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Cour fédérale

 

Federal Court


 


Date : 20110316

Dossier : IMM-4228-10

Référence : 2011 CF 319

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 16 mars 2011

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

LORENZO SALVADOR CID GUERRA

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Lorenzo Salvador Cid Guerra est un gangster mexicain. La Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu qu’il était interdit de territoire, parce qu’il est membre d’une organisation criminelle au sens de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). Une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée par la Cour. Il est toujours au Canada, bien qu’il soit interdit de territoire. Devrait-on lui permettre de rester?

 

[2]               Le législateur (je répète : le législateur, et non les tribunaux) a prévu que les individus du type de M. Cid Guerra ont droit à un examen des risques avant renvoi (ERAR), conformément aux articles 112 et suivants de la LIPR. Il ne sera pas renvoyé au Mexique si, selon la prépondérance des probabilités, il est exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités. Pour situer les faits dans leur contexte, le ministre n’a pas exprimé l’avis, comme l’envisage le paragraphe 115(2), que le demandeur ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et la gravité des actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

[3]               Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision de l’agente d’ERAR, laquelle a conclu qu’il n’y avait pas de motifs substantiels permettant d’étayer la prétention de M. Cid Guerra qu’il serait exposé au risque d’être soumis à la torture et qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire que celui-ci serait exposé à une menace à sa vie, ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, au sens de l’article 97 de la LIPR, s’il devait être renvoyé au Mexique. Je conclus que la décision est éclairée, transparente, logique et cohérente, et qu’elle résiste facilement à un examen selon la norme de la raisonnabilité, telle qu’elle est élaborée dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.

 

[4]               L’avocate de M. Cid Guerra a prétendu que la décision était déraisonnable, et inéquitable sur le plan procédural (un point sur lequel le Cour n’accorde aucune déférence judiciaire au décideur) quant aux aspects suivants :

a)      L’agente d’ERAR n’a pas nommé les agents de persécution que craignait le demandeur;

b)      L’agente d’ERAR a appliqué le mauvais critère juridique dans le cadre de son analyse relative à l’article 97 de la LIPR, lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’avait pas de crainte subjective; cette dernière n’a rien à voir avec une analyse relative à l’article 97.    

c)      L’agente d’ERAR a simplement énoncé une série de faits suivie d’une conclusion, sans procéder à une quelconque analyse. Plus précisément, l’agente a simplement effectué un copier-coller d’un rapport et n’a pas fait mention des autres rapports portant sur les conditions au Mexique, lesquels l’auraient conduit à une conclusion totalement différente en ce qui concerne la disponibilité de la protection de l’État au Mexique;

d)      L’agente d’ERAR n’a pas accordé une audience au demandeur en dépit du fait qu’il y avait des doutes quant à sa crédibilité et elle a conclu que le demandeur n’était pas crédible.

 

 

[5]               Dans ses longues notes au dossier, l’agente n’a pas précisément désigné le risque auquel s’exposait le demandeur, mais elle a explicitement mentionné, dans la troisième partie du formulaire d’ERAR, que [traduction] « [l]e demandeur crai[gnai]t l’organisation criminelle mexicaine La Mana (qui est associée au cartel de Sinaloa) ». Puisque l’agente a explicitement dégagé le risque, il n’était pas nécessaire qu’elle le répète dans son évaluation

 

[6]               Il est exact de dire que, même si la crainte subjective est un aspect d’une demande d’asile présentée au titre de l’article 96 de la LIPR, elle ne fait pas partie d’une analyse relative au statut de personne à protéger en application de l’article 97 (Shah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1121, 240 F.T.R. 15; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1514, [2004] 3 R.C.F. 501, confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2005 CAF 1, [2005] 3 R.C.F. 239). Cependant, cet énoncé concerne davantage la conclusion de l’agente portant qu’en réintégrant des rangs de La Mana à maintes reprises, M. Cid Guerra avait été l’artisan de son propre malheur, comme il le sait maintenant. Même si cela pourrait être interprété comme une erreur, celle-ci est sans importance, puisque l’agente a conclu qu’il n’y avait aucun fondement objectif à la crainte de persécution au sens de l’article 97. Comme le juge Joyal l’a souligné dans Miranda c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 63 F.T.R. 81, [1993] A.C.F. no 437, des plaideurs habiles peuvent découvrir quantité d’erreurs lorsqu’ils examinent des décisions de tribunaux administratifs.

 

[7]               Je ne peux souscrire à l’observation du demandeur que l’agente d’ERAR a simplement énoncé les faits et la conclusion, sans procéder à une analyse. Si c’est ce qu’elle a fait, la demande de contrôle judiciaire serait accueillie, puisque l’équité procédurale exige qu’une personne comprenne comment le décideur est arrivé à ses conclusions. (West Region Child and Family Services Inc c. North, 2007 CAF 96, 362 N.R. 83).

 

[8]               Dans la présente affaire, l’agente devait tenir compte d’un grand nombre de documents relatifs aux conditions dans le pays et a cité le rapport de 2009 du département d’État des États-Unis sur le Mexique concernant les pratiques en matière de droits de la personne, qui fait état des démarches du Mexique pour combattre le crime organisé. Au vu de ces informations, l’agente a conclu que le demandeur n’avait pas réfuté, au moyen d’une preuve claire et convaincante, la présomption de l’existence de la protection de l’État au Mexique. En prétendant que l’agente aurait dû renvoyer à l’examen périodique l’universel de l’assemblée générale de l’ONU portant sur le Mexique, daté de mai 2009, et au rapport de la professeure Judith Hellman, qui a été approuvé par la Cour dans la décision Villicana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1205, 86 Imm. L.R. (3d) 191, l’avocate me demande de soupeser la preuve à nouveau. Le choix, par l’agente d’ERAR, du rapport produit par le département d’État des États-Unis, était défavorable au demandeur.

 

[9]               Finalement, les demandeurs d’asile ont droit à une audience, mais un tel droit n’existe pas dans le cadre d’un ERAR. L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés énonce les facteurs servant à décider si la tenue d’une audience est requise, soit l’existence d’éléments de preuve soulevant une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur, l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision et la question de savoir si, à supposer qu’ils soient admis, ces éléments de preuve justifieraient que la demande d’asile soit accueillie.

 

[10]           L’agente avait le droit de refuser de tenir une audience. La crédibilité du demandeur n’était pas en cause. L’élément crucial de la décision que M. Cid Guerra ne serait pas exposé à un risque était son propre affidavit. S’il était exposé à un risque, c’était lorsqu’il était sous l’emprise de La Mana, alors qu’il était débardeur à Manzanillo. De son propre aveu, il était exposé à un risque bien moindre lorsqu’il résidait à Ensenada.

 

[11]           S’il était exposé à un risque, il n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que les policiers ne le protégeraient pas. Sauf que, s’il les contactait, ceux-ci pourraient très bien porter des accusations contre lui relativement aux crimes qu’il aurait commis et dont il a fait part aux autorités canadiennes. Il doit assumer les conséquences de ses actes.

 

[12]           L’avocate du ministre a présenté une requête visant à ce que les documents relatifs à l’admissibilité de M. Cid Guerra dont la Cour disposait soient versés au dossier. Je rejette cette requête en raison de son caractère théorique.

 


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS CI-DESSUS :

LA COUR ORDONNE :  

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4228-10

 

INTITULÉ :                                       LORENZO SALVADOR CID GUERRA c. 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 10 MARS 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 16 MARS 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alyssa Manning

POUR LE DEMANDEUR

 

Marina Stefanovic

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VanderVennen Lehrer

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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