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Date : 20110421

Dossier : IMM‑4153‑10

Référence : 2011 CF 486

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

AHMED KORAYEM

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d’exécution (l’agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada (AFSC) a rejeté la demande présentée par le demandeur en vue de différer son renvoi jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (demande CH).

 

[2]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, la présente demande est rejetée.

 

I.          Contexte

 

A.        Le contexte factuel

 

[3]               Le demandeur, Ahmed Korayem, est un citoyen égyptien. Il est arrivé au Canada en 1999, muni d’un visa d’étudiant pour suivre une formation de pilote au Brampton Flight Centre. En juin 2000, le demandeur a loué une chambre chez les Aguero. La famille Aguero était composée de Mme Aguero, une immigrante originaire du Pérou, sa fille aînée Claudia, qui est née en Argentine, mais qui est arrivée au Canada à l’âge de quatre ans, et ses deux fils, Paul et Michael, tous deux nés au Canada.

 

[4]               Lorsque son visa d’étudiant a expiré en septembre 2000, le demandeur est retourné en Égypte pour renouveler son passeport égyptien et son visa d’étudiant canadien. Il est revenu au Canada au mois d’octobre 2001, et il est retourné vivre chez les Aguero. Des affidavits souscrits par le demandeur et les trois enfants Aguero expliquent de quelle façon le rôle du demandeur, au sein de la famille, a évolué au fil des ans; ainsi, de simple locataire, il en est venu à être considéré comme un frère aîné.

 

[5]               Le demandeur a présenté une demande d’asile en mars 2002. Au soutien de sa demande, il alléguait avoir dépensé tout son argent en vue de devenir un pilote en Égypte. Toutefois, il n’a pas réussi les examens, et on lui a demandé de quitter l’école, ce qui aurait semé la honte chez les membres de sa famille. La demande d’asile a été rejetée en avril 2003. Sa demande d’autorisation de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée en septembre 2003. En octobre 2004, il a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Il a reçu une décision défavorable au mois de mai 2005, suivie d’une convocation en vue de son renvoi le 5 juin 2005. Le demandeur ne s’est pas présenté, et un mandat d’arrestation a été lancé contre lui.

 

[6]               Dans son affidavit, le demandeur allègue être resté au Canada après la date prévue de son renvoi parce qu’il avait l’intention de présenter une nouvelle demande de résidence permanente. Toutefois, en octobre 2005, la famille Aguero a été victime d’un accident de la route. Mme Aguero a perdu la vie dans cet accident. Ses trois enfants ont survécu.

 

[7]               Claudia, qui était âgée de 20 ans à l’époque, a obtenu la garde légale de ses deux frères encore mineurs. Elle étudiait au niveau collégial et n’avait aucun revenu, mais elle a néanmoins dû assumer les responsabilités financières de sa mère. Le demandeur dit avoir alors offert son appui à la famille sur les plans financier et affectif dans l’espoir que les membres de la famille Aguero puissent continuer à vivre ensemble dans leur maison. De toute évidence, tous s’accordent pour dire que c’est à ce moment que le demandeur est devenu un membre à part entière de la famille Aguero. Il travaillait à temps plein dans l’industrie de la construction et il fréquentait le collège Humber à temps partiel, où il a obtenu un diplôme de gestionnaire de projet au mois de juin 2009. En 2009, il a épousé Melissa Lopez Casanova, une citoyenne américaine.

 

[8]               Le demandeur a réussi à échapper aux autorités de l’immigration pendant un certain temps, mais en janvier 2010 un mandat d’arrestation a été exécuté contre lui. Il a été signalé à l’AFSC après avoir été accusé de voies de fait contre un membre de la famille. Le demandeur a obtenu sa mise en liberté sous caution, mais il a été détenu par l’AFSC jusqu’au 31 mars 2010. Le 8 avril 2010, il a déposé une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

[9]               En juin 2010, le demandeur a été sommé de se présenter pour son renvoi du Canada prévu le 23 juillet 2010. Il a demandé le report de cette mesure. Cette demande a été rejetée le 13 juillet 2010. C’est cette décision qui est contestée en l’espèce.

 

B.         La décision contestée

 

[10]           Le demandeur invoque les motifs suivants au soutien de sa demande de report :

a)         l’intérêt supérieur des enfants Aguero;

b)         la demande CH en instance;

c)         le fait que son épouse ait l’intention de présenter une demande de parrainage à titre de conjoint après avoir obtenu sa résidence permanente dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés;

d)         la demande de visa américain qu’il a effectuée depuis le Canada;

e).        son établissement au Canada;

f)          risque/difficultés injustifiées auxquels il s’exposerait en Égypte.

 

[11]           L’agent a relevé que le demandeur était visé par une mesure de renvoi exécutoire et que l’AFSC est tenue par la loi d’appliquer les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent – habituellement dès qu’une décision défavorable est rendue par l’agent d’ERAR. En l’espèce, une décision négative a été rendue en mai 2005.

 

[12]           L’agent a souligné que son pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi était limité, et que ce pouvoir devait être exercé dans le respect du principe voulant que les mesures de renvoi soient appliquées dès que les circonstances le permettent.

 

[13]           Bien qu’il ait éprouvé de la sympathie pour la famille Aguero, l’agent a noté qu’à l’époque de la décision les enfants étaient respectivement âgés de 26, 20 et 18 ans, de sorte qu’ils avaient tous atteint l’âge de la majorité en Ontario. L’agent a reconnu que le renvoi serait difficile pour les Aguero, mais qu’ils continueraient de vivre ensemble au Canada et d’avoir accès à un vaste éventail de programmes offerts par le gouvernement canadien. Il n’a pas estimé que l’intérêt supérieur des enfants Aguero justifiait le report de la mesure de renvoi.

 

[14]           Rien ne permettait de croire que la décision CH était imminente. De plus, le dépôt d’une demande CH, en tant que tel, n’empêche pas le renvoi ni n’entraîne un sursis de celui‑ci. L’agent a conclu que la demande CH du demandeur continuerait d’être traitée même s’il était renvoyé en Égypte. De même, le projet de soumettre une demande de parrainage entre conjoints ne constituait pas, en soi, un obstacle au renvoi. Enfin, rien ne permettait de croire qu’une décision était imminente en ce qui concerne la demande de visa américain en instance, effectuée depuis le Canada, et qui, comme l’a souligné l’agent, n’avait été envoyée que le 12 mai 2010 au consulat américain. Par conséquent, l’agent n’a pas estimé qu’un report de renvoi était justifié au regard de l’un ou l’autre des motifs susmentionnés.

 

[15]           L’agent a reconnu que le demandeur était un membre actif et respecté de sa communauté, ayant habité avec la famille Aguero sans interruption depuis 2005. Toutefois, il avait présenté une demande d’ERAR au mois d’octobre 2004. On l’avait alors informé qu’une décision serait rendue à ce sujet trois à six mois plus tard, et que si elle était défavorable, il serait appelé à confirmer son départ du Canada dans les deux à trois semaines suivant celle‑ci. Les délais lui ont clairement été expliqués de façon à ce qu’il puisse faire des arrangements pour lui et les membres de sa famille. Le demandeur disposait d’amplement de temps pour préparer son éventuel renvoi du Canada. L’agent n’a donc pas estimé que ce motif pouvait justifier un report de renvoi.

 

[16]           Pour ce qui est des risques liés à un retour en Égype, l’agent a conclu qu’ils avaient déjà été évalués par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) et un agent d’ERAR. Il n’était pas convaincu que les risques allégués étaient nouveaux ou suffisamment personnalisés. L’agent a de nouveau fait mention de son pouvoir discrétionnaire limité, et il a conclu qu’il ne pouvait autoriser le report que si son renvoi mettait la vie du demandeur en danger ou l’exposait à des sanctions excessives ou à un traitement inhumain. Or, compte tenu des éléments soumis à son attention, il n’était pas convaincu qu’un report de renvoi était justifié. Il a donc conclu que rien n’empêchait le renvoi du demandeur.

 

C.        Décision de la Cour fédérale concernant le sursis

 

[17]           Le 22 juillet 2010, le juge Russel Zinn a accordé au demandeur un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi en attendant l’issue de la présente demande.

 

II.         Questions en litige

 

[18]           La demanderesse soulève les questions suivantes :

a)         l’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que le demandeur n’avait pas rempli le critère du préjudice irréparable?

b)         l’agent devait‑il tenir compte de l’intérêt supérieur de la famille Aguero et du bien‑être des enfants?

c)         l’agent devait‑il prendre en compte le fait que le demandeur fasse partie de la famille Aguero?

d)         l’agent devait‑il prendre en compte les difficultés causées à la famille Aguero?

e)         l’agent a‑t‑il négligé de prendre en compte les difficultés qu’occasionnerait au demandeur le fait de retourner en Égypte avant qu’une décision soit rendue quant à sa demande CH?

f)          l’agent a‑t‑il commis une erreur en ne concluant pas que la demande de sursis de renvoi aurait dû être accueillie en attendant l’issue de sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire?

g)         l’agent devait‑il, compte tenu de sa décision, conclure a) qu’il y avait une question sérieuse à trancher b) qu’il existait une preuve de préjudice irréparable, et c) que la balance des inconvénients favorisait le demandeur?

h)         l’agent a‑t‑il commis une erreur en concluant que la famille Aguero recevrait de l’aide gouvernementale?

 

[19]           Étant donné qu’il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de refuser de reporter un renvoi, les questions dont la Cour est valablement saisie peuvent plutôt se résumer comme suit :

a)         l’agent a‑t‑il restreint son pouvoir discrétionnaire?

b)         l’agent a‑t‑il omis de tenir compte de la relation que le demandeur a développée avec la famille Aguero, et du contexte particulier dans lequel celle‑ci s’inscrit?

c)         l’agent a‑t‑il omis de prendre en compte les difficultés que rencontrerait le demandeur s’il devait retourner en Égypte avant que sa demande CH ne soit étudiée?

d)         l’agent a‑t‑il pris en compte la demande CH en instance?

 

III.       Norme de contrôle

 

[20]           La décision de l’agent de refuser de reporter le renvoi du demandeur est assujettie à la norme de la raisonnabilité (Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311, au par. 25). La retenue judiciaire est de mise lorsque la décision et le processus cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, et lorsque la décision appartient aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 47).

 

IV.       Arguments et analyse

 

Question préliminaire – l’affidavit comporte des éléments de preuve qui n’ont pas été soumis au décideur

 

[21]           Le défendeur demande que les documents déposés à l’appui de l’affidavit d’Erona Naraine, daté du 18 août 2010, soient retirés parce qu’ils n’ont pas été soumis à l’attention du décideur.

 

[22]           Comme l’a fait valoir le défendeur, cette preuve, qui consiste en un extrait du rapport d’information sur le pays d’origine de l’agence frontalière britannique, n’est pas pertinente dans le contexte d’un contrôle judiciaire. Cet élément n’a pas été mis en preuve devant l’agent, et ne devrait donc pas être pris en compte par notre Cour. Des éléments de preuve additionnels ne peuvent être soumis que s’ils concernent l’équité procédurale et la compétence (Dezameau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 559, 369 FTR 151, au par. 13). Le document est donc retiré du dossier.

 

A.        L’agent a‑t‑il restreint son pouvoir discrétionnaire?

 

[23]           La Cour d’appel fédérale a récemment examiné le pouvoir discrétionnaire dont dispose un agent de renvoi dans Baron, précité. La Loi limite très clairement le pouvoir discrétionnaire d’un agent de renvoi de reporter une expulsion. En décidant du moment où il est « raisonnablement possible » d’exécuter une mesure de renvoi, l’agent chargé d’exécuter la mesure peut tenir compte de divers facteurs comme la maladie, d’autres empêchements pour voyager et les demandes CH en instance, déposées dans les délais prescrits, mais encore en attente d’une décision en raison d’un engorgement du système. Le seul fait qu’une demande CH ait été présentée ne constitue pas un obstacle à l’exécution d’une mesure de renvoi valide (Baron, précité, aux par. 49 et 50. Voir également Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936 (CF 1re inst.) (QL), 7 Imm LR (3d) 141, au par. 12).

 

[24]           L’arrêt Baron, précité, au par. 51, n’a en rien modifié la décision du juge D. Denis Pelletier dans Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 CF 682 (CF) décrivant les limites du pouvoir discrétionnaire dont dispose l’agent de renvoi :

Il existe divers facteurs qui peuvent avoir une influence sur le moment du renvoi, même en donnant une interprétation très étroite à l’article 48. Il y a ceux qui ont trait aux arrangements de voyage, et ceux sur lesquels ces arrangements ont une incidence, notamment le calendrier scolaire des enfants et les incertitudes liées à la délivrance des documents de voyage ou les naissances ou décès imminents.

 

La loi oblige le ministre à exécuter la mesure de renvoi valide et, par conséquent, toute ligne de conduite en matière de report doit respecter cet impératif de la Loi. Vu l’obligation qui est imposée par l’article 48, on devrait accorder une grande importance à l’existence d’une autre réparation, comme le droit de retour, puisqu’il s’agit d’une réparation autre que celle qui consiste à ne pas respecter une obligation imposée par la Loi. Dans les affaires où le demandeur a gain de cause dans sa demande CH, il peut obtenir réparation par sa réadmission au pays.

 

Pour respecter l’économie de la Loi, qui impose une obligation positive au ministre tout en lui accordant une certaine latitude en ce qui concerne le choix du moment du renvoi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain. Pour ce qui est des demandes CH, à moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle.

 

Il est possible de remédier aux affaires où les difficultés causées à la famille sont le seul préjudice subi par le demandeur en réadmettant celui‑ci au pays par suite d’un gain de cause dans sa demande qui était en instance.

 

[Souligné dans l’original.]

 

 

[25]           En l’espèce, il est clair que l’agent a tenu compte de tous les faits pertinents mis en preuve devant lui. Il a eu recours à la norme de preuve applicable dans les circonstances. En bout de ligne, son examen l’a amené à conclure qu’aucune des demandes en instance ne constituait en soi des motifs justifiant le report du renvoi.

 

[26]           En faisant valoir que l’agent avait commis une erreur susceptible de contrôle, le demandeur a énuméré plusieurs facteurs que, selon lui, l’agent n’aurait pas pris en compte. Je ne puis retenir aucune des erreurs reprochées à l’agent, malgré la sympathie que m’inspire la situation du demandeur et de la famille Aguero. Il est en effet bien établi en droit qu’un agent de renvoi ne peut procéder à une « mini » évaluation CH lorsqu’il examine une demande de report de renvoi (Chetaru c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 436, aux par. 18‑20).

 

[27]           La décision de l’agent en l’espèce était tout à fait raisonnable. J’examine ci‑dessous plus en détail les arguments du demandeur.

 

B.         L’agent a‑t‑il pris en compte de façon raisonnable la relation entre le demandeur et la famille Aguero?

 

[28]           Le demandeur fait valoir que l’agent n’a pas dûment considéré la situation unique dans laquelle il se trouve compte tenu du soutien qu’il offre à la famille Aguero. Selon le demandeur, l’agent a commis une erreur en négligeant de prendre en compte tous les risques auxquels se heurterait la famille Aguero et les difficultés qu’elle rencontrerait s’il était renvoyé en Égypte.

 

[29]           Il semble, au vu du dossier, que le demandeur a fourni à la famille Aguero un soutien et une stabilité dont elle avait grandement besoin après la mort de Mme Aguero. Cela est louable. L’agent a examiné ce fait et la situation de la famille, et noté que le demandeur a contribué au bien‑être affectif et financier de celle‑ci.

 

[30]           Le défendeur, quant à lui, fait valoir que le demandeur n’a aucun lien de parenté avec les Aguero. Pour ma part, je reconnais qu’on peut soutenir que le demandeur est un membre de facto de la famille Aguero. Or, même si l’on admet cette prémisse, l’agent a à juste titre relevé que tous les enfants de la famille Aguero avaient, à l’époque de la décision, atteint l’âge de la majorité en Ontario. Ils peuvent s’aider mutuellement. De plus, ils sont tous des citoyens canadiens, admissibles à un éventail de programmes sociaux offerts à l’ensemble des Canadiens.

 

[31]           Je reconnais, comme le rappelle le défendeur, que suivant certaines décisions l’obligation d’un agent de tenir compte des intérêts supérieurs des enfants touchés, lorsque ceux‑ci sont mineurs, est minime. De plus, comme il a été établi dans Simoes, ci‑dessus, les agents de renvoi doivent uniquement prendre en compte les intérêts à court terme des enfants ainsi touchés (au par. 38). En l’espèce, il ne fait pas de doute que le renvoi du demandeur sera difficile pour la famille Aguero. L’agent l’a d’ailleurs reconnu, et les affidavits des membres de la famille Aguero attestent qu’ils ont éprouvé des difficultés lorsque le demandeur a été détenu en 2010. Toutefois, considérant que tous les enfants ont maintenant atteint l’âge de la majorité et qu’ils sont tous des citoyens canadiens qui peuvent choisir de rester ensemble pour s’offrir mutuellement un soutien affectif, on ne peut dire que l’agent a été déraisonnable en concluant qu’un report n’était pas justifié.

 

[32]           Le demandeur soutient que l’agent n’a pas tenu compte du fait que les membres de la famille Aguero ne sont pas admissibles à recevoir l’aide gouvernementale. Comme le fait valoir le défendeur, aucun élément de preuve n’a été soumis à l’agent à cet égard et on ne peut pas dire que l’agent a commis une erreur parce qu’il n’aurait pas tenu compte d’une preuve soumise à son attention.

 

C.        L’agent a‑t‑il pris en compte des difficultés auxquelles s’exposerait le demandeur en Égypte?

 

[33]           Le demandeur soutient que l’agent a omis de considérer les difficultés qu’il rencontrerait s’il devait retourner en Égypte. Plus particulièrement, le demandeur fait valoir que l’agent a omis de tenir compte du fait qu’il ne pourrait pas obtenir un passeport égyptien étant donné qu’il n’a jamais achevé son service militaire obligatoire.

 

[34]           Je dois accepter l’argument du défendeur à cet égard. Ni la demande de report du demandeur, ni les documents fournis à son appui ne font mention de ce point. Là encore, on ne peut dire que l’agent a commis une erreur en omettant de considérer un élément de preuve soumis à son attention. Comme l’a statué la Cour dans Sribalaganeshamoorthy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 11, au par. 37 :

[37] […] Il est illogique de s’attendre à ce que l’agent des visas fasse mention de la documentation objective sur la situation au pays alors qu’elle ne lui a pas été soumise. Ce n’est pas parce que certains documents sur la situation au pays pourraient étayer la cause du demandeur que l’agent des visas doit chercher à obtenir cette preuve et la présenter au nom du demandeur.

 

 

[35]           L’agent a évalué d’autre façon les risques allégués par le demandeur dans sa demande, mais il a conclu que ceux‑ci avaient déjà été examinés par la CISR et un agent d’ERAR, et qu’ils n’étaient ni nouveaux ni suffisamment personnalisés. La conclusion de l’agent était raisonnable.

 

D.        L’agent a‑t‑il pris en compte de la demande CH en instance?

 

[36]           Comme il déjà été signalé, une demande CH en instance ne constitue pas en soi un obstacle à l’exécution d’une mesure de renvoi. Toutefois, une demande CH déposée en temps opportun peut justifier de surseoir à un renvoi. En l’espèce, l’agent a noté que la demande CH avait été déposée en avril 2010, et que par conséquent la décision à son égard n’était pas imminente. De plus, l’agent a à juste titre indiqué que la demande CH suivrait son cours après le renvoi du demandeur. L’agent n’a commis aucune erreur à ce chapitre.

 

[37]           Le demandeur conteste les conclusions que l’agent a tirées à la suite de son analyse et il demande essentiellement à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et d’en tirer des conclusions différentes. Or, la décision de l’agent doit être examinée au regard de norme de la raisonnabilité. La Cour ne peut substituer son jugement à celui de l’agent. Étant donné que la décision était justifiée, transparente et intelligible, elle doit être maintenue malgré la sympathie que peut inspirer à la Cour la situation du demandeur et de la famille Aguero.

 

V.        Conclusion

 

[38]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et aucune ne se pose.

 

[39]           Étant donné les conclusions qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                                    IMM‑4153‑10

 

INTITULÉ :                                                   KORAYEM c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 2 mars 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 21 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ahmad N. Baksh

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nadine Silverman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ahmad N. Baksh

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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