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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110228

Dossier : T-2184-09

Référence : 2011 CF 233

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 février 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

JOYCE SCHERTZER

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

      MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Joyce Schertzer est sergente au sein du service de police de Toronto. En 2003, elle a fait l’objet d’un interrogatoire corsé par les services frontaliers américains à l’Aéroport international Pearson, alors qu’elle se dirigeait vers les États-Unis, et a subi un interrogatoire similaire par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) à son retour. Cela l’a plus tard conduite, en 2006, à demander à l’ASFC d’avoir accès à son dossier, conformément à la Loi sur l’accès à l’information (la Loi). Même si elle soupçonnait l’ASFC de détenir des renseignements préjudiciables, qui devaient être erronés, elle n’a pas eu à justifier sa demande.

 

[2]               Elle a eu accès à certains renseignements, mais une partie du dossier n’a pas été divulguée, ou n’a été fournie que sous forme caviardée. L’ASFC était d’avis qu’elle pouvait refuser de communiquer les renseignements qu’elle n’avait pas divulgués à la demanderesse, en vertu des alinéas 16(1)a) et b) et du paragraphe 24(1) de la Loi. Mme Shertzer a déposé une plainte auprès du Commissaire à l’information. Celui-ci lui a répondu qu’il était d’avis que l’alinéa 16(1)a) était applicable et, de plus, qu’on avait à bon droit refusé de lui communiqué une petite partie des renseignements, en application du paragraphe 24(1). Il n’a pas cru nécessaire de trancher la question de savoir si un refus de procéder à la divulgation était justifié en vertu de l’alinéa 16(1)b) de la Loi.

 

[3]               Il s’agit d’une demande de révision présentée par Mme Schertzer, en application de l’article 41 de la Loi. Il est important de mentionner que la révision vise la décision de l’ASFC de ne pas communiquer des renseignements, et non pas l’avis du Commissaire à l’information.

 

[4]               Les alinéas 16(1)a) et b) prévoient :

16. (1) Le responsable d’une institution fédérale peut refuser la communication de documents :

 

 

a) datés de moins de vingt ans lors de la demande et contenant des renseignements obtenus ou préparés par une institution fédérale, ou par une subdivision d’une institution, qui constitue un organisme d’enquête déterminé par règlement, au cours d’enquêtes licites ayant trait :

 

(i) à la détection, la prévention et la répression du crime,

 

(ii) aux activités destinées à faire respecter les lois fédérales ou provinciales,

 

(iii) aux activités soupçonnées de constituer des menaces envers la sécurité du Canada au sens de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité;

 

 

 

 

 

b) contenant des renseignements relatifs à des techniques d’enquêtes ou à des projets d’enquêtes licites déterminées;

 

16. (1) The head of a government institution may refuse to disclose any record requested under this Act that contains

 

(a) information obtained or prepared by any government institution, or part of any government institution, that is an investigative body specified in the regulations in the course of lawful investigations pertaining to

 

 

 

(i) the detection, prevention or suppression of crime,

 

(ii) the enforcement of any law of Canada or a province, or

 

 

 

(iii) activities suspected of constituting threats to the security of Canada within the meaning of the Canadian Security Intelligence Service Act,

 

if the record came into existence less than twenty years prior to the request;

 

 

(b) information relating to investigative techniques or plans for specific lawful investigations;

 

 

[5]               Le paragraphe 24(1) se lit ainsi :

Le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II.

The head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains information the disclosure of which is restricted by or pursuant to any provision set out in Schedule II.

 

[6]               Cette disposition faisait entrer en ligne de compte le paragraphe 107(2) de la Loi sur les douanes, qui interdit à quiconque de sciemment fournir à quiconque un renseignement douanier.

 

[7]               La décision d’un responsable d’une institution de refuser de communiquer des documents est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, tandis que l’exercice de tout pouvoir discrétionnaire conféré par la Loi est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (La Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2007 CAF 272, [2008] 2 R.C.F. 509, au paragraphe 8).

 

[8]               Bien qu’il soit évident que la décision porte sur des renseignements douaniers, Mme Schertzer ne sait pas si l’enquête est effectuée par Douanes et Accise, ou par un ou plusieurs des sept organismes d’enquête répertoriés à l’annexe I du Règlement sur l’accès à l’information, ou conjointement avec des organismes qui ne sont pas des organismes d’enquête au sens de la Loi, tels que des organismes provinciaux. En l’espèce, je peux affirmer que l’enquête ou les enquêtes sont toutes conduites par des organismes répertoriés à l’annexe I.

 

[9]               Je dispose, en conformité avec une ordonnance de confidentialité rendue par la protonotaire Milczynski, des renseignements n’ayant pas été divulgués à Mme Schertzer. Je suis convaincu que les dispositions 16(1)a), 16(1)b) et 24 de la Loi sont applicables; bien que les trois dispositions ne soient pas toutes applicables à chacun des documents non divulgués ou caviardés, ceux-ci ne peuvent pas vraiment être séparés les uns des autres. Dans la mesure où l’ASFC avait un pouvoir discrétionnaire, elle l’a exercé de manière raisonnable.

 

[10]           La divulgation de toute information (laquelle pourrait bien être complètement fausse) nuirait aux enquêtes passées, en cours ou éventuelles, et révélerait des techniques d’enquêtes ainsi que des renseignements relatifs aux douanes. Les documents dataient de moins de 20 ans lors de la demande.

 

[11]           L’avocat de la demanderesse souligne que le libellé du paragraphe 16(1) renvoie aux « enquêtes licites ». En contre-interrogatoire, l’auteur de l’affidavit a admis qu’il ne participait pas à l’enquête. La question de déterminer comment il pouvait savoir si l’enquête était licite ou non a alors été soulevée. Des enquêtes devaient être conduites en ce sens.

 

[12]           À mon avis, une telle démarche serait intolérable, compte tenu des milliers et des milliers de demandes d’accès à l’information. De plus, si l’enquête porte sur une matière qui relève de la compétence de l’organisme ou des organismes d’enquête en cause, comme c’est le cas l’espèce, la direction de l’institution gouvernementale faisant l’objet de la demande de divulgation d’information n’a pas à se poser plus de questions. Cette thèse est conforme aux lignes directrices du Conseil du Trésor, lesquelles ne lient évidemment pas la Cour. Les directives énoncent que « le terme “licite” signifie que l’enquête doit être conforme à la loi ».

 

[13]           À la fin de l’audience, j’ai informé les avocats que j’avais l’intention de rejeter la demande et je les ai invités à traiter de la question des dépens. L’avocat de Mme Schertzer a laissé entendre que le paragraphe 53(2) de la Loi était applicable. Le paragraphe 53(1) contient la disposition habituelle voulant que les dépens soient laissés à l’appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire, le sort du principal. Le paragraphe 53(2) prévoit toutefois ce qui suit :

Dans les cas où elle estime que l’objet des recours visés aux articles 41 et 42 a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.

Where the Court is of the opinion that an application for review under section 41 or 42 has raised an important new principle in relation to this Act, the Court shall order that costs be awarded to the applicant even if the applicant has not been successful in the result.

 

[14]           On a prétendu que la jurisprudence antérieure mettait l’accent sur « enquêtes » plutôt que sur « enquêtes licites », et que l’argument a soulevé un principe important et nouveau. Je ne suis pas de cet avis. J’ai adopté une approche fondée sur le bon sens en ce qui concerne le caractère « licite », tout comme le Conseil du Trésor. Aucun principe important et nouveau quant à la Loi n’a été soulevé.

 

[15]           L’avocate du ministre a présenté un projet de mémoire de frais, dans lequel, en calculant selon la colonne III, dans la fourchette inférieure/médiane, elle arrivait à la somme de 3 607.25 $. Elle a aussi signalé que certains débours, comme les frais de déplacement de l’auteur de l’affidavit d’Ottawa à Toronto pour le contre-interrogatoire, n’étaient pas inclus dans le calcul.

 

[16]           Je ne vois pas pourquoi les dépens ne devraient pas suivre l’issue de la cause. Conformément au pouvoir discrétionnaire qui m’est conféré, je les arrondis à 3 500 $, tout compris.

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS;

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur, lesquels sont fixés à 3 500 $, tout compris.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2184-09

 

INTITULÉ :                                       JOYCE SCHERTZER c. LE MSPPC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 FÉVRIER 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 FÉVRIER 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kevin Toyne

 

POUR LA DEMANDERESSE

Sandra Nishikawa

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Brauti Thorning Zibarras LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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