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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20110502

Dossier : ITA-13825-10

Référence : 2011 CF 508

Montréal (Québec), le 2 mai 2011

En présence de Me Richard Morneau, protonotaire

 

 

DANS L'AFFAIRE DE LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU,

 

et

 

DANS L'AFFAIRE D'UNE COTISATION OU DES COTISATIONS ÉTABLIES PAR LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL EN VERTU D'UNE OU PLUSIEURS DES LOIS SUIVANTES : LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU, LE RÉGIME DE PENSIONS DU CANADA, LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI,

 

CONTRE :

 

TONY BAROUD

201, CHEMIN DU GOLF, APP. 302

VERDUN (QUÉBEC)  H3E 1Z4

débiteur judiciaire

 

et

 

ME CHARLES TOUPIN

355, RUE DRAPEAU

BUREAU 212

LAVAL (QUÉBEC)  H7L 2B8

 

et

 

ME FRANCINE LEWIS

5, PLACE DU COMMERCE

BUREAU 250

VERDUN (QUÉBEC)  H3E 1M8

 

et

 

ME RICHARD LUPIEN

3, PLACE DU COMMERCE

BUREAU 500

MONTRÉAL (QUÉBEC)  H3E 1h7

 

tiers saisis

et

 

9210-5089 QUÉBEC INC.

7192, RUE CHOUINARD

MONTRÉAL (QUÉBEC)  H8N 2Z5

 

et

 

FATIMA ABDELMOUTALIB

7192, RUE CHOUINARD

MONTRÉAL (QUÉBEC)  H8N 2Z5

mises en cause

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               VU l’ordonnance provisoire de saisie-arrêt émise par cette Cour le 10 février 2011 et la contestation engagée par après par les mises en cause quant aux procédures de saisie-arrêt dans le présent dossier (la contestation des mises en cause);

[2]               VU la lecture et l’analyse des diverses représentations écrites soumises par la créancière-saisissante (Sa Majesté) et les mises en cause relativement à la contestation de ces dernières, et ce, en fonction des ordonnances de cette Cour datées du 25 février et 14 avril 2011 établissant un échéancier pour ce faire;

[3]               VU l’audition des procureurs des parties le 29 avril 2011;

[4]               VU que la Cour est satisfaite en bout de ligne que la trame factuelle permettant de saisir le présent débat se trouve correctement décrit aux paragraphes 1 à 8 des représentations écrites de Sa Majesté déposées le 18 mars 2011 (les représentations de Sa Majesté du 18 mars 2011) et qui sont reproduits ici :

1.      Les mises en cause poursuivent le débiteur judiciaire, entre autres en dommages-intérêts. Dans le cadre de ces procédures, elles ont obtenu de la Cour supérieure le 19 août 2010 l’émission d’un bref de saisie avant jugement au motif que le recouvrement de leur créance avait été mis en péril par les agissements de M. Baroud.

2.      Le 25 août 2010, trois (3) immeubles furent ainsi saisis avant jugement :

(a)           L’immeuble situé au 201, chemin du Golf, app. 214 à Verdun (201-214);

(b)          L’immeuble situé au 201, chemin du Golf, app. 1007 à Verdun (201-1007);

(c)           L’immeuble situé au 201, chemin de la Pointe Sud app. 510 à Verdun (201-510).

3.      Le débiteur judiciaire a contesté ces saisies avant jugement devant la Cour supérieure et aucune décision ne paraît avoir été encore rendue sur cette question.

4.      Alors que cette contestation était toujours pendante, le débiteur judiciaire et son épouse ont voulu vendre leurs immeubles. Les saisies avant jugement l’en empêchaient.

5.      Les mises en cause et le débiteur judiciaire ont donc conclu deux conventions de mise sous écrou, l’une le 20 octobre 2010 visant les immeubles 201-214 et 201-1007, l’autre le 14 décembre 2010 visant l’immeuble 201-510.

6.      Le contenu des deux conventions est pratiquement identique. Les mises en cause consentaient à ce que les immeubles soient vendus et le débiteur judiciaire consentait à ce que le prix de vente qui lui revenait soit mis sous écrou auprès des notaires instrumentant, les tiers-saisis :

(a)     pour être remis au débiteur judiciaire si la saisie avant jugement était cassée ou si la poursuite était rejetée;

(b)     pour être remis aux mises en cause dans la mesure où elles obtenaient une décision favorable par le tribunal d’arbitrage constitué dans le cadre du litige civil les opposant au débiteur judiciaire.

7.      Après avoir obtenu l’autorisation prévue à l’article 225.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR), Sa Majesté a déposé devant la Cour fédérale un certificat prévu à l’article 223 LIR, démontrant que le débiteur judiciaire était endetté envers elle de la somme de 855 446,25

8.      En exécution de ce jugement, Sa Majesté a obtenu une ordonnance de saisie-arrêt provisoire. Elle demande maintenant à la Cour d’ordonner aux tiers-saisis de lui verser la totalité du produit de la vente des immeubles qui revient au débiteur judiciaire.

[5]               VU que la Cour est satisfaite que les questions en litige se trouvent être :

A)        Quel est l’effet des conventions de mise sous écrou?

B)        La saisie avant jugement doit-elle avoir préséance sur la saisie après jugement?

C)        Les notaires, tiers-saisis, sont-il « redevables » envers le débiteur judiciaire des sommes détenues en fidéicommis?

[6]               VU quant à la question A), qui implique de par le contexte présent, un regard sur la nature d’une saisie avant jugement, que la Cour est d’avis que l’on ne peut considérer, tel que le prétendent les mises en cause, que les conventions de mise sous écrou (les Conventions) ont transféré à l’extérieur du patrimoine du débiteur judiciaire et en faveur des tiers-saisis (soit les notaires) toute somme pouvant revenir au débiteur judiciaire par suite de la vente des immeubles visés;

[7]               VU que la Cour est d’avis, tel que le soutient Sa Majesté au paragraphe 18 de ses représentations du 18 mars 2011, qu’« [u]ne saisie avant jugement est une mesure conservatoire qui protège un droit de créance éventuel. Elle ne confère aucun droit de propriété au saisissant, ni ne dépouille le saisi de son droit de propriété de son bien.

Provi-Grain (1986) Inc. (faillite de), [1994] R.J.Q. 1804 (C.A.), »

[8]               VU que la Cour est d’avis que le seul but visé par les mises en cause et le débiteur judiciaire par l’édiction des Conventions était que le débiteur judiciaire ne se départisse pas des sommes visées le temps que le litige en Cour supérieure se règle d’une manière ou d’une autre. Les notaires tiers-saisi n’ont que pour rôle dans l’intervalle d’agir que comme gardiens des sommes pouvant revenir au débiteur judiciaire. La Cour ne considère pas en l’espèce qu’il y a eu de par les Conventions création d’une fiducie ou d’un patrimoine d’affection visant à soustraire du patrimoine du débiteur judiciaire les sommes qui lui reviennent;

[9]               VU en conséquence que la Cour est d’avis en réponse à la question A) que les Conventions et la saisie avant jugement n’ont pas pour effet d’empêcher les procédures de saisie-arrêt dans le présent dossier et l’octroi d’une ordonnance définitive de saisie-arrêt en faveur de Sa Majesté;

[10]           VU quant à la question B) que la Cour est satisfaite qu’une saisie après jugement, tel les procédures de saisie-arrêt ici, a préséance sur une saisie avant jugement;

[11]           VU quant à la question C) que la Cour est d’avis qu’elle doit se répondre par l’affirmative, et ce, pour les raisons suivantes.

[12]           BIEN qu’il soit plausible de soutenir que si le débiteur judiciaire ou les mises en cause voulaient eux-mêmes réclamer des tiers-saisis les sommes détenues par ces derniers en vertu des Conventions, lesdits tiers-saisis pourraient alors se déclarer non redevables en faveur du débiteur judiciaire. En effet, et tel que le soulignent les mises en cause au paragraphe 20 de leurs représentations écrites déposées le 6 avril 2011, on pourrait alors soutenir ce qui suit :

20.              En effet, les sommes pourraient tout aussi bien revenir aux mises en cause qu’au débiteur judiciaire ou être partagées par les deux aux termes d’un jugement;

[13]           Toutefois, les Conventions valent en ce sens uniquement entres les parties les ayant constituées. Quant à Sa Majesté, il est juste de retenir qu’elle doit être considérée ici comme une créancière munie d’un jugement exécutoire qu’elle exécute au moyen d’une saisie-arrêt après jugement et que les Conventions ne peuvent alors faire obstacle à la saisie-arrêt après jugement pratiquée par elle. Le libellé du sous-alinéa 449(1)a)(i) des Règles des Cours fédérales – la règle applicable ici et non l’article 224 de la Loi de l’impôt sur le revenu – est clairement de nature à permettre la saisie-arrêt ici;

[14]           AINSI POUR LES MOTIFS qui précèdent, la Cour rejette la contestation des mises en cause et ordonne que Sa Majesté est en droit de demander l’émission d’une ordonnance définitive de saisie-arrêt qui constatera que les notaires tiers-saisis sont redevables envers le débiteur judiciaire et leur ordonnera de verser ces sommes à Sa Majesté. Le tout avec dépens contre les mises en cause.

[15]           En ce sens et dans une ordonnance séparée la Cour émet ce même jour une ordonnance définitive de saisie-arrêt.

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

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