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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110224

Dossier : IMM-1449-10

Référence : 2011 CF 219

Ottawa (Ontario), le 24 février 2011

En présence de Monsieur le juge O'Keefe

 

ENTRE :

 

HARJIT KAUR

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

 

 

[1]               La demanderesse sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision du 10 février 2010 d’un agent du Centre de traitement des cas de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agent). L’agent a refusé de rétablir son statut de résidente temporaire, son permis de travail et son permis d’études.

 

[2]               La demanderesse voudrait que la décision de l’agent soit annulée et que sa demande soit renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

 

Le contexte

 

[3]               La demanderesse, née le 3 octobre 1986, est de nationalité indienne.

 

[4]               Elle est arrivée au Canada le 18 avril 2007 pour étudier à temps plein la création de modes au collège Fanshawe, à London (Ontario).

 

[5]               Elle a fait renouveler son permis d’études en novembre 2008. Son nouveau permis d’études était valide jusqu’en juillet 2009.

 

[6]               Elle comptait obtenir son diplôme du collège Fanshawe le 30 avril 2009. Cependant, le 8 mai 2009, elle a été informée que son niveau de connaissances était insuffisant et qu’elle ne pouvait donc pas obtenir son diplôme, puisque sa moyenne pondérée cumulative était inférieure aux exigences du programme.

 

[7]               Elle a pu améliorer ses notes dans quatre cours en présentant des travaux additionnels au cours de l’été 2009. Elle était censée terminer les travaux en question au plus tard le 24 juillet 2009. Cependant, comme plusieurs professeurs étaient absents durant l’été, on lui a donné jusqu’au 22 août 2009.

 

[8]               Elle a été informée le 27 août 2009 qu’elle avait réussi à combler ses lacunes et qu’elle recevrait ses relevés de notes officiels. On lui a remis son diplôme et ses relevés de notes le 4 septembre 2009.

 

[9]               Elle a présenté sa demande de permis de travail le 4 septembre 2009. La demande lui a été retournée parce qu’elle n’était pas accompagnée de l’intégralité des frais de dossier. Elle a demandé à nouveau le rétablissement de son statut de résidente permanente ainsi qu’un nouveau permis de travail et d’études le 10 novembre 2009. Sa demande a été refusée le 10 février 2010, et c’est ce refus qui est l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

La décision de l’agent

 

[10]           L’agent a conclu que la demande n’avait pas été postée à l’intérieur du délai réglementaire de 90 jours et que la demanderesse n’était donc pas admissible à un permis de travail pour un emploi postérieur à l’obtention de son diplôme. Selon l’agent, le délai de 90 jours avait commencé à courir à la date figurant sur le diplôme, c’est-à-dire le 30 avril 2009.

 

[11]           L’agent a conclu que la demanderesse ne remplissait pas les conditions d’un permis d’études. Il n’était pas convaincu que la demanderesse était véritablement étudiante. Il avait des doutes sur la véracité des documents produits car les lettres envoyées par le collège Fanshawe se contredisaient sur la date à laquelle la demanderesse avait réellement obtenu son diplôme. L’une des lettres indiquait le 24 juillet 2009, l’autre le 22 août 2009. Ces lettres ne s’accordaient pas non plus avec le diplôme délivré par le registraire du collège, qui portait la date du 30 avril 2009.

 

[12]           Enfin, l’agent n’était pas convaincu que la demanderesse remplissait les conditions fixées par la Loi ou par le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, et il a refusé de renouveler le statut de résidente permanente de la demanderesse.

 

Les questions en litige

 

[13]           La demanderesse soumet les points suivants à l’examen de la Cour :

            1.         Quelle norme de contrôle convient-il d’appliquer?

            2.         L’agent a-t-il commis une erreur en disant que la demanderesse avait dépassé la limite de 90 jours applicable à une demande de permis de travail pour un emploi postérieur à l’obtention d’un diplôme?

            3.         L’agent a-t-il commis une erreur en disant que la demanderesse n’était pas véritablement étudiante?

            4.         L’agent a-t-il manqué à l’équité procédurale en rendant sa décision?

 

Les observations écrites de la demanderesse

 

[14]           Selon la demanderesse, le délai de 90 jours à l’intérieur duquel elle devait présenter sa demande de permis de travail pour un emploi postérieur à l’obtention de son diplôme aurait dû commencer à courir le jour où elle a effectivement reçu ses relevés de notes, à savoir le 4 septembre 2009, étant donné qu’elle ne remplissait pas les conditions pour obtenir son diplôme le 30 avril 2009. Elle ajoute que le collège a pour principe de ne pas modifier la date figurant sur les diplômes des étudiants, et c’est la raison pour laquelle le diplôme porte la date du 30 avril 2009. En outre, il n’est pas établi que l’agent a pris en compte la date à laquelle la demanderesse a reçu ses notes finales pour conclure que sa demande avait été présentée hors délai.

 

[15]           La demanderesse affirme aussi que l’agent a commis une erreur en disant qu’elle n’était pas véritablement étudiante. C’était là une conclusion déraisonnable étant donné l’ensemble des documents produits par la demanderesse, notamment les lettres du collège.

 

[16]           Enfin, la demanderesse affirme que l’agent a manqué à l’équité procédurale parce qu’il ne l’a pas informée de ses doutes ou de ses réserves concernant l’authenticité des documents produits par elle.

 

Les observations écrites du défendeur

 

[17]           Selon le défendeur, il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale. Le niveau d’équité procédurale auquel peuvent prétendre les étrangers qui sont des résidents temporaires est faible.

 

[18]           Selon le défendeur, la demanderesse n’a pas prouvé que c’est le 27 août 2009, comme elle le prétend, qu’on lui a fait savoir par écrit pour la première fois qu’elle était apte à recevoir son diplôme. La date qui figure sur le diplôme de la demanderesse est le 30 avril 2009. Vu les lettres contradictoires indiquant que la demanderesse avait probablement obtenu son diplôme le 24 juillet 2009 ou le 22 août 2009, il n’était pas déraisonnable pour l’agent d’utiliser la date figurant sur le diplôme de la demanderesse comme point de départ du délai de 90 jours.

 

[19]           Enfin, le défendeur soutient que le seul fait qu’un agent ne porte pas à l’attention d’un demandeur les conclusions défavorables qu’il pourrait tirer des documents produits ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle.

 

L’analyse et la décision

 

[20]           Première question

      Quelle norme de contrôle convient-il d’appliquer?

            Lorsque la jurisprudence a déjà arrêté la norme de contrôle devant s’appliquer à une question, la cour de révision peut adopter cette norme (voir l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 57).

 

[21]           La norme de contrôle qui s’applique aux conclusions de fait tirées par un agent d’immigration est celle de la décision raisonnable (voir l’arrêt Dunsmuir, précité, paragraphes 47 et 53; De Luna c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 726, 90 Imm. L.R. (3d) 67, paragraphe 12). Cependant, les questions d’équité procédurale, dont le droit d’être entendu, seront examinées selon la norme de la décision correcte (voir l’arrêt Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, paragraphe 43).

 

[22]           J’examinerai d’abord la quatrième question.

 

[23]           Quatrième question

            L’agent a-t-il manqué à l’équité procédurale en rendant sa décision?

            Selon la demanderesse, l’agent était tenu de l’informer des doutes qu’il pouvait avoir à propos de sa demande, car elle aurait pu ainsi tenter de les dissiper. Le défendeur soutient qu’il n’y avait aucune obligation du genre.

 

[24]           L’agent n’est pas tenu de faire connaître au candidat les hésitations que lui cause sa demande et qui résultent directement des exigences de la loi ou d’un règlement (voir la décision Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 R.C.F. 501, paragraphes 23 et 24).

 

[25]           C’est à la demanderesse qu’il incombait de convaincre l’agent qu’elle répondait à tous les critères liés à sa demande, et l’agent n’était pas tenu de requérir des renseignements additionnels si les pièces produites par la demanderesse étaient insuffisantes (voir la décision Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 172 F.T.R. 262 (C.F. 1re inst.), [1999] A.C.F. n° 1198 (QL), paragraphe 6).

 

[26]           Cependant, l’agent avait l’obligation de faire connaître à la demanderesse ses réserves concernant la véracité des documents qui faisaient partie intégrante de la demande, et il avait l’obligation de s’enquérir davantage dans un tel cas (voir la décision Hassani, précitée, paragraphe 24).

 

[27]           L’agent n’était pas convaincu que la demanderesse était véritablement étudiante. Il en est venu à cette conclusion parce que la demanderesse avait, en présentant sa demande, [TRADUCTION] « produit des documents qui ne paraissent pas authentiques ». Plus précisément, l’agent trouvait que les lettres du collège se contredisaient et contredisaient aussi le document signé par le registraire qui concernait la date à laquelle la demanderesse avait obtenu son diplôme.

 

[28]           Après avoir jugé que la lettre n’était pas crédible ou qu’elle était frauduleuse, l’agent aurait dû convoquer la demanderesse en entrevue pour lui donner l’occasion de dissiper ses doutes.

 

[29]           Ne l’ayant pas fait, l’agent a privé la demanderesse de son droit à l’équité procédurale, et la demande de contrôle judiciaire est donc accordée.

 

[30]           Il ne m’est pas nécessaire d’examiner les autres questions.

 

[31]           Aucune des parties n’a souhaité soumettre à mon examen une question grave de portée générale pour qu’elle soit certifiée.


JUGEMENT

 

[32]                       LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est accordée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


ANNEXE

 

Les dispositions applicables

 

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

72.(1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

72.(1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1449-10

 

INTITULÉ :                                       HARJIT KAUR

 

                                                            - et -

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Katherine Yang

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Michael Butterfield

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

 

Niren et Associés

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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