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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110426

Dossier : T-1423-10

Référence : 2011 CF 490

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 avril 2011

En présence de monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

SINGH, LAKHVIR

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’un appel sollicité par Lakhvir Singh (le demandeur) en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi), concernant la décision rendue par le juge de la citoyenneté Aris Babikian (la décision), décision rejetant sa demande de citoyenneté parce qu’il était impossible de déterminer si le demandeur avait vécu au Canada pendant trois des quatre années précédant sa demande de citoyenneté canadienne.

 

I.                   LES FAITS

 

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il est arrivé au Canada le 1er décembre 2000 et a fait une demande du statut de réfugié. Son statut de réfugié lui fut accordé et il demeura au Canada. Le demandeur a obtenu son statut de résident permanent le 14 mars 2006 et il a fait une demande de citoyenneté canadienne le 19 juin 2008.

 

[3]               Le 14 septembre 2009, un fonctionnaire de la citoyenneté a effectué un examen de la demande de citoyenneté du demandeur. Cet examen a relevé l’allégation du demandeur selon laquelle son nombre de jours de résidence effective au Canada s’élevait à 1 143 et qu’il n’avait jamais quitté le pays au cours de la période applicable à la demande de citoyenneté.

 

[4]               Le 7 octobre 2009, le demandeur a reçu le Questionnaire sur la résidence ainsi que la Liste de contrôle pour les audiences sur la résidence (la Liste de contrôle). Le 14 décembre 2009, le demandeur a renvoyé le Questionnaire sur la résidence, accompagné de certains des documents à l’appui demandés.

 

[5]               Le 2 février 2010, le demandeur a reçu un avis de comparution devant le juge de la citoyenneté. La date de comparution était fixée au 26 février 2010, et le demandeur devait y apporter plusieurs documents, y compris tous ses passeports et autres documents de voyage en sa possession, en plus du Questionnaire sur la résidence reçu en décembre 2009.

 

[6]               Lors de l’audience, le demandeur n’a pas produit tous les documents à l’appui exigés. À la fin de l’audience, le demandeur a reçu un second exemplaire de la Liste de contrôle et il s’est vu demander de fournir les documents à l’appui au plus tard le 30 mars 2010. Ce second exemplaire de la Liste de contrôle fut signé par le demandeur et le juge de la citoyenneté. Le demandeur n’a pas fourni les documents exigés à la date d’échéance, et le juge de la citoyenneté lui a accordé les trois mois supplémentaires que le demandeur avait demandés. Le demandeur a produit un second exemplaire du Questionnaire sur la résidence le 1er mai 2010. Le dernier document à l’appui exigé fut soumis le 2 juin 2010.

 

[7]               Le demandeur a soumis deux documents de voyage : 1) le passeport indien du demandeur, auquel il manque les pages 17 à 20 inclusivement - le demandeur affirme que c’est l’agent qui lui a fourni un faux passeport ainsi qu’un faux visa de voyage en 2000 qui a probablement pris ces pages manquantes; 2) le document de voyage canadien no. RSO19606, valide du 19 juin 2008 au 19 juin 2010.

 

[8]               Le demandeur a également soumis sa carte de résident permanent, ses déclarations de revenus des années 2007 et 2008, son permis de conduire ontarien, sa carte d’assurance maladie ontarienne, les dossiers d’immunisation de ses enfants, son document d’enregistrement de l’entreprise ontarienne 6550851 Canada Inc. (Sanghera Renovation), son dossier médical ontarien et d’autres documents.

 

[9]               Le demandeur n’a pas soumis son formulaire de confirmation de résidence permanente, affirmant qu’il se l’était fait voler dans sa fourgonnette alors qu’il était à Montréal en 2006.

 

[10]           La liste d’adresses fournie par le demandeur contenait des incohérences. À la question 7f) de sa demande de citoyenneté canadienne, il devait lister toutes les adresses auxquelles il avait résidé pendant les quatre années précédentes. Il a fourni une seule adresse, à Hanover. Toutefois, son adresse actuelle est à Mississauga. De plus, dans son questionnaire sur la résidence de décembre 2009, il avait inscrit qu’il avait résidé à Mississauga de mai 2005 jusqu’en 2009. Le juge de la citoyenneté a fait remarquer qu’il éprouvait certains doutes face à cette incohérence. La question fut soulevée lors de l’audience, et le demandeur n’a pas su fournir d’explication. Dans le questionnaire sur la résidence daté du mois de mai 2010, il a listé huit adresses, aucune d’elle n’étant à Hanover. Il a affirmé que toute mention de Hanover était une erreur de la part de la connaissance qui avait rempli le formulaire pour lui.

 

[11]           Le demandeur a également affirmé qu’il avait sollicité l’aide d’un consultant en immigration afin de se faire guider dans sa demande de citoyenneté, affirmation qui contredit sa réponse à la question 12 du formulaire de la demande de citoyenneté. De plus, il a affirmé dans le questionnaire sur la résidence de décembre 2009 que sa fille l’avait aidé à remplir ledit questionnaire. Finalement, dans son affidavit, le demandeur a aussi affirmé qu’il avait informé son consultant lorsqu’il lui avait été demandé de fournir ses antécédents de voyage. Toutefois, la lettre qu’il aurait envoyée à l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) pour obtenir ses antécédents de voyage était écrite sur son papier à en-tête personnel. Le questionnaire sur la résidence de mai 2010 mentionne l’aide d’un certain Rajinder Singh.

 

[12]           Le demandeur s’était vu exiger, par la Liste de contrôle de février 2010 qu’il avait signée, de fournir ses antécédents de voyage au Canada, document qui peut être obtenu sans frais, délivré par l’ASFC. Le demandeur n’a pas fourni ce document. Plutôt, le demandeur a écrit au juge de la citoyenneté et a affirmé que l’ASFC avait répondu négativement à sa demande en soutenant que l’ASFC [traduction] « ne garde aucun dossier quant aux antécédents de voyage pour chaque résident ». Le demandeur a inclus une photocopie de la lettre et de l’enveloppe qu’il avait envoyées au juge de la citoyenneté, avec la date d’oblitération bien visible sur l’enveloppe. La lettre est écrite sur son papier à en-tête personnel. Le demandeur a également joint une copie de l’enveloppe qu’il aurait envoyée à l’ASFC, sur laquelle aucune date d’oblitération n’est visible. Le demandeur n’a pas fourni de copie de la réponse de l’ASFC.

 

[13]           Le demandeur a depuis obtenu ses antécédents de voyage fournis par l’ASFC, antécédents qui font l’objet d’une requête présentée en vertu de l’article 369 des Règles quant à la signification d’un affidavit supplémentaire. La requête a été entendue par la protonotaire Aronovitch le 30 mars 2001, qui a ordonné que la requête soit présentée en audience à la Cour le 12 avril 2011.

 

[14]           Lors de l’audience, la Cour fédérale a rejeté la requête au motif que, sauf circonstances exceptionnelles, telles les questions de compétence ou de partialité, les preuves qui n’ont pas été présentées au décideur ne sont pas admissibles devant la Cour lors d’un contrôle judiciaire (Bekker c. Canada, [2004] A.C.F. no 819, 2004 CAF 186, au paragraphe 11) et que la requête avait été déposée en retard.

 

 

II.                LA DÉCISION CONTESTÉE

 

[15]           Dans une décision rendue le 28 juin 2010, le juge de la citoyenneté Aris Babikian a conclu qu’il ne pouvait, selon la prépondérance de la preuve, déterminer le nombre exact de jours que le demandeur avait effectivement été au Canada, parce que la preuve de sa présence effective au Canada au cours des périodes au sujet desquelles il avait affirmé être présent n’avait pas été faite.

 

[16]           Le juge de la citoyenneté a également relevé deux problèmes majeurs dans la demande de citoyenneté : 1) les absences du Canada déclarées par le demandeur ne pouvaient être vérifiées; 2) les adresses du demandeur étaient incohérentes.

 

[17]           Le juge de la citoyenneté a conclu qu’il était problématique que le demandeur eût apparemment été incapable d’obtenir ses antécédents de voyage étant donné que [traduction] « tous nos demandeurs ont fourni sans problème ce document lorsque demandé par les juges et les fonctionnaires. Il s’agit d’une procédure habituelle et l’ASFC accède à la demande sans aucune réserve, comme il est exigé par la Loi sur la protection des renseignements personnels ». Le juge de la citoyenneté a tenté de clarifier cette situation en appelant le demandeur le 27 avril 2010. Le juge de la citoyenneté a tenté de joindre le demandeur aux deux numéros de téléphone fournis par le demandeur, sans succès. Le juge de la citoyenneté parvenait au message [traduction] « Votre appel a été transféré à un système de messagerie vocale qui n’a pas encore été activé par la personne que vous tentez de joindre. » Il a réessayé plus tard dans la journée, mais est parvenu au même message.

 

[18]           De plus, le juge de la citoyenneté a conclu que la documentation soumise par le demandeur constituait des [traduction] « indices passifs de résidence qui peuvent être établis sans qu’il soit nécessaire de vivre personnellement au Canada pendant une longue période ».

 

[19]           Le juge de la citoyenneté a également conclu que l’historique des adresses du demandeur est problématique, parce qu’il contient un bon nombre d’erreurs, d’incohérences et d’omissions. De plus, le juge de la citoyenneté a fait remarquer que le demandeur n’avait pas fourni de baux, ou de documents prouvant que le demandeur est propriétaire d’une résidence, pour appuyer ses allégations. Le juge de la citoyenneté a cherché à clarifier l’affaire en téléphonant au demandeur avant l’audience, mais le juge de la citoyenne n’a reçu qu’une réponse ambigüe de la part du demandeur. Lors de l’audience, le demandeur n’a pas fourni davantage d’explication. Ce n’est que dans le questionnaire sur la résidence de mai 2010 que le demandeur a soutenu que toute confusion était due à la connaissance qui l’avait aidé à remplir le formulaire de la demande de citoyenneté.

 

[20]           Le juge de la citoyenneté a informé le demandeur qu’il pouvait déposer une nouvelle demande de citoyenneté à tout moment.

 

III.             LES DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

 

Les parties pertinentes de la Loi sont les suivantes :

Attribution de la citoyenneté

Grant of citizenship

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who:

a) en fait la demande;

(a) makes application for citizenship;

b) est âgée d’au moins dix-huit ans;

(b) is eighteen years of age or over;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent, et

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;  et

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

[Non souligné dans l’original.]

IV.             LES QUESTIONS EN LITIGE ET LA NORME DE CONTRÔLE

 

[21]           Le demandeur soutient que la décision du juge de la citoyenneté devrait être rejetée parce qu’elle se fonde sur des preuves extrinsèques, c’est-à-dire la connaissance personnelle du juge de la citoyenneté en ce qui concerne les antécédents de voyage attestés par l’ASFC et l’incapacité du juge de la citoyenneté de joindre le demandeur le 27 avril 2010, et parce qu’il était déraisonnable, à la lumière des preuves, de conclure que le demandeur n’avait pas prouvé de manière satisfaisante sa présence effective au Canada au cours de trois des quatre années exigées.

 

[22]           Les questions en litige peuvent être résumées comme suit :

(1)        Le droit du demandeur à l’équité procédurale a-t-il été respecté?

(2)        La décision du juge de la citoyenneté est-elle raisonnable?

 

[23]           Les questions concernant l’équité procédurale sont contrôlées selon la décision correcte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43). Le contrôle de la décision d’un juge de la citoyenneté selon laquelle un demandeur répond ou non aux exigences de résidence précisées dans la Loi est une question mixte de fait et de droit (Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 709, aux paragraphes 24 à 28, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Zhou, 2008 CF 939, au paragraphe 7).

 

V.        ANALYSE

 

A.        L’équité procédurale

 

[24]           Le demandeur soutient que le commentaire du juge de la citoyenneté selon lequel [traduction] « tous nos demandeurs ont fourni sans problème ce document lorsque demandé par les juges et les fonctionnaires » constitue un appui sur une preuve extrinsèque, qui a été déterminant dans la présente affaire et que, par conséquent, le droit du demandeur à l’équité procédurale a été brimé. De même, la tentative du juge de la citoyenneté de clarifier la situation quant à l’échec du demandeur à obtenir ses antécédents de voyage de l’ASFC constitue également un appui sur une preuve extrinsèque qui brime donc également le droit du demandeur à l’équité procédurale.

 

[25]           Le demandeur a cité des affaires dans lesquelles le juge de la citoyenneté n’avait pas dit à l’audience qu’il trouvait certaines preuves problématiques (Johar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1015), avait obtenu des preuves après l’audience qui pouvaient être préjudiciables au demandeur mais n’en avait pas informé le demandeur (Iqbal Singh Aujla c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 46 Imm. L.R. (2d) 37, au paragraphe 38) et avait tenu une entrevue trop brève et futile (Stine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 16 août 1999, le juge Pelletier). Suite à un examen attentif de ces décisions, la Cour conclut qu’elles ne sont d’aucune aide dans la présente affaire.

 

[26]           Le demandeur a également cité des décisions abordant la question des preuves extrinsèques, lesquelles ne sont également d’aucune aide : le juge de la citoyenneté avait consulté un site Internet externe afin de vérifier des données, sans en informer le demandeur (Viviers c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 765), avait communiqué avec l’ancien employeur de la requérante et avait ainsi obtenu des affirmations extrêmement pernicieuses de la part de l’employeur (Dasent c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 720) et avait mis à jour la recherche dans le dossier quant à l’approche gouvernementale en matière de violence conjugale (Ettienne c. Canada, 24 Imm. L.R. (2d) 88, C.F. 1re inst., 15 décembre 1993, la juge Reed).

 

[27]           Par conséquent, l’argument du demandeur ne peut être accepté. Si le demandeur s’est vu demander d’obtenir ses antécédents de voyage de l’ASFC, c’est parce que ce document s’obtient sans problème. Le juge de la citoyenneté n’était pas obligé d’expliquer cela au demandeur et, se baser sur cette connaissance ne ressemble en rien à l’utilisation d’une preuve extrinsèque. En fait, le juge de la citoyenneté est allé au-delà de ses obligations en tentant de joindre le demandeur à ce sujet. Le demandeur affirme que cette tentative constitue un recours à une preuve extrinsèque et qu’elle a été déterminante dans la présente affaire. Toutefois, suite à un examen de la décision, il apparaît évident que cette information n’a pas servi à tirer une conclusion défavorable ni n’a été déterminante. La décision ne fait plutôt que souligner un fait, soit les efforts du juge de la citoyenneté faits pour joindre le demandeur et lui donner la chance d’expliquer ce qui s’était produit lors de la tentative prétendue du demandeur à obtenir ses antécédents de voyage de l’ASFC. La conclusion tirée par le juge de la citoyenneté ne repose pas sur la non‑production de ses antécédents de voyage, mais sur la pauvreté générale de la preuve présentée quant à sa présence effective et continue au Canada au cours de la période applicable. La non-production des antécédents n’est qu’un de plusieurs éléments considérés par le juge de la citoyenneté.

 

B.        La raisonnabilité de la décision

 

[28]           Le juge de la citoyenneté dit, dans ses motifs, que le demandeur n’a pas produit les documents à l’appui exigés, et ce à plusieurs occasions, pour finalement le faire en juin 2010. Lorsque le juge de la citoyenneté a examiné le dossier, il a remarqué que plusieurs éléments de preuve posaient un problème, notamment les antécédents de voyage de l’ASFC, l’historique des adresses de résidence, l’aide du consultant et la nature passive des documents présentés.

 

[29]           Le demandeur s’est vu demander de lister toutes ses adresses des quatre années visées. L’information qu’il a présentée ne pouvait pas être véridique dans sa totalité. Lorsque le juge de la citoyenneté a tenté de clarifier la situation avant l’audience, le demandeur a d’abord affirmé qu’il n’avait jamais vécu à Hanover, puis a alors changé d’idée et a laissé sa fille expliquer. Elle n’a pas su dire combien de temps ils avaient vécu à Hanover. Cela aurait dû être suffisant pour faire prendre conscience au demandeur du fait que le juge de la citoyenneté éprouvait certains doutes quant à l’historique de résidence et quant à la non-production de preuves de résidence à ces adresses. Toutefois, lorsque le juge de la citoyenneté a questionné plus avant le demandeur à ce sujet lors de l’audience, le demandeur n’a pas su donner de plus amples informations sur ce point et ce, malgré le préavis qu’il avait reçu. Le demandeur a d’abord tenté de jeter le blâme sur la connaissance qui l’aurait aidé à préparer sa demande et tente maintenant d’expliquer les incohérences en établissant une distinction entre les adresses de résidence et les adresses postales, sans toutefois fournir de justifications quant à l’absence d’explication lors de la conversation téléphonique avec le juge de la citoyenneté ou lors de l’audience. Par conséquent, les explications rétroactives du demandeur n’ont qu’une très faible valeur probante.

 

[30]           La preuve selon laquelle le demandeur aurait eu l’aide d’un consultant est également incohérente. Il n’y a aucun élément de preuve établissant l’aide d’un consultant avant mai 2010, lorsque le demandeur a affirmé dans un autre questionnaire sur la résidence qu’il avait eu l’aide d’un certain Rajinder Singh, et pourtant, le demandeur jette le blâme sur son consultant pour l’échec à obtenir ses antécédents de voyages de l’ASFC. À la lumière de telles incohérences, les doutes du juge de la citoyenneté sont raisonnables.

 

[31]           Finalement, les documents à l’appui fournis par le demandeur ont été considérés comme étant des éléments de preuve « passifs » de la présence du demandeur au Canada, et ce de manière raisonnable. Ce sont tous des documents qui peuvent être facilement obtenus, mais qui, pour autant, n’établissent pas en soi la présence effective d’une personne au Canada.

 

[32]           Des documents similaires avaient été soumis dans Dachan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 538, et la Cour avait conclu que, bien que ces documents aient pu prouver la vie de la demanderesse au Canada, ils ne prouvaient pas sa présence effective :

 

[8]        À la demande de l’agent de la citoyenneté, la demanderesse a présenté les documents supplémentaires suivants pour établir sa présence au Canada : un questionnaire de résidence; une lettre de son employeur confirmant qu’elle a été employée dans une épicerie de mars 2003 à avril 2006; des titres immobiliers sur différentes propriétés qu’elle possède dans la région de Montréal; ses avis de cotisation pour 2003 et 2005; les bulletins scolaires de ses enfants de 2002 à 2006; des relevés bancaires et de cartes de crédit; des factures de téléphone à la maison, de téléphone cellulaire, de services publics et d’internet; un contrat d’emploi d’une aide familiale recrutée par la demanderesse en 2005; une copie de son passeport et de celui des enfants délivrés le 7 juin 2004; un rapport de police révélant que son passeport précédent avait été volé; et enfin une photocopie partielle du passeport volé.

 

 

[…]

 

[24]      Bien que les documents présentés constituent des preuves de la vie de la demanderesse au Canada, ils n’établissent pas qu’elle était présente physiquement pendant la période minimale exigée par la loi. Comme l’a mentionné le juge de la citoyenneté, les documents sont quelque peu incomplets : les bulletins de ses enfants montrent encore plus d’absences que ce que prétendait la demanderesse, elle n’a pas de formule d’impôt pour toutes les années pendant lesquelles elle a été présente au Canada et les preuves de son emploi n’établissent pas sa présence physique dans le pays pendant la période en question.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[33]           Le demandeur avait la possibilité de soumettre n’importe quel document à l’appui, comme une liste des clients et des contrats terminés par son entreprise de construction, une lettre écrite par le dirigeant de son lieu de culte confirmant sa présence régulière au cours des quatre années en cause, ses déclarations de revenus pour chaque année qu’il avait été présent au Canada. Il n’a soumis aucun de ces documents et la décision du juge de la citoyenneté selon laquelle la documentation présentée n’établissait pas sa présence effective, selon la prépondérance de la preuve, était raisonnable. De plus, le demandeur s’est vu offrir plusieurs occasions de compléter son dossier. Le demandeur n’a pas déposé les documents convenus dans la période de temps convenue, bien qu’il ait eu des délais supplémentaires pour le faire. La Cour ne peut trouver aucune erreur dans la décision du juge de la citoyenneté.

 

[34]           À la lumière des preuves présentées dans le dossier, des plaidoiries des deux parties lors de l’audience et de la présente analyse, l’appel sera rejeté par la Cour. Il n’y a aucune erreur ou omission manifeste dans la décision du juge de la citoyenneté.

 

Dans ces conditions, l’appel sera rejeté sans dépens.


 

JUGEMENT

 

 

LA COUR statue comme suit :

 

L’appel est rejeté sans dépens contre le demandeur.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1423-10

 

INTITULÉ :                                       Singh, Lakhvir

 

                                                            c.

 

                                                            MinistRe DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’Immigration

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 26 avril 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jean-François Bertrand

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Gretchen Timmins

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bertrand, Deslauriers

Montréal (Québec)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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