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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110111

Dossier : IMM-5979-09

Référence : 2011 CF 19

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2011

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

VINOD KUMAR RAINA

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Vinod Kumar Raina (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision, datée du 4 novembre 2009, rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ( la Commission). Dans sa décision, la Commission a conclu que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) s’était acquitté de son fardeau de prouver que le demandeur ne pouvait se prévaloir de l’asile au Canada conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), en fonction de l’alinéa 1(F)b) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, R.T. Can. 1969 no 6 (la Convention), en ce que le demandeur a été reconnu coupable d’un crime grave de droit commun.

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il est entré au Canada en octobre 2006 et a fait une demande d’asile, alléguant être victime de harcèlement, de menaces et de torture de la part des forces policières dans l’État de Jammu-et-Cachemire. Dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP), le demandeur a révélé avoir été reconnu coupable d’attentat à la pudeur en décembre 2001, en Nouvelle‑Zélande. Il avait été condamné à une peine d’emprisonnement de 2 ans et 6 mois. Le demandeur avait aussi été accusé du crime plus grave de violence sexuelle pour le même incident, mais il avait été acquitté.

 

[3]               Le demandeur n’a pas porté cette déclaration de culpabilité en appel, mais a soutenu, lors de l’audience devant la Commission, qu’on l’avait injustement déclaré coupable d’attentat à la pudeur parce qu’il avait embrassé une fille de 14 ans apparentée à son épouse.

 

[4]               Le défendeur a soutenu devant la Commission qu’un attentat à la pudeur est un crime grave de droit commun équivalant à des contacts sexuels. On a fait référence à l’article 151 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, lequel prévoit ce qui suit :

Contacts sexuels

 

151. Toute personne qui, à des fins d’ordre sexuel, touche directement ou indirectement, avec une partie de son corps ou avec un objet, une partie du corps d’un enfant âgé de moins de seize ans est coupable :

a) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de dix ans, la peine minimale étant de quarante-cinq jours;

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix-huit mois, la peine minimale étant de quatorze jours.

Sexual interference

 

151. Every person who, for a sexual purpose, touches, directly or indirectly, with a part of the body or with an object, any part of the body of a person under the age of 16 years

(a) is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding ten years and to a minimum punishment of imprisonment for a term of forty-five days; or

(b) is guilty of an offence punishable on summary conviction and liable to imprisonment for a term not exceeding eighteen months and to a minimum punishment of imprisonment for a term of fourteen days.

 

 

[5]               Dans sa décision, la Commission a conclu que le crime dont le demandeur avait été reconnu coupable tombait dans la catégorie des agressions sexuelles envers les enfants. S’il devait être reconnu coupable d’un tel crime au Canada, la Commission a affirmé, sans fournir d’explication, que le demandeur serait passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de 10 ans. La Commission a avancé que cela laissait présumer qu’il y avait des motifs sérieux de croire que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du Canada.

 

[6]               La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas réfuté cette présomption et elle a rejeté l’argument de celui-ci selon lequel les éléments constitutifs de l’infraction d’atteinte à la pudeur en Nouvelle-Zélande n’équivalaient pas à ceux établis par l’article 151 du Code criminel. La Commission ne donne pas de motifs expliquant le rejet de cet argument.

[7]               L’omission d’appliquer correctement le critère pour déterminer l’équivalence des infractions criminelles dans le cadre de l’alinéa 1(F)b) de la Convention constitue une erreur susceptible de contrôle; voir Iliev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 395.

 

[8]               Dans l’affaire Hill c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1987), 73 N.R. 315, la Cour d’appel fédérale a ainsi décrit les critères servant à déterminer l’équivalence des infractions :

[...] Il me semble que, étant donné la présence des termes « qui constitue [...] une infraction [...] au Canada », l'équivalence peut être établie de trois manières : tout d'abord, en comparant le libellé précis des dispositions de chacune des lois par un examen documentaire et, s'il s'en trouve de disponible, par le témoignage d'un expert ou d'experts du droit étranger pour dégager, à partir de cette preuve, les éléments essentiels des infractions respectives; en second lieu, par l'examen de la preuve présentée devant l'arbitre, aussi bien orale que documentaire, afin d'établir si elle démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l'infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères, que les mêmes termes soient ou non utilisés pour énoncer ces éléments dans les actes introductifs d'instance ou dans les dispositions légales; en troisième lieu, au moyen d'une combinaison de cette première et de cette seconde démarches.

 

[9]               Je suis d’avis que la Commission a commis une erreur en concluant que les éléments constitutifs de l’infraction d’attentat à la pudeur en Nouvelle-Zélande étaient équivalents à ceux de l’article 151 du Code criminel, sans appliquer l’un des trois critères pour déterminer l’équivalence.

 

[10]           La Commission a estimé que l’accusation plus grave de violence sexuelle était pertinente quant à savoir si la déclaration de culpabilité pour attentat à la pudeur constituait un crime grave de droit commun. Le demandeur objecte que la Commission a commis une erreur en faisant cela.

 

[11]           Je suis d’accord. Je suis d’avis que le fait que le demandeur ait été accusé puis acquitté d’un crime plus grave ne peut servir à déterminer qu’une accusation moins grave pour laquelle il a été reconnu coupable constitue un crime grave de droit commun. Dans des situations semblables, la Cour a conclu que toute référence à des accusations criminelles en instance est irrecevable et viole la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.); voir Bertold c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 F.T.R. 195.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision est annulée et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire. Aucune question à certifier n’est soulevée.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5979-09

 

INTITULÉ :                                       VINOD KUMAR RAINA c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 juillet 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE HENEGHAN

 

DATES DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 11 janvier 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LE DEMANDEUR

Amy Lambiris

Manuel Mendelzon

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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