preuves demandées devaient démontrer toutes ses présences au Canada, incluant ses retours allégués au Canada lorsque ceux-ci n’étaient pas attestés par une étampe d’entrée au Canada dans son passeport.

 

[43]           La Cour reconnait que le fardeau de présenter suffisamment d’éléments de preuve appartient au demandeur :

[9]        Il est donc évident que la demanderesse devait fournir sa preuve pour démontrer qu'elle était au Canada pour une période de 1460 jours précédant la date de sa demande, qui était le 30 avril 2003. Le juge a donc examiné et a questionné la demanderesse pour cette période […] (La Cour souligne).

 

(El Fihri c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1106, 147 A.C.W.S. (3d) 745).

 

[44]           Il revient au juge de la citoyenneté d’analyser les éléments de preuve déposés :

(iv)       Le rôle du juge de la citoyenneté

 

[14]      Le questionnaire sur la résidence dressait une liste de documents à fournir et le demandeur a obtenu un délai supplémentaire pour faire préparer des déclarations de revenus à l’appui de sa demande. Le demandeur affirme qu’il a supposé que les documents qu’il avait fournis étaient satisfaisants puisqu’on ne lui a demandé aucun renseignement supplémentaire. Il se plaint de ne pas avoir eu l’occasion de fournir des documents supplémentaires. Toutefois, le juge de la citoyenneté n’est pas tenu de fournir continuellement à un demandeur des commentaires sur le caractère adéquat de sa documentation. Le fardeau d’établir la résidence incombe au demandeur. Une fois que celui‑ci a terminé la présentation de sa preuve en déposant des documents, le juge de la citoyenneté les examine et prend une décision qui est définitive, sous réserve uniquement d’un appel. Je ne vois aucune injustice dans ce processus. (La Cour souligne).

 

(Zheng c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1311, 163 A.C.W.S. (3d) 120).

 

[45]           Dans son mémoire, la demanderesse ne soulève aucune erreur du juge de la citoyenneté dans son évaluation de la preuve, uniquement son désaccord.

 

[46]           L’analyse de la preuve par le juge de la citoyenneté (qui relève de son expertise et de sa connaissance spécialisée (Paez, ci-dessus) ne comporte aucune erreur.

 

[47]           Le juge de la citoyenneté a considéré les documents soumis et a noté que les relevés de la garderie « K.I.D.S. Westmount Day Care » indiqueraient une présence au Canada des enfants alors qu’ils étaient hors du Canada avec leur mère, selon les propres déclarations de la demanderesse.

 

[48]           Le juge de la citoyenneté relève les semaines du 2 septembre 2002 (Dossier de citoyenneté; pour Aysha, p. 25; pour Bara, p. 27, alors qu’ils étaient hors du Canada avec leur mère jusqu’au 9 septembre 2002, « Residence Calculator »), ainsi que la semaine du 13 janvier 2003 (alors qu’ils étaient hors du Canada avec leur mère jusqu’au 14 janvier 2003, « Residence Calculator »).

 

[49]           Ces présences erronées se produisent aussi à d’autres périodes dans ces relevés. Par exemple :

-         Selon la lettre de la garderie (Dossier de citoyenneté, p. 23), les enfants ont commencé à fréquenter cette garderie en décembre 2001. Toutefois, il n’y a pas de relevé de présence pour décembre 2001 pour aucun des enfants et les relevés pour janvier 2002 ne commencent qu’à partir du 28 janvier 2002 (pour Aysha, p. 25; pour Bara, p. 27). La Cour note qu’il n’y a aucune étampe d’entrée pour le retour allégué au Canada du 18 décembre 2001 (copie du passeport G 482564, valide du 30 octobre 1999 au 29 octobre 2004, de la demanderesse aux pp. 165-190), uniquement une étampe d’entrée au Royaume-Uni à cette même date (p. 177);

-         Les enfants sont inscrits comme présents pour la semaine du 6 janvier 2003 (pour Aysha, p. 26; pour Bara, p. 28), alors qu’ils étaient hors du pays avec leur mère (« Residence Calculator »);

-         Bara est inscrit comme présent tous les mois de l’été 2003 et 2004 (pp. 28-29), alors que, selon les déclarations de sa mère, ils étaient en dehors du Canada du 19 juin au 5 septembre 2002 et du 2 juillet au 20 septembre 2003 (« Residence Calculator »).

 

[50]           La Cour reconnait l’admission de la demanderesse selon laquelle les enfants ont été marqués comme étant présents alors qu’ils étaient absents, ce qu’elle attribue à de l’inadvertance (DD, Affidavit de la demanderesse, p. 10, par. 5).

 

[51]           Bien que la demanderesse attribue ces erreurs à une simple inadvertance, la Cour note que ceci confirme la conclusion du juge de la citoyenneté que ces documents ne reflétaient pas adéquatement, selon la prépondérance des probabilités, le nombre de jours durant lesquels la demanderesse était physiquement présente au Canada (Motifs, p. 13).

 

[52]           Le juge de la citoyenneté a relevé que deux des retours au Canada de la demanderesse n’étaient pas attestés par une étampe d’entrée au Canada (Motifs, p. 13).

 

[53]           En fait, la Cour note que la demanderesse a quitté le Canada à sept reprises durant la période concernée (« Residence Calculator »). Sur les sept retours au Canada, seulement trois sont attestés par une étampe d’entrée : 14 janvier 2003, 20 septembre 2003 et 29 août 2004 (Dossier de citoyenneté, pp. 174, 177 et 196).

 

[54]           En tout, quatre retours au Canada ne sont pas attestés par des étampes d’entrée. Les dates alléguées pour ces retours sont : 18 décembre 2001, 5 septembre 2002, 21 novembre 2004 et 6 septembre 2005 (« Residence Calculator et questionnaire sur la résidence, p. 162).

 

[55]           La Cour reconnait plus particulièrement les retours allégués du 18 décembre 2001 et du 21 novembre 2004. Dans le cas de ces deux retours, des étampes d’entrée au Royaume-Uni sont présentes dans le passeport pour ces mêmes dates, soit respectivement le 18 décembre 2001 et le 21 novembre 2004 (p. 198).

 

[56]           Comme le juge de la citoyenneté a relevé plus précisément l’absence d’étampe d’entrée pour le 21 novembre 2004, la demanderesse a expliqué dans son affidavit qu’il y avait dans son passeport une étampe d’entrée en Jordanie datée du 28 octobre 2004 suivi d’une étampe de sortie de la Jordanie datée du 21 novembre 2004.

 

[57]           La demanderesse allègue de plus qu’il n’y a par la suite aucune étampe entre la sortie de Jordanie du 21 novembre 2004 et l’étampe d’entrée en Jordanie du 9 juillet 2005.

 

[58]           La Cour reconnait que cette assertion est erronée, puisqu’il y a une étampe d’entrée au Royaume-Uni en date du 21 novembre 2004 (p. 198; pp. 199 et 200 pour les entrées de Aysha et Bara).

 

[59]           Le Royaume-Uni n’apposant aucune étampe de sortie et la demanderesse n’ayant aucune étampe d’entrée au Canada pour cette période, il est impossible de savoir combien de temps le séjour de la demanderesse au Royaume-Uni a duré.

 

[60]           La Cour note par ailleurs que les reçus de la garderie « K.I.D.S. Westmount Day Care » pour Bara, pour la durée alléguée de ce voyage (soit du 27 octobre 2004 au 21 novembre 2004) montrent des présences continues et sans interruption de Bara (p. 29).

 

[61]           Par ailleurs, la Cour note que le relevé de présence du « YWCA » ne peut servir à démontrer la présence de la demanderesse au Canada le ou vers le 21 novembre 2004, puisque selon ce document, la demanderesse ne s’est pas présenté au « YWCA » en novembre 2004 et n’aurait que 4 présences en décembre 2004 (Dossier de citoyenneté : relevé du « YWCA » à la ligne « RSA Branch W 2004 », p. 240).

 

[62]           Par ailleurs, la lettre de l’école Al-Salam, datée du 30 mai 2009, qui attesterait des absences de la demanderesse certains samedis est très spécifique (Dossier de citoyenneté, p. 52), et sa présence régulière les autres samedis ne peut confirmer le retour au Canada le 21 novembre 2004.

 

[63]           Cette lettre pourrait tout au plus indiquer que la demanderesse aurait été présente à l’école le samedi 27 novembre 2004, puisque ce samedi n’est pas listé comme une absence.

 

[64]           Toutefois, ceci ne pourrait que démontrer que la demanderesse était au Canada le 27 novembre 2004, mais ne peut confirmer à quelle date elle serait revenue au Canada entre le 21 novembre 2004 (retour non attesté par une étampe) et le samedi 27 novembre 2004, soit une différence de six jours.

 

[65]           Considérant que, selon les dates de présences au Canada alléguées par la demanderesse, celle-ci ne dépassait seulement que de trois jours le nombre minimal requis par la Loi, son incapacité à démontrer avec une preuve suffisante toutes les dates de présence au Canada ne pouvait que lui être fatale.

 

[66]           Il revenait à la demanderesse de démontrer sa présence physique au Canada.

 

[67]           La Cour reconnait que la conclusion du juge de la citoyenneté, selon laquelle la demanderesse n’avait pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle satisfaisait à l’exigence de résidence de l’alinéa 5(1)c) de la Loi, puisque les documents soumis ne permettaient pas d’établir selon la balance des probabilités qu’elle avait été physiquement présente au Canada au cours de la période visée, n’est pas déraisonnable :

[19]      En l’espèce, il incombait au demandeur de produire une preuve suffisante démontrant qu’il satisfaisait aux critères de résidence de la Loi (Rizvi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1641, [2005] A.C.F. no 2029 (QL), au paragraphe 21). Par conséquent, il devait, selon le critère de la « présence physique », démontrer qu’il avait été présent au Canada pendant au moins 1 095 jours au cours de la période pertinente, à défaut de quoi sa demande serait rejetée. En l’espèce, la juge n’a pas été en mesure de confirmer les allégations du demandeur concernant le nombre de jours pendant lesquels il avait été présent au Canada, et ce, à cause de l’insuffisance de sa preuve. (La Cour souligne).

 

(Mizani, ci-dessus).

 

[68]           La Cour reconnait également que la demanderesse devait établir selon la balance de probabilité qu’elle rencontrait l’exigence de résidence prévue par la Loi :

[20]      Or, il incombait aux demandeurs de démontrer qu'ils ont rencontré les exigences de l'alinéa 5(1)c). Dans Maharatnam c. Canada (ministre de la citoyenneté et de l'immigration), [2000] A.C.F. no 405 (C.F. 1ère inst.) (QL), le juge Gibson écrit ainsi au paragraphe 5 :

 

Je suis persuadé qu'il incombe à la personne qui sollicite la citoyenneté canadienne de convaincre le juge de la citoyenneté qu'elle remplit les exigences de la Loi ou que le juge de la citoyenneté est fondé à exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 15(1). (La Cour souligne).

 

(Sager c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1392, 152 A.C.W.S. (3d) 21).

 

[69]           En l’espèce, il est clair que la demanderesse n’a pas fourni une preuve suffisante pour soutenir sa demande de citoyenneté. En conséquence, le juge de la citoyenneté pouvait raisonnablement conclure comme il l’a fait.

 

[70]           La conclusion du juge de la citoyenneté est raisonnable et il n’y a pas lieu pour cette Cour d’intervenir.

 

 

 

VI.  Conclusion

[71]           Bien que la demanderesse soit en désaccord avec la décision du juge de la citoyenneté, elle n’a pas démontré d’erreur qui justifierait l’intervention de cette Cour.

 

[72]           La demanderesse n’a pas démontré qu’elle satisfaisait au critère de la résidence exigé par la Loi, et le juge de la citoyenneté n’a pas erré dans son évaluation de la preuve.

 

[73]           Pour toutes ces raisons, la Cour rejette l’appel en matière de citoyenneté interjeté par la demanderesse.


 

JUGEMENT

LA COUR rejette l’Appel déposé par la demanderesse. Aucune question à certifier.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-2-10

 

INTITULÉ :                                       MARIAM SCHUBEILAT c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 1 décembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 9 décembre 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Farzad Bigdeli-Azari

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Patricia Nobl

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

FARZAD BIGDELI-AZARI

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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