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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110106

Dossier : IMM-2415-10

Référence : 2011 CF 4

Ottawa (Ontario), ce 6e jour de janvier 2011

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

FELIPE DE JESUS MORENO CORONA

CECILIA CORTES JIMENEZ

DANIEL ANTONIO MORENO CORTES

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Partie défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, (la Loi) par Felipe de Jesus Moreno Corona (le demandeur principal) ainsi que Cecilia Cortes Jimenez et Daniel Antonio Moreno Cortes. Le tribunal a conclu que les demandeurs n’avaient pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni celle de « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi.

 

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[2]          Les demandeurs sont citoyens mexicains. Le demandeur principal travaillait en tant que camionneur pour une compagnie qui faisait, entre autres, la livraison de marchandises pour la compagnie Mabe.

 

[3]          Le 8 février 2006, la camionnette du demandeur principal aurait été piratée par trois individus qui auraient volé des marchandises d’une valeur de 250,000 pesos et certains documents personnels du demandeur, y inclus sa carte d’enregistrement de vote. Un des individus se serait identifié comme membre de la police judiciaire. Les voyous auraient abandonné le demandeur en le menaçant de mort s’il s’avisait de les dénoncer.

 

[4]          Le demandeur principal allègue avoir fait une plainte à la police afin que son patron puisse démontrer à la compagnie Mabe que les marchandises avaient été volées. Il allègue que son patron est venu avec lui lorsqu’il a déposé la plainte, mais que c’est lui seul qui a parlé à la police. Il n’aurait pas nommé les policiers judiciaires comme voyous par peur qu’ils apprennent qu’il les avait dénoncés.

 

[5]          Le demandeur aurait par la suite reçu plusieurs appels téléphoniques de la part des mêmes individus le menaçant, lui et sa famille, et indiquant qu’ils savaient où il habitait et où il travaillait. Les appels auraient continué même lorsque le demandeur et sa famille ont déménagé à deux reprises, à Huanchinango et Querataro.

 

[6]          Le demandeur principal est venu au Canada le 18 octobre 2007 et a demandé l’asile à l’aéroport. Sa femme et son fils sont venus le 1er novembre 2007 et ont demandé l’asile le jour-même. La demanderesse et le fils basent leur demande entièrement sur l’histoire du demandeur principal.

 

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[7]          Le tribunal n’ayant trouvé aucun lien avec l’article 96 de la Loi, son analyse s’est faite seulement en vertu de l’alinéa 97(1)b).

 

[8]          Le tribunal n’a pas trouvé le demandeur entièrement crédible et a aussi jugé que de toute façon, le demandeur n’avait pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la protection étatique était insuffisante au Mexique. Le tribunal a particulièrement noté que le demandeur n’avait pas épuisé tous les recours domestiques possibles avant de demander la protection internationale. Le tribunal a particulièrement souligné l’existence de plusieurs services à la disposition des citoyens pour se plaindre contre la corruption, dont une « hotline » téléphonique, un service Internet et l’option de se plaindre en personne. Le tribunal a trouvé insuffisante l’explication du demandeur voulant qu’il n’a pas tenté de se prévaloir de ces services parce qu’il connaît d’autres gens qui l’auraient fait sans que les autorités n’aient donné de suite.

 

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[9]          Il y a ici deux questions en litige:

a)      La conclusion du tribunal au sujet de la crédibilité était-elle déraisonnable?

b)      Le tribunal a-t-il erré en trouvant que la protection étatique est suffisante au Mexique et que le demandeur n’a pas fait d’efforts suffisants pour s’en prévaloir?

 

 

 

[10]      La norme de contrôle applicable aux conclusions sur la crédibilité est celle de la décision raisonnable, selon le juge Michel Beaudry dans l’arrêt Auguste c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 1099, au paragraphe 6 (se basant sur Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 47). La norme de contrôle applicable aux conclusions sur la protection de l’État est également celle de la décision raisonnable, selon le juge James Russell dans l’arrêt Buitrago c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2009 CF 1046, au paragraphe 14.

 

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[11]      Considérant d’abord la question de la protection étatique, le demandeur prétend qu’il a fait des efforts suffisants pour la demander et qu’il a bien expliqué pourquoi il n’a rien fait de plus. Il soumet que le tribunal a erré en trouvant insuffisant le dépôt de sa plainte et en ne prenant pas en compte son explication à l’effet qu’il avait peur de faire d’autres démarches à cause du risque à sa famille dans une société où la police est corrompue. Le demandeur allègue que le tribunal n’a pas considéré la preuve documentaire au sujet de la corruption qui existe au Mexique et qu’il a en outre erré en trouvant que les tentatives du gouvernement d’inciter les victimes à dénoncer les crimes procurent une protection efficace contre la vengeance.

 

[12]      Comme le souligne le défendeur, le tribunal a trouvé que même en acceptant le fait que le demandeur ait porté plainte, ses efforts pour revendiquer la protection étatique avaient été insuffisants. En effet, dans l’arrêt Navarro c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 358, au paragraphe 17, le juge Yves de Montigny a bien précisé que « l’État doit à tout le moins se voir offrir une possibilité réelle d’intervenir avant que l’on puisse conclure qu’il n’est pas en mesure d’offrir la protection requise par l’un de ses citoyens ». Ici, le demandeur n’a pas indiqué dans sa plainte que les voyous pourraient être des policiers judiciaires; il n’est pas allé plus loin et n’a pas épuisé tous les recours domestiques dont il connaissait l’existence.

 

[13]      Je suis d’accord avec le défendeur qu’il n’est pas suffisant que le demandeur invoque sa crainte subjective de l’inefficacité de ces mesures (voir Sanchez c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 134, au paragraphe 9). Il appert en outre de la décision du tribunal que celui-ci a explicitement pris en compte la preuve documentaire; il a trouvé que la protection étatique existait et que le demandeur n’avait pas assez fait pour la rechercher. Dans l’arrêt Perez Burgos c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 1537, le juge Edmond Blanchard a justement noté que la protection étatique n’a pas à être parfaite et que le demandeur doit apporter une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État de le protéger.

 

[14]      Je trouve donc que la conclusion du tribunal, sur la question de la protection étatique, se situe à l’intérieur de la gamme de conclusions possibles et raisonnables. Dans les circonstances, il n’est donc pas nécessaire de disposer des arguments des parties concernant la question de la crédibilité.

 

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[15]      Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[16]      Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par un membre de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 22 mars 2010 est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2415-10

 

INTITULÉ :                                       FELIPE DE JESUS MORENO CORONA, CECILIA CORTES JIMENEZ, DANIEL ANTONIO MORENO CORTES c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 janvier 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Fanny Cumplido Hernandez           POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Bassam Khouri                              POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fanny Cumplido Hernandez                                          POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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