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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110323

Dossier : IMM-2417-10

Référence : 2011 CF 360

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2011

En présence de monsieur le juge Boivin 

 

ENTRE :

 

MIGUEL ANGEL BELMONTE SOTO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la Loi) à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (ci-après le Tribunal), en date du 7 avril 2010, selon laquelle le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

 

Contexte factuel

[2]               Les faits relatés par le Tribunal sont comme suit : Le demandeur, monsieur Miguel Angel Belmonte Soto, est citoyen du Mexique. Il allègue craindre monsieur José de Jesus Claudio, qui aurait été son employeur de novembre 2005 à décembre 2006. Quelques semaines après le début de son emploi, le frère de José Claudio, Juan Claudio, aurait raconté au demandeur que son frère et lui-même étaient impliqués dans des affaires de narcotrafic.

 

[3]               Le 30 novembre 2006, Juan Claudio aurait été arrêté par la police et aurait été accusé de trafic de drogue. Le 3 décembre 2006, José Claudio serait allé chercher le demandeur à son restaurant, mais ne l’aurait pas trouvé.

 

[4]               Au début de décembre 2006, le demandeur aurait commencé à travailler pour un autre restaurant. Le 5 décembre, il aurait été intercepté par José Claudio et deux autres individus. Les deux individus l’auraient pris par le bras et l’auraient battu en l’insultant et en lui disant de se taire. Le demandeur aurait subi des égratignures et des hématomes suite à cet événement.

 

[5]               Le 7 décembre 2006, le demandeur serait allé au ministère public de Léon, où il aurait essayé de présenter une plainte par écrit. Toutefois, l’officier en uniforme n’aurait qu’écrit quelques notes. Le demandeur n’aurait rien signé et il aurait vu l’officier en uniforme remettre le tout dans un classeur. Le demandeur n’aurait pas mentionné que José Claudio était impliqué dans le narcotrafic.

 

[6]               Quelques jours après cette rencontre, le demandeur aurait été menacé encore une fois lorsque José Claudio se serait présenté à sa résidence accompagné de deux individus. Par la suite, le demandeur serait resté à sa résidence. Le demandeur serait ensuite allé demeurer chez sa tante, madame Soledad Soto Lara, à environ une heure de sa résidence à Léon. Le demandeur a témoigné qu’il a décidé de soumettre une demande de passeport en février 2007 et qu’il aurait quitté le pays le 23 mars 2007. Il a fait une demande d’asile au Canada en avril 2007.

 

[7]               L’audition de la demande d’asile a eu lieu le 29 mars 2010. Le 7 avril 2010, le Tribunal a rejeté la demande d’asile du demandeur.

 

Décision contestée

[8]               Le Tribunal a rejeté la demande d’asile du demandeur pour trois motifs distincts et indépendants : l’absence de crédibilité du demandeur, la disponibilité de la protection de l’État au Mexique et la possibilité d’un refuge interne (PRI).

 

[9]               En ce qui a trait à la crédibilité du demandeur, le Tribunal a jugé que le témoignage de ce dernier comportait plusieurs contradictions et omissions, notamment le fait qu’il n’ait pas mentionné le narcotrafic au paragraphe 13 de son FRP, le nombre et le moment des menaces de mort dont il allègue avoir fait l’objet, le fait que José Claudio l’ait frappé ou non, et l’existence même de José Claudio et de son frère, Juan.

 

[10]           Le Tribunal a décrit le témoignage du demandeur comme « laborieux et comport[ant] plusieurs contradictions et omissions » (Dossier certifié de la Cour, décision du tribunal, au para 10). Le Tribunal a souligné que le demandeur n’a déposé aucune pièce à l’appui de son témoignage autre que son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et a témoigné à l’effet qu’il n’a pas tenté d’obtenir des documents supplémentaires qui auraient pu corroborer sa version des faits, tel un rapport de police ou la plainte déposée. Le Tribunal a rejeté les explications du demandeur voulant qu’il n’ait pas tenté d’obtenir de documents corroboratifs, craignant que cela ait des répercussions sur sa famille.

 

[11]           Au sujet de la protection de l’État, le Tribunal a jugé que le demandeur n’a pas réussi à réfuter la présomption de la protection de l’état et n’a pas, à l’appui d’une preuve claire et convaincante, prouver l’incapacité de l’État mexicain à assurer sa protection. Le Tribunal n’a accordé aucune crédibilité à l’effet que le demandeur ait tenté d’obtenir la protection de l’état en portant plainte à la police, ni au fait qu’il n’ait pas tenté d’obtenir la protection des autorités fédérales.

 

[12]           Le Tribunal a rappelé que le caractère adéquat de la protection de l’état ne peut se fonder sur la crainte subjective du demandeur d’asile (Martinez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1050, [2005] ACF no 1297). De plus, le Tribunal a relevé de la preuve documentaire que le Mexique avait fait beaucoup de progrès au niveau de la protection contre la corruption et le narcotrafic.

 

[13]           Finalement, la question de la possibilité de refuge interne (PRI) a été discutée à l’audience. Les villes de Mexico District fédéral, Guadalajara, Monterrey, Acapulco et Cancun ont été soulevées. Le Tribunal a jugé que le demandeur échouait aux deux volets, subjectif et objectif, du critère de la PRI.

 

[14]           Le Tribunal a rejeté la demande du demandeur.

 

Dispositions législatives pertinentes

[15]           Les dispositions suivantes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sont pertinentes en l’espèce :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

Question en litige

[16]           Les questions en litige qui se posent dans la présente affaire sont les suivantes :

a.      Le Tribunal a-t-il erré en concluant que le demandeur n’était pas crédible?

 

b.      Le Tribunal a-t-il erré en concluant que le demandeur n’avait pas repoussé la présomption de protection de l’État mexicain?

 

c.   Le Tribunal a-t-il erré en concluant à la possibilité de refuge interne?

 

Norme de contrôle

[17]           Il est de jurisprudence constante que la norme de la décision raisonnable s’appliquent aux questions de crédibilité (voir Malveda c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 447, [2008] ACF no 527; Aguirre c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 571, [2008] ACF no 732; Khokhar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 449, [2008] ACF no 571; et Tovar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 600, [2009] ACF no 785).

 

[18]           Les questions liées à la protection de l’état sont des questions mixtes de fait et de droit qui doivent également être examinées selon la norme de la raisonnabilité (Sosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2009 CF 275, [2009] ACF no 343, au para 15).

 

[19]           Finalement, cette Cour a déterminé que la norme de contrôle applicable aux questions de possibilité de refuge interne (PRI) est celle de la norme raisonnable (voir Guerilus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 394, [2010] ACF no 438, au para 10 et Krasniqi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2010 CF 350, [2010] ACF no 410, au para 25).

 

Analyse

a.   Le Tribunal a-t-il erré en concluant que le demandeur n’était pas crédible?

[20]           Au sujet de l’absence de crédibilité, le demandeur soumet que la décision rendue par le Tribunal est arbitraire et déraisonnable dans la mesure où le tribunal administratif allègue de manière fausse qu’il y aurait contradiction entre le témoignage de M. Soto à l’audition et le contenu du paragraphe 13 de sa réponse à la question 31 de son FRP.

 

[21]           En ce qui concerne la différence des termes « affaires sales et dangereuses » et                      « narcotrafic », le demandeur soutient que les deux explications fournies, loin de se contredire, constituent des faits mutuellement exclusifs. Le terme « narcotrafic » constituait une précision apportée à l’audience par rapport à son FRP. En ce sens, le demandeur soumet que la décision du Tribunal était manifestement arbitraire et illogique au point de vicier son raisonnement (Dossier du demandeur, affidavit circonstancié du demandeur aux paras 17-18 et Dossier certifié de la Cour, décision du tribunal aux para 10-11). Selon le demandeur, les motifs mis de l’avant par le Tribunal pour rejeter son témoignage ne sont pas étayés par la preuve.

 

[22]           De plus, le demandeur soumet que relativement aux autres aspects abordés par le Tribunal, aux paragraphes 12 à 16 de la décision, cette dernière contient en fait une analyse microscopique qui s’attache à des détails mineurs et périphériques.

 

[23]           En revanche, le défendeur souligne que le demandeur, lorsque questionné pendant son témoignage, s’est contenté de répondre qu’il ne savait pas pourquoi il existait des omissions et des contradictions par rapport à son FRP. Le défendeur soumet que les omissions et contradictions soulevées par le Tribunal portaient sur le cœur même de la demande; en ce sens, la décision du Tribunal est bien fondée.

 

[24]           Il est de jurisprudence constante que le Tribunal peut considérer les omissions de faits importants au FRP d’un demandeur comme portant atteinte à sa crédibilité (Cienfuegos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1262, [2009] ACF no 1591; Bernal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1007, [2009] ACF no 1217). En fait, le demandeur demande à cette Cour de réévaluer la preuve qui a été présentée devant le Tribunal et d’y substituer sa propre interprétation, ce qui, dans le contexte d’un contrôle judiciaire, n’est pas le rôle de cette Cour. Cette Cour doit plutôt déterminer si la décision du Tribunal fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS no 9).

 

[25]           La Cour souscrit également à l’argument du défendeur lorsqu’il soumet que le Tribunal pouvait tirer une inférence négative quant à la crédibilité du demandeur basé sur le fait qu’il n’a pas donné d’explication raisonnable pour expliquer son défaut de présenter des éléments de preuve pour corroborer ses allégations (Sinnathamby c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 FCT 473, [2001] ACF no 742, au para 24). La Cour s’est déjà appuyée sur ce principe dans Sosa, supra, au para 19, dont les faits sont similaires à ceux de cette cause :

[19] Enfin, cette Cour a également confirmé à maintes reprises que la SPR peut tirer une conclusion défavorable de l’absence de preuve corroborant le témoignage d’un demandeur lorsque le tribunal a des préoccupations concernant  la crédibilité de ce dernier.  Les demandeurs se devaient de bien documenter leur prétendue crainte de persécution.  En l'occurrence, la demanderesse n’a fourni aucune preuve pouvant corroborer son lieu de résidence pendant la période de risques allégués, et a même omis de préciser dans son FRP ses lieux de résidence pendant cette même période.  Il n’était donc pas déraisonnable pour la SPR de s’attendre à ce que les demandeurs présentent une preuve crédible corroborant les allégations qui sont au cœur de leur revendication, et qui constituent le fondement même de leur crainte de persécution, étant donné que le fardeau leur appartenait d’établir de façon crédible leurs allégations à l’appui de cette crainte, ce qu’ils n’ont pas fait en l’espèce.

 

 

[26]           Lors de l’audience devant cette Cour, le procureur du demandeur a insisté sur le fait que le demandeur a mentionné dans son formulaire de renseignements de base qu’il craignait de retourner dans son pays d’origine à cause de « Jose de Jesus Claudio – narco et ces complices de polices » (Dossier certifié de la Cour à la p 161). Le procureur du demandeur a également souligné que le Tribunal ne traite pas de cette information dans sa décision et, qu’en conséquence, cette omission a vicié son raisonnement et constitue une erreur. 

 

[27]           Or, bien que cette Cour soit d’avis qu’il aurait été préférable que le Tribunal traite de cette information dans sa décision, les arguments du demandeur n’ont pas convaincu cette Cour que cette omission - compte tenu des contradictions et des omissions que recèle l’ensemble de la preuve - soit fatale en soi et rende la décision déraisonnable. En fait, cette omission n’est pas déterminante lorsque l’analyse de la décision est faite dans son entier.

 

[28]           Le demandeur soulève également qu’il y a eu atteinte aux principes de justice naturelle. Toutefois, la Cour est d’avis que l’argument du demandeur est non fondé et s’inspire de surcroît d’un passage isolé. À la lecture des notes sténographiques, il ressort que le Tribunal était à l’écoute du demandeur et que les commentaires ont été soulevés dans le respect des principes de justice naturelle (Dossier certifié de la Cour aux pp. 171, 172 et 185).

 

b.   Le Tribunal a-t-il erré en concluant que le demandeur n’avait pas repoussé la présomption de protection de l’État mexicain?

 

[29]           Le demandeur allègue que le Tribunal a erré en déterminant qu’une protection de l’État mexicain était disponible, mais que le demandeur ne s’en soit pas prévalu, puisqu’il n’a pas fait d’effort pour s’assurer que le ministère public procède avec sa plainte. Il allègue que le Tribunal a erré en concluant que le Mexique avait la capacité effective de protéger ses citoyens. Au soutien de ses prétentions, il cite l’arrêt Velasco c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 133, [2007] ACF no 211, au para 21, dans lequel la Cour a statué en citant l’arrêt Avila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 359, [2006] ACF no 439, que     « La commission doit considérer non seulement la capacité effective de protection de l'État, mais également sa volonté d'agir. […] ». Le demandeur ajoute qu’il est déraisonnable d’exiger qu’il mette sa vie en danger en demandant une protection qui a peu de chance de se concrétiser en pratique.

 

[30]           Le demandeur allègue également que le Tribunal n’a pas appliqué les bons critères jurisprudentiels en matière de protection de l’état, puisque le Tribunal n’a pas considéré le contenu du cartable de documentation applicable sur le Mexique, ce qui aurait permis au demandeur de renverser la présomption de protection de l’état.

 

[31]           Le défendeur souligne que le demandeur se devait d’établir de façon claire et convaincante que le Mexique était incapable d’assurer sa protection (voir Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, 103 DLR (4th) 1), Carrillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CAF 94, [2008] 4 RCF 636). Le défendeur soutient, qu’en l’espèce, le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau, puisqu’il n’a déposé aucune preuve pour corroborer son allégation à l’effet qu’il aurait porté plainte.

 

[32]           À cet égard, la preuve démontre que le demandeur n’a fait aucun suivi de sa plainte, il n’a pas demandé à s’entretenir avec un supérieur et ne s’est pas non plus adressé aux autorités fédérales. Le demandeur n’a tout simplement pas démontré que sa vie aurait été en danger s’il avait demandé une copie de sa plainte. D’ailleurs, comme l’a souligné le Tribunal, s’il s’était adressé au consulat mexicain au Canada, il aurait pu l’obtenir gratuitement dans un délai de quatre (4) à six (6) semaines. C’est donc avec raison que le Tribunal a conclu qu’il n’a pas fait d’efforts pour obtenir ce document afin d’établir qu’il aurait demandé une protection à l’État mexicain, mais sans succès.

 

[33]           Pour ce qui est des allégations selon lesquelles le Tribunal a fait abstraction de certaines preuves documentaires démontrant que le Mexique est corrompu au point où il serait déraisonnable de demander la protection des autorités, la Cour est d’avis qu’elles ne sont pas fondés. Comme le souligne le défendeur, il n’y a aucune preuve à l’appui des allégations du demandeur, puisqu’il n’a pas déposé les documents sur lesquels il fonde son argument.

 

[34]           La Cour rappelle qu’il est loisible au Tribunal de préférer une preuve documentaire à une autre et de choisir la preuve documentaire qui, selon lui, se conjugue le mieux à la réalité (voir Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 408, [2008] ACF no 547). De plus, il est bien établi que la situation générale dans un pays ne peut en soi établir le bien-fondé d’une revendication (voir Munoz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2009 CF 478, [2009] ACF no 590).

 

[35]           Dans l’arrêt Kadenko c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 1376, 206 NR 272, au para 5, cette Cour a décidé que lorsqu’il s’agit d’un état démocratique, l’obligation incombe au demandeur de faire suffisamment de démarches pour tenter d’obtenir la protection de l’état. Il doit démontrer qu’il avait cherché à épuiser tous les recours s’offrant à lui en vue d’obtenir la protection nécessaire :

[5] Lorsque l'État en cause est un état démocratique comme en l'espèce, le revendicateur doit aller plus loin que de simplement démontrer qu'il s'est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueuses. Le fardeau de preuve qui incombe au revendicateur est en quelque sorte directement proportionnel au degré de démocratie atteint chez l'État en cause: plus les institutions de l'État seront démocratiques, plus le revendicateur devra avoir cherché à épuiser les recours qui s'offrent à lui

 

[36]           En l’espèce, la Cour conclut que l’analyse du Tribunal est raisonnable et sa décision sur cet aspect est aussi bien-fondé.

 

c.       Le Tribunal a-t-il erré en concluant à la possibilité de refuge interne?

[37]           Dans l’arrêt Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (C.A.), [1994] 1 CF 589, 163 NR 232, la Cour a conclu que pour établir s'il existe une possibilité de refuge interne (PRI), il faut considérer deux volets. Le premier volet consiste à se demander s'il existe une autre partie du pays où la vie du demandeur ne serait pas en péril. Dans l'affirmative, il s'agit d'établir s'il serait objectivement déraisonnable de s'attendre à ce que le demandeur aille vivre dans une autre partie moins hostile de son pays avant de demander l'asile à l'étranger, et si cela lui ferait subir des épreuves indues.

 

[38]           En l’espèce, le Tribunal a déterminé que le demandeur ne risquerait pas sérieusement d’être persécuté dans une grande ville du Mexique. Le Tribunal a soulevé à titre d’exemple Mexico District fédéral, Guadalajara, Monterrey, Acapulco et Cancun (Dossier certifié de la Cour, décision du Tribunal, au para 30).

 

[39]           Le demandeur soutient qu’il sera retrouvé par son présumé persécuteur peu importe où il se trouve au Mexique. Le Tribunal a correctement relevé que le demandeur a lui-même avoué être resté chez des membres de sa famille pendant plus de deux (2) mois sans être importunés par ses persécuteurs. L’argument du demandeur selon lequel la carte électorale du demandeur permettrait à ses persécuteurs de le retracer n’est pas appuyé par la preuve et doit également être rejeté. 

 

[40]           La Cour est d’avis que les villes proposées sont raisonnables. D’ailleurs, il est raisonnable pour le Tribunal d’avoir soulevé que le demandeur n’aurait pas de difficulté à y trouver des emplois en raison de son degré de scolarité et de son métier. 

 

[41]           Pour tous ces motifs, la Cour conclut que la décision du Tribunal est raisonnable et l’intervention de la Cour n’est pas justifiée. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

[42]           La présente demande ne soulève pas de question de portée générale.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

Aucune question n'est certifiée.

 

 

« Richard Boivin »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2417-10

 

INTITULÉ :                                       MIGUEL ANGEL BELMONTE SOTO

                                                            c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 24 février 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 mars 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alain Joffe

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Margarita Tzavelakos

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Cabinet d’avocat

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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