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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20110126

Dossier : IMM-4031-10

Référence : 2011 CF 95

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 26 janvier 2011

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

ENTRE :

 

KARLA BERENICE GARCIA RAMIREZ

CESAR ERNESTO CASSO RAMIREZ

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le présent jugement et ses motifs portent sur la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) de ne pas accorder aux demandeurs, des époux, le statut de réfugiés au sens de la Convention ou de personnes à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la LIPR). L’autorisation de contrôle judiciaire a été accordée le 27 octobre 2010 par le juge Phelan.

 

[2]               La demanderesse principale, Karla Berenice Garcia Ramirez, était une employée de CONACULTA, une institution culturelle fédérale au Mexique. Au cours de son emploi, elle a découvert une preuve de fraude et a aussi vécu un conflit de travail. Elle allègue avoir reçu des menaces relativement à son intention de divulguer cette fraude, ce qu’elle a fait en la dénonçant à un sénateur. Elle allègue qu’au cours d’une période de six ans, elle a reçu diverses menaces et que les feux arrière de sa voiture ont été fracassés.

 

[3]               Dans sa décision, la Commission a refusé l’asile aux demandeurs pour les motifs suivants :

-     La demanderesse principale n’a pas satisfait aux exigences pour établir l’existence d’une crainte fondée;

-     La demanderesse principale a tardé à quitter le Mexique, et la preuve documentaire était insuffisante pour appuyer la crainte subjective;

-     Les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption de la protection de l’État et n’ont présenté aucune preuve établissant qu’ils avaient activement sollicité une telle protection.

 

[4]               On demande essentiellement à la Cour d’examiner des questions de fait, puisque l’argumentation des demandeurs concerne l’analyse qu’a faite la Commission de la preuve dont elle disposait. La norme de contrôle applicable est la décision raisonnable, suivant les directives données par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. La cour de révision doit apprécier la décision contestée afin de déterminer si elle appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). La Cour ne doit pas apprécier à nouveau la preuve et substituer sa décision à celle de la Commission. Ainsi, la Cour analysera les motifs pour lesquels la Commission a refusé l’asile aux demandeurs.

 

La crainte de persécution fondée et subjective

[5]               La décision de la Commission à ce sujet est détaillée et avait tenu compte de la preuve pertinente. La Cour a relevé que la Commission n’avait pas tiré de conclusion claire quant à la crédibilité, mais qu’elle avait fait quelques constatations qui, ainsi, remettaient en question une certaine partie de la version des faits donnée par la demanderesse principale, ou la façon dont ces faits avaient été interprétés. Somme toute, la Commission a estimé que le récit de la demanderesse principale n’était pas crédible, ce qui s’est reflété dans les motifs fournis.

 

[6]               De plus, la Commission a estimé que les menaces dont la demanderesse principale alléguait être victime n’avaient ni l’importance ni la portée que celle-ci leur attribuait. Ces menaces et leur impact sont essentiels pour établir une crainte fondée de persécution. Comme l’a souligné la Commission, ces menaces auraient été exprimées des mois après les faits pertinents. Il était raisonnable pour la Commission de conclure que, si ces menaces étaient liées à l’intention de la demanderesse principale de divulguer la corruption, elles auraient été faites bien auparavant.

 

[7]               La Commission a aussi tenu compte du fait que, bien qu’elle en ait eu l’occasion, la demanderesse principale n’a jamais présenté de preuve dont elle disposait qui était d’une telle importance que cela ferait tomber des personnes haut placées. La Cour s’est bel et bien enquise de cette situation, mais l’avocat des demandeurs n’a pu démontrer que de tels renseignements cruciaux étaient disponibles. Cela ne peut qu’influer sérieusement sur la crainte fondée de persécution.

 

[8]               De plus, la corruption chez CONACULTA a été divulguée par d’autres journalistes, comme les demandeurs l’ont eux-mêmes affirmé. Aussi, il est important de souligner, comme l’a fait la Commission, que la demanderesse principale n’a publié aucun article au sujet de cette corruption, ni au Canada, ni au Mexique. Les conclusions tirées par la Commission relativement aux activités journalistiques de la demanderesse ainsi qu’aux menaces reçues sont raisonnables et appuyées par la preuve.

 

[9]               En ce qui concerne la crainte subjective de la demanderesse principale, la conclusion de la Commission, selon laquelle la demanderesse principale avait été capable de demeurer au Mexique et d’y travailler pendant six ans, est suffisante pour appuyer une autre conclusion, selon laquelle la crainte subjective alléguée de la demanderesse principale était incompatible avec ses antécédents et son comportement au Mexique. Comme l’a souligné la Commission, la preuve n’étaye pas l’idée que les menaces alléguées venaient des anciens employeurs de la demanderesse principale. De toute manière, l’argument relatif à la protection de l’État est en soi suffisant pour trancher la présente demande de contrôle judiciaire.

 

La suffisance de la protection de l’État

[10]           L’examen qu’a fait Commission de la question de savoir si la protection de l’État était suffisante est entièrement raisonnable. En un mot, les demandeurs n’ont jamais contacté les autorités policières pour déposer une plainte relativement aux menaces, ni même relativement aux dommages causés à leur voiture. Il était raisonnable pour la Commission d’invoquer la conclusion de la Cour dans Rio Ramirez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1214, afin d’établir que « [d]outer de l’efficacité de la protection offerte par l’État alors qu’on ne l’a pas vraiment testée ne réfute pas pour autant l’existence d’une présomption de protection étatique ». De plus, la Commission a complété cette conclusion en tablant sur la jurisprudence soumise par les demandeurs, dans laquelle même les journalistes ayant participé plus activement dans la dénonciation d’un crime avaient d’abord dû solliciter la protection de l’État avant de faire une demande d’asile au Canada. La Commission a aussi marqué certaines distinctions entre le rôle des journalistes et les activités de la demanderesse principale afin d’établir que celles-ci n’équivalaient pas à celles d’un journaliste d’enquête. Comme l’a souligné la Commission, aucune preuve claire et convaincante n’a été déposée afin de réfuter cette présomption, mis à part des déclarations générales selon lesquelles des personnes influentes étaient impliquées.

 

[11]           La décision de la Commission appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : elle est claire et raisonnée, et elle est fondée sur la preuve dont la Commission disposait. La Cour ne peut substituer sa décision à celle de la Commission lorsqu’il s’agit de conclusions de fait, à moins qu’elles ne soient déraisonnables. En l’espèce, les conclusions de la Commission étaient raisonnables.

 

[12]           Aucune question n’a été proposée en vue de la certification, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4031-10

 

INTITULÉ :                                       KARLA BERENICE GARCIA RAMIREZ ET AUTRE c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 25 janvier 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 26 janvier 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shane Molyneaux

POUR LES DEMANDEURS

 

Marjan Double

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elgin, Cannon & Associates

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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