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Cour fédérale

Federal Court

 


Date : 20110221

Dossier : IMM-3695-10

Référence : 2011 CF 206

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 février 2011

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

 

SARWAN SINGH DHADDA

UMRAODEEP SINGH DHADDA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

        

  MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sont membres d’une famille qui est parrainée en vue d’obtenir la résidence permanente au Canada. Une agente d’immigration a retiré le nom du fils adoptif de la famille, Umraodeep Singh Dhadda, de la demande. L’agente n’était pas convaincue que Umraodeep était un « enfant à charge » au sens du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

 

[2]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de cette décision, soutenant que l’agente d’immigration a commis une erreur en interprétant incorrectement et en ignorant des éléments de preuve afin d’établir si Umraodeep satisfait à la définition d’« enfant à charge ».

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincue que l’agente a commis les erreurs alléguées ou que la décision était déraisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Analyse

[4]               La question de savoir si une personne répond à la définition d’« enfant à charge » selon le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés est une question mixte de fait et de droit. Conséquemment, elle est soumise à la norme de la décision raisonnable : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.S.C. 190, paragraphes 47 et 53. Voir aussi Boachie c. Canada (MCI), 2010 CF 672, [2010] A.C.F. n° 821, paragraphe 21.

 

[5]               Umraodeep, fils biologique de Harbajan Singh et de Bhupinder Kaur, est né le 11 mars 1995. Il a été adopté le 12 février 1997, à l’âge de deux ans, par le demandeur Sarwan Singh Dhadda et son épouse, voisins des parents biologiques. Les parents adoptifs ont justifié l’adoption de Umraodeep par le fait qu’ils n’avaient eu que des filles et qu’ils désiraient avoir un fils, d’autant plus que la femme de Sarwan Singh Dhadda ne pouvait avoir d’autres enfants.

 

[6]               Les parties s’accordent pour dire qu’en vertu du droit indien, une adoption n’est légale qu’à la suite d’une cérémonie formelle de remise de l’enfant à la nouvelle famille (cérémonie de « don et prise en adoption »). À l’appui de leur demande, les demandeurs ont produit un « acte d’adoption qui indiquait qu’une [traduction] « cérémonie de don et prise en adoption, au cours de laquelle il y a eu remise en mains propres de l’enfant, a eu lieu dans le respect des coutumes cérémoniales ».

 

[7]               L’acte d’adoption ne semble pas être une ordonnance d’un tribunal et il n’y a aucune preuve quant à la façon dont le document a été obtenu.

 

[8]               Après avoir examiné la demande de la famille, l’agente d’immigration a conclu qu’il fallait procéder à une enquête plus approfondie en ce qui concerne l’adoption de Umraodeep. La famille biologique, la famille adoptive ainsi que l’enfant lui-même ont donc été reçus en entrevue.

 

[9]               Je suis d’accord avec les demandeurs qu’il faut accorder peu de poids à l’affidavit de l’agente d’immigration en ce qui concerne ce qui s’est produit lors des entrevues. L’affidavit a été souscrit des mois après les entrevues et rien n’indique que l’agente se souvenait avec précision de ce qui s’y était dit ou non : voir bin Abdullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1185, [2006] A.C.F.  n°1482.

 

[10]           Cela dit, il ressort des notes du STIDI relatives aux différentes entrevues effectuées par l’agente qu’il existait des divergences importantes et des contradictions dans les témoignages des personnes interviewées. Celles-ci étaient suffisantes pour semer le doute dans l’esprit de l’agente d’immigration en ce qui concerne l’adoption.

 

[11]           Par exemple, on relève des contradictions fondamentales entre le témoignage donné par les parents biologiques et Umraodeep lui-même en ce qui a trait à la nature de leur relation après l’adoption. Tous conviennent que Umraodeep a continué de passer du temps quotidiennement à la maison de ses parents biologiques après l’adoption. Toutefois, les parents biologiques ont affirmé que Umraodeep savait qu’il avait été adopté et qu’ils étaient ses parents biologiques, alors que Umraodeep a insisté à son entrevue pour dire qu’il n’avait jamais été adopté et qu’il était l’enfant naturel de ses parents adoptifs.

 

[12]           Le père adoptif de Umraodeep a été interrogé longuement sur la cérémonie d’adoption en tant que telle. Se basant sur ses connaissances des coutumes locales, l’agente d’immigration était préoccupée par le fait que la cérémonie avait eu lieu dans un bureau du tehsil (subdivision administrative locale) plutôt que dans un gurdwara (temple sikh). Les cérémonies d’adoption sikhes ont habituellement lieu dans un gurdwara, en présence d’un grand nombre de témoins, afin que l’adoption soit connue de la communauté.

 

[13]           Interrogé sur cette cérémonie d’adoption, Sarwan Singh Dhadda a donné des réponses contradictoires qui n’étaient pas très sensées. Par exemple, il a d’abord prétendu qu’il avait été nécessaire de tenir la cérémonie dans un bureau du tehsil afin que le nom de l’enfant soit changé pour celui de ses parents adoptifs, afin qu’il puisse être admis à l’école.

 

[14]           Lorsque l’agente d’immigration lui a fait remarquer que l’enfant n’était âgé que de deux ans au moment de la cérémonie d’adoption et que l’inscription à l’école n’était donc pas nécessaire, Sarwan Singh Dhadda a changé son explication. Il a justifié la tenue de la cérémonie dans un bureau du tehsil par le fait que la famille tentait de se procurer une carte de rationnement et voulait que le nom de l’enfant apparaisse sur cette carte.

 

[15]           Lorsqu’on lui a fait remarquer que la carte de rationnement de la famille avait été donnée plus de trois ans après l’adoption de Umraodeep et que ses explications antérieures n’étaient donc pas sensées, le père s’est encore une fois ravisé. Finalement, il a admis que la raison pour laquelle la famille avait tenu la cérémonie dans un bureau du tehsil était qu’il ne leur était jamais venu à l’esprit de la tenir dans un gurdwara.

 

[16]           L’agente d’immigration était également préoccupée par le fait que la famille n’était pas en mesure de fournir des photographies de la cérémonie d’adoption, étant donné que l’adoption d’un enfant, plus particulièrement l’adoption d’un fils par une famille sans garçons, serait considérée comme un événement très important dans une vie. Encore une fois, les explications données par Sarwan Singh Dhadda étaient incohérentes et changeaient sans cesse.

 

[17]           Il a tout d’abord prétendu qu’ils n’avaient pas pris de photographies parce que la cérémonie avait eu lieu dans un bureau du tehsil plutôt que dans un gurdwara. Il a ensuite justifié l’absence de photographies par le fait qu’il n’y avait aucun photographe dans leur village. Quand on l’a interrogé sur ce point, l’explication a encore changé. Le père adoptif a finalement déclaré qu’il n’avait tout simplement pas pensé à faire prendre des photographies de la cérémonie.

 

[18]           L’agente d’immigration a ensuite demandé à Sarwan Singh Dhadda de décrire le déroulement de la cérémonie d’adoption. Les questions de l’agente ont d’abord été très générales et ouvertes, offrant ainsi maintes occasions au père adoptif de mentionner la cérémonie de « don et prise en adoption ». Étant donné que Sarwan Singh Dhadda n’a jamais fait mention d’une telle cérémonie, l’agente lui a finalement demandé directement si une cérémonie de « don et prise en adoption » avait eu lieu. Sarwan Singh Dhadda a répondu par la négative à cette question directe, affirmant que [traduction] « seule une fête avait eu lieu, pas de cérémonie religieuse ».

 

[19]           L’agente a affirmé que, [traduction] « tout bien considéré, [elle n’était] pas convaincue qu’une adoption authentique avait eu lieu ou qu’il y avait réellement eu une rupture de la relation parent-enfant entre Umraodeep Singh Dhadda et ses parents biologiques ». Par conséquent, l’agente a décidé de retirer le nom de Umraodeep de la demande de la famille.

 

[20]           Les demandeurs soutiennent que les entrevues se sont déroulées environ 13 ans après la tenue de la cérémonie d’adoption et qu’il n’était donc pas déraisonnable que les participants ne se souviennent pas de tous les détails de l’événement. On peut certes en convenir, mais cela ne justifie pas le fait que les proches de Umraoddep ont donné des explications changeantes et contradictoires au sujet de ce qui s’est passé à la cérémonie d’adoption et par la suite.

 

[21]           À la lumière de ces incohérences importantes, il était tout à fait raisonnable que l’agente conclue que Umraoddep n’était pas un « enfant à charge » au sens du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[22]           De la même façon, il n’était pas déraisonnable de la part de l’agente d’accorder peu d’importance à l’acte d’adoption, étant donné que la mention dans l’acte selon laquelle [traduction] « la cérémonie de don et prise en adoption, au cours de laquelle il y a eu remise en mains propres de l’enfant, a eu lieu dans le respect des coutumes cérémoniales » contredisait le témoignage du père adoptif de Umraoddep, Sarwan Singh Dhadda.

 

Conclusion

[23]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Certification

[24]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification, et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE :

            1.         que la présente demande contrôle judiciaire est rejetée;

            2.         qu’aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3695-10

 

 

INTITULÉ :                                       SARWAN SINGH DHADDA ET AL c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE:                Le 17 février 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE MACTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS:                       Le 21 février 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Naseem Mithoowani

Clarissa Waldman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Daniel Engel

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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