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Cour féderale

 

Federal Court

 

 


Date : 20110125

Dossiers : T-1375-10

T-1494-10

Référence : 2011 CF 72

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2011

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

NATIVE COUNCIL OF NOVA SCOTIA,

 NEW BRUNSWICK ABORIGINAL PEOPLES COUNCIL, NATIVE COUNCIL OF PRINCE EDWARD ISLAND, MARITIME ABORIGINAL PEOPLES COUNCIL,

 CHEF JAMIE GALLANT,

CHEF KIM NASH-MCKINLEY

 et CHEF GRACE CONRAD

 

 

demandeurs

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs demandent à la Cour de déclarer inconstitutionnelles les décisions du gouverneur en conseil et du ministre de l’Industrie, qui portaient sur le recensement de 2011 et l’Enquête nationale auprès des ménages, d’enjoindre au gouvernement du Canada de mener en 2011 un recensement et l’Enquête auprès des ménages selon le modèle qu’il propose et d’ordonner au gouvernement du Canada d’avoir recours pour le recensement au formulaire long obligatoire comme en 2006.

 

[2]               Trois demandeurs, le Native Council of Nova Scotia, le New Brunswick Aboriginal Peoples Council et le Native Council of Prince Edward Island, sont des organisations qui jouissent de l’autonomie gouvernementale et qui représentent des Autochtones hors réserve dans leur province respective. Ils sont tous membres du Aboriginal Peoples Council, un conseil intergouvernemental qui défend la cause des Autochtones à l’échelon régional. La chef Jamie Gallant est la présidente et la chef du Native Council of Prince Edward Island. Elle est une Mi’kmaq et vit hors réserve. La chef Grace Conrad est la chef et la présidente du New Brunswick Aboriginal Peoples Council. Elle est une Wolastoqiyik (Malécite) et une Indienne inscrite vivant hors réserve. La chef Kim Nash‑McKinley est la présidente et la chef du Native Council of Nova Scotia. Elle est une Mi’kmaq et une Indienne inscrite vivant hors réserve.

 

[3]               Les demandeurs contestent la façon dont le gouvernement du Canada a décidé que le recensement de 2011 sera mené ainsi que les questions concernant les peuples autochtones que le gouvernement a imposées dans l’Enquête nationale auprès des ménages. Les décisions contestées ont modifié la méthodologie et la forme du recensement par rapport au recensement de 2006. Les demandeurs soutiennent que ces changements contreviennent aux obligations constitutionnelles et légales de la Couronne envers les peuples autochtones, qu’ils violent leurs droits à l’égalité garantis par la Constitution et la loi et qu’ils feront en sorte que la Couronne sera incapable de respecter ses obligations imposées par la Loi sur la statistique, L.R.C. 1985, ch. S-19.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, les présentes demandes seront rejetées avec dépens.

 

Le recensement par opposition à une enquête volontaire

[5]               La Constitution prévoit que le gouvernement du Canada doit mener un recensement de la population canadienne tous les dix ans : Loi constitutionnelle de 1867, article 8 et paragraphe 91(6). Depuis 1971, le gouvernement du Canada, par l’intermédiaire de Statistique Canada, a mené un recensement de la population canadienne tous les cinq ans : Loi sur la statistique, paragraphe 19(1).

 

[6]               La Loi constitutionnelle de 1867 ne prévoit aucunement la façon dont le recensement doit être fait ni quels renseignements doivent être recueillis. Au Canada, le premier recensement de la population a été mené en 1871 et on y demandait les renseignements suivants : le nom, le sexe, l’âge, le pays ou la province de naissance, la religion, l’origine, la profession, l’occupation ou le métier, et les questions de savoir si la personne était née dans les douze derniers mois, si elle était mariée, si elle s’était mariée ou avait perdu son conjoint dans les douze derniers mois, si elle savait lire et écrire, si elle fréquentait l’école et si elle était sourde‑muette ou aveugle[1].

 

[7]               Le paragraphe 19(2) de la Loi sur la statistique prévoit la seule exigence légale quant au contenu du recensement. Il dispose que le recensement « est fait de façon à veiller à ce que le dénombrement de la population soit établi pour chaque circonscription électorale fédérale du Canada ». En application du paragraphe 21(1) de la Loi sur la statistique, le « gouverneur en conseil prescrit, par décret, les questions à poser lors d’un recensement fait en vertu des articles 19 et 20 ».

 

[8]               Vu la nature constitutionnelle du recensement et l’exigence qu’il dénombre toute personne résidant au Canada à la date où il est fait, ce n’est guère surprenant que l’article 31 de la Loi sur la statistique crée une infraction et que toute personne qui refuse ou néglige de répondre ou qui donne volontairement une réponse fausse à une toute question du recensement se rend coupable de cette infraction. C’est en raison de cette disposition que le recensement est souvent qualifié d’« obligatoire ».

 

[9]               Statistique Canada, qui mène le recensement pour le compte du gouvernement du Canada, peut également mener des enquêtes. L’article 8 de la Loi sur la statistique prévoit que « le ministre [de l’Industrie] peut, par arrêté, autoriser l’obtention, à des fins particulières autres que le recensement de la population ou le recensement agricole, de renseignements à titre volontaire » et, lorsque de tels renseignements sont demandés, la personne qui refuse ou néglige de répondre ou qui donne volontairement une réponse fausse à toute question de l’enquête ne se rend pas coupable d’une infraction. La grande différence entre le recensement et l’enquête est que le premier a pour but de dénombrer la population canadienne et les personnes au Canada sont tenues de le remplir avec exactitude alors que le second est volontaire et n’est d’ordinaire envoyé qu’à un certain nombre de résidants du Canada.

 

[10]           En 2006, comme lors de tous les recensements depuis 1971, deux formulaires ont été utilisés. La plupart des ménages (80 %) ont reçu le formulaire abrégé qui renfermait huit questions de base sur des sujets tels que l’âge, le sexe, l’état matrimonial et la langue maternelle. L’autre 20 % des ménages a reçu le formulaire long, qui renfermait les huit questions du formulaire abrégé et 53 autres questions sur des sujets tels que l’éducation, l’ethnie, la mobilité, le revenu, l’emploi et les caractéristiques liés au logement. Il était obligatoire de remplir ces formulaires, et l’omission de les remplir avec exactitude constituait une infraction.

 

[11]           En 2010, le gouvernement du Canada a décidé que le formulaire long serait écarté, mais que chaque ménage du pays devrait encore remplir le formulaire abrégé. Il a été aussi décidé que Statistique Canada mènerait une enquête volontaire appelée Enquête nationale auprès des ménages (l’Enquête) qui serait distribuée au tiers des ménages canadiens. Les questions posées dans l’Enquête, à quelques exceptions près, sont celles qui avaient été posées dans le formulaire long du recensement de 2006.

 

Les questions concernant les peuples autochtones

[12]           Le formulaire abrégé du recensement de 2006 ne renfermait aucune question concernant les peuples autochtones et le recensement de 2011 n’en renfermera aucune.

 

[13]           Le formulaire long du recensement de 2006 comprenait quatre questions concernant l’identité et l’ascendance autochtones, soit les questions 17, 18, 20 et 21. Les questions sont reproduites au complet dans l’annexe A; elles se résument ainsi :

17. Quelles étaient les origines ethniques ou culturelles des ancêtres de cette personne?

 

18. Cette personne est-elle un Autochtone, c’est-à-dire un Indien de l’Amérique du Nord, un Métis ou un Inuit (Esquimau)?

 

20. Cette personne appartient-elle à une bande indienne ou à une première nation?

 

21. Cette personne est-elle un Indien des traités ou un Indien inscrit aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada?

 

[14]           L’Enquête renfermera quatre questions concernant l’identité et l’ascendance autochtones, soit les questions 17, 18, 20 et 21. Ces questions sont également reproduites dans l’annexe A; elles se résument ainsi :

17. Quelles étaient les origines ethniques ou culturelles des ancêtres de cette personne?

 

18. Cette personne est-elle un Autochtone, c’est-à-dire Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord), Métis ou Inuk (Inuit)?

 

20. Cette personne est-elle un Indien avec statut (Indien inscrit ou des traités aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada)?

 

21. Cette personne est-elle membre d’une Première Nation/bande indienne?

 

 

[15]           Comme je l’ai noté précédemment, les demandeurs contestent le retrait du formulaire long et le libellé des questions concernant les peuples autochtones dans l’Enquête. Ces décisions ont fait l’objet du décret et de l’arrêté contestés. Le gouverneur en conseil, dans le décret C.P. 2010‑1077 pris le 12 août 2010, a décidé que le recensement de 2011 aurait lieu en mai 2011 et a énoncé les dix questions qui seront posées. Le statisticien en chef, par arrêté pris le 19 juillet 2010, a ordonné que l’Enquête soit menée et a établi les 66 questions qui seront posées.

 

L’objection préliminaire relativement à la preuve

[16]           Les demandeurs ont déposé les affidavits des demanderesses ainsi que les affidavits de M. Roger Hunka, de M. Andrew J. Siggner et de M. David A. Binder. M. Roger Hunka est le directeur des Affaires intergouvernementales du Maritime Aboriginal Peoples Council. M. Siggner est un démographe; il a une formation en sociologie et en démographie. Il a obtenu un baccalauréat avec spécialisation en sociologie de l’Université Western en 1969 et une maîtrise en sociologie avec spécialisation en démographie en 1971. Il est membre de la Société canadienne de la population dont il a été le secrétaire‑trésorier. M. Binder est mathématicien et statisticien. Il détient un doctorat en statistique et a été désigné statisticien professionnel agréé par la Société statistique du Canada.

 

[17]           Avant l’audience, le défendeur a présenté une requête en radiation de passages de chacun des six affidavits déposés par les demandeurs au motif que les affidavits [traduction] « étaient composés, pour la plus grande partie, d’éléments de preuve extrinsèques dont ne disposait pas le décideur légal » et qu’ils ne portaient pas seulement sur les connaissances personnelles du déclarant, ce qui est exigé par le paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, mais étaient plutôt [traduction] « remplis d’opinions, de conclusions, d’hypothèses et de détails superflus ». Le protonotaire responsable de la gestion de l’instance a laissé le soin au juge saisi de l’affaire de trancher cette requête sur le fond.

 

[18]           En Cour fédérale, les affidavits, en règle générale, doivent se limiter à la connaissance personnelle du déclarant. Le paragraphe 81(1) des Règles des Cours fédérales prévoit ce qui suit :

81. (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête – autre qu’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire – auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

81. (1) Affidavits shall be confined to facts within the deponent’s personal knowledge except on motions, other than motions for summary judgment or summary trial, in which statements as to the deponent’s belief, with the grounds for it, may be included.

 

 

[19]           Les demandeurs soutiennent que le paragraphe 81(1) des Règles ne s’applique pas à la question de l’admissibilité de la preuve portant sur la Constitution ou la loi. Ils affirment que ce paragraphe fait écho au principe général interdisant le ouï‑dire, mais qu’il ne remplace pas les exceptions à ce principe reconnues en common law : Canadian Tire Corp. c. P.S. Partsource Inc., 2001 CAF 8. Sur le fondement du paragraphe 3 de la décision Westergard-Thorpe c. Canada (Procureur Général), [1999] A.C.F. no 721 (C.F. 1re inst.), les demandeurs soutiennent qu’il n’existe que deux restrictions à l’admissibilité de la preuve extrinsèque dans les affaires de nature constitutionnelle : (i) les éléments de preuve douteux en soi ou qui pêchent contre l’ordre public et (ii) les éléments de preuve servant à l’interprétation des lois. Les demandeurs affirment que la preuve déposée est essentielle et ils soulignent que la Cour suprême du Canada a estimé qu’il était essentiel de veiller à ce qu’il existe un contexte factuel adéquat lorsque la validité d’une loi est contestée sur le fondement de la Charte. Dans l’arrêt MacKay c. Manitoba, [1989] 2 R.C.S. 357, aux paragraphes 8 et 9, la Cour suprême a écrit ce qui suit :

Les affaires relatives à la Charte porteront fréquemment sur des concepts et des principes d’une importance fondamentale pour la société canadienne. Par exemple, les tribunaux seront appelés à examiner des questions relatives à la liberté de religion, à la liberté d’expression et au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Les décisions sur ces questions doivent être soigneusement pesées, car elles auront des incidences profondes sur la vie des Canadiens et de tous les résidents du Canada. Compte tenu de l’importance et des répercussions que ces décisions peuvent avoir à l’avenir, les tribunaux sont tout à fait en droit de s’attendre et même d’exiger que l’on prépare et présente soigneusement un fondement factuel dans la plupart des affaires relatives à la Charte. Les faits pertinents présentés peuvent toucher une grande variété de domaines et traiter d’aspects scientifiques, sociaux, économiques et politiques. Il est souvent très utile pour les tribunaux de connaître l’opinion d’experts sur les répercussions futures de la loi contestée et le résultat des décisions possibles la concernant.

Les décisions relatives à la Charte ne doivent pas être rendues dans un vide factuel. Essayer de le faire banaliserait la Charte et produirait inévitablement des opinions mal motivées. La présentation des faits n’est pas, comme l’a dit l’intimé, une simple formalité; au contraire, elle est essentielle à un bon examen des questions relatives à la Charte. Un intimé ne peut pas, en consentant simplement à ce que l’on se passe de contexte factuel, attendre ni exiger d’un tribunal qu’il examine une question comme celle‑ci dans un vide factuel. Les décisions relatives à la Charte ne peuvent pas être fondées sur des hypothèses non étayées qui ont été formulées par des avocats enthousiastes.

 

[20]           Il ne fait aucun doute que les contestations fondées sur la Charte exigent un contexte factuel adéquat, et je rejette l’allégation du défendeur selon laquelle les seuls documents régulièrement soumis à la Cour dans les affaires comme en l’espèce sont ceux dont disposaient les décideurs lorsque le décret et l’arrêté contestés ont été pris. Cependant, je suis d’accord avec le défendeur que nombre de paragraphes des affidavits rédigés par les déclarants des demandeurs ne fournissent absolument aucun renseignement factuel, mais consistent plutôt en des opinions et des hypothèses.

 

[21]           Le défendeur soutient que tout ou partie des paragraphes qui suivent devrait être radié des affidavits :

a.       Affidavit de Mme Nash-McKinley : paragraphes 16, 19, 20, 21, 22, 23, 24;

b.      Affidavit de Mme Conrad : paragraphes 19, 20, 21, 22, 23, 24;

c.       Affidavit de Mme Gallant : paragraphes 19, 20, 21, 22, 23, 24;

d.      Affidavit de M. Hunka : paragraphes 11, 12, 13, 15, 16, 17, 28, 29, 33, 40, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 61, 62;

e.       Affidavit de M. Binder : paragraphes 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40;

f.        Affidavit de M. Siggner : paragraphes 7, 9, 14, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 58, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 45, 47, 48, 49, 50, 51.

 

[22]           La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé les circonstances dans lesquelles la Cour doit radier tout ou partie des affidavits. Au paragraphe 18 de l’arrêt Canada (Procureur général.) c. Quadrini, 2010 CAF 47, la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :

En général, l’affidavit doit contenir des renseignements pertinents qui aideraient la Cour à trancher la demande. Comme l’a souligné notre Cour dans Dwyvenbode c. Canada (Procureur général), 2009 CAF 120, l’affidavit a pour but de présenter les faits pertinents quant au litige sans commentaires ni explications. La Cour peut radier des affidavits ou des parties de ceux‑ci lorsqu’ils sont abusifs ou n’ont clairement aucune pertinence, lorsqu’ils renferment une opinion, des arguments ou des conclusions de droit […].

 

[Souligné dans l’original.]

 

[23]           En général, la preuve factuelle dans les affaires de nature constitutionnelle est composée de faits en litige ou de faits législatifs. Les faits en litige constituent le fondement des faits portant sur les parties et, vu qu’ils visent une affaire donnée, ils doivent être établis par des éléments de preuve admissibles. Les faits législatifs établissent l’objet et l’historique de la loi, y compris son contexte social, économique et culturel, et les conditions de leur admissibilité sont moins sévères : Danson c. Ontario (Procureur général), [1990] 2 R.C.S. 1086.

 

[24]           La preuve extrinsèque est admissible dans les affaires de nature constitutionnelle parce qu’il s’agit souvent de la seule façon d’aborder une question constitutionnelle, particulièrement lorsqu’il est question du défaut de compétence : voir Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees’ Union, [2000] 1 C.F. 135 (C.A.F.), au paragraphe 13.

 

[25]           On peut affirmer que la plupart des passages contestés par le défendeur dans les affidavits déposés par les demandeurs renferment des faits législatifs parce qu’ils fournissent du contexte aux prétentions constitutionnelles. À cet égard, les demandeurs ont présenté des éléments de preuve pour établir que le gouvernement et d’autres organismes ou personnes ont eu recours aux données recueillies lors du recensement de 2006 afin de prendre des décisions concernant les services offerts aux Autochtones, que les programmes et les services offerts aux Autochtones par l’intermédiaire des bandes inscrites ne sont souvent pas offerts aux Autochtones hors réserve et que les Autochtones sont moins susceptibles de remplir une enquête volontaire qu’un recensement obligatoire. Les demanderesses affirment dans leur affidavit qu’il s’agit de leur crainte. Je conclus que ces éléments de preuve sont admissibles, et ce, même s’il se peut qu’ils ne méritent que peu de valeur probante. Les affidavits des deux experts des demandeurs portent de façon générale sur les possibles effets du changement de méthodologie utilisée lors du recensement et de l’Enquête en comparaison avec la méthodologie utilisée lors du recensement de 2006 ainsi que sur les possibles conséquences liées à l’utilisation de l’Enquête au lieu d’un recensement obligatoire fait au moyen d’un formulaire long. Je conclus que ni l’un ni l’autre ne sont inadmissibles : on peut soutenir que ces affidavits fournissent des faits législatifs nécessaires à la contestation des demandeurs fondée sur la Constitution. Cependant, dans certains paragraphes, les experts dépassent leur expertise, ne sont plus objectifs et sont trop en phase avec les intérêts de leur client. Ces paragraphes seront radiés.

 

[26]           La déclaration selon laquelle les fonds reçus ne permettent pas de répondre aux besoins des Autochtones hors réserve n’est pas pertinente aux questions dont est saisie la Cour en l’espèce et le paragraphe 16 de l’affidavit de Mme Nash-McKinley est donc radié.

 

[27]           Les paragraphes 11, 12, 13 et 59 de l’affidavit de M. Hunka constituent des énoncés de droit et, bien que de tels énoncés soient acceptables dans les observations écrites des avocats, ils ne conviennent pas dans un affidavit, surtout lorsque rien ne donne à penser que le déclarant possède quelque formation juridique que ce soit. Les paragraphes 29, 33 et 35 de l’affidavit de M. Hunka constituent du ouï‑dire, car il s’agit de déclarations qui auraient été faites par d’autres personnes; ils sont donc radiés. Le paragraphe 34 est radié parce qu’il prétend énoncer les raisons ayant mené à la démission du statisticien en chef. Le déclarant n’a aucune connaissance personnelle à cet égard et, quoi qu’il en soit, ce n’est pas pertinent en l’espèce. Les paragraphes 43 à 58 renferment des hypothèses sur les conséquences que pourraient avoir les changements contestés par les demandeurs; il s’agit de l’opinion du déclarant. Le déclarant n’étaye aucunement ces opinions dans l’affidavit, et rien ne donne à penser qu’il est un expert dans les domaines sur lesquels il se prononce. Ces paragraphes sont par conséquent radiés.

 

[28]           La partie du paragraphe 38 de l’affidavit de M. Siggner commençant par les mots [traduction] « en espérant que […] » jusqu’à la fin du paragraphe et le paragraphe 39 sont radiés. M. Siggner y fait des hypothèses quant aux objectifs du gouvernement du Canada et il y qualifie les mesures prises par ce dernier, ce qui est injustifié et préjudiciable, et cela dépasse l’expertise du déclarant.

 

[29]           Le paragraphe 17 de l’affidavit de M. Binder est radié, car ce dernier y tire une conclusion juridique qui dépasse son expertise.

 

[30]           En définitive, vu les motifs de la présente décision et la décision en l’espèce, la preuve déposée par les demandeurs n’a eu qu’une importance secondaire et je lui ai accordé peu de force probante.

 

Les questions en litige

[31]           Les demandeurs et le défendeur ont soulevé les questions en litige suivantes :

1.      Quelle est la norme de contrôle applicable?

2.      Les changements apportés au recensement contreviennent‑ils aux obligations constitutionnelles du défendeur envers les peuples autochtones prévues au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982?

3.      Les changements apportés au recensement contreviennent‑ils à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés?

4.      Les changements apportés au recensement contreviennent‑ils à Loi canadienne sur les droits de la personne?

5.      Les changements apportés au recensement contreviennent‑ils à l’article 9 de la Loi sur la statistique?

6.      Les changements apportés au recensement font‑ils en sorte que le défendeur sera incapable de respecter ses obligations imposées par la Loi sur la statistique?

7.      S’il y a eu violation de droits, quelle est la réparation appropriée?

 

Analyse

La norme de contrôle

[32]           Le défendeur soutient que le gouvernement du Canada, lorsqu’il a pris le décret et l’arrêté contestés, a exercé des pouvoirs de nature législative et que la Cour doit donc faire preuve de retenue envers ces décisions. Il allègue aussi que la Cour ne devrait pas se pencher sur les raisons pour lesquelles le gouverneur en conseil a pris le décret, car il s’agit d’une prérogative royale.

 

[33]           Je conviens qu’il n’appartient pas à la Cour d’examiner les raisons qui ont poussé le gouvernement à prendre ses décisions, car ce n’est pas pertinent quant aux questions dont la Cour est saisie. Cependant, la Cour ne doit aucunement faire preuve de retenue envers le défendeur quant à la question de savoir si le décret et l’arrêté sont constitutionnels. Le paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue la partie I de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.), prévoit ce qui suit :

52. (1) La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

52. (1) The Constitution of Canada is the supreme law of Canada, and any law that is inconsistent with the provisions of the Constitution is, to the extent of the inconsistency, of no force or effect.

 

La norme de contrôle applicable est la décision correcte. Si le décret et l’arrêté sont incompatibles avec la Constitution du Canada, ils doivent alors être déclarés inopérants. S’ils ne sont pas incompatibles avec la Constitution, alors la Cour ne doit pas intervenir.

 

Les changements apportés au recensement contreviennent‑ils aux obligations constitutionnelles du défendeur envers les peuples autochtones prévues au paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 et à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982?

 

[34]           Les demandeurs soutiennent que les obligations de la Couronne envers les peuples autochtones découlent du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867, qui donne au fédéral compétence sur « [l]es Indiens et les terres réservées pour les Indiens », et de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît les « droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada ». Les demandeurs affirment que les obligations de la Couronne comprennent également « l’honneur de la Couronne », comme l’a reconnu la Cour suprême dans l’arrêt Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, qui dispose que la Couronne doit agir honorablement lorsqu’elle transige avec les peuples autochtones. Enfin, les demandeurs avancent que les obligations de la Couronne doivent être interprétées à la lumière de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, laquelle a été appuyée par le gouvernement du Canada le 12 novembre 2010.

 

[35]           Les demandeurs soutiennent que le retrait du formulaire long obligatoire et son remplacement par l’Enquête volontaire contreviendront aux obligations de la Couronne envers les peuples autochtones. Ils avancent que ce changement nuira à la qualité, à l’exactitude, à la fiabilité et à la comparabilité des données sur les peuples autochtones, particulièrement celles portant sur les Autochtones hors réserve et les Autochtones non inscrits. Les demandeurs plaident que les données du recensement constituent une source importante de renseignements auxquels a recours le gouvernement lors de l’élaboration de programmes et de services mis sur pied afin de respecter ses obligations constitutionnelles envers les Autochtones. En résumé, les demandeurs soutiennent qu’en définitive ces changements compromettront les programmes et les services auxquels ont accès les peuples autochtones et plus particulièrement les Autochtones hors réserve.

 

[36]           L’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit ce qui suit :

35. (1) Les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

 

(2) Dans la présente loi, « peuples autochtones du Canada » s’entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada.

 

(3) Il est entendu que sont compris parmi les droits issus de traités, dont il est fait mention au paragraphe (1), les droits existants issus d’accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d’être ainsi acquis.

 

(4) Indépendamment de toute autre disposition de la présente loi, les droits — ancestraux ou issus de traités — visés au paragraphe (1) sont garantis également aux personnes des deux sexes.

35. (1) The existing aboriginal and treaty rights of the aboriginal peoples of Canada are hereby recognized and affirmed.

 

(2) In this Act, "aboriginal peoples of Canada" includes the Indian, Inuit and Métis peoples of Canada.

 

 

(3) For greater certainty, in subsection (1) "treaty rights" includes rights that now exist by way of land claims agreements or may be so acquired.

 

 

 

(4) Notwithstanding any other provision of this Act, the aboriginal and treaty rights referred to in subsection (1) are guaranteed equally to male and female persons.

 

 

 

[37]           Afin de démontrer qu’il y a eu violation de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, les demandeurs doivent établir que des droits ancestraux ou issus de traités sont en cause, ce qu’ils n’ont pas fait. Ils n’ont aucunement allégué qu’il y avait quelque traité que ce soit en cause et ni plaidé qu’il était possible qu’un droit ancestral eût été violé. Ils ont plutôt invoqué une obligation générale de la Couronne, soit « l’honneur de la Couronne », comme fondement à leur allégation selon laquelle un droit garanti par la Constitution avait été violé.

 

[38]           Les demandeurs avancent que la Cour suprême, dans l’arrêt Nation haïda, a conclu que l’honneur de la Couronne est toujours en jeu lorsque le gouvernement du Canada transige avec les peuples autochtones du Canada. Il invoque en particulier les paragraphes 16 et 17 des motifs :

L’obligation du gouvernement de consulter les peuples autochtones et de prendre en compte leurs intérêts découle du principe de l’honneur de la Couronne. L’honneur de la Couronne est toujours en jeu lorsque cette dernière transige avec les peuples autochtones : voir par exemple R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771, par. 41; R. c. Marshall, [1999] 3 R.C.S. 456. Il ne s’agit pas simplement d’une belle formule, mais d’un précepte fondamental qui peut s’appliquer dans des situations concrètes.

Les origines historiques du principe de l’honneur de la Couronne tendent à indiquer que ce dernier doit recevoir une interprétation généreuse afin de refléter les réalités sous‑jacentes dont il découle. Dans tous ses rapports avec les peuples autochtones, qu’il s’agisse de l’affirmation de sa souveraineté, du règlement de revendications ou de la mise en œuvre de traités, la Couronne doit agir honorablement. Il s’agit là du minimum requis pour parvenir à « concilier la préexistence des sociétés autochtones et la souveraineté de Sa Majesté » : Delgamuukw, précité, par. 186, citant Van der Peet, précité, par. 31.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[39]           Je ne suis pas convaincu que l’arrêt de la Cour suprême va aussi loin que les demandeurs l’avancent. À mon avis, cet arrêt, interprété de façon appropriée, ne dispose pas que l’honneur de la Couronne est en jeu à chaque fois que la Couronne prend des mesures qui pourraient avoir des répercussions indirectes sur les peuples autochtones. Les tribunaux, dans l’arrêt Nation haïda et dans d’autres décisions, ont plutôt souligné que l’honneur de la Couronne est en jeu lorsque des intérêts ou des droits ancestraux sont en cause dans les affaires de la Couronne. Dans l’affaire Nation haïda, le droit ou l’intérêt en cause était les titres ancestraux sur l’ensemble des terres d’Haida Gwaii et sur les eaux les entourant que la première nation haïda prétendait avoir. Dans les affaires Badger et Marshall, dont il a été question dans les citations ci‑dessus, les personnes revendiquaient des droits issus de traités conclus entre la Couronne et leur nation autochtone. Cela ressort clairement, par exemple, du paragraphe 41 de l’arrêt Badger où la Cour suprême affirme ce qui suit :

[…] [L]’honneur de la Couronne est toujours en jeu lorsqu’elle transige avec les Indiens. Les traités et les dispositions législatives qui ont une incidence sur les droits ancestraux ou issus de traités doivent être interprétés de manière à préserver l’intégrité de la Couronne. Il faut toujours présumer que cette dernière entend respecter ses promesses. Aucune apparence de « manœuvres malhonnêtes » ne doit être tolérée.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[40]           Dans l’affaire Nation haïda, aucun droit ancestral n’avait été établi, mais il existait une revendication d’un titre appuyée par une preuve à première vue valable, laquelle justifiait, selon la Cour suprême au paragraphe 35 de cet arrêt, qu’entrent en jeu l’honneur de la Couronne et son obligation de consulter :

Mais à quel moment, précisément, l’obligation de consulter prend‑elle naissance? L’objectif de conciliation ainsi que l’obligation de consultation, laquelle repose sur l’honneur de la Couronne, tendent à indiquer que cette obligation prend naissance lorsque la Couronne a connaissance, concrètement ou par imputation, de l’existence potentielle du droit ou titre ancestral revendiqué et envisage des mesures susceptibles d’avoir un effet préjudiciable sur celui‑ci […].

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[41]           En l’espèce, les demandeurs n’ont aucunement établi l’existence de droits ou de titres ancestraux qui auraient pu subir un effet préjudiciable des mesures prises par le gouvernement en ce qui a trait au recensement de 2011. Je conclus donc que l’honneur de la Couronne n’est pas en jeu.

 

[42]           En outre, je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que, bien que le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au fédéral la compétence pour légiférer sur les « Indiens et les terres réservées pour les Indiens », il n’oblige pas le Canada à légiférer sur toutes les questions visant les peuples autochtones. En particulier, ce paragraphe ne crée aucunement une obligation expresse selon laquelle le gouvernement du Canada serait tenu de recueillir des données sur les Autochtones au Canada, et encore moins l’obligation de les recueillir grâce à formulaire long obligatoire donné. Je souscris à l’opinion formulée par le juge Addy au paragraphe 54 de la décision Bande indienne de la rivière Blueberry c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, [1987] A.C.F. no 1005 :

[…] [L]es dispositions de la Constitution ne sont d’aucune utilité pour les demandeurs sur ce point. La Loi sur les Indiens a été adoptée en vertu du pouvoir exclusif conféré au Parlement du Canada par le paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [S.C.R. 1970, Appendice II, no 5] (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1)]. Cette disposition ne comporte pas plus l’obligation légale de légiférer ou de mettre en œuvre des programmes pour le bénéfice des Indiens que l’existence de divers groupes défavorisés dans la société crée pour les gouvernements une obligation générale, exécutoire en justice, de prendre soin de ces groupes, même s’il existe évidemment une obligation morale et politique de le faire dans une société démocratique où le bien-être de l’individu est jugé primordial.

 

Les changements apportés au recensement contreviennent‑ils à l’article 15 de la Charte?

[43]           Dans l’arrêt R. c. Kapp, [2008] 2 R.C.S. 483, la Cour suprême a reformulé le critère relatif aux conclusions de discrimination au sens de l’article 15 de la Charte, lequel critère avait d’abord été élaboré dans les arrêts Law Society of British Columbia c. Andrews, [1989] 1 R.C.S. 143, et Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497. Au paragraphe 17 de l’arrêt Kapp, la Cour suprême énonce le critère comme suit : « (1) La loi crée‑t‑elle une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue? (2) La distinction crée‑t‑elle un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes? »

 

[44]           Les demandeurs notent à bon droit que la Cour suprême a reconnu que l’autochtonité et l’autochtonité‑lieu de résidence sont des motifs de discrimination illicite : Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203. Ils soutiennent que les changements au recensement entraîneront de la discrimination fondée sur ces deux motifs. Selon eux, les changements feront en sorte que les peuples autochtones seront traités différemment et seront désavantagés en comparaison des non‑Autochtones parce que le dénombrement de la population autochtone sera incomplet et que les données recueillies à son sujet seront moins précises. Les utilisateurs des données n’auront donc pas de données exactes, fiables et comparables au sujet de ce groupe.

 

[45]           Les demandeurs allèguent que le problème sera particulièrement criant pour les Autochtones hors réserve et les Autochtones non inscrits parce que ceux qui vivent hors réserve sont dispersés d’un point de vue géographique et parce que les données à leur sujet seront difficiles à trouver, à cerner et à obtenir sans le formulaire long et sans l’Enquête auprès des peuples autochtones, laquelle enquête est fondée sur les données du recensement. Selon les demandeurs, vu que ces données sont utilisées pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques, des programmes et des services visant les peuples autochtones, la diminution de la qualité des données aura vraisemblablement des répercussions sur la qualité et l’accessibilité de ces programmes et services. Il en résultera une différence de traitement par rapport aux non‑Autochtones, et les répercussions sur les Autochtones hors réserve seront particulièrement dévastatrices. Les demandeurs allèguent essentiellement qu’ils seraient victimes de discrimination fondée sur trois motifs étroitement liés, mais distincts : l’autochtonité, le fait de ne pas être un Autochtone inscrit et le fait de vivre hors réserve. Le recours à de multiples groupes de comparaison a été reconnu comme étant valable lorsqu’une partie qui revendique le droit à l’égalité allègue une discrimination fondée sur différentes caractéristiques personnelles : Falkiner c. Ontario (Ministry of Community and Social Services, Income Maintenance Branch) (2002), 59 O.R. (3d) 481 (C.A.Ont.). Par conséquent, en l’espèce, les groupes de comparaison indiqués seraient les non‑Autochtones, les Autochtones inscrits et les Autochtones vivant dans les réserves.

 

[46]           À mon avis, les demandeurs n’ont pas établi que les dispositions légales en litige créent une distinction fondée sur l’autochtonité ni sur l’autochtonité‑lieu de résidence. Les changements apportés au recensement ne créent pas une distinction expresse fondée sur les motifs allégués de discrimination; en l’espèce, les demandeurs soutiennent essentiellement qu’il y a discrimination par suite d’un effet préjudiciable. Ce genre de discrimination se produit lorsqu’une loi à première vue neutre, tels les changements apportés au recensement, a un effet discriminatoire.

 

[47]           Selon les demandeurs, ils seraient victimes de discrimination par suite du nouveau recensement parce qu’ils n’auraient pas droit « au même bénéfice de la loi » garanti par l’article 15; plus précisément, ils ne pourraient pas obtenir des données exactes sur leurs électeurs. Le problème avec cette allégation est que toute diminution de la qualité des données qui pourrait être causée par les changements au recensement ne défavoriserait pas les groupes demandeurs. L’allégation des demandeurs selon laquelle les changements nuiront à leur capacité de bénéficier d’une manière égale des services du gouvernement ne tient pas compte du fait que les Canadiens n’ont pas tous accès aux services en question : seuls les peuples autochtones peuvent bénéficier de ces programmes et services. Puisque les seuls Canadiens pouvant bénéficier de ces services sont les Autochtones, leur argument selon lequel les Autochtones ne peuvent pas [traduction] « bénéficier d’une manière égale » de ces services par rapport aux non‑Autochtones n’a aucun fondement. En outre, même si l’on acceptait que les changements entraîneraient un dénombrement incomplet et que les données seraient donc moins précises, cela ne peut pas être qualifié à juste titre de distinction parce que, en réalité, la diminution alléguée toucherait tous les Canadiens. Si, comme l’affidavit le donne à penser, un certain nombre de groupes sociaux était moins susceptible de répondre à une enquête volontaire, la fiabilité des données dans leur ensemble, et non seulement les données sur les Autochtones, serait compromise. Qui plus est, l’allégation des demandeurs selon laquelle les données sur les peuples autochtones seraient faussées parce qu’on peut s’attendre à ce que les Autochtones qui répondront à l’Enquête soient instruits, sachent lire et écrire, aient une situation socio‑économique élevée, soient plus âgée et soient moins portés à déménager, ne leur est d’aucune aide pour établir une distinction fondée sur l’autochtonité ou sur l’autochtonité‑lieu de résidence parce que ces facteurs auraient le même effet sur le taux de réponse des autres Canadiens.

 

[48]           Deuxièmement, tout effet préjudiciable possible sur le taux de réponse des Autochtones découlant de la décision de retirer le formulaire long obligatoire et de le remplacer par l’Enquête volontaire ne serait pas dû aux caractéristiques inhérentes des groupes demandeurs; il serait plutôt dû à des choix individuels. Bien que ce choix puisse être influencé par des facteurs sociaux propres aux Autochtones, le bas taux de réponse ne constitue pas une véritable caractéristique des Autochtones, des Autochtones non inscrits ni des Autochtones hors réserve. En reconnaissant que certaines caractéristiques peuvent entraîner une distinction même si cette distinction n’est pas expressément prévue par la loi en cause, le principe de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable vise à ce que l’égalité garantie par l’article 15 de la Charte entraîne une égalité réelle. En l’espèce, les décisions du gouvernement ne créent tout simplement pas une distinction.

 

[49]           La Cour suprême du Canada a traité pour la première fois de la notion de discrimination par suite d’un effet préjudiciable dans l’arrêt Ontario (Human Rights Commission) c. Simpsons Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, dans lequel le juge McIntyre, dans le contexte des lois sur les droits de la personne, a écrit ce qui suit au paragraphe 18 :

On doit faire la distinction entre ce que je qualifierais de discrimination directe et ce qu’on a déjà désigné comme le concept de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable en matière d’emploi. À cet égard, il y a discrimination directe lorsqu’un employeur adopte une pratique ou une règle qui, à première vue, établit une distinction pour un motif prohibé. Par exemple, « Ici, on n’embauche aucun catholique, aucune femme ni aucun Noir ». En l’espèce, il est évident que personne ne conteste que la discrimination directe de cette nature contrevient à la Loi. D’autre part, il y a le concept de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable. Ce genre de discrimination se produit lorsqu’un employeur adopte, pour des raisons d’affaires véritables, une règle ou une norme qui est neutre à première vue et qui s’applique également à tous les employés, mais qui a un effet discriminatoire pour un motif prohibé sur un seul employé ou un groupe d’employés en ce qu’elle leur impose, en raison d’une caractéristique spéciale de cet employé ou de ce groupe d’employés, des obligations, des peines ou des conditions restrictives non imposées aux autres employés

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[50]           Au paragraphe 138 de l’arrêt Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513, le juge Cory a décrit la discrimination par suite d’un effet préjudiciable de la façon suivante :

La discrimination directe met en cause une loi, une règle ou une pratique qui, à première vue, établit une discrimination fondée sur un motif illicite. La discrimination par suite d’un effet préjudiciable existe lorsque la loi, la règle ou la pratique, apparemment neutre, produit toutefois un résultat disproportionné à l’endroit d’un groupe en raison d’une caractéristique qui lui est propre.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[51]           Au paragraphe 67 de l’arrêt Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241, la Cour suprême a écrit ce qui suit :

Certains des motifs illicites visent principalement à éliminer la discrimination par l’attribution de caractéristiques fausses fondées sur des attitudes stéréotypées se rapportant à des conditions immuables comme la race ou le sexe. […] L’enquête sur la discrimination qui recourt au raisonnement fondé sur « l’attribution de caractéristiques stéréotypées », dans son acception courante, est tout simplement inappropriée dans le cas présent. Elle peut être considérée plutôt comme un cas d’inversion d’un stéréotype qui, en ne tenant pas compte de la condition d’une personne handicapée, fait abstraction de sa déficience et la force à se tirer d’affaire toute seule dans l’environnement de l’ensemble de la société. C’est la reconnaissance des caractéristiques réelles, et l’adaptation raisonnable à celles‑ci, qui constitue l’objectif principal du par. 15(1) en ce qui a trait à la déficience.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[52]           Cette façon de voir les indices de la discrimination par suite d’un effet préjudiciable a été confirmée dans l’arrêt Law, au paragraphe 36 :

Dans de tels cas, c’est l’omission des dispositions de tenir compte des véritables caractéristiques d’une personne ou d’un groupe défavorisés au sein de la société canadienne (p. ex., en accordant un traitement formellement identique à tous), et non l’établissement exprès d’une distinction, qui déclenche l’application du par. 15(1).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[53]           La tendance d’un certain groupe à ne pas répondre à une enquête volontaire ne peut pas être qualifiée de « véritable caractéristique » au sens donné à ces mots par la jurisprudence. Les demandeurs n’ont aucunement allégué que les Autochtones, les non‑Autochtones ou les Autochtones ont des caractéristiques qui les empêcheraient de remplir une enquête volontaire et, par conséquent, le défendeur n’a pas omis de reconnaître ou de tenir compte des caractéristiques des groupes demandeurs. Les demandeurs plaident pour que le gouvernement ait l’obligation expresse d’enjoindre aux Canadiens de participer au recensement afin de contrer la tendance qu’auraient certains groupes à ne pas répondre aux enquêtes volontaires. Il s’agit d’un argument ingénieux, mais je dois le rejeter parce que, suivant l’analyse liée à la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, il faut néanmoins qu’il y ait une distinction dans la façon que le groupe demandeur est traité. Comme l’a expliqué le juge Fichaud, au nom de la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse, au paragraphe 77 de l’arrêt Boulter c. Nova Scotia Power Inc., 2009 NSCA 17 :

[traduction]

 

[…] [I]l est encore nécessaire, même en ce qui a trait à la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, que le groupe ou sous‑groupe demandeur soit traité différemment du groupe de comparaison dont les membres n’ont pas les caractéristiques protégées, mais sont autrement semblables aux membres du groupe ou du sous‑groupe demandeur.

 

[54]           Au paragraphe 84 de l’arrêt Boulter, le juge Fichaud fait un exposé concis des affaires dans lesquelles la discrimination par suite d’un effet préjudiciable a été établie, soit Eldridge c. British Columbia (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, et Vriend c. Alberta, [1998] 1 R.C.S. 493, lequel exposé permet de clarifier pourquoi les demandeurs en l’espèce ne sont pas victimes de discrimination par suite d’un effet préjudiciable :

[traduction]

Dans Eldridge, les sourds n’avaient pas de traduction et les entendants n’en avaient pas besoin. Dans Vriend, les homosexuels n’avaient aucune protection des droits de la personne et les hétérosexuels n’en avaient pas besoin. Il s’agissait de distinction par suite d’un effet préjudiciable fondé sur un motif illicite entre les demandeurs et les membres des groupes de comparaison qui ne possédaient par la caractéristique protégée, mais qui étaient autrement semblables aux demandeurs.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[55]           Dans l’affaire Eldridge, les demandeurs ont été traités différemment parce qu’ils ne pouvaient pas avoir accès à des soins de santé. Dans l’affaire Vriend, les demandeurs ont été traités différemment parce qu’on ne leur avait pas accordé de protection des droits de la personne. En l’espèce, les groupes demandeurs sont capables de participer à l’enquête volontaire, d’avoir des statistiques reflétant leur identité et d’utiliser les résultats définitifs. Toute diminution dans le taux de réponse parmi les Autochtones ne serait pas due à quelque distinction ou différence de traitement et, par conséquent, l’article 15 n’entrerait pas en jeu. La tendance alléguée suivant laquelle les Autochtones ne rempliraient pas une enquête volontaire ne constitue pas une caractéristique des groupes demandeurs qui les empêcherait d’avoir droit au même bénéfice de la loi; il s’agit plutôt d’un comportement qui existe indépendamment des changements à la façon de mener le recensement. Les demandeurs eux‑mêmes soutiennent que le taux de réponse sera fonction de facteurs tels que l’éducation, le fait de savoir lire et écrire, le statut socio‑économique et la mobilité. Ces facteurs et le bas taux de réponse allégué des membres des groupes demandeurs ne sont pas des effets des changements apportés au recensement; il s’agit de faits sociaux indépendants. Le bas taux de réponse n’est pas dû au fait que les demandeurs sont traités différemment. Comme le juge Iacobucci l’a affirmé au paragraphe 134 de l’arrêt Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695 :

Pour que l’analyse des effets préjudiciables soit cohérente, il ne faut pas présumer qu’une disposition législative possède un effet qui n’est pas prouvé. Nous devons prendre soin d’établir une distinction entre les effets qui sont causés en totalité ou en partie par une disposition contestée et les circonstances sociales qui existent indépendamment de la disposition en question.

 

[56]           L’affirmation précédente a été précisée au paragraphe 76 de l’arrêt Eldridgela Cour suprême a écrit ce qui suit :

Quoique cette affirmation puisse être interprétée comme appuyant l’idée que, lorsqu’il accorde un avantage, l’État n’est pas tenu d’éliminer tout désavantage « social » préexistant, il ne faut pas oublier qu’elle a été faite dans l’examen de la question de savoir si la loi faisait une distinction fondée sur un motif énuméré ou sur un motif analogue. […]

 

[57]           En l’espèce, tout comme dans l’affaire Symes, il faut déterminer si la loi contestée établit une distinction fondée sur les motifs énumérés. L’arrêt Symes, comme cela a été précisé dans l’arrêt Eldridge, dispose que, lorsqu’il accorde un avantage, en l’espèce le recensement, l’État n’est pas tenu d’éliminer tout désavantage social préexistant. Le défaut des demandeurs d’établir que les changements apportés au recensement créent une distinction fait en sorte que les demandeurs n’ont pas respecté le premier volet du critère relatif à la discrimination.

 

La modification du libellé des questions

[58]           Les observations précédentes concernant l’honneur de la Couronne et l’absence de distinction – laquelle distinction est nécessaire pour que l’on fasse droit à une plainte fondée sur l’article 15 – suffisent pour rejeter l’allégation des demandeurs selon laquelle la modification du libellé des questions concernant les Autochtones leur cause un effet préjudiciable, mais, vu que la plus grande partie du débat a porté sur cette question, il convient de faire quelques observations.

 

[59]           Par souci de commodité, je reproduis encore les modifications apportées aux questions :

La question concernant l’identité autochtone

Recensement de 2006 : Cette personne est-elle un Autochtone, c’est-à-dire un Indien de l’Amérique du Nord, un Métis ou un Inuit (Esquimau)?

Enquête : Cette personne est-elle un Autochtone, c’est-à-dire Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord), Métis ou Inuk (Inuit)?

 

La question concernant la Première Nation/bande indienne

Recensement de 2006 : Cette personne appartient-elle à une bande indienne ou à une Première nation?

Enquête : Cette personne est-elle membre d’une Première Nation/bande indienne?

 

La question de savoir si la personne est un Autochtone inscrit ou visé par un traité

Recensement de 2006 : Cette personne est-elle un Indien des traités ou un Indien inscrit aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada?

Enquête : Cette personne est-elle un Indien avec statut (Indien inscrit ou des traités aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada?

 

[60]           La réserve des demandeurs quant à la modification du libellé de la question concernant l’identité autochtone tient au fait que les répondants ne comprendront pas nécessairement qu’« Indien de l’Amérique du Nord » et que « Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord) » veulent dire la même chose. Les demandeurs avancent que « Première Nation » est en premier lieu utilisé pour décrire les bandes indiennes inscrites aux termes de la Loi sur les Indiens, alors que « Indien de l’Amérique du Nord » comprendrait les Autochtones non inscrits et les Autochtones hors réserve. Les demandeurs soutiennent donc que l’Enquête entraînera un dénombrement incomplet de la population autochtone parce que les Autochtones hors réserve et les Autochtones non inscrits répondront vraisemblablement « Non » à cette question. Ils allèguent que les mots utilisés dans le libellé de la question concernant la Première Nation/bande indienne sont équivalents aux mots « Première Nation » et « bande indienne » et que cette question confirme leur opinion selon laquelle les Autochtones répondront par la négative à la question concernant l’identité autochtone.

 

[61]           L’opinion des demandeurs doit être soupesée en tenant compte de la preuve du défendeur. Mme Jane Bedets, directrice de la Division de la statistique sociale et autochtone à Statistique Canada, déclare que des [traduction] « études qualitatives approfondies » ont été menées en lien avec les questions que l’on envisageait ajouter à l’Enquête. Plus précisément, en ce qui a trait à la question concernant l’identité autochtone, elle affirme que les études ont été menées entre le 9 octobre 2007 et le 5 juin 2008 et que [traduction] « 650 Autochtones et non-Autochtones y ont participé à 23 endroits aux quatre coins du Canada ». Elle déclare ce qui suit :

[traduction]

 

[Vu les] résultats quant à la question concernant l’identité autochtone, il a été recommandé d’employer les mots « Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord », « Métis » et « Inuk (Inuit) » dans les questions et les catégories de réponse. Il a aussi été recommandé que soit ajoutée la note « Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord) comprend les Indiens avec statut et les Indiens sans statut ».

 

[…]

 

La quatrième étape de l’étude qualitative sur les questions concernant l’identité autochtone a eu lieu entre le 3 novembre 2008 et le 30 mars 2009 à 22 endroits aux quatre coins du Canada afin d’évaluer les modifications terminologiques auprès des populations vivant dans les régions éloignées et dans les réserves. Environ 300 Autochtones ont participé à cette étape de l’étude.

 

Les résultats de cette étude ont révélé que la majorité des participants préférait l’emploi des mots « Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord » et de la note « Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord) comprend les Indiens avec statut et les Indiens sans statut ».

 

[62]           Le résultat de l’étude objective menée par Statistique Canada doit prendre le pas sur l’impression subjective des témoins des demandeurs. Quoi qu’il en soit, comme l’a noté le défendeur, la réponse à la question de savoir si le dénombrement sera incomplet ne sera connue qu’une fois l’Enquête terminée. Si la modification du libellé des questions fait en sorte que les données sont inexactes d’un point de vue statistique, rien n’empêche le gouvernement du Canada de les rejeter ou de mener une autre enquête avec des questions différentes.

 

[63]           Les demandeurs contestent l’emploi des mots « Indien […] des traités » dans la question de savoir si la personne est un Autochtone inscrit ou visé par un traité. Ils affirment qu’il ne s’agit pas d’un terme défini et que la question peut prêter à confusion et donc fausser les données. Je note que les mêmes mots ont été employés dans le recensement de 2006 et que rien ne donne à penser que leur ajout a alors entraîné un écart par rapport à la réponse attendue.

 

[64]           On peut toujours analyser les questions et contester l’emploi d’une expression ou d’un mot donné et se demander si on aurait pu choisir une expression ou un mot plus juste. Vu que les activités de Statistique Canada consistent notamment à mener des recensements et des enquêtes, on doit tenir pour acquis, en l’absence d’une preuve convaincante du contraire, qu’il s’acquitte de son travail avec autant d’exactitude que possible. En résumé, la Cour devrait présumer que Statistique Canada formule de façon adéquate les questions posées dans les recensements et les enquêtes, et il incombe à celui qui allègue le contraire d’établir au moyen d’une preuve objective que ce n’est pas le cas. Les demandeurs n’ont présenté aucune preuve objective, et je rejette leur allégation selon laquelle le libellé des questions prêtera à confusion et entraînera un dénombrement incomplet des Autochtones au Canada.

 

            Les changements contreviennent‑ils à Loi canadienne sur les droits de la personne?

[65]           Le défendeur soutient que les allégations selon lesquelles la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, a été violée relèvent de la compétence exclusive de la Commission canadienne des droits de la personne et du Tribunal des droits de la personne et il avance que le processus prévu par cette Loi doit prévaloir sur le contrôle judiciaire.

 

[66]           L’article 40 de la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit ce qui suit :

40. (1) Sous réserve des paragraphes (5) et (7), un individu ou un groupe d’individus ayant des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission en la forme acceptable pour cette dernière.

40. (1) Subject to subsections (5) and (7), any individual or group of individuals having reasonable grounds for believing that a person is engaging or has engaged in a discriminatory practice may file with the Commission a complaint in a form acceptable to the Commission.

 

 

[67]           Le contrôle judiciaire est un recours discrétionnaire et, s’il existe un autre recours approprié, la Cour peut refuser d’exercer sa compétence en la matière : Froom c. Canada (Ministre de la Justice), 2004 CAF 352, paragraphe 12, McMaster c. Canada (Procureur général), 2008 CF 647, paragraphe 23, et Giesbrecht c. Canada, [1998] A.C.F. no 621 (C.F. 1re inst.), paragraphe 13.

 

[68]           La Commission canadienne des droits de la personne est certainement en mesure de traiter les plaintes de pratiques discriminatoires alléguées présentées sur le fondement de sa Loi habilitante; elle le fait quotidiennement. Les demandeurs ont donc accès à un autre recours approprié en ce qui a trait à leurs violations alléguées de la Loi et, à mon avis, même si la Cour a compétence pour rendre un jugement déclaratoire portant que la Loi canadienne sur les droits de la personne a été violée, elle devrait refuser d’exercer sa compétence en l’absence de circonstances extraordinaires et impérieuses.

 

[69]           J’estime que les faits portés à ma connaissance ne révèlent aucune circonstance extraordinaire. Vu les motifs exposés ci‑dessus, je ne suis même pas convaincu que les demandeurs ont démontré que les changements contestés établissent une preuve à première vue solide montrant que la Loi a été violée. Par conséquent, je n’exercerai pas mon pouvoir discrétionnaire et je ne me pencherai pas sur la question de savoir si un jugement déclaratoire fondé sur la Loi canadienne sur les droits de la personne devrait être rendu.

 

Les changements apportés au recensement contreviennent‑ils à l’article 9 de la Loi sur la statistique?

 

[70]           Le paragraphe 9(1) de la Loi sur la statistique prévoit ce qui suit :

9. (1) Ni le gouverneur en conseil ni le ministre ne peuvent, dans l’exercice des pouvoirs conférés par la présente loi, établir de distinction entre des particuliers ou des compagnies au préjudice d’un ou plusieurs de ces particuliers ou compagnies.

9. (1) Neither the Governor in Council nor the Minister shall, in the execution of the powers conferred by this Act, discriminate between individuals or companies to the prejudice of those individuals or companies.

 

 

[71]           Les demandeurs reconnaissent que la jurisprudence n’est guère utile quant à l’interprétation et l’application de cette disposition. Ils invoquent un seul arrêt portant sur cette disposition : Re Armco Canada Ltd. and Minister of Department of Consumer and Corporate Affairs (1975), 8 O.R. (2d) 741 (C.A.Ont.). Cet arrêt portait sur une requête en exemption d’une exigence de communication, laquelle requête était fondée sur l’article 129.3 de la Loi sur les corporations canadiennes, L.R.C. 1970, ch. C‑32. Le juge Kelly a accueilli la requête en partie et, en obiter, il a noté la disposition de la Loi sur la statistique invoquée par les demandeurs et a affirmé ce qui suit :

[traduction]

 

Je conclus, vu ce qui précède, que l’intention du législateur est que la collecte de données statistiques ne doit pas entraîner de discrimination portant préjudice à qui que ce soit. J’estime que, vu ce que prévoit la Loi [sur les corporations canadiennes], le législateur n’aurait pas l’intention que cette loi soit interprétée de façon à ce que soit exercée la discrimination qu’elle cherche à interdire et à ce que le secret découlant du respect de la Loi sur la statistique soit éventré. C’est ce qui se produirait si l’on recourait aux dispositions de la Loi [sur les corporations canadiennes] afin de recueillir des données statistiques et j’en conclus que le législateur n’a pas eu l’intention que les dispositions de cette loi puissent servir à recueillir des renseignements n’ayant qu’une valeur purement statistique.

 

[72]           Les demandeurs soutiennent que l’analyse liée à la discrimination fondée sur le paragraphe 9(1) de la Loi sur la statistique est essentiellement la même que celle fondée sur l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et que les changements proposés créent une distinction entre les Autochtones et les non‑Autochtones et entre les Autochtones qui vivent sur les réserves et les Autochtones vivant hors réserve.

 

[73]           Le défendeur note que les allégations des demandeurs quant au paragraphe 9(1) de la Loi sur la statistique sont essentiellement les mêmes que celles faites dans le cadre de la contestation fondée sur la Charte, et que, en l’absence de précédent portant sur la discrimination au sens du paragraphe 9(1), il convient de retenir la définition de la discrimination au sens de l’article 15 de la Charte donnée dans l’arrêt Kapp afin que la loi soit interprétée uniformément.

 

[74]           L’argument du défendeur, selon lequel une analyse de la discrimination fondée sur le paragraphe 9(1) de la Loi sur la statistique doit tenir compte de la définition de la discrimination au sens de l’article 15 de la Charte afin que l’uniformité soit maintenue, ne repose sur aucun principe. Se fonder sur la définition de la discrimination au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne et la jurisprudence connexe, comme le proposent les demandeurs, serait tout aussi efficace pour le maintien de l’uniformité. Vu que la Loi Canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur la statistique sont deux textes de loi plutôt que des documents constitutionnels, il semble plus cohérent de ne pas imposer le fardeau supplémentaire d’établir, suivant le second volet du critère établi dans l’arrêt Kapp, que le désavantage perpétue un préjugé ou des stéréotypes.

 

[75]           Malgré cette norme moins exigeante, les demandeurs n’ont pas démontré l’existence d’une distinction ni, par conséquent, de discrimination, et ce, pour les mêmes raisons suivant lesquelles ils n’ont pas respecté le premier volet du critère établi dans l’arrêt Kapp. L’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne dispose ce qui suit :

5. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public :

a) d’en priver un individu;

b) de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture.

5. It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

(a) to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or

(b) to differentiate adversely in relation to any individual,

on a prohibited ground of discrimination.

 

 

[76]           L’argument selon lequel le recensement de 2011 ou l’Enquête ont privé de quoi que ce soit les demandeurs ou les ont défavorisés sur le fondement de leur identité autochtone n’est absolument pas fondé. Par conséquent, même suivant l’interprétation du droit faite par les demandeurs, le paragraphe 9(1) de la Loi sur la statistique n’a pas été violé.

 

Les changements font‑ils en sorte que le défendeur sera incapable de respecter ses obligations imposées par la Loi sur la statistique?

 

[77]           Les demandeurs soutiennent que la Loi sur la statistique impose des obligations au défendeur, particulièrement les articles 3 et 22, et que l’Enquête envisagée ne les respecte pas parce qu’elle ne permet pas la collecte de données statistiques exactes, fiables et comparables sur de nombreux sujets dont il est question dans ces dispositions. Dans leur avis de demande, les demandeurs allèguent également que cela constitue un refus d’exercice de compétence. Les articles 3 et 22 de la Loi sur la statistique prévoient ce qui suit :

3. Est maintenu, sous l’autorité du ministre, un bureau de la statistique appelé Statistique Canada, dont les fonctions sont les suivantes :

a) recueillir, compiler, analyser, dépouiller et publier des renseignements statistiques sur les activités commerciales, industrielles, financières, sociales, économiques et générales de la population et sur l’état de celle-ci;

b) collaborer avec les ministères à la collecte, à la compilation et à la publication de renseignements statistiques, y compris les statistiques qui découlent des activités de ces ministères;

c) recenser la population du Canada et faire le recensement agricole du Canada de la manière prévue à la présente loi;

d) veiller à prévenir le double emploi dans la collecte des renseignements par les ministères;

e) en général, favoriser et mettre au point des statistiques sociales et économiques intégrées concernant l’ensemble du Canada et chacune des provinces, et coordonner des projets pour l’intégration de telles statistiques.

[…]

22. Sans pour autant restreindre les fonctions attribuées à Statistique Canada par l’article 3 ni porter atteinte à ses pouvoirs ou fonctions concernant des statistiques déterminées qui peuvent être par ailleurs autorisées ou exigées en vertu de la présente loi, le statisticien en chef doit, sous la direction du ministre, recueillir, compiler, analyser, dépouiller et publier, en ce qui concerne le Canada, des statistiques sur tout ou partie des sujets suivants :

a) population;

b) agriculture;

c) santé et protection sociale;

d) application des lois, administration de la justice et services correctionnels;

e) finances publiques, industrielles et commerciales;

f) immigration et émigration;

g) éducation;

h) travail et emploi;

i) commerce extérieur;

 

j) prix et coût de la vie;

k) forêts, pêches et piégeage;

 

l) mines, carrières et puits;

m) fabrication;

n) construction;

o) transport, entreposage et communications;

p) services d’électricité, de gaz et d’eau;

q) commerce de gros et de détail;

r) finance, assurance et immeuble;

s) administration publique;

t) services communautaires, commerciaux, industriels et personnels;

u) tous autres sujets prescrits par le ministre ou par le gouverneur en conseil.

3. There shall continue to be a statistics bureau under the Minister, to be known as Statistics Canada, the duties of which are

(a) to collect, compile, analyse, abstract and publish statistical information relating to the commercial, industrial, financial, social, economic and general activities and condition of the people;

 

(b) to collaborate with departments of government in the collection, compilation and publication of statistical information, including statistics derived from the activities of those departments;

(c) to take the census of population of Canada and the census of agriculture of Canada as provided in this Act;

 

(d) to promote the avoidance of duplication in the information collected by departments of government; and

(e) generally, to promote and develop integrated social and economic statistics pertaining to the whole of Canada and to each of the provinces thereof and to coordinate plans for the integration of those statistics.

 

...

22. Without limiting the duties of Statistics Canada under section 3 or affecting any of its powers or duties in respect of any specific statistics that may otherwise be authorized or required under this Act, the Chief Statistician shall, under the direction of the Minister, collect, compile, analyse, abstract and publish statistics in relation to all or any of the following matters in Canada:

 

 

 

(a) population;

(b) agriculture;

(c) health and welfare;

(d) law enforcement, the administration of justice and corrections;

(e) government and business finance;

(f) immigration and emigration;

(g) education;

(h) labour and employment;

(i) commerce with other countries;

(j) prices and the cost of living;

(k) forestry, fishing and trapping;

(l) mines, quarries and wells;

(m) manufacturing;

(n) construction;

(o) transportation, storage and communication;

(p) electric power, gas and water utilities;

(q) wholesale and retail trade;

 

(r) finance, insurance and real estate;

(s) public administration;

(t) community, business and personal services; and

 

(u) any other matters prescribed by the Minister or by the Governor in Council.

 

 

[78]           Le défendeur avance que l’article 3 de la Loi sur la statistique n’exige pas que Statistique Canada recueille les données d’une façon particulière et souligne qu’aucune méthodologie n’est imposée à Statistique Canada quant à la façon dont il doit « favoriser et mettre au point des statistiques sociales et économiques ». De façon semblable, le défendeur affirme que l’article 22 de la Loi sur la statistique ne prévoit aucune méthodologie particulière et que, quoi qu’il en soit, il ne mentionne pas la population autochtone. Le défendeur note également que l’article 8 de la Loi sur la statistique autorise l’obtention de renseignements à titre volontaire à des fins autres que le recensement de la population et le recensement agricole.

 

[79]           Le défendeur allègue que ces dispositions ne créent pas une obligation légale de mener un type particulier d’enquête et n’imposent pas que les enquêtes aient un contenu donné et il soutient que l’allégation des demandeurs, selon laquelle Statistique Canada refuse d’exercer sa compétence ou de respecter ses obligations, est sans fondement. Il affirme que Statistique Canada, en menant l’Enquête volontaire et le recensement obligatoire de 2011 au moyen du formulaire abrégé, s’acquitte de l’ensemble de ses obligations légales.

 

[80]           Je suis d’accord avec le défendeur. Les deux dispositions de la Loi sur la statistique n’établissent pas une méthodologie particulière quelconque pour la collecte de données statistiques, et les demandeurs n’ont présenté aucune preuve convaincante selon laquelle les changements équivaudraient à un refus d’exercice de compétence. Je conclus que l’allégation selon laquelle le recensement prévu en 2011 ne respecte pas les exigences de la Loi sur la statistique n’a tout simplement aucun fondement. Je note que les questions qui seront posées dans le formulaire du recensement de 2011 permettront la collecte de la plupart des renseignements recueillis dans le recensement mené au Canada en 1871. Statistique Canada s’acquittera de ses obligations imposées par l’article 3 de la Loi sur la statistique grâce à l’Enquête et au formulaire abrégé obligatoire.

 

[81]           Les parties ont convenu que la partie ayant gain de cause devrait se voir accorder ses dépens, y compris tous dépens adjugés précédemment; je fixe les dépens à 3 700 $.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que les présentes demandes sont rejetées et que les dépens sont adjugés au défendeur à hauteur de 3 700 $, honoraires, débours et taxes compris.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.

 

 

 

 

 


ANNEXE « A »

Recensement 2006 - 2B (Formulaire long)

Census 2006 - 2B (Long Form)

17.

Quelles étaient les origines ethniques ou culturelles des ancêtres de cette personne?

 

 

 

 

 

 

Habituellement, un ancêtre est plus éloigné qu’un grand-parent.

 

 

 

 

 

 

Par exemple, canadien, anglais, français, chinois, italien, allemand, écossais, indien de l’Inde, irlandais, cri, mi’kmaq (micmac), métis, inuit (esquimau), ukrainien, hollandais, philippin, polonais, portugais, juif, grec, jamaïquain, vietnamien, libanais, chilien, salvadorien, somalien, etc.

 

 

 

 

 

 

Précisez toutes les origines qui s’appliquent en lettres majuscules.

 

 

 

 

 

 

______________________________

 

 

 

 

 

 

______________________________

 

 

 

 

 

 

______________________________

 

 

 

 

 

 

______________________________

 

17.

What were the ethnic or cultural origins of this person’s ancestors?

 

 

 

 

 

 

An ancestor is usually more distant than a grandparent.

 

 

 

 

 

 

For example, Canadian, English, French, Chinese, Italian, German, Scottish, East Indian, Irish, Cree, Mi’kmaq (Micmac), Métis, Inuit (Eskimo), Ukrainian, Dutch, Filipino, Polish, Portuguese, Jewish, Greek, Jamaican, Vietnamese, Lebanese, Chilean, Salvadorean, Somali, etc.

 

 

 

 

 

 

Specify as many origins as applicable using capital letters.

 

 

 

 

 

 

______________________________

 

 

 

 

 

 

______________________________

 

 

 

 

 

 

______________________________

 

 

 

 

 

 

______________________________

 

 

 

 

 

 

18.

Cette personne est-elle un Autochtone, c’est-à-dire un Indien de l’Amérique du Nord, un Métis ou un Inuit (Esquimau)?

 

 

 

 

 

 

 

Si «Oui», cochez le ou les cercles qui décrivent le mieux cette personne maintenant.

 

 

 

 

 

 

 

cercle

Non arrow

Continuez à la question suivante

 

 

 

 

 

 

 

cercle

Oui, Indien de l’Amérique du Nord

 

 

 

 

 

 

 

cercle

Oui, Métis

Passez à la question 20

 

 

 

 

 

 

cercle

Oui, Inuit (Esquimau)

 

 

 

 

 

 

 

 

18.

Is this person an Aboriginal person, that is, North American Indian, Métis or Inuit (Eskimo)?

 

 

 

 

 

 

 

 

If "Yes", mark the circle(s) that best describe(s) this person now.

 

 

 

 

 

 

 

circle

No arrow pointing right

Continue with the next question

 

 

 

 

 

 

 

circle

Yes, North American Indian

arrow pointing right

 

 

 

 

 

 

 

circle

Yes, Métis

Go to Question 20

 

 

 

 

 

 

circle

Yes, Inuit (Eskimo)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

20.

Cette personne appartient-elle à une bande indienne ou à une Première nation?

 

 

 

 

 

 

cercle

Non

 

 

 

 

 

 

 

 

cercle

Oui, appartient à une bande indienne ou à une Première nation

 

 

flèche pointant vers le bas

 

 

 

 

Précisez la bande indienne ou la Première nation (p. ex., Musqueam)

 

 

 

______________________________

 

 

 

20.

Is this person a member of an Indian band/First Nation?

 

 

 

 

 

 

circle

No

 

 

 

 

 

 

 

 

circle

Yes, member of an Indian band/First Nation

 

 

down arrow

 

 

 

 

Specify Indian band/First Nation (for example, Musqueam)

 

 

 

______________________________

 

 

 

 

21.

Cette personne est-elle un Indien des traités ou un Indien inscrit aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada?

 

 

 

 

 

 

cercle

Non

 

 

 

 

 

 

cercle

Oui, Indien des traités ou Indien inscrit

 

 

 

 

 

 

 

21.

Is this person a Treaty Indian or a Registered Indian as defined by the Indian Act of Canada?

 

 

 

 

 

 

circle

No

 

 

 

 

 

 

circle

Yes, Treaty Indian or Registered Indian

 

 

 

 

 

 

 


2011 National Household Survey Questions

Questions de l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011

17. Quelles étaient les origines ethniques ou culturelles des ancêtres de cette personne?

Habituellement, un ancêtre est plus éloigné que les grands-parents.

Par exemple, canadien, anglais, français, chinois, indien de l’Inde, italien, allemand, écossais, irlandais, cri, mi’kmaq, salish, métis, inuit, philippin, hollandais, ukrainien, polonais, portugais, grec, coréen, vietnamien, jamaïquain, juif, libanais, salvadorien, somalien, colombien, etc.

Précisez toutes les origines qui s’appliquent en lettres majuscules.
__________________
__________________
__________________
__________________

 


17. What were the ethnic or cultural origins of this person’s ancestors?

 

An ancestor is usually more distant than a grandparent.

 

For example, Canadian, English, French, Chinese, East Indian, Italian, German, Scottish, Irish, Cree, Mi’kmaq, Salish, Métis, Inuit, Filipino, Dutch, Ukrainian, Polish, Portuguese, Greek, Korean, Vietnamese, Jamaican, Jewish, Lebanese, Salvadorean, Somali, Colombian, etc.

Specify as many origins as applicable using capital letters.
__________________
__________________
__________________
__________________

 

_______________________________________________________________________________

18. Cette personne est-elle un Autochtone, c’est-à-dire Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord), Métis ou Inuk (Inuit)?

 

Nota : Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord) comprend les Indiens avec statut et les Indiens sans statut.

 

Si « Oui », cochez le ou les cercles qui décrivent le mieux cette personne maintenant.

  • Non, pas un Autochtone → Continuez à la question suivante
  • Oui, Première Nation (Indien de l’Amérique du Nord) → Passez à la question 20
  • Oui, Métis → Passez à la question 20
  • Oui, Inuk (Inuit) → Passez à la question 20

 

18. Is this person an Aboriginal person, that is, First Nations (North American Indian), Métis or Inuk (Inuit)?

 

Note: First Nations (North American Indian) includes Status and Non-Status Indians.

 

If "Yes", mark the circle(s) that best describe(s) this person now.

  • No, not an Aboriginal person → Continue with the next question
  • Yes, First Nations (North American Indian) → Go to Question 20
  • Yes, Métis Go to Question 20
  • Yes, Inuk (Inuit) → Go to Question 20

_______________________________________________________________________________

20. Cette personne est-elle un Indien avec statut (Indien inscrit ou des traités aux termes de la Loi sur les Indiens du Canada)?

 

  • Non
  • Oui, Indien avec statut (Indien inscrit ou des traités)

 


 

20. Is this person a Status Indian (Registered or Treaty Indian as defined by the Indian Act of Canada)?

 

  • No
  • Yes, Status Indian (Registered or Treaty)

_______________________________________________________________________________

 

21. Cette personne est-elle membre d’une Première Nation/bande indienne?

 

Si « Oui » de quelle Première Nation/bande indienne?

 

Par exemple, Atikamekw de Manawan, Première Nation de Sturgeon Lake, bande indienne Musqueam.

 

  • Non
  • Oui, membre d’une Première Nation/bande indienne

    Précisez la Première Nation/bande indienne.
    __________________
    __________________

 


 

21. Is this person a member of a First Nation/Indian band?

 

If "Yes", which First Nation/Indian band?

 

For example, Musqueam Indian Band, Sturgeon Lake First Nation, Atikamekw of Manawan.

 

  • No
  • Yes, member of a First Nation/Indian band

    Specify name of First Nation/Indian band
    ____________________________________
    ____________________________________

_______________________________________________________________________________

 

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                      T-1375-10 et T-1494-10

 

INTITULÉ :                                       NATIVE COUNCIL OF NOVA SCOTIA ET AL. c.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 décembre 2010

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 janvier 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ann E. Smith

Derek A. Simon

 

POUR LE DEMANDEUR

 

M. Kathleen McManus

Melissa R. Chan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BURCHELLS LLP

Avocats

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 



[1] http://www.collectionscanada.gc.ca/genealogy/022-911.010.010-f.html

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