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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110314

Dossier : IMM-4717-10

Référence : 2011 CF 303

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 14 mars 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

MALAK LOFTI REYAD GAD

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               M. Gad est un chrétien copte qui craint de retourner en Égypte. Sa demande d’asile, fondée sur sa crainte des islamistes fanatiques, et plus particulièrement d’un dénommé Oussama (non pas ben Laden), avait été rejetée en 2003. Le premier examen des risques avant renvoi (ERAR) dont il avait fait l’objet, en 2009, fut défavorable. Il avait aussi demandé l’autorisation de présenter, depuis le Canada, une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Cette demande avait aussi été rejetée.

 

[2]               Il a présenté une seconde demande d’ERAR, laquelle, à l’instar de la première, reposait sur des faits qui s’étaient produits au Canada. Il prétend qu’il est un réfugié « sur place ». Cet examen, effectué en avril 2010, fut aussi défavorable. Il s’agit du contrôle judiciaire de celui-ci.

 

[3]               La présente décision fait abstraction des faits qui se sont produits depuis le second ERAR. Il est de notoriété publique que, depuis ce temps, le Président Hosni Moubarak a été chassé de son poste. Un nouvel ERAR, et il y en aura un puisque j’accueillerai la présente demande de contrôle judiciaire, devra tenir compte de ce facteur, ainsi que du statut actuel des chrétiens coptes en Égypte.

 

[4]               Alors qu’il était au Canada, M. Gad a écrit des articles dans lesquels il critiquait le régime égyptien et a participé à quatre manifestations devant l’ambassade et les consulats de l’Égypte. Deux de ces manifestations s’étaient tenues avant que ne soit rendue la première décision d’ERAR, et les deux autres ont eu lieu par la suite. Il avait aussi assisté à une rencontre publique avec des représentants du gouvernement de l’Égypte dans le sous-sol d’une église copte de la région de Toronto. Cette rencontre avait eu lieu après la première décision d’ERAR.

 

[5]               La décision de l’agente d’ERAR ne résiste pas à une analyse poussée et est donc déraisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[6]               En ce qui concerne les quatre manifestations, l’agente était d’avis que la participation du demandeur aux deux premières manifestations aurait dû être portée à l’attention du premier agent d’ERAR. Elle a conclu que les deux manifestations suivantes étaient de nature similaire et n’a donc pas tenu compte des possibles répercussions de la présence du demandeur à ces quatre manifestations. La question était de savoir si ces manifestations, qui étaient filmées par des représentants égyptiens, ont été portées à l’attention du gouvernement au Caire.

 

[7]               Il ne m’est pas nécessaire de commenter l’affirmation de l’avocate selon laquelle l’agente d’ERAR avait l’obligation de tenir compte des deux premières manifestations, bien qu’elles n’aient pas été portées à l’attention du premier agent d’ERAR, puisqu’elles ont eu lieu après la présentation de la première demande d’asile qui avait été rejetée. Le raisonnement de l’agent était circulaire. Deux des manifestations ont eu lieu après la première décision d’ERAR. Celles-ci constituaient des faits nouveaux au sens de l’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et l’agente avait certainement l’obligation de tenir compte de leurs répercussions. Elle n’en a rien fait.

 

[8]               En ce qui concerne la rencontre à l’église, elle a écarté l’affidavit de M. Gad, dans lequel il mentionnait qu’il s’était fait entendre à l’extrême, qu’il avait été très critique et qu’il avait certainement attiré l’attention des autorités égyptiennes. Elle a aussi fait abstraction d’une lettre d’appui venant d’une autre personne présente à cette rencontre. Elle s’est davantage fiée à un article de journal, présenté par M. Gad, qui, selon elle, rapportait que la rencontre avait été plutôt fructueuse, et elle a conclu que, bien que certaines opinions divergentes aient été exprimées, il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs étayant que l’on porterait davantage attention au demandeur en raison de la rencontre.

 

[9]               Elle était aussi d’avis que, si le demandeur avait attiré l’attention des autorités en Égypte, celles-ci auraient, d’une manière où d’une autre, harcelé les membres de sa famille en Égypte ou, du moins, seraient entrées en communication avec ceux-ci, sans égard au fait qu’elles savaient parfaitement que le demandeur était au Canada.

 

[10]           Je m’interroge sur l’interprétation que l’agente d’ERAR a donnée à l’article de journal. Premièrement, l’article relève qu’un membre du personnel du ministre des Affaires étrangères a pris la parole et que celui-ci a effectivement affirmé qu’il voulait avoir un dialogue avec la communauté égyptienne au Canada. Cependant, la traduction française de l’article rédigé en langue arabe mentionne que « [...] lors de la rencontre entre la délégation [...] et les coptes du Canada, [...] il y a eu des moments très intenses et des discussions stériles. » De plus, l’article expose en détail les plaintes formulées concernant l’absence de liberté de religion et d’enquête juste et convenable sur les événements tragiques dont sont victimes les chrétiens coptes en Égypte.

 

[11]           L’argument de l’agente d’ERAR, portant que, si M. Gad avait attiré l’attention des autorités égyptiennes, ces dernières auraient contacté d’une manière ou d’une autre les membres de sa famille et ses coreligionnaires, n’est que pure conjecture. Comment pouvons-nous savoir ce qui se passe dans la tête de l’agent de persécution? Le fait demeure que le dossier démontre clairement que le régime Moubarak ne tolérait aucune opposition et que, selon la prépondérance des probabilités, M. Gad avait certainement attiré l’attention des autorités. En fait, il était droit devant elles.

 

[12]           Étant donné ces conclusions, je n’ai pas besoin de me pencher sur les autres observations présentées au nom de M. Gad, ou de certifier une question grave de portée générale quant à savoir si les documents et les renseignements qui auraient pu être présentés dans le cadre du premier ERAR, mais qui ne l’ont pas été, sont toujours « nouveaux » au sens de la Loi, lorsqu’ils sont présentés dans le cadre d’un second ERAR.

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS;

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

2.                  La décision rendue par l’agente d’ERAR est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’ERAR pour nouvelle décision;

3.                  Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4717-10

 

INTITULÉ :                                       MALA LOFTI REYAD GAD c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 10 MARS 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 14 MARS 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Chantal Desloges

POUR LE DEMANDEUR

 

Tamrat Gebeyehu

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chantal Desloges Professional Corporation

Canadian Immigration and Refugee Law Firm

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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