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Date : 20110208

Dossier : IMM-6839-10

                                                                                                                  Référence : 2011 CF 140

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 février 2011

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

B386

 

 

 

défendeur

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]             Le défendeur, B386, est l’une des 492 personnes arrivées au Canada le 13 août 2010, sur le navire MV Sun Sea. Le défendeur et les autres migrants ont été détenus par l’Agence des services frontaliers du Canada pour établir leur identité et déterminer s’ils sont admissibles au Canada.

 

[2]             Il s’agit d’un contrôle judiciaire de la décision datée du 19 novembre 2010 de la Section de l’Immigration (la commissaire) de libérer le défendeur.  Les examens de la détention de décembre 2010 et de janvier 2011 du défendeur ont déjà eu lieu et font l’objet d’une autre demande de contrôle judiciaire devant cette Cour. En réponse à une question de la Cour, les avocats des deux parties étaient d’avis que le présent contrôle judiciaire de l’examen de la détention du défendeur fait en novembre 2010 n’est pas devenu théorique par les décisions subséquentes rendues par la Section de l’Immigration en décembre 2010 et en janvier 2011. La question n’a pas été pleinement débattue. J’ai toujours des doutes sur la question, mais j’ai choisi de rédiger la présente décision quoi qu’il en soit.

 

[3]             Le défendeur, un citoyen sri-lankais âgé de 30 ans et célibataire, s’est engagé par contrat à payer 30 000 $ à un passeur pour son voyage en mer au Canada. Il a fait un versement initial de 5 000 $ et a signé une lettre précisant que si sa sœur ne payait pas le solde de 25 000 $, il se soumettrait à toute mesure prise par le passeur.

 

[4]             Le 19 novembre 2010, la commissaire a ordonné la mise en liberté du défendeur moyennant un cautionnement en espèces de 2 000 $ déposé par « qui que ce soit ». Je crois comprendre que le cautionnement a été payé par une personne dont l’identité est connue des deux parties.  Par conséquent, la contestation du demandeur de l’ordonnance de mise en liberté au motif qu’elle aurait dû être adressée à un individu identifiable est devenue théorique.

 

[5]             Le demandeur prétend que la commissaire a commis une erreur en donnant la possibilité de contre-interroger la caution proposée après que l’ordonnance de mise en liberté ait été rendue : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zhang, 2001 CFPI 521, au paragraphe 17. Cependant, l’application de Zhang en l’espèce est théorique.

 

[6]             Après avoir permis aux avocats de déposer les documents pertinents, la commissaire a immédiatement reçu des observations assez simples et succinctes de la part des deux avocats. Elle a alors conclu que le risque de fuite que présente le défendeur pouvait être atténué grâce à un cautionnement assorti de conditions. Elle a alors donné à l’avocat du ministre la possibilité de contre-interroger la caution, mais ce dernier a refusé. L’audience a eu lieu à Vancouver et la caution habitait à Toronto. Après une courte suspension de l’audience, les parties semblaient avoir consenti aux conditions du cautionnement en espèces, lesquelles ont été approuvées par la commissaire. La question a été résolue sans contre-interrogatoire. L’erreur suggérée n’est pas une erreur qui justifie l’intervention de la Cour en l’espèce.

 

[7]             Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le ministre soutient principalement que la commissaire a [traduction] « complètement ignoré » et n’a pas fait état des al.  245f) ou g) du Règlement sur l’immigration et la protection de réfugiés ni même mentionné la vulnérabilité du défendeur à la coercition ou à l’influence des passeurs.  Cet argument ne résiste pas à l’examen.

 

[8]             Premièrement, la commissaire a agi conformément à sa nomination à la Section de l’Immigration. Un commissaire de la Section de l’Immigration traite régulièrement des risques de fuite et des examens de détention. L’examen de la détention qui sous-tend la présente procédure n’est qu’un seul des quelque 490 cas de personnes arrivées sur le même navire dont la légalité de la détention était alors examinée. 

 

[9]             Comme mon collègue le juge Michael Phelan l’a judicieusement fait remarquer, les audiences relatives à la détention sont souvent des procédures hâtives : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. XXXX, 2010 CF 1095, au paragraphe 18. En réponse à l’observation du demandeur selon laquelle la commissaire n’a pas examiné les faits entourant le contact du défendeur avec des passeurs, il suffit de dire que le défendeur est arrivé au Canada par bateau avec environ 490 autres personnes, dont plusieurs avaient eu des contacts avec des passeurs. Ce n’est pas réaliste, en l’absence d’autres éléments de preuve, de conclure que la commissaire a ignoré l’al. 245f) parce qu’elle ne l’a pas expressément mentionné, surtout dans le contexte du nombre important de personnes sur le MV Sun Sea dont la détention faisait l’objet d’un examen.

 

[10]         De plus, le représentant du ministre n’a pas invoqué l’al. 245f) comme motif de détention dans ses observations lors du contrôle des motifs de la détention et il n’a pas non plus évoqué le fait concernant la vulnérabilité du défendeur à la coercition des passeurs.

 

[11]         Deuxièmement, en ce qui concerne l’al. 245g), même en tenant compte de la prémisse la plus improbable du demandeur selon laquelle la commissaire n’était pas au courant de l’applicabilité de la disposition, l’avocat du défendeur a expressément cité l’al. 245g) du Règlement dans ses observations.

 

[12]         De même, l’expression « se soustraire vraisemblablement » ou « susceptible de se présenter » ou d’autres expressions dans le même sens sont employées à plus d’une reprise dans la courte transcription et dans la brève décision de la commissaire.  Le ministre n’a aucunement réussi à s’acquitter de son fardeau d’établir que la commissaire n’était pas au courant de la disposition législative pertinente, du risque de fuite et des liens du défendeur avec les TLET.

 

[13]         S’il demeure des doutes quant à la question, il suffit de lire l’extrait suivant tiré de la décision de la commissaire :  

 

La question à trancher qui se présente à moi consiste à savoir si vous êtes susceptible de vous présenter pour votre enquête et, dans l’avenir, à votre possible renvoi du Canada.

 

[…]

Dans votre cas, il est allégué que votre demande d’asile est maintenant compromise […] ce qui pourrait supposément vous motiver à ne pas vous présenter pour l’enquête […]. En conséquence, le ministre est d’avis que vous présentez un risque de fuite et demande le maintien de votre détention.

 

Votre conseil a mentionné que, selon l’allégation, essentiellement, vous avez travaillé pour les TLET en faisant des travaux de construction et de rénovation sous la contrainte des TLET, lesquels contrôlaient la région où vous viviez. Il affirme également que, même si vous ne pouvez pas présenter une demande d’asile, s’il est conclu que les allégations sont fondées, d’autres procédures sont encore à votre disposition, comme demander un examen des risques avant renvoi et demander une dispense au ministre en le convainquant que votre présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national. Par conséquent, dans l’esprit de votre conseil, il existe amplement de motifs pour que vous vous présentiez aux procédures relatives à l’immigration, y compris pour votre renvoi du Canada ou pour votre enquête.

 

[14]         Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. L’avocat a demandé la possibilité de proposer la certification d’une question grave, même si aucune n’a été présentée à l’audience. Toute question proposée aux fins de certification doit être déposée dans les trois jours suivant la date de la présente ordonnance.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.  L’avocat a demandé la possibilité de proposer la certification d’une question grave, même si aucune n’a été présentée à l’audience. Toute question proposée aux fins de certification doit être déposée dans les trois jours suivant la date de la présente ordonnance.

 

 

       « Allan Lutfy »

Juge en chef

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6839-10

 

INTITULÉ :                                       MCI c.

                                                            B386

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            JUGE EN CHEF LUTFY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hilla Aharon

 

POUR LE DEMANDEUR

Gabriel Chand

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

Chand & Co.

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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