Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110315

Dossier : T-761-09

Référence : 2011 CF 310

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 mars 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SCOTT

 

ENTRE :

 

ALAIN SEBAG, JOSEPH YOSSI CASTIEL,

MOCHE CASTIEL, ISAAC CASTIEL,

SIMON CASTIEL, 2756-2487 QUÉBEC INC.,

LOCATION AUTO IMPÉRIAL INC.,

9113-9279 QUÉBEC INC.,

1230588 ONTARIO INC.

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE,
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

        MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision rendue le 2 juillet 2009 par laquelle Danielle Houde, agente principale (l’agente), Division des services commerciaux, Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), a informé l’avocat des demandeurs que les dossiers de drawback des demandeurs étaient désormais clos.

 

 

I.          Les faits

[2]               Les demandeurs forment un groupe d’exportateurs privés de l’industrie canadienne qui achètent et exportent des véhicules automobiles. Ils n’importent pas de véhicules au Canada.

 

[3]               Pour obtenir de l’ASFC le remboursement des droits de douane, de la taxe de vente et de la taxe d’accise qu’ils ont payés, les demandeurs doivent produire un formulaire K32A rempli par les entreprises qui ont importé les véhicules au Canada.

 

[4]               Le 27 janvier 2009, l’ASFC a informé les demandeurs de leur droit de déposer les formulaires K32A remplis. Vers le 3 mars 2009, les demandeurs ont donc demandé par écrit à différentes sociétés automobiles de remplir lesdits formulaires. La plupart ont répondu que rien ne les obligeait à remplir les formulaires; seule la société BMW a acquiescé à la demande et renvoyé le formulaire K32A rempli aux demandeurs. Le formulaire concernait l’exportation d’une Mini Cooper 2003.

 

II.        Décision du tribunal de révision

[5]               L’agente a rendu sa décision le 2 juillet 2009. Les demandeurs étaient tenus de présenter, avant le 12 juin 2009, les formulaires K32A nécessaires à leur demande de drawback. Comme ils avaient omis de le faire et n’avaient pas non plus transmis les renseignements demandés concernant la Mini Cooper 2003, l’agente a informé les demandeurs que leurs dossiers de drawback avaient été fermés.

 

III.       Arguments des parties

            (a)        Position des demandeurs

[6]               En vertu de l’article 119 du Tarif des douanes, L.C. 1997, ch. 36, les exportateurs sont tenus de fournir un Certificat à l’égard de l’importation, de la vente ou d’un transfert (formule K32A) s’ils veulent bénéficier du drawback. Les demandeurs font valoir que l’exportateur n’a aucun moyen légal d’obliger l’importateur ou l’intermédiaire à remplir ce formulaire. Ils affirment que la Cour doit adopter une approche contextuelle pour interpréter la législation sur le drawback et confirmer leur droit au drawback, à défaut de quoi ils demandent à la Cour de déclarer la loi nulle pour cause d’imprécision, parce qu’elle impose une obligation indépendante de la volonté de ses bénéficiaires.

 

[7]               Les demandeurs soutiennent que le paragraphe 9(1) du Règlement sur le remboursement et le drawback relatifs aux marchandises importées et exportées, DORS/96-42, ne précise pas l’obligation que les importateurs et les intermédiaires ont à l’égard des exportateurs. Le droit d’accès au drawback dépend du pouvoir discrétionnaire et de la collaboration d’entités qui ne participent pas au processus d’exportation. Cette situation confère un avantage aux entités qui agissent à la fois comme importateurs et exportateurs de marchandises. Les demandeurs affirment qu’une analyse juridique permettrait de conclure que l’entité qui paie les droits de douane à l’exportation devrait avoir le droit de présenter la demande de drawback pour éviter la double imposition dans le marché étranger.

 

[8]               Les demandeurs soutiennent que ni les importateurs ni les intermédiaires n’ont l’obligation de collaborer. Par conséquent, c’est l’utilisateur final qui fait les frais de la double imposition (droits de douane canadiens et taxe perçue dans son propre pays). Les demandeurs ajoutent que les importateurs et les intermédiaires refuseront de collaborer avec les exportateurs indépendants parce que les grands constructeurs d’automobiles internationaux réglementent rigoureusement l’industrie. Les exportateurs sont désavantagés, même si les importateurs ne peuvent bénéficier du drawback. Les bénéficiaires de la loi ne sont pas en mesure de faire appliquer la loi.

 

[9]               Les demandeurs allèguent en outre que la loi peut être appliquée dans d’autres industries où les importateurs ne font pas directement concurrence aux exportateurs et fournissent les documents nécessaires par courtoisie professionnelle.

 

[10]           Les demandeurs soutiennent que les faits de l’espèce sont différents de ceux de l’affaire 9058-3956 Québec Inc. c. Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 4, 2006 A.C.F. no 45 (QL), portée en appel devant la Cour d’appel fédérale, 2006 CAF 363 (autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada refusée, [2006] CSCR no 503), sur laquelle les défendeurs se fondent.

 

[11]           Enfin, sur le fondement du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, les demandeurs soutiennent que la loi doit être édictée de manière à s’appliquer également à tous et à ce que tous aient droit au même bénéfice de la loi. Les demandeurs affirment qu’ils n’ont pas droit au bénéfice de la loi parce que les exportateurs privés sont traités différemment des entités agissant à la fois comme importateurs et exportateurs de véhicules. Les demandeurs s’appuient sur la décision rendue par la Cour fédérale dans l’affaire Pineview Poultry Products Ltd. c. Canada, [1994] 2 C.F. 475, [1994] A.C.F. no 78 (QL), pour étayer la position selon laquelle les sociétés demanderesses peuvent soulever une contestation fondée sur le paragraphe 15(1) de la Charte.

 

            (b)        Position des défendeurs

[12]           Les défendeurs soutiennent que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte.

 

[13]           Les défendeurs contestent la qualité pour agir de messieurs Sebag, Castiel, Castiel, Castiel et Castiel. Ils déclarent que ceux-ci ne peuvent présenter une demande de contrôle judiciaire, n’étant pas visés par la décision.

 

[14]           En ce qui concerne l’interprétation de la loi et la légalité de la décision, les défendeurs soutiennent que la Cour d’appel fédérale a déjà tranché la question dans l’affaire 9058-3956 Québec Inc., précitée. Par conséquent, l’argument des demandeurs concernant l’imprécision de l’article 119 a déjà été tranché par la Cour d’appel fédérale. Les défendeurs soutiennent également que les demandeurs n’ont avancé aucun argument pour expliquer en quoi l’article 119 du Tarif des douanes, l’article 5 du Règlement sur le remboursement et le drawback relatifs aux marchandises importées et exportées ou la décision allaient à l’encontre de l’article 7 de la Charte.

 

[15]           Quant à l’argument concernant l’article 15 de la Charte, les défendeurs affirment que ledit article ne confère pas de protection aux sociétés. En outre, les demandeurs individuels n’ayant pas qualité pour agir, ils ne peuvent faire valoir leurs droits ni en vertu de la Charte ni à titre d’actionnaires.

[15]

[16]           Enfin, les défendeurs soutiennent que la Cour ne peut déclarer que les importateurs ou les intermédiaires sont tenus de fournir des documents, ce qui constituerait une injonction ex parte contraire à la règle audi alteram partem, ces intermédiaires n’étant pas parties à la présente demande et n’en ayant pas reçu signification.

 

IV.       Questions en litige

[17]           Les questions en litige sont les suivantes :

A.        L’agente a‑t‑elle commis une erreur en décidant de clore les dossiers de drawback des demandeurs parce que ceux‑ci avaient omis de déposer les documents requis en vertu de l’article 119 du Tarif des douanes et des articles 5 et 9 du Règlement sur le remboursement et le drawback relatifs aux marchandises importées et exportées?

B.         Le fait que les exportateurs aient l’entière responsabilité de la production de tels documents vient-il à l’encontre de l’article 7 et du paragraphe 15(1) de la Charte?

 

V.        Analyse

A.        Norme de contrôle

[18]           Dans la décision 9058-3956 Québec Inc., précitée, le juge Rouleau de la Cour fédérale examine la question de la norme de contrôle applicable dans un cas semblable. Il s’exprime ainsi, aux paragraphes 25 à 29 :

À la lumière des critères pragmatiques et fonctionnels tel que réitérés dans l’arrêt Dr. Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, il est possible de conclure que la norme applicable à la décision de l’ASFC est celle de la décision correcte.

 

D’abord, mentionnons que le Tarif des douanes ne contient pas de clause privative qui pourrait permettre de soustraire la décision de l’ASFC au pouvoir de contrôle judiciaire.

 

Ensuite, mentionnons que l’expertise de la Cour est semblable à celle de l’ASFC en ce qui a trait à l’interprétation législative des dispositions du Tarif des douanes et des Règlements connexes qui s’avèrent pertinents à la présente affaire.

 

Quant à la question de savoir si le Tarif des douanes est une loi à caractère polycentrique, le juge Shore établi ce qui suit dans l’arrêt A & R Dress Co. Inc. v. Canada (Minister of National Revenue), 2005 FC 681, [2005] F.C.J. No. 861 (QL) au para. 15:

 

The Customs Tariff provides for duties imposition and duties relief. Section 109 and following of the Customs Tariff provide for duties relief in respect of obsolete and surplus goods. This is not a polycentric issue, where competing rights are at stake. It is a question of whether these sections entitle an entity to a refund. This factor points to a low deferential standard of review.

 

Bien que la présente affaire traite d’une demande de drawback en vertu d’une autre disposition du Tarif des douanes, ce passage semble néanmoins s’appliquer aux présents faits.

 

[19]           Par conséquent, la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte.

 

B.        L’entière responsabilité des exportateurs quant à la production des documents devant accompagner la demande de drawback

[20]           L’article 119 du Tarif des douanes est libellé comme suit :

Les demandes présentées en vertu des articles 110 ou 113 comportent, en la forme prescrite par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, la renonciation par laquelle toute autre personne admissible au drawback, au remboursement ou à la remise des droits y renonce.

 

 

[Je souligne.]

An application under section 110 or 113 must be accompanied by a waiver, in the prescribed form, from every other person eligible to claim a drawback, refund or remission of the duties in respect of which the application is made, waiving that person’s right to apply for the drawback, refund or remission.

 

[My emphasis.]

 

[21]           Les articles 5 et 9 du Règlement sur le remboursement et le drawback relatifs aux marchandises importées et exportées sont libellés comme suit :

5. Une demande de drawback aux termes de la présente partie peut être présentée lorsque les conditions suivantes sont réunies :

 

a) les marchandises sont exportées ou réputées l’être

avant la présentation de la demande;

 

b) le demandeur fournit une renonciation au bénéfice du drawback, d’un remboursement ou d’une remise des droits par toute personne ayant droit de réclamer ce bénéfice.

 

[…]

9. (1) Sous réserve du paragraphe (2), un drawback peut être demandé par toute personne qui est l’importateur ou l’exportateur des marchandises importées ou exportées ou qui en est le propriétaire, le transformateur ou le producteur entre le moment de leur expédition directe vers le Canada et celui de leur exportation ou exportation réputée.

 

 

(2) Seul l’importateur des marchandises visées à l’article 10 peut demander un drawback à leur égard.

5. An application for a drawback under this Part may be made where

 

 

 

(a) the goods were exported or deemed to have been exported before the application for drawback is made; and

 

(b) the applicant provides a waiver from all other persons entitled to claim a drawback, refund or remission of the duties, waiving their right to do so.

 

 

[…]

9. (1) Subject to subsection (2), a drawback may be claimed by any person who is the importer or exporter of the imported or exported goods, or is the processor, owner or producer of those goods between the time of

their direct shipment to Canada and their export or deemed export.

 

 

 

 

(2) In the case of the goods described in section 10, a drawback may be claimed only by the importer of the

Goods.

 

[22]           Les demandeurs soutiennent que les exportateurs ne disposent d’aucun moyen légal de faire appliquer ces dispositions, qui n’imposent pas aux importateurs ni aux intermédiaires l’obligation de fournir les documents requis. Une question semblable a été examinée dans la décision 9058-3956 Québec Inc., précitée. La situation factuelle était à peu près identique : les demanderesses n’avaient pas droit au drawback parce qu’elles n’avaient pas présenté les formulaires K32A. Le juge Rouleau de la Cour fédérale explique, au paragraphe 11 de sa décision, l’objet du formulaire K32A :

Le formulaire K32-A est le formulaire dans lequel les autres personnes admissibles au drawback renoncent à ce bénéfice. En l’espèce, les autres personnes admissibles au drawback sont les importateurs de ces véhicules.

 

[23]           Pour analyser la question, le juge Rouleau présente l’historique des dispositions pertinentes et conclut ce qui suit, aux paragraphes 44 à 46 :

À la lumière de cette interprétation administrative, les demanderesses semblent avoir tort de croire qu’elles sont les seules à avoir droit de faire la demande de drawback en alléguant qu’en ayant acheté les véhicules des mains des importateurs, celles-ci avaient renoncé aux droits des autres personnes admissibles au drawback. Le Règlement ne contient aucune disposition permettant d’accorder un drawback à l’acheteur qui ne peut obtenir l’avis de renonciation. Bref, c’est la qualité de la personne qui semble donner le droit à la demande de drawback, non pas le droit de propriété.

 

Ainsi, le sens donné au texte législatif permet de croire que le demandeur, qu’il soit exportateur, importateur, propriétaire, transformateur ou producteur, doit fournir une renonciation de la part de toute autre personne ayant droit de réclamer ce bénéfice, sans égard au droit de propriété du bien exporté.

 

Dans la présente affaire, les demanderesses n’ont pas su démontrer que la décision de l’ASFC était incorrecte compte tenu du droit applicable. De ce fait, la décision de l’ASFC est donc maintenue, la Cour n’ayant aucun motif de croire que son interprétation des dispositions ayant trait aux personnes admissibles au bénéfice du drawback est déraisonnable.

  

[24]           La décision a été confirmée par la Cour d’appel. Le juge Décary s’exprime ainsi, aux paragraphes 4 et 5 :

Le juge Rouleau de la Cour fédérale a entériné la décision de l’Agence (2006 CF 4). Le jugement attaqué est bien fondé. Les articles en question sont clairs. Dès lors que les sociétés appelantes ne sont pas en mesure de fournir une renonciation au bénéfice du drawback émanant de l’importateur, leurs demandes de drawback ne remplissent pas les conditions et ne peuvent être acceptées.

 

Le procureur des sociétés appelantes nous demande d’interpréter les articles 119 du Tarif et 5 du Règlement de manière à ce que seule la personne ayant droit, selon lui, au drawback soit tenue de fournir la renonciation. Or, l’objet de ces deux dispositions est précisément d’établir qui est la seule personne ayant droit au drawback. L’interprétation proposée vide de tout sens les deux dispositions.

 

[25]           Il ressort clairement de cet arrêt que, conformément à l’article 119 du Tarif des douanes et aux articles 5 et 19 du Règlement sur le remboursement et le drawback relatifs aux marchandises importées et exportées, tout exportateur, qu’il soit ou non importateur en premier lieu, doit fournir les formulaires K32A à l’ASFC pour être admissible au drawback. À mon avis, les dispositions sont claires. Les demandeurs doivent fournir les documents requis pour obtenir un drawback. Puisque les demandeurs ne l’ont pas fait et qu’ils n’ont pas présenté les renseignements additionnels demandés concernant la Mini Cooper 2003, l’ASFC a pris une décision correcte en fermant leurs dossiers.

 

[26]           Par ailleurs, les demandeurs n’ont pas convaincu la Cour que les faits sous‑tendant leur demande se distinguent de ceux de l’affaire 9058-3956 Québec Inc., précitée.

 

C.        Arguments fondés sur la Charte et qualité des actionnaires

[27]           L’article 15 de la Charte prévoit ce qui suit :

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.

15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

 

[28]           Nous devons donc déterminer si la Charte s’applique en l’espèce. Dans l’arrêt Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326, le juge LaForest, dissident, s’exprime ainsi au paragraphe 101 :

L’appelant a aussi soutenu que la disposition législative contestée porte atteinte aux droits garantis par l’art. 15 de la Charte parce qu’elle impose une interdiction qui n’existe pas dans d’autres provinces et territoires du Canada et qu’elle crée une discrimination contre la presse écrite et entre les journaux de grande diffusion et la presse spécialisée. Puisque l’art. 15 ne s’applique qu’aux personnes physiques, il ne s’applique pas aux personnes morales comme l’appelant [...]

 

[29]           Cette question a déjà été examinée par Peter Hogg dans Constitutional Law of Canada, édition en feuilles mobiles (Toronto, Carswell, 2007) au chapitre 37. Selon Hogg, la question de savoir si le terme anglais « individual » comprend les personnes morales est nébuleuse. De plus, la version française utilise le terme « personne », qui pourrait comprendre les personnes morales. Relativement à la position des tribunaux canadiens, Hogg écrit ceci, à la page 37-5 :

[traduction] Au moment de la rédaction du présent document, la Cour suprême du Canada avait rendu deux arrêts relativement à des affaires où des personnes morales avaient invoqué l’article 15; tirant pour d’autres motifs une conclusion défavorable quant à la demande fondée sur le droit à l’égalité, la Cour a soigneusement refusé de trancher la question, ce qui pourrait signifier que la Cour doute de la réponse. Les tribunaux inférieurs ont conclu que l’article 15 ne s’appliquait pas aux personnes morales.

 

[30]           Hogg examine également la question de la qualité et s’exprime ainsi, à la page 59-3 :

[traduction] La question de savoir si une personne a « qualité » (ou locus standi) pour introduire une instance consiste à se demander si la personne est suffisamment concernée par l’issue de la cause pour avoir recours au processus judiciaire. La question de la qualité s’attache essentiellement à la position de la partie qui veut intenter une action, et non au litige que l’action est censée résoudre.

 

[31]           Il ajoute ceci, à la page 59-4 :

[traduction] Quand une question constitutionnelle est soulevée dans le cadre d’une instance civile ou pénale ordinaire, la question de la qualité est rarement controversée. La validité d’une loi (ou autre instrument ou texte législatif officiel) doit être déterminée pour que les points en litige entre les parties puissent être résolus. Il va sans dire que seule la partie qui serait touchée par l’application d’une loi a le droit de contester la constitutionnalité de ladite loi. Cette personne a qualité pour attaquer la validité de la loi.

 

[32]           La situation est différente si l’action a pour seul objectif de contester la constitutionnalité d’une loi. Le cas échéant, si [traduction] « la loi lui cause un “préjudice exceptionnel”, c’est‑à‑dire si elle ne s’applique pas à lui de la même façon qu’au public en général, le particulier aura qualité pour engager une action déclaratoire en vue de contester la validité de la loi » (page 59-5).

 

[33]           En l’espèce, je suis d’avis que les demandeurs, messieurs Sebag, Castiel, Castiel, Castiel et Castiel ont qualité pour agir dans l’instance, étant donné que la question constitutionnelle est soulevée dans le cadre d’une instance civile (voir Pineview Poultry Products Ltd, précitée). Toutefois, cette détermination n’est pas essentielle à la présente cause; à mon avis, qu’ils aient qualité pour agir ou non, les demandeurs ont été traités de la même manière que tous les autres Canadiens. L’article 119 du Tarif des douanes ainsi que les articles 5 et 9 du Règlement sur le remboursement et le drawback relatifs aux marchandises importées et exportées respectent l’article 15 de la Charte et ne sont pas inconstitutionnels.

 

[34]           La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée avec dépens.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée, les demandeurs étant solidairement tenus de payer la totalité des dépens.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-761-09

 

INTITULÉ :                                       ALAIN SEBAG, JOSEPH YOSSI CASTIEL,

                                                            MOCHE CASTIEL, ISAAC CASTIEL, SIMON CASTIEL, 2756-2487 QUÉBEC INC., LOCATION AUTO IMPÉRIAL INC., 9113-9279 QUÉBEC INC., 1230588 ONTARIO INC.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE :                                               Le 15 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Éric Markakis

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Jacques Savary

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Éric Markakis

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.