Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20110303

Dossier : IMM‑4507‑10

Référence : 2011 CF 254

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 3 mars 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ZINN

 

ENTRE :

 

 

SALEM GALYANA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, âgé de 40 ans, est un citoyen irakien, chrétien chaldéen de naissance. Il a soutenu, devant la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qu’il craignait, en tant que chrétien, d’être persécuté en Irak. La Commission ayant conclu qu’il n’était pas chrétien pratiquant, il fait maintenant valoir que la Commission a commis une erreur en ne se penchant pas sur la question de savoir s’il risquait d’être persécuté en Irak étant donné qu’en tant que Chaldéen, il serait perçu comme étant chrétien.

 

[2]               J’estime que la Commission n’a pas commis une telle erreur.

 

[3]               M. Galyana a quitté l’Irak, se rendant d’abord en Jordanie, puis à Malte. Il a tenté de rejoindre son frère au Canada, mais n’a pas obtenu l’autorisation de se rendre ici. Il pensait pouvoir entrer au Canada en passant par les États‑Unis et a donc entamé son périple. Il s’est rendu au Mexique en passant par l’Italie et l’Espagne puis, du Mexique, a essayé d’entrer aux États‑Unis en se faisant passer pour un citoyen américain. N’ayant pas pu présenter de papiers d’identité à cet effet, il a été placé en détention. Il a déposé une demande d’asile, mais celle‑ci a été rejetée par les autorités américaines et, en juillet 2007, le Board of Immigration Appeals du ministère américain de la Justice a prononcé son expulsion. Le demandeur s’est vu refuser le réexamen de son dossier, son permis de travail lui a été retiré et il a été, en juin 2008, arrêté et détenu pendant quatre mois par les autorités américaines. Remis en liberté, le demandeur a décidé de quitter les États‑Unis et il est arrivé au Canada en décembre 2008. Selon son Formulaire de renseignements personnels (FRP) [traduction] « En tant que chrétien pratiquant, j’avais peur de retourner en Irak ».

 

[4]               Selon la Commission, la question essentielle qui se posait en l’occurrence était de savoir si le demandeur était effectivement un chrétien pratiquant. C’était précisément la question que le demandeur, dans le cadre de sa demande d’asile, avait portée devant la Commission et c’est selon moi à bon droit que la Commission y a vu la question essentielle.

 

[5]               La vérité est étrangère à M. Galyana.

 

[6]               La Commission a relevé qu’à l’occasion de demandes d’asile précédentes, M. Galyana ne s’était pas montré crédible et digne de foi, rappelant que dans ses relations avec les agents des visas en poste à l’étranger, les gens du département de la Justice des États‑Unis, ainsi que ceux de Citoyenneté et Immigration Canada, il avait manifesté un manque de crédibilité. Relevons que, selon la Commission, le demandeur :

[…]a montré une volonté de travestir les faits, de faire des déclarations trompeuses et de mentir quant à des questions essentielles et à de légers détails par rapport à ses antécédents personnels, ses expériences et ses demandes d’asile. Il n’a pas été franc lors de son entrevue avec Immigration Canada le 8 décembre 2008. Il a menti à propos des demandes d’asile qu’il a présentées précédemment, de la mesure d’expulsion dont il fait l’objet et des périodes qu’il a passées en détention ou en prison. Il a d’abord soutenu que le récit qu’il avait donné aux autorités américaines était véridique, puis il a peu à peu admis que certains renseignements étaient inexacts et a finalement avoué à l’agent que tout ce qu’il avait dit au département de la Justice des États‑Unis était faux.

 

 

[7]               La Commission a signalé que, dans son FRP, le demandeur a reconnu avoir « embelli » le récit de son existence en Irak et qu’à l’audience, son avocat a convenu de l’inexactitude de la plupart des choses que le demandeur avait racontées aux autorités américaines. Cela voulait dire que le demandeur avait menti lorsqu’il affirmait, pour obtenir asile, avoir été arrêté, battu, interrogé et torturé. La Commission a également mis en doute la foi chrétienne qu’il professait étant donné le peu de choses qu’il savait de cette foi et l’absence de preuves objectives susceptibles d’étayer ses dires. La Commission a donc conclu :

La présente demande d’asile est rejetée pour défaut de crédibilité. Ainsi, j’estime que le demandeur d’asile n’est pas un authentique chrétien pratiquant et qu’il y a moins qu’une simple possibilité qu’il soit persécuté en Iraq du fait de sa religion ou pour tout autre motif prévu par la Convention.

 

 

[8]               La seule question que le demandeur soulève en l’espèce est de savoir si c’est à tort que la Commission n’a pas cherché à déterminer si, parce qu’il est Chaldéen, il serait perçu comme chrétien et si, cela étant, le risque de persécution n’est pas suffisamment important pour justifier sa demande d’asile. Le demandeur n’a pas soulevé cette question devant la Commission.

 

[9]               Dans l’arrêt Sellan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 381, la Cour d’appel a jugé que « [l]orsque la Commission tire une conclusion générale selon laquelle le demandeur manque de crédibilité, cette conclusion suffit pour rejeter la demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable au demandeur ». J’admets l’argument du demandeur qui soutient que la Commission est tenue d’analyser toute preuve de l’existence d’un risque même si ni le demandeur ni le ministre n’en ont fait état dans le cadre de leur plaidoirie. Il ne faut pas entendre par cela que la Commission est dans l’obligation de se livrer à un examen microscopique du dossier dont elle est saisie afin de déceler tout risque éventuel. Selon moi, l’obligation qui incombe à la Commission à cet égard s’apparente à celle qu’a détaillée la Cour d’appel d’Angleterre dans l’affaire Kerrouche, R (on the application of) c. Secretary Of State For Home Department [1997] EWCA Civ 2263, [1997] Imm AR 610 (31 juillet 1997) dans le contexte de l’appel formé à l’encontre de la décision d’un tribunal d’appel en matière de réfugiés :

[traduction]
L’examen attentif et diligent auquel il convient de soumettre toute question susceptible compromettre la sécurité d’un réfugié permet d’adopter à l’égard d’éventuels manquements procéduraux une approche moins rigoureuse que si une question moins importante était en jeu. Si, par conséquent, une instance d’appel, qu’il s’agisse d’un arbitre spécialement désigné, ou du tribunal, s’aperçoit, ou devrait s’apercevoir qu’un appelant n’a pas fait état d’un argument susceptible d’améliorer sensiblement ses chances de voir accueillir son appel, l’instance d’appel est tenue soit d’invoquer elle‑même l’argument en question, soit à tout le moins d’attirer sur lui l’attention de l’appelant. Les instances d’appel sont naturellement portées à se concentrer avant tout sur les arguments qui leur sont présentés. On ne saurait s’attendre à ce qu’elles fassent elles‑mêmes enquête afin de voir s’il n’existerait pas des arguments qui n’ont pas été invoqués par un appelant qui aurait cependant pu s’en prévaloir. Elles ne sont pas tenues de se lancer à la recherche de nouveaux arguments. En présence, cependant, d’un argument aisément percevable, et de nature à favoriser l’appelant, même si celui‑ci ne l’a pas invoqué, l’arbitre spécialement désigné ou le tribunal devrait le faire jouer en faveur de l’appelant.

 

 

[10]           En l’espèce, le demandeur valoir que l’on pouvait, au vu du dossier dont était saisie la Commission, aisément constater que les chrétiens chaldéens sont persécutés en Irak et que, cela étant, la Commission était tenue de se pencher sur la question de savoir si le demandeur, bien que n’étant pas chrétien pratiquant, serait, en tant que Chaldéen, considéré comme un chrétien et risquerait par conséquent d’être persécuté. Voici le raisonnement soutenu par le demandeur :

1.                  M. Galyana est Chaldéen;

2.                  en Irak, tous les Chaldéens sont tenus pour des chrétiens;

3.                  par conséquent, M. Galyana sera, en Irak, tenu pour un chrétien;

4.                  étant donné qu’en Irak les chrétiens risquent d’être persécutés;

5.                  M. Galyana risque d’être persécuté en Irak.

 

[11]           Même si les deux premières propositions pouvaient être démontrées au vu du dossier soumis à la Commission, la troisième proposition ne pourrait en découler que si les Chaldéens sont, en Irak, facilement repérés en tant que tels. Or, rien dans le dossier ne justifie une telle hypothèse. En bref, le dossier ne démontre pas nettement qu’en Irak, M. Galyana sera facilement repérable en tant que Chaldéen ou en tant que chrétien. Je ne relève, en conséquence, aucune erreur dans la décision rendue par la Commission.

 

[12]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE : la demande est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4507‑10

 

INTITULÉ :                                                   SALEM GALYANA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 2 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 3 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Crane

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jane Stewart

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POURLE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.