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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110421

Dossier : IMM-1278-10

Référence : 2011 CF 489

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 avril 2011

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

ENTRE :

 

ASH SHAYMAA ES SAYYID et

 AHMED ALI BASSAM

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 3 février 2010 par la directrice générale du règlement des cas (la directrice), de la Direction générale du règlement des cas, à Citoyenneté et Immigration Canada, décision dans laquelle la directrice a conclu que le demandeur principal, Ahmed Ali Bassam, était interdit de territoire au Canada en tant que personne décrite au paragraphe 36(1) de la Loi.

 

[2]               Les demandeurs sollicitent une ordonnance infirmant la décision et renvoyant l’affaire pour réexamen à un tribunal différemment constitué.

 

Le contexte

 

[3]               Ahmed Ali Bassam (le demandeur principal) est né le 30 septembre 1975 en Jordanie et est d’origine palestinienne. Il est marié à Ash Shaymaa Es Sayyid, une réfugiée au sens de la Convention d’origine égyptienne et résidente permanente du Canada. 

 

[4]               En 1997, le demandeur principal, accompagné de son frère, est entré en Allemagne sous le nom d’emprunt Ahmed Alqatanani. Il a présenté une demande d’asile en Allemagne, laquelle fut rejetée. 

 

[5]               En Allemagne, le demandeur principal s’est adonné à la consommation de drogues et d’alcool. En avril 2001, il fut déclaré coupable de fraude organisée à Hanover, en Allemagne, et a été condamné à une peine de deux ans à purger les jours de semaine en milieu ouvert. 

 

[6]               Un mandat d’arrestation contre le demandeur principal fut lancé le 11 février 2002, mandat portant sur dix accusations supplémentaires en lien avec de la fraude organisée. Le demandeur principal a fui l’Allemagne sans purger complètement sa peine de deux ans pour les accusations précitées. Il est arrivé au Canada le 11 mai 2002. 

 

[7]               Il a été conclu, en mars 2005, que le demandeur principal n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.    

 

[8]               Au Canada, le demandeur principal s’est marié et a eu trois enfants. Il a arrêté de consommer de l’alcool et de la drogue, a suivi des cours d’anglais, a fait du bénévolat dans un centre communautaire et a démarré sa propre entreprise de pose de porte de garage. L’argent qu’il gagne grâce à son entreprise est l’unique revenu de la famille.

 

[9]               En mars 2006, le demandeur principal a présenté une demande de résidence permanente en tant que personne à la charge de sa femme. Cette demande a été séparée de la demande de résidence permanente de sa femme en novembre 2007. Mme Sayyid a obtenu la résidence permanente le 20 mars 2008. 

 

[10]           Le 23 mars 2009, la demande de résidence permanente du demandeur principal a été envoyée à l’administration centrale de Citoyenneté et Immigration Canada pour qu’y soit évaluée, en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi, une possible dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire de l’interdiction de territoire pour criminalité. En juillet 2009, la directrice a envoyé une lettre au demandeur principal, exigeant qu’il soumette ses anciens noms d’emprunt, une liste des infractions qu’il avait commises, des copies de ses déclarations de culpabilité et des lois en vertu desquelles il avait été déclaré coupable. La directrice a informé le demandeur principal qu’elle pourrait tenir compte des informations actuelles et récentes sur les conditions dans le pays contenues dans la documentation de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) dans son analyse.

 

La décision de la directrice

 

[11]           Un agent d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada a rejeté la demande de résidence permanente dans la catégorie de regroupement familial du demandeur principal en se basant sur le rapport de la directrice au sujet de l’interdiction de territoire du demandeur principal.

 

[12]           La directrice a conclu que le demandeur principal avait été déclaré coupable de fraude organisée, infraction prévue à l’article 263 du Code criminel allemand. La directrice a conclu que l’infraction de fraude prévue au paragraphe 380(1) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, conjugué avec l’infraction prévue au paragraphe 467.12(1), constituait une infraction équivalente. 

 

[13]           La directrice a conclu que l’infraction commise par le demandeur principal qui lui avait valu cette déclaration de culpabilité n’était pas un fait isolé. Un mandat d’arrestation allemand affirme que le demandeur principal est recherché pour dix accusations d’actes criminels, y compris exploiter une entreprise avec l’intention d’obtenir des avantages matériels illégaux, causer des dommages aux biens d’autrui par suite de faux semblants ayant créé des erreurs et appartenir à une organisation dont la mission était de commettre des actes de fraude. De plus, la directrice s’est appuyée sur un courriel envoyé par Interpol, daté du 1er octobre 2007, lequel affirmait que le demandeur principal, sous différents noms d’emprunt entre 1997 et 2002, avait attiré l’attention des autorités en commettant des vols dans des magasins à rayons et de la fraude de type organisée de même qu’en causant des dommages aux biens d’autrui et qu’il était soupçonné d’une tentative d’homicide. De plus, ce courriel affirmait que le demandeur principal avait payé des amendes au lieu de purger des peines de prison pour vol, tentative de vol et fraude de type organisée.

 

[14]           Ayant pris connaissance d’un courriel d’Interpol du 12 août 2008, la directrice a conclu que l’Allemagne ne demanderait pas l’extradition du demandeur principal.

 

[15]           La directrice a fait remarquer que l’explication donnée au sujet du comportement criminel du demandeur principal était problématique parce que l’avocat avait omis le fait que le frère du demandeur principal était en Allemagne et qu’il avait joué un rôle important dans la fraude organisée. De plus, le demandeur principal n’a pas présenté d’observations à la directrice concernant les faits qui avaient mené à la perpétration des infractions suscitées. Par conséquent, la directrice a conclu que rien au dossier ne contredisait les informations en provenance d’Interpol et des autorités allemandes.

 

[16]           La directrice a conclu que le demandeur principal ne pouvait pas présenter de demande de réadaptation formelle parce qu’il n’avait pas complètement purgé sa peine en Allemagne et parce qu’il y avait toujours des accusations qui pesaient contre lui. En ce qui concerne une réadaptation informelle, la directrice a noté le rapport du psychologue, lequel affirmait que le demandeur principal était stable, bien établi au Canada et qu’il ne consommait plus de drogues et d’alcool. De plus, le rapport du psychologue affirmait que le demandeur principal ne pourrait plus soutenir financièrement sa famille s’il devait être expulsé du Canada. La directrice a conclu que le rapport était basé sur une seule entrevue avec le demandeur principal, laquelle aurait vraisemblablement eu lieu à la demande de l’avocat des demandeurs dans le but de renforcer la demande CH. La directrice a également conclu que les commentaires du psychologue se fondaient sur la documentation d’information sur les conditions en Jordanie, ce qui n’était pas dans le champ d’expertise du psychologue. Par conséquent, la directrice n’a accordé que peu d’importance au rapport. Elle a toutefois conclu que le demandeur principal avait fait des efforts sincères pour s’établir financièrement et socialement. 

 

[17]           La directrice a tenu compte de la situation familiale du demandeur principal ainsi que de leur installation au Canada dans son évaluation de la demande CH. Elle a conclu que séparer le demandeur principal de sa famille serait grave et que cela enlèverait la seule source de revenus de la famille. Toutefois, elle a conclu que les enfants étaient assez jeunes pour être capable de s’adapter à une nouvelle culture s’ils devaient accompagner leur père en Jordanie. La directrice a également conclu que bien que Mme Sayyid n’éprouvât pas le désir de retourner au Moyen-Orient, la culture, la religion et la langue lui en étaient familières, et que bien qu’il fût dans ses droits de rester au Canada avec les enfants, il serait raisonnable de sa part d’accompagner le demandeur principal et d’ainsi garder la cellule familiale intacte. De plus, en se fondant sur la documentation de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), la directrice a conclu qu’une femme étrangère mariée à un Jordanien pouvait obtenir la citoyenneté après une période de résidence. Le fait que la famille ait le choix d’accompagner le demandeur principal en Jordanie diminue considérablement la certitude qu’un rejet de la demande de résidence permanente occasionnerait une séparation permanente entre les membres de la famille. 

 

[18]           La directrice a conclu que le demandeur principal n’avait pas allégué de risque particulier s’il devait retourner en Jordanie. Le demandeur principal serait capable de s’établir à nouveau en Jordanie sans de trop grandes difficultés parce qu’il n’y a pas de conflits ni de crises humanitaires graves et que c’est un pays où il est généralement sécuritaire de vivre et d’élever des enfants. 

 

[19]           La directrice a conclu que le passé criminel du demandeur principal était grave et chargé. Bien que le demandeur principal n’ait pas commis d’infraction criminelle au Canada, il s’est toutefois présenté sous une fausse identité au point d’entrée du pays et la version des faits donnée dans son formulaire de renseignements personnels était différente de celle présentée à la Section de la protection des réfugiés de la Commission. Bien que le demandeur principal se soit bien établi dans sa vie personnelle et professionnelle au Canada, cela ne diminue pas la gravité de ses actions passées. 

 

Les questions en litige

 

[20]           Les demandeurs ont soumis les questions suivantes pour examen :

            1.         Savoir si l’agente d’immigration a fait une erreur de droit en omettant de tenir compte de faits pertinents.

            2.         Savoir si l’agente d’immigration a fait une erreur de droit conjecturant.

            3.         Savoir si l’agente d’immigration a fait une erreur de droit en concluant qu’il n’y avait aucune preuve pour contredire l’information envoyée par Interpol ou par les autorités allemandes.

            4.         Savoir si l’agente d’immigration a fait une erreur de droit en tenant compte de faits non pertinents.

            5.         Savoir si l’agente d’immigration a fait une erreur de droit en tenant compte de certains documents ou en s’appuyant sur certains documents qui n’avaient pas été communiqués aux demandeurs.

            6.         Savoir si l’agente d’immigration a manqué à son obligation d’équité en omettant de présenter des motifs clairs.

 

[21]           Je reformulerais les questions comme suit :

            1.         Quelle est la norme de contrôle applicable?

            2.         La directrice a-t-elle fait erreur en omettant d’évaluer les éléments de preuve dans leur totalité ou en basant sa décision sur des conclusions de fait tirées sans tenir compte des éléments dont elle disposait?

            3.         La directrice a-t-elle manqué à son obligation d’équité envers les demandeurs en omettant de leur communiquer tous les éléments de preuve dont elle a tenu compte?

            4.         L’intérêt supérieur des trois enfants nés au Canada a-t-il été correctement évalué?

 

Les observations écrites des demandeurs

 

[22]           Les demandeurs soutiennent que la directrice a fait erreur en omettant de tenir compte de faits pertinents. Plus particulièrement, la directrice n’a pas tenu compte de l’observation de Mme Sayyid selon laquelle elle n’éprouvait aucun désir de retourner au Moyen-Orient. La directrice n’a pas tenu compte des difficultés que Mme Sayyid et ses enfants éprouveraient si le demandeur principal devait être expulsé de manière permanente. La directrice n’a également pas tenu compte du fait que Mme Sayyid perdrait sa résidence permanente si elle accompagnait son mari en Jordanie. Elle n’a pas tenu compte du but de la demande CH, qui est celui du regroupement familial au Canada. Finalement, la directrice n’a pas tenu compte de la possibilité d’une réadaptation qui irait au-delà d’une réadaptation formelle, en ce sens que le demandeur principal a démarré une entreprise, s’est marié, a eu trois enfants et regrette ses actions passées. 

 

[23]           Les demandeurs soutiennent que la directrice a manqué à son obligation d’équité en omettant d’exposer des motifs clairs quant à ce qu’elle acceptait et quant à ce qu’elle rejetait du rapport du psychologue.

 

[24]           Les demandeurs soutiennent également que la directrice a conjecturé en concluant que le demandeur principal avait fui l’Allemagne ainsi que sa peine de prison afin de ne pas avoir à faire face aux nouvelles accusations qui pesaient contre lui.

 

[25]           Les demandeurs soutiennent de plus que la directrice a fait erreur en concluant qu’il n’y avait aucun élément de preuve qui contredisait les allégations d’Interpol concernant les actes criminels du demandeur principal. Ce dernier avait déjà révélé son implication dans la fraude par téléphone dans le passé et ces révélations avaient été présentées à la directrice.

 

[26]           Enfin, les demandeurs soutiennent que la directrice a fait erreur en s’appuyant sur des informations inconnues des demandeurs, notamment une note d’Interpol selon laquelle l’extradition du demandeur principal ne serait pas demandée et la documentation sur les conditions en Jordanie ainsi que sur le statut des femmes étrangères mariées à des citoyens jordaniens.

 

Les observations écrites des défendeurs

 

[27]           Les défendeurs soutiennent que la directrice, avant de rendre sa décision, a examiné et a tenu compte de toutes les observations présentées par les demandeurs. Elle a tenu compte de tous les faits pertinents. La directrice a tenu compte de l’effet qu’aurait une expulsion du demandeur principal sur les enfants et a été réceptive, attentive et sensible à leur intérêt supérieur. Elle a reconnu que l’expulsion du demandeur principal causerait de grandes difficultés à la famille ainsi que le fait que Mme Sayyid ne désirait pas retourner au Moyen-Orient. La directrice a également reconnu que les enfants avaient le droit légalement de rester au Canada, mais pas celui de retenir leur père au Canada. La Cour suprême, dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, a clairement précisé que l’intérêt supérieur des enfants n’était pas déterminant en soi. La directrice a conclu que le rejet de la demande de résidence permanente ne résulterait pas automatiquement en une séparation permanente de la famille parce que Mme Sayyid et les enfants pourraient déménager en Jordanie afin de garder la cellule familiale intacte. La charge revenait au demandeur principal de prendre la décision d’emmener ou non ses enfants en Jordanie lors de son extradition. 

 

[28]           La directrice a également tenu compte de la réadaptation du demandeur principal. Elle n’a accordé que peu d’importance au rapport du psychologue présenté par le demandeur principal parce que le rapport était basé sur une seule entrevue et avait été préparé à la demande de l’avocat des demandeurs en lien avec la demande CH. Elle a également tenu compte du changement dans le style de vie du demandeur principal, notamment le fait qu’il ne consommait plus de drogues ni d’alcool, qu’il était marié, qu’il travaillait à temps plein et qu’il avait trois enfants. 

 

[29]           Les défendeurs soutiennent également qu’il était loisible à la directrice de conclure que le demandeur principal devait être au courant des nouvelles accusations portées contre lui au moment où il s’est enfui de la prison. Le mandat d’arrestation en lien avec les nouvelles accusations avait été lancé une semaine avant sa fuite. De plus, le demandeur principal n’a jamais contesté le bien-fondé des nouvelles accusations.

 

[30]           De plus, les défendeurs soutiennent que la directrice n’a pas fait erreur en concluant qu’il n’y avait aucune preuve qui contredisait les éléments de preuve provenant d’Interpol. Le demandeur principal n’a jamais présenté d’observation dans laquelle il niait toute allégation d’Interpol concernant son passé criminel, et ce même lorsqu’il lui fut demandé de le faire.

 

[31]           Les défendeurs soutiennent que la directrice n’avait pas l’obligation d’aviser les demandeurs au sujet de la note envoyée par Interpol au sujet de l’extradition. Les demandeurs n’ont pas montré que le défaut d’informations avait porté préjudice au demandeur principal de quelque manière que ce soit. En ce qui concerne l’information sur les conditions en Jordanie, le demandeur principal a personnellement été avisé que la directrice pourrait en tenir compte.

 

[32]           Par conséquent, selon les défendeurs, la directrice a choisi, vu l’ensemble de la preuve, de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire d’approuver la demande en se fondant sur des considérations d’ordre humanitaire.

 

Analyse et décision

 

[33]           La question en litige 1

            Quelle est la norme de contrôle applicable?

            Le fait d’omettre de communiquer des documents pertinents est une question d’équité procédurale à laquelle la décision correcte s’applique comme norme de contrôle (voir Allou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1025, au paragraphe 18).

 

[34]           En ce qui concerne les autres questions, le paragraphe 25(1) de la Loi permet aux personnes désirant obtenir la résidence permanente au Canada qui sont par ailleurs interdites de territoire d’être exemptées des exigences de la Loi si le ministre est d’avis qu’il est justifié, pour des motifs d’ordre humanitaire, de tenir compte de l’intérêt supérieur de tout enfant directement affecté ou de considération d’intérêt public. Le processus de décision CH est fortement discrétionnaire et ces décisions doivent faire l’objet d’une grande retenue lorsqu’elles sont contrôlées au regard de la norme de raisonnabilité (voir Baker, précité; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Quiroa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 495, au paragraphe 19).

 

[35]           En contrôlant la décision de la Commission au regard de la norme de raisonnabilité, la Cour ne devrait pas intervenir sauf si la Commission a tiré une conclusion qui n’est ni claire, ni justifiable, ni intelligible et qui n’appartient pas aux issues possibles acceptables vu les preuves dont la Commission disposait (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, au paragraphe 59).

 

[36]           Lors de l’audience, les demandeurs ont insisté sur deux questions : l’intérêt supérieur de leurs enfants nés au Canada et le traitement de la réadaptation du demandeur principal.

 

[37]           La question en litige 4

            L’intérêt supérieur des trois enfants nés au Canada a-t-il été correctement évalué?

            Je souhaite traiter d’abord de l’analyse qui a été faite de l’intérêt supérieur des enfants nés au Canada. Comme pour toute analyse concernant l’intérêt supérieur des enfants, un examen devait être fait quant à ce que serait la situation des enfants lors d’une éventuelle expulsion de leur père s’ils restaient au Canada avec leur mère. Dans la présente affaire, la directrice a examiné ce que serait la situation si la mère et les enfants accompagnaient le demandeur principal en Jordanie. Mon examen de la décision de la directrice me pousse à croire qu’elle n’a pas évalué la situation des enfants s’ils restaient au Canada avec leur mère, qui est une résidente permanente du Canada. La décision de la directrice comprend ce qui suit en ce qui concerne les enfants si leur père est expulsé du Canada :

 

[traduction]

 

Le fait de séparer M. Ali Bassam d’avec sa femme et ses enfants et d’ainsi enlever la seule source de revenu de la famille est un point important en faveur de M. Ali Bassam. Toutefois, d’autres possibilités s’offrent à la famille si M. Ali Bassam doit être renvoyé du Canada.

 

Il n’y a aucune autre analyse ni aucun détail en ce qui concerne les enfants s’ils restaient au Canada. Je considère que l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants s’ils restaient au Canada n’est pas satisfaisante.

 

[38]           Je considère que la directrice aurait dû tenir compte des deux possibilités afin de tirer une conclusion raisonnable en ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants. Je ne peux pas savoir si la décision de la directrice aurait été différente si elle l’avait fait.

 

[39]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire devra être accueillie et l’affaire, renvoyée pour réexamen à un tribunal différemment constitué.

 

[40]           Vu ma conclusion sur cette question, je n’ai pas besoin de traiter des autres questions en litige.

 

[41]           Ni l’une ni l’autre partie n’a soulevé de question grave de portée générale pour certification.


JUGEMENT

 

[42]           LA COUR statue comme suit : la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un tribunal différemment constitué.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


ANNEXE

 

Les dispositions légales applicables

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

36.(1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

 

 

. . .

 

c) commettre, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans.

 

 

 

 

72.(1) Le contrôle judiciaire par la Cour fédérale de toute mesure — décision, ordonnance, question ou affaire — prise dans le cadre de la présente loi est subordonné au dépôt d’une demande d’autorisation.

 

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

97.(1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

36.(1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

 

. . .

 

(c) committing an act outside Canada that is an offence in the place where it was committed and that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years.

 

72.(1) Judicial review by the Federal Court with respect to any matter — a decision, determination or order made, a measure taken or a question raised — under this Act is commenced by making an application for leave to the Court.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

97.(1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

[traduction]

 

Code criminel allemand

 

« Version promulguée le 13 novembre 1998 du Code criminel, Gazette de la loi fédérale [Bundesgesetzblatt] I page 3322, dernière modification apportée par l’article 3 de la Loi du 2 octobre 2009, Gazette de la loi fédérale I page 3214 »

 

Chapitre vingt-deux : la fraude et le détournement de fonds

 

263. 1) Quiconque, avec l’intention d’obtenir pour lui-même ou pour une tierce personne des avantages matériels illégaux, altère le bien d’autrui en ayant recours à des faux-semblants, des supercheries, des mensonges ou en faussant ou supprimant les faits réels est passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans ou d’une amende.

 

[…]

 

(3) Dans les cas particulièrement graves, la peine sera un emprisonnement de six mois à dix ans. Un cas particulièrement grave a lieu si le contrevenant :

 

1. agit sur une base commerciale ou en tant que membre d’une organisation dont la mission est de commettre de la falsification ou de la fraude;

 

 

Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46

 

380.(1) Quiconque, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non un faux semblant au sens de la présente loi, frustre le public ou toute personne, déterminée ou non, de quelque bien, service, argent ou valeur :

 

 

a) est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, si l’objet de l’infraction est un titre testamentaire ou si la valeur de l’objet de l’infraction dépasse cinq mille dollars;

 

 

b) est coupable :

 

(i) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans,

 

 

(ii) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire,

 

si la valeur de l’objet de l’infraction ne dépasse pas cinq mille dollars.

 

467.12(1) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque commet un acte criminel prévu à la présente loi ou à une autre loi fédérale au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle.

 

380.(1) Every one who, by deceit, falsehood or other fraudulent means, whether or not it is a false pretence within the meaning of this Act, defrauds the public or any person, whether ascertained or not, of any property, money or valuable security or any service,

 

(a) is guilty of an indictable offence and liable to a term of imprisonment not exceeding fourteen years, where the subject-matter of the offence is a testamentary instrument or the value of the subject-matter of the offence exceeds five thousand dollars; or

 

(b) is guilty

 

(i) of an indictable offence and is liable to imprisonment for a term not exceeding two years, or

 

(ii) of an offence punishable on summary conviction,

 

 

 

where the value of the subject-matter of the offence does not exceed five thousand dollars.

 

467.12(1) Every person who commits an indictable offence under this or any other Act of Parliament for the benefit of, at the direction of, or in association with, a criminal organization is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding fourteen years.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1278-10

 

INTITULÉ :                                       ASH SHAYMAA ES SAYYID et

                                                            AHMED ALI BASSAM

 

-         c. –

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 avril 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Barbara Jackman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Catherine Vasilaros

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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