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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110307

Dossier : IMM-3744-10

Référence : 2011 CF 236

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

HECTOR ULISES CANALES RODRIGUEZ

ROSA ELVIRA BONILLA CRUZ

NELSON ALEJANDRO BONILLA

(ALIAS NELSON BONILLA)

ALEX ALBERTO CANALES BONILLA

(ALIAS ALEX CANALES BONILLA)

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Aperçu

 

[1]               M. Hector Ulises Canales Rodriguez a quitté l’El Salvador avec son épouse et sa famille en 2006 et a vécu environ deux ans aux États-Unis avant de présenter une demande d’asile au Canada. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande de M. Canales Rodriguez après avoir conclu que les institutions de l’État d’El Salvador étaient en mesure de le protéger contre la violence des gangs qu’il craignait.

 

[2]               M. Canales Rodriguez fait valoir que la Commission a commis une erreur en omettant de tenir compte de la preuve documentaire démontrant que l’État d’El Salvador peine à protéger ses citoyens contre la violence des gangs. Il soutient aussi que l’État d’El Salvador avait été incapable de protéger d’autres personnes dans une situation semblable à la sienne et que cela aurait dû amener la Commission à conclure qu’il était tout aussi en danger.

 

[3]               Je ne peux conclure que la Commission a commis une erreur relativement à l’une ou l’autre de ces questions. Elle a examiné des éléments de preuve relatifs à la protection de l’État étayant les deux points de vue sur la question et elle a tenu compte des expériences de personnes dans une situation semblable à celle de M. Canales Rodriguez. La Commission a finalement conclu que, en raison de la preuve relative à la protection de l’État, la demande d’asile de M. Canales Rodriguez n’était pas objectivement fondée. La décision de la Commission était raisonnable à la lumière de la preuve dont elle disposait. Je devrai donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Les questions en litige sont les suivantes :

 

1.                  La Commission a-t-elle fait abstraction d’éléments de preuve pertinents?

2.                  La Commission a-t-elle omis d’examiner le cas d’autres personnes se trouvant dans une situation semblable?

 

II.     Le contexte factuel

[5]               En 2002, M. Canales Rodriguez était un chauffeur d’autobus à Concepción de Oriente. Des membres du gang Mara Salvatrucha 13 (les MS-13) avaient pour habitude de monter à bord de son autobus et de réclamer de l’argent. Ils l’avaient menacé et battu jusqu’à ce qu’il commence à leur verser 20 $ par semaine. Lorsqu’il était incapable de payer plus, des membres du gang le menaçaient à nouveau. À un moment donné, ils avaient bloqué la route et avaient volé M. Canales Rodriguez ainsi que ses passagers.

 

[6]               Après avoir reçu plusieurs plaintes, le gouvernement avait accepté de mettre en place des postes de contrôle policiers le long des trajets d’autobus. M. Canales Rodriguez avait eu l’impression que cela avait empiré la situation parce que cette mesure avait irrité les MS-13. En représailles, le gang avait assassiné quelques chauffeurs d’autobus. M. Canales Rodriguez a déposé en preuve le certificat de décès de l’un de ses collègues.

 

[7]               En 2004, M. Canales Rodriguez avait quitté son emploi et avait acheté son propre minibus, qu’il exploitait de façon indépendante. Néanmoins, il avait eu encore plus de problèmes avec les MS-13 : des vols, des dommages causés à son autobus ainsi que des menaces dirigées contre lui et sa famille. Suivant le conseil de son père, le maire, il avait déposé une plainte auprès de la police. Les policiers avaient refusé d’accepter sa plainte, mais son père les avait finalement convaincus de mettre en place davantage de postes de contrôle.

 

[8]               En 2006, M. Canales Rodriguez a quitté l’El Salvador avec son épouse et son fils. Ils ont vécu aux États-Unis pendant environ deux ans avant de présenter une demande d’asile au Canada.

 

III.   La décision de la Commission

[9]               La décision de la Commission s’était concentrée sur le cadre juridique régissant la question de la protection de l’État et la preuve dont la Commission disposait relativement à cette question. Il n’y a pas d’allégation selon laquelle la Commission aurait commis une erreur dans sa définition de la protection de l’État; il ne m’est donc pas nécessaire de décrire cette partie de la décision. Ce qui suit est un sommaire des conclusions de fait de la Commission.

 

[10]           La Commission a décrit des programmes mis en place par le gouvernement d’El Salvador afin de lutter contre la violence des gangs. Ces programmes comprenaient notamment la création d’unités antigang spécialisées, comptant plus d’un millier de membres, au sein des forces policières, des forces armées et d’autres organismes gouvernementaux. Il en a résulté une augmentation du nombre d’arrestations et de déclarations de culpabilité ainsi qu’une diminution du taux de criminalité. La Commission a qualifié ces mesures de « sérieux efforts » pour remédier au problème.

 

[11]           La Commission a souligné que la police avait bel et bien pris certaines dispositions pour protéger M. Canales Rodriguez, en mettant en place des postes de contrôle et en montant quelques fois à bord des autobus à la recherche de passagers suspects. Bien qu’il y eût un problème de corruption au sein de la police, l’État agissait également à cet égard.

 

[12]           En ce qui concerne le certificat de décès produit par M. Canales Rodriguez, la Commission a souligné qu’il ne décrivait pas les circonstances de la mort et qu’il n’identifiait pas non plus les auteurs du meurtre allégué.

 

[13]           Dans l’ensemble, la Commission a conclu que M. Canales Rodriguez n’avait pas déployé d’efforts diligents et qu’il n’avait pas pris de mesures raisonnables pour obtenir la protection de l’État. Il ne s’était adressé à la police qu’une seule fois. Pourtant, lorsqu’on leur avait demandé leur aide, le gouvernement et la police avaient bel et bien pris des mesures concrètes pour remédier au problème de la violence des gangs contre les chauffeurs d’autobus.

 

[14]           La Commission a reconnu que la violence des gangs était un problème sérieux en El Salvador, mais elle a conclu que le gouvernement accordait une grande priorité à cette question et y consacrait des ressources considérables. Elle a aussi reconnu que la preuve documentaire relative à l’El Salvador contenait certaines contradictions dans son analyse de la protection de l’État. La Commission a cependant conclu que la prépondérance de la preuve démontrait la volonté et la capacité de l’État de protéger ses citoyens. Par conséquent, M. Canales Rodriguez avait omis de présenter une preuve claire et convaincante de l’absence d’une protection de l’État, et donc, pour ce motif, sa crainte de persécution était sans fondement.

 

(1)  La Commission a-t-elle fait abstraction d’éléments de preuve pertinents?

 

[15]           M. Canales Rodriguez a attiré l’attention sur certains éléments de preuve documentaire dans le dossier auxquels la Commission n’avait pas fait référence dans ses motifs. Ces éléments de preuve renvoient au fait que les efforts de l’État pour lutter contre la violence des gangs en El Salvador sont perçus par certains comme étant inefficaces. M. Canales Rodriguez allègue qu’il s’agit d’éléments de preuve importants qui contredisent la conclusion de la Commission quant à la protection de l’État, et que la Commission avait donc un devoir d’en faire mention.

 

[16]           Après avoir examiné le dossier, il est clair qu’il y a des éléments de preuve auxquels la Commission n’a pas expressément fait référence. Certains d’entre eux décrivent les difficultés rencontrées par l’État d’El Salvador dans sa lutte contre la violence des gangs, étant donné l’ampleur du problème.

 

[17]           Cependant, je ne souscris pas à l’assertion de M. Canales Rodriguez, selon laquelle la Commission a fait abstraction d’éléments de preuve importants ou que les éléments de preuve auxquels la Commission n’a pas fait référence contredisent sa conclusion quant à la protection de l’État. La Commission a reconnu les sérieux problèmes liés à la violence des gangs en El Salvador et a admis que le dossier était quelque peu contradictoire par rapport à l’efficacité des mesures introduites par l’État pour remédier au problème. En fait, M. Canales Rodriguez me demande d’apprécier la preuve à nouveau afin d’arriver à une conclusion contraire à celle qu’a tirée la Commission. Cela n’est cependant pas mon rôle et ne constitue pas un motif valable pour infirmer la conclusion de la Commission.

 

(2)   La Commission a-t-elle omis d’examiner le cas d’autres personnes se trouvant dans une situation semblable?

 

[18]           M. Canales Rodriguez fait aussi valoir que la Commission a fait abstraction des expériences vécues par deux autres personnes, soit son père et son collègue assassiné. En ce qui concerne ce dernier, comme cela a déjà été mentionné, la Commission a clairement tenu compte de la preuve relative à la mort du collègue. Elle a conclu qu’elle avait une preuve du décès, mais pas de la cause de celui‑ci ni des circonstances l’entourant. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette conclusion.

 

[19]           En ce qui concerne le père, il est incorrect d’affirmer que la Commission a omis de tenir compte de ses expériences. Elle a décrit les problèmes du père relativement à la violence des gangs en 2000, de même que l’omission de la police d’y répondre. Ailleurs dans sa décision, la Commission souligne que le père avait demandé l’aide de la police en 2005 et que celle‑ci avait répondu favorablement en mettant en place des postes de contrôle additionnels. Encore une fois, je ne vois aucun fondement à l’assertion que la Commission a omis de tenir compte de la preuve.

 

IV.  Conclusion et dispositif

 

[20]           À mon avis, la Commission n’a pas omis d’examiner des éléments de preuve pertinents liés à la protection de l’État en El Salvador ou aux expériences de personnes dans une situation semblable à celle de M. Canales Rodriguez. Je devrai donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale en vue de la certification et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3744-10

 

INTITULÉ :                                       HECTOR ULISES CANALES RODRIGUEZ ET AUTRES c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 janvier 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 7 mars 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Belinda Bozinovski

POUR LES DEMANDEURS

 

Manuel Mendelzon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Belinda Bozinovski

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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