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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110318

Dossier : T-1445-10

Référence : 2011 CF 328

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2011

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

HANI HASAN EL-KHADER

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Le contexte

 

[1]               Le 24 juillet 2002, M. Hani Hasan El-Khader, le demandeur, s’est vu accorder le statut de résident permanent au Canada. Depuis l’obtention de son droit d’établissement, le demandeur a travaillé de longues périodes de temps hors du Canada. Le 7 janvier 2008, il a reconnu, dans le cadre de la demande de citoyenneté qu’il a présentée, n’avoir été physiquement présent au Canada que 925 jours pendant les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande. Dans le cadre de cette demande, il a également présenté lors de deux entrevues des renseignements et des documents en grand nombre en lien avec son « degré d’établissement » au Canada. Dans sa décision datée du 17 août 2010, le juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur n’avait pas satisfait à l’obligation de résidence découlant de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29. Le juge a ajouté avoir recouru au critère d’analyse utilisé par le juge Muldoon dans la décision Pourghasemi (Re)  (1993), 62 F.T.R. 122, 19 Imm. L.R. (2d) 259 (Pourghasemi (Re)) : quiconque désire devenir citoyen doit démontrer, en application de l’alinéa 5(1)c), qu’il était physiquement présent au Canada pendant 1 095 jours au cours de la période de quatre ans qui a précédé la demande de citoyenneté.

 

[2]               Le demandeur en appelle de la décision du juge de la citoyenneté en application du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté. On interjette un tel appel au moyen d’une demande fondée sur le dossier présenté au juge de la citoyenneté, les dispositions relatives aux demandes des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, étant alors applicables (alinéa 300c) des Règles; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Wang, 2009 CF 1290, 87 Imm. L.R. (3d) 184). La décision alors rendue par la Cour ne peut, elle, faire l’objet d’appel. Si l’affaire n’est pas renvoyée pour nouvelle décision, le demandeur débouté qui satisfait aux critères précisés dans la loi peut soumettre une nouvelle demande.

 

II.        Les questions en litige

 

[3]               La principale question dont je suis saisie est de savoir si le juge de la citoyenneté a commis une erreur en recourant au critère de la présence physique plutôt qu’en procédant à une analyse qualitative du degré d’établissement au Canada du demandeur. Autrement dit, le juge de la citoyenneté a-t-il conclu erronément qu’un demandeur ne pouvait satisfaire à l’obligation de résidence énoncée à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté qu’en étant physiquement présent le nombre de jour requis au Canada? Le demandeur soutient à ce titre que, depuis qu’a été rendue la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Takla, 2009 CF 1120, 359 F.T.R. 248 (Takla), de la Cour fédérale, un seul critère juridique est correct, celui de l’analyse qualitative décrit dans Koo (Re), [1993] 1 CF 286, 19 Imm. L.R. (2d) 1 (Koo (Re)).

 

[4]               Le demandeur prétend, subsidiairement, que la décision du juge de la citoyenneté n’était pas suffisamment motivée.

 

III.       Les dispositions légales pertinentes

 

[5]               L’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté prévoit ce qui suit :

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(i)   un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii)  un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

. . .

 

(c)        is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i)   for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

 

(ii)  for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

[6]               On ne définit aucunement dans la Loi sur la citoyenneté les expressions « résident » ou « résidence ».

 

IV.       La norme de contrôle

 

[7]               Il est de droit constant que la norme de contrôle applicable à la décision d’un juge de la citoyenneté est la raisonnabilité (se reporter, par exemple, à la décision Hao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 46, [2011] A.C.F. n° 143 (QL), paragraphe 11 (Hao), ainsi qu’à la décision Abbas c. MCI, 2011 CF 145, [2011] A.C.F. no 167 (QL) (Abbas)).

 

[8]               En l’espèce, la décision du juge de la citoyenneté avait deux composantes. Le juge devait déterminer de manière purement factuelle, premièrement, quel nombre de jours le demandeur avait été physiquement présent au Canada pendant la période de quatre ans ayant précédé la présentation de sa demande. Le demandeur a reconnu n’avoir été physiquement présent au Canada que 925 jours pendant cette période. Aux fins de son analyse, le juge de la citoyenneté a ensuite déterminé, deuxièmement, quelle interprétation il convenait de  donner à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. On l’a dit, le juge a interprété cette disposition de la loi comme requérant une présence physique au Canada d’au moins 1 095 jours. C’était là une question de droit, ne commandant toutefois pas automatiquement l’application de la décision correcte comme norme de contrôle.

 

[9]               Dans de récents arrêts, en particulier Celgene Corporation c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 1, 89 C.P.R. (4th) 1, paragraphe 34, ainsi que Smith c. Alliance Pipeline Ltd., 2011 CSC 7, (2011) A.C.S. n7 (QL) (Alliance Pipeline) (les paragraphes 37 à 39, reproduits ci-après, sont particulièrement pertinents quant à la question qui nous occupe), la Cour suprême a insisté sur la retenue dont il fallait faire preuve face à l’interprétation par un tribunal administratif de sa loi constitutive.

Qualifier de question de droit la question soumise au juge saisi d’une demande de contrôle judiciaire n’aide pas davantage Alliance, étant donné que l’interprétation qu’un tribunal administratif fait de sa loi constitutive — la question en litige en l’espèce — entraîne en principe l’application de la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir, au par. 54), sauf lorsque la question soulevée est constitutionnelle, revêt une importance capitale pour le système juridique ou délimite la compétence du tribunal concerné par rapport à celle d’un autre tribunal spécialisé, ce qui n’est de toute évidence pas le cas dans le présent pourvoi.

 

Sur cet aspect de l’affaire, Alliance soutient enfin que l’adoption de la norme de la décision raisonnable irait à l’encontre du principe de la primauté du droit, en mettant à l’abri du contrôle judiciaire les décisions contradictoires des comités d’arbitrage quant à l’interprétation appropriée du par. 99(1) de la LONE. Je ne partage pas les craintes de l’intimée. Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour a affirmé qu’une question de droit qui ne revêt pas une importance capitale pour le système juridique « peut justifier l’application de la norme de la raisonnabilité » (par. 55), ajoutant qu’« [i]l n’y a rien d’incohérent dans le fait de trancher certaines questions de droit [en fonction de cette norme] » (par. 56; voir également l’arrêt Toronto (Ville) c. S.C.F.P., au par. 71).

 

D’ailleurs, même avant l’arrêt Dunsmuir, la norme de la décision raisonnable a toujours reposé « sur l’idée qu’une disposition législative peut donner lieu à plus d’une interprétation valable, et un litige, à plus d’une solution », de telle sorte que « la cour de révision doit se garder d’intervenir lorsque la décision administrative a un fondement rationnel » (Dunsmuir, au par. 41).

 

[10]           En l’espèce, c’était sur la Loi sur la citoyenneté que s’appuyait la compétence du juge de la citoyenneté pour trancher la demande de citoyenneté et celui-ci interprétait sa « loi constitutive » lorsqu’il a dégagé des mots « résident » et « résidence » de l’alinéa 5(1)c) l’obligation pour le demandeur d’être physiquement présent pendant 1 095 jours au Canada au cours de la période en cause de quatre ans. La question soulevée n’était pas de nature constitutionnelle, ni n’avait trait à la délimitation de la compétence du tribunal concerné par rapport à celle d’un autre tribunal spécialisé. Le demandeur n’a pas fait valoir par ailleurs que l’interprétation de l’alinéa 5(1)c) revêtait une « importance capitale pour le système juridique ». Je conclus donc que la norme de raisonnabilité est celle qui s'applique à l’interprétation par un juge de la citoyenneté de l’alinéa 5(1)c). Autrement dit, le juge saisi d’une demande de contrôle judiciaire ne doit pas substituer sa propre interprétation d’une disposition légale à celle du tribunal administratif. Il doit plutôt déterminer en l’espèce si l’interprétation faite par le juge de la citoyenneté appartient, au sens de l’arrêt Dunsmuir, aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 (Dunsmuir)).

 

V.        Analyse

 

[11]           Au fil des ans, la Cour fédérale a donné son adhésion à trois modes d’interprétation des expressions « résident » et « résidence » utilisées dans la loi. Tout récemment, on a décrit de manière très détaillée cette évolution jurisprudentielle tant dans la décision Takla que Hao, précitées. 

 

[12]           Pour simplifier les choses, on peut regrouper en deux catégories les trois courants jurisprudentiels : « l’approche quantitative » et « l’approche qualitative ». Le critère énoncé dans Pourghasemi (Re), appliqué par le juge de la citoyenneté en l’espèce, fonde l’approche quantitative et consiste à se demander si le demandeur était physiquement présent au Canada pendant 1 095 jours au cours de la période de quatre ans ayant précédé la présentation de sa demande de citoyenneté. Ce critère est celui de « présence physique ».

 

[13]           L’approche qualitative a été exposée dans la décision Papadogiorgakis (Re), [1978] 2 CF 208, 88 DLR (3d) 243, puis étoffée dans la décision Koo (Re). Dans celle-ci, le critère, utilisé pour la première fois par la juge Reed, nécessitait l’analyse par le juge de la citoyenneté de six facteurs en vue d’établir si le demandeur avait « centralisé son mode d’existence » au Canada et satisfaisait ainsi à l’obligation de résidence, et ce, même s’il y avait été présent moins de 1 095 jours.

 

[14]           Dans la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 164 F.T.R. 177, [1999] A.C.F. n410 (QL) (C.F. 1re inst.), le juge Lufty (maintenant juge en chef de la Cour fédérale), a relevé les divergences sur ce point qui existaient dans la jurisprudence. Il a alors conclu que, si un juge de la citoyenneté adhérait à l’une ou l’autre des trois écoles jurisprudentielles contradictoires et appliquait correctement aux faits d’espèce les principes de l’approche privilégiée, sa décision ne devait pas alors être annulée.

 

[15]           Pendant les douze années suivantes, la Cour fédérale a confirmé de façon constante les décisions où l’on recourait soit à l’approche quantitative soit à l’approche qualitative. Les parties qui interjetaient appel devant la Cour savaient qu’il était loisible au juge de la citoyenneté d’appliquer l’un ou l’autre critère. C’était loin d’être idéal étant donné que les demandeurs de citoyenneté ne savaient jamais avec certitude quel critère serait appliqué dans leur affaire. Le législateur aurait toutefois toujours pu modifier la Loi sur la citoyenneté pour clarifier la question, mais il ne l’a pas fait.

 

[16]           Dans la décision Takla, précitée, qu’il a rendue en 2009, le juge Mainville (alors juge à la Cour) s’est dit partisan de l’approche qualitative, et il a déclaré ce qui suit (paragraphes 46 et 47) :

Dans le présent contexte, puisque cette situation alors perçue comme transitoire est devenue permanente, il m'apparaît approprié de fixer une interprétation unique de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Compte tenu de la jurisprudence nettement majoritaire de cette Cour, le critère de la centralisation du mode de vie au Canada établi dans Koo, précité, et les six questions qui y sont rattachées aux fins d'analyse devraient devenir l'unique critère et l'unique analyse applicables.

 

Quoique je sois d'avis que le critère de la présence physique pendant trois ans soutenu par la première école jurisprudentielle est conforme au texte de la loi, il m'apparaît préférable de favoriser une approche uniforme à l'interprétation et à l'application de la disposition législative en cause. J'arrive à cette conclusion dans un effort d'uniformisation du droit applicable. En effet, il n'est pas cohérent que le sort d'une demande de citoyenneté soit déterminé selon des grilles d'analyse et des critères qui divergent d'un juge à un autre. Dans la mesure du possible, il faut favoriser la cohérence des décisions des tribunaux administratifs […].   

 

[17]           Nombre de juges de la Cour fédérale ont souscrit à l’adoption par le juge Mainville, dans Takla, du critère de Koo (Re) en tant que seul outil devant servir à analyser l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (se reporter, par exemple à Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Salim, 2010 CF 975, 92 Imm. L.R. (3d) 196; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Alonso Cobos, 2010 CF 903, 92 Imm. L.R. (3d) 61; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Abou-Zahra, 2010 CF 1073, [2010] A.C.F. no 1326 (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Elzubair, 2010 CF 298, [2010] A.C.F. no 330 (QL); Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1178).

 

[18]           Depuis qu’a été rendue la décision Takla, toutefois, un second courant jurisprudentiel s’est dégagé, tout aussi ferme que le précédent (se reporter, par exemple, à Abbas, précitée; Sarvarian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1117, [2010] A.C.F. no 1433 (QL)). Les juges dans ces cas ont continué de juger raisonnable le recours tant à l’interprétation qualitative qu’à l’interprétation quantitative de l’alinéa 5(1)c).

 

[19]           La Cour suprême du Canada a fait ressortir le fondement de ce second courant dans les remarques qu’elle a formulées dans les arrêts Celgene et Alliance Pipeline, précités. Elle y a aussi affermi le principe selon lequel, même avant Dunsmuir, la norme de raisonnabilité s’appuyait toujours « sur l’idée qu’une disposition législative peut donner lieu à plus d’une interprétation valable, et un litige, à plus d’une solution », de telle sorte « que la cour de révision doit se garder d’intervenir lorsque la décision administrative a un fondement rationnel » (Dunsmuir, au paragraphe 41; Alliance Pipeline, aux paragraphes 38 et 39). 

 

[20]           Le fondement de l’argumentation du demandeur c’est que le juge de la citoyenneté aurait commis une erreur de droit en ne suivant pas le critère énoncé dans la décision Takla, précitée. L’argumentation ne tient toutefois que si cette dernière décision a infirmé la décision Lam. Or, selon moi, la conclusion d’un juge de la Cour fédérale dans Takla n’a pas écarté, ni ne pouvait écarter, la conclusion d’un autre juge de la Cour dans Lam. Le droit demeure ainsi inchangé de sorte que, dans la mesure où un juge de la citoyenneté adopte et applique correctement l’un ou l’autre critère, sa décision doit être maintenue.

 

[21]           Cette conclusion est étayée par le juge Mainville lui-même dans la décision Takla, qui y reconnaît (au paragraphe 47) que « le critère de la présence physique pendant trois ans [...]  est conforme au texte de la loi ».  On donne avec le critère de la présence physique une interprétation raisonnable aux expressions « résident » et « résidence » à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Autrement dit, la décision d’un juge de la citoyenneté de dégager de cette disposition l’obligation d’être physiquement présent constitue une interprétation raisonnable étayée par le libellé de la loi et par une longue suite de décisions de la Cour. Contrairement à ce qu’a allégué le demandeur, le juge de la citoyenneté n’a pas commis d’erreur sur cette question.

 

[22]           Le demandeur soutient que, par courtoisie judiciaire, je devrais suivre la décision de mon ancien collègue le juge Mainville, et des autres juges qui dans sa foulée ont rejeté le critère de la présence physique. Je ferai écho, pour lui répondre, au raisonnement suivant (exposé aux paragraphes 49 et 50) du juge Mosley dans la décision Hao, précitée :

Au nom de la courtoisie judiciaire, j’ai examiné la question de savoir si je devais suivre l’analyse de mes collègues qui sont en faveur du critère établi dans Koo. Selon le principe de la courtoisie judiciaire, les décisions de la Cour doivent concorder les unes avec les autres, de manière à assurer aux parties en litige une certaine prévisibilité : Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CF 120, infirmée en appel pour d’autres motifs : 2007 CAF 73, 361 N.R. 90. Je note que, dans la décision Ghaedi, précitée, le juge Barnes a refusé d’appliquer le principe au contexte de l’espèce, quoique en référence au courant jurisprudentiel établi dans Lam.

 

Je conviens qu’une uniformité du critère à appliquer pour déterminer la résidence serait préférable, mais plusieurs juges de notre Cour, y compris moi-même, ont conclu que, si l’on se fie au texte de la loi, l’interprétation de la résidence physique est appropriée. En outre, la Cour a pendant plus de onze ans traité avec déférence les décisions des juges de la citoyenneté de privilégier cette interprétation plutôt qu’une autre comme étant un exercice raisonnable de leur pouvoir discrétionnaire. Bien que l’application non uniforme de la loi soit malheureuse, on ne peut pas dire que tous les exemples de ce manque d’uniformité dans le présent contexte sont déraisonnables. Si la situation est « scandaleuse », comme l’a laissé entendre le juge Muldoon il y a de cela bon nombre d’années dans Harry, c’est au législateur que revient le rôle de corriger le problème.

 

[23]           Bref, l’application par le juge de la citoyenneté du critère de la présence physique avait un caractère raisonnable.

 

[24]           Il s’ensuit que doit aussi être rejetée l’allégation du demandeur selon laquelle la décision du juge de la citoyenneté n’était pas suffisamment motivée. Celui-ci y a en effet clairement exprimé qu’il se conformait à la décision Pourghasemi (Re), précitée, qui, pour l'application de l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, requérait la présence physique du demandeur. Selon cette interprétation de la disposition, la seule question à trancher par le juge de la citoyenneté était de savoir si le demandeur avait été physiquement présent ou non au Canada pendant 1 095 jours. Or, le demandeur a reconnu ne pas avoir atteint le nombre de jours requis. Compte tenu également du critère appliqué par le juge de la citoyenneté, la preuve documentaire n’avait aucune pertinence, et celui-ci n’a pas commis d’erreur en ne mentionnant pas les très nombreux documents produits par le demandeur.

 

[25]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE comme suit : l’appel interjeté à l’encontre de la décision du juge de la citoyenneté est rejeté.

 

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1445-10

 

INTITULÉ :                                       HANI HASAN EL-KHADER

                                                            c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 28 FÉVRIER 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 18 MARS 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ada Mok

Alex Kam

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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