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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 


Date : 20110408

Dossier : IMM-4636-10

Référence : 2011 CF 442

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2011

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

SHEILA MONKIE LESHIBA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé sa demande d’asile et de protection, malgré qu’elle ait reconnu que le demanderesse avait été battue et intimidée par un ancien petit ami.

 


II.         LE CONTEXTE FACTUEL

[2]               Mme Leshiba, une citoyenne du Botswana, a affirmé craindre d’être persécutée par son ancien petit ami.

 

[3]               Les incidents invoqués par la demanderesse consistaient en une menace de coups, deux agressions réelles et une tentative d’incendier sa maison. Ces incidents se sont produits entre 2002 et 2008, avec des intervalles d’environ deux ans entre chacun.

 

[4]               Durant cette période, la demanderesse est allée en Afrique du Sud à deux reprises, mais elle a refusé de se réclamer de la protection de ce pays en raison de la violence qui y règne.

 

[5]               Après la tentative d’incendie, la demanderesse a pris la décision de venir au Canada, mais elle a attendu plus d’un an pour ce faire, le temps d’amasser suffisamment de fonds pour quitter le pays.

 

[6]               La demanderesse a signalé les agressions et la tentative d’incendie à la police, mais tout ce qui s’est produit, c’est que son agresseur a passé une nuit en prison. Aucune accusation n’a jamais été portée contre lui.

 

[7]               La Commission a conclu que la demanderesse était crédible et qu’elle craignait véritablement son agresseur. La Commission a toutefois reconnu la difficulté de tracer une ligne de démarcation entre la persécution et le harcèlement. En l’espèce, la Commission a conclu que la demanderesse ne serait exposée à aucun risque sérieux de persécution si elle devait retourner au Botswana.

 

[8]               La Commission a conclu que les menaces étaient peu fréquentes, sporadiques et apparemment aléatoires, en plus d’être séparées par des périodes de temps assez longues (à une exception près).

 

[9]               La Commission a également noté qu’aucun mal n’avait été fait à la demanderesse durant les 13 mois suivant le dernier incident, en 2007. Entre cette date et son départ pour le Canada, la demanderesse s’est rendue à deux reprises en Afrique du Sud. La Commission a jugé déraisonnable l’explication de la demanderesse quant aux raisons pour lesquelles elle avait tardé à partir du Botswana. Ce délai, combiné à des facteurs tels que le fait de n’avoir jamais été contactée à son travail par son agresseur, d’avoir attendu d’obtenir des fonds et d’avoir mené une existence libre et tranquille, était incompatible avec une crainte fondée de persécution.

 

[10]           La Commission a pris acte de la preuve documentaire attestant du caractère répandu de la violence à l’encontre des femmes, mais a reconnu que le Botswana avait entrepris de s’attaquer à ce problème au moyen de nouvelles lois antiviolence, lesquelles fournissaient à la demanderesse les outils nécessaires pour résoudre le problème particulier qu’elle éprouvait. La protection de l’État a été jugée adéquate.

 

III.       ANALYSE

[11]           Étant donné que la demanderesse a soulevé la question du critère juridique applicable à la persécution, il s’agit là d’une question de droit pour laquelle la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9). L’application de ce critère juridique aux faits en l’espèce, ainsi que l’analyse de la Commission concernant la protection de l’État, sont des questions de fait et de droit susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12).

 

A.        Le critère juridique applicable

[12]           La Commission a eu raison d’appliquer les remarques incidentes formulées dans la décision Ward (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 RCS 689) en ce qui a trait à la « persécution » et à la [traduction] « violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne ».

 

[13]           Une lecture objective des motifs de la Commission a permis de confirmer qu’en appliquant la Loi, la Commission avait posé la bonne question, c’est-à-dire celle de savoir si les actes commis étaient assimilables à une violation soutenue ou systémique. L’énoncé « systémique et violation soutenue » semble être une erreur typographique et n’a aucune importance, compte tenu de la formulation de la loi applicable et de l’analyse des faits et du droit. On a commis une erreur en citant un passage de l’affaire Ward, précitée, mais le critère est énoncé de la bonne façon ailleurs dans la décision.

 

[14]           La demanderesse a fait valoir que la Commission s’était fondée, à tort, sur l’exigence relative aux actes répétés, en omettant de se pencher sur la question de la violence systémique. La demanderesse a soutenu qu’en l’espèce, il s’agissait de violence systémique parce que dirigée contre une femme.

 

[15]           Une fois établi le critère juridique approprié, la question de savoir s’il existe une crainte fondée de persécution exige un examen de la preuve pour déterminer si un demandeur fait face à une possibilité sérieuse de persécution, lorsque la persécution s’entend d’une [traduction] « violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne ».

 

[16]           Rien ne laisse entendre, dans le raisonnement de la Commission, qu’un seul acte de violence ne saurait correspondre à de la persécution, car il est clair que c’est possible. La Commission n’a pas non plus tranché que seuls les actes répétitifs et soutenus pouvaient être assimilables à de la persécution. La fréquence des actes reprochés est une considération pertinente dans le contexte de la gravité des actes eux-mêmes et des faits propres à chaque affaire.

 

[17]           La Commission a tenu compte des incidents d’agression en 2002 et 2007, de la tentative d’incendie en 2007 et d’une menace proférée à l’encontre de la fille de la demanderesse en 2009, après que la demanderesse ait quitté le Botswana. Il était raisonnable de la part de la Commission de tenir compte, dans le cadre de son analyse du risque de préjudice futur, du temps que la demanderesse a mis avant de quitter le pays et du fait que l’agresseur ne l’avait pas contactée pendant cette période.

 

[18]           Il était loisible à la Commission de conclure, sur la base de ces faits, que la demanderesse n’avait aucune raison objective de craindre d’être persécutée dans l’avenir. Il n’y a aucune incohérence entre cette conclusion et la reconnaissance, par la Commission, des faits allégués ou de la crainte subjective de la demanderesse.

 

[19]           Cette conclusion suffit pour décider de l’issue de la demande présentée par la demanderesse. Quant à la conclusion de la Commission relativement au caractère adéquat de la protection de l’État, il s’agit d’une conclusion subsidiaire.

 

[20]           La conclusion souffre d’une omission d’analyser l’efficacité de la protection de l’État sous le nouveau régime législatif de lutte contre la violence conjugale du Botswana. Il ne suffit pas de se fier uniquement à la législation sans se demander si l’intention du législateur est véritablement mise en œuvre dans la pratique. Cela représente une difficulté particulière dans le cas d’une nouvelle loi, qui exige une formation des policiers, des avocats du ministère public et des juges, de même qu’une éducation du public, pour être pleinement et réellement mise en application. La Commission n’a pas véritablement examiné l’efficacité actuelle de la protection de l’État ni son amélioration probable en vertu de la nouvelle législation.

 

IV.       CONCLUSION

[21]           Néanmoins, quelles que puissent être les difficultés sur le plan de la protection de l’État, la décision centrale est raisonnable. La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée, et il n’y a aucune question aux fins de certification.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie-Marie Bissonnette, traductrice

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4636-10

 

INTITULÉ :                                       SHEILA MONKIE LESHIBA

 

                                                            et

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 31 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Catherine Bruce

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Eleanor Elstub

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

CATHERINE BRUCE

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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