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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20110429

Dossier : T-615-10

Référence : 2011 CF 503

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2011

En présence de monsieur le juge O'Keefe

 

 

ENTRE :

 

HARJINDER JOHAL et

THOMAS STASIEWSKI

 

demandeurs

 

et

 

AGENCE DU REVENU DU CANADA et

CHRISTINA MAO

 

défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d’une décision du dernier palier rendue par Cheryl Fraser, sous-commissaire, Direction générale des ressources humaines à l’Agence du revenu du Canada (la décision), en date du 16 mars 2010, décision qui a rejeté le grief des demandeurs contestant la nomination sans concours de Christina Mao au poste de chef de l’équipe technique (MG-05), au Bureau des services fiscaux de Burnaby-Fraser.

 

[2]               Les demandeurs sollicitent :

            1.         que la décision soit infirmée et que l’affaire soit renvoyée pour réexamen à un autre décideur de dernier palier;

            2.         que des dépens soient accordés sur la base avocat-client. 

 

Le contexte

 

[3]               Christina Mao est une employée de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC), au Bureau des services fiscaux de Burnaby-Fraser (le BSFBF). Elle est partie en congé sans solde en mai 2000, congé prévu pour une durée d’un an, en vertu de la clause 17.11 de la convention collective applicable de l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (l’IPFPC). Mme Mao a pris ce congé dans le but de travailler à temps plein pour l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (l’ACCOVAM).

 

[4]               Après ce congé, Mme Mao a pris un autre congé sans solde, pour une durée de cinq ans, en vertu de la clause 17.14 de la convention collective. Il s’agissait d’un « Congé non payé pour besoins familiaux ». Mme Mao a pris ce congé à long terme dans le but de prendre soin personnellement de sa famille.

 

[5]               Au cours de ce congé de six ans, le poste de Mme Mao en tant qu’investigatrice/vérificatrice (AU-03) a été converti à un poste de chef d’équipe dans un groupe de gestion (MG-05).

 

[6]               Mme Mao est revenue au travail dans un poste doté pour une période déterminée au sein de l’ARC en septembre 2006 en tant que AU-03. En mai 2007, Mme Mao a été nommée sans concours à un poste de chef d’équipe MG-05 au BSFBF. 

 

[7]               Lorsque l’ARC a nommé Mme Mao au poste de MG-05, l’ARC a mis fin à l’affectation intérimaire de trois mois de Harjinder Johal (le demandeur principal). 

 

[8]               Thomas Stasiewski (le demandeur), affecté au poste de coprésident du sous-groupe de vérification, financier et scientifique, au BSFBF d’avril 2006 à avril 2008, a demandé au nom de M. Johal pourquoi il avait été mis fin à l’affectation intérimaire. Il a été informé que Mme Mao était une employée au statut privilégié. 

 

[9]               M. Stasiewski a déposé un grief contestant la décision de l’ARC d’accorder à Mme Mao le statut privilégié, lorsqu’il a appris que Mme Mao n’avait jamais cessé de travailler à temps plein pour l’ACCOVAM tout au long de son congé sans solde de cinq ans obtenu pour cause d’obligations familiales. M. Stasiewski a affirmé que la nomination sans concours de Mme Mao restreignait de manière injuste ses chances d’obtenir une promotion et ainsi violait les principes d’équité et de transparence de l’ARC en matière de dotation.

 

[10]           M. Johal a également déposé un grief en relation avec la nomination de Mme Mao et son obtention du statut privilégié. Les deux griefs ont été entendus en même temps à chaque palier de la procédure.

 

[11]           Les griefs ont été soumis aux cinq paliers de la procédure du règlement des griefs et ont été rejetés à chaque fois. Les demandeurs ont entamé un contrôle judiciaire de la décision du dernier palier, qui a été accueilli dans Johal et al c. Agence du revenu du Canada, 2009 CAF 276, et la décision a été renvoyée pour réexamen au dernier palier de la procédure du règlement des griefs.

 

[12]           Il s’agit du contrôle judiciaire du réexamen.

 

La décision de la sous-commissaire

 

[13]           Claude Tremblay, le directeur général des relations en milieu de travail et de la rémunération, a affirmé, dans ses observations écrites envoyées à Cheryl Fraser (la sous-commissaire) que toute réponse selon laquelle [traduction] « Mme Mao a pris un congé autorisé et a donc eu droit au statut privilégié [] ne répondrait pas aux préoccupations de la Cour d’appel fédérale selon lesquelles Mme Mao aurait de façon flagrante fait un usage abusif de son congé ». Malgré cela, ces observations écrites recommandaient à la sous-commissaire d’adopter ce point de vue.

 

[14]           La sous-commissaire a conclu que Mme Mao avait droit au statut privilégié lors de son retour en application de la Directive sur le statut privilégié. Mme Mao avait le droit d’être nommée au poste en question grâce à son statut privilégié. 

 

[15]           La sous-commissaire a également conclu qu’il y avait lieu de réviser la Directive sur le statut privilégié pour la partie qui se rapporte aux recours et possiblement d’y apporter des modifications. Par conséquent, la sous-commissaire a accueilli en partie le grief.

 

Les questions en litige

 

[16]           Les demandeurs ont présenté les questions en litige suivantes :

            1.         Agence du revenu du Canada a-t-elle fait une erreur susceptible d’un contrôle judiciaire en opposant un refus à la contestation du statut privilégié de Mme Mao?

            2.         Les dépens devraient-ils être adjugés contre l’ARC sur la base avocat-client?

 

Les observations écrites des demandeurs

 

[17]           Les demandeurs affirment que Mme Mao a violé de manière flagrante les conditions de son congé précisées à l’alinéa 2.6.1 de la Directive sur le statut privilégié, tout comme l’avait conclu la Cour d’appel fédérale dans Johal, précité, au paragraphe 43.

 

[18]            L’alinéa 2.6.1 de la Directive sur le statut privilégié est libellé ainsi :

Les employés en congé peuvent occuper temporairement un autre emploi à Agence, pourvu que cela n’entre pas en conflit avec le type de congé accordé (double emploi). Par exemple, un employé qui est en congé pour prendre soin d’un enfant ne devrait pas occuper un autre emploi. S’il choisit d’occuper un autre emploi, il faudrait mettre fin au congé.

 

 

[19]           En se basant sur cet usage abusif du congé, les demandeurs affirment que Mme Mao ne devrait pas avoir le droit au statut privilégié. L’attribution de ce statut viole les principes d’équité et de transparence de l’ARC en matière de dotation.

 

[20]           Les demandeurs affirment également que la nouvelle décision de l’ARC en ce qui concerne le grief a été rendue au mépris de l’arrêt Johal, précité, de la Cour d’appel fédérale. L’ARC a omis de tenir compte des préoccupations de la Cour d’appel fédérale et sa décision n’était aucunement étayée, ne faisant aucune mention du fait que Mme Mao avait utilisé son congé pour obligations familiales dans un autre but. Cette décision n’était ni justifiée, ni transparente, ni intelligible et il y a lieu de l’annuler lors du contrôle judiciaire.

 

[21]           En se basant sur leurs observations, les demandeurs affirment que des dépens devraient leur être accordés sur la base avocat-client. L’ARC a agi de mauvaise foi en passant outre sciemment à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale et en commettant intentionnellement de nouveau les erreurs fondamentales commises dans sa décision précédente. Cette conduite est répréhensible, scandaleuse et vexatoire et elle justifie l’adjudication des dépens en faveur des demandeurs.

 

Les observations écrites des défenderesses

 

[22]           Aucune des deux parties défenderesses n’a présenté de documents de réponse. 

 

[23]           L’avocat de la défenderesse l’ARC a mentionné dans une lettre datée du 3 août 2010 adressée à la Cour que :

[traduction]

 

Les demandeurs et l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) tentent de régler à l’amiable la présente demande de contrôle judiciaire.

 

Si nous ne pouvons nous entendre à l’amiable, la position de l’ARC est la suivante : la décision de l’ARC rendue le 16 mars 2010 devrait être annulée et l’affaire renvoyée pour réexamen à un autre décideur de l’ARC en application de l’article 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales. L’ARC convient du fait que la réparation demandée au paragraphe 2 de l’avis de demande devrait être accordée aux demandeurs (voir dossier de la demande, avis de demande, onglet 1, page 4, paragraphe 2). Nous acceptons de payer aux demandeurs les frais liés à la demande à hauteur de 2 000 $.

 

 

[24]           Cette lettre a été suivie d’une lettre envoyée à la Cour par l’avocat de l’ARC, datée du 25 octobre 2010, dans laquelle il a été affirmé que :

[traduction]

 

Les parties sont toujours en négociations dans le but de régler cette demande.

 

Les demandeurs sont d’avis que cette demande devrait être renvoyée en vertu de l’alinéa 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

 

[25]           Christina Mao a déposé un avis de comparution le 29 avril 2009, mais n’a présenté aucune autre documentation. Elle ne s’est pas présentée à l’audience.

 

Analyse et décision

 

[26]           Étant donné qu’aucune des deux parties défenderesses n’a présenté d’observations soutenant la décision de la sous-commissaire et que l’ARC a explicitement affirmé qu’elle voulait régler l’affaire à l’amiable avec les demandeurs, le contrôle judiciaire devra être accueilli. 

 

[27]           Les deux parties ont présenté des observations en lien avec les dépens. Les demandeurs sollicitent des dépens sur la base avocat-client alors que les défenderesses consentent à payer des dépens selon la colonne 3 du tarif B. J’ai apprécié les observations des parties et je ne suis pas convaincu que des dépens sur la base avocat-client soient justifiés dans ce cas-ci. La conduite des parties défenderesses ne peut être considérée comme étant répréhensible, scandaleuse ou vexatoire. Je suis toutefois d’avis, en me basant sur les faits présents dans l’affaire, que les demandeurs doivent recevoir des dépens selon la valeur supérieure prévue à la colonne 4 du tarif B.

 


JUGEMENT

 

[28]                       LA COUR statue comme suit :

                   1.  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du dernier palier de la procédure du règlement des griefs est annulée et l’affaire est renvoyée pour réexamen à un autre décideur du dernier palier de la procédure du règlement des griefs.

                   2.  Les dépens de la demande sont accordés aux demandeurs selon la valeur supérieure prévue à la colonne 4 du tarif B.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-615-10

 

INTITULÉ :                                       HARJINDER JOHAL et

                                                            THOMAS STASIEWSKI

 

                                                            c.

 

                                                            AGENCE DU REVENU DU CANADA et

                                                            CHRISTINA MAO

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 novembre 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 avril 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steven Welchner

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Agnieszka Zagorska

POUR LA DÉFENDERESSE

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Welchner Law Office Professional Corporation

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

 

 

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