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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110510

Dossier : T-565-10

Référence : 2011 CF 539

Montréal (Québec), le 10 mai 2011

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

ENTRE :

 

JACQUES GERMAIN - ARTS

ETHNOGRAPHIQUES INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 18.1(1) de Loi sur les Cours fédérales, LCR 1985, ch F-7, d’une décision rendue le 17 mars 2010 par l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) maintenant l’avis de cotisation de pénalité d’un montant de 5 000 $ à l’endroit de la demanderesse, au motif qu’elle n’a pas déclaré la possession d’une statuette d’ivoire d’une valeur de 25 000 $US conformément à la Loi sur les douanes, LRC 1985, ch 1 (2e supp), (la Loi) et au Règlement sur la déclaration des marchandises importées, DORS/86-873.

 

 

LES FAITS

[2]               Le 18 septembre 2008, M. Germain et son épouse arrivent à l’aéroport Pierre-Elliott Trudeau à bord d’un vol en provenance de Paris. Ils remettent une carte de déclaration conjointe à l’agent des douanes affecté à la ligne d’inspection primaire dans laquelle M. Germain déclare que la valeur des marchandises achetées ou reçues à l’étranger est de 500 $; son épouse déclare quant à elle un montant de 400 $.

 

[3]               Ceux-ci sont alors référés à la ligne d’inspection secondaire afin que leurs bagages soient inspectés et que la valeur des marchandises déclarées soit vérifiée. M. Germain montre alors à l’agent des douanes un permis d’exportation CITES (Convention on International Trade in Endangered Species) émis par les autorités belges et autorisant l’exportation d’une statuette en ivoire d’éléphant en provenance de la République démocratique du Congo. Il demande que ce permis soit estampillé par l’ASFC, ce que l’agent des douanes refuse de faire. L’ASFC informe M. Germain qu’il doit obtenir un permis d’importation  CITES  des autorités canadiennes.

 

[4]               À la demande de M. Germain, un surintendant des douanes se présente à la ligne d’inspection secondaire. Il admet alors avoir acheté cette statuette au prix de 25 000 $US Constatant que la marchandise est de nature commerciale et que son existence de même que sa valeur n’ont pas été déclarées, sur la carte de déclaration au bureau de douane le plus proche, l’agent des douanes émet un « Avis de cotisation de pénalité » au montant de 5 000 $.

 

[5]               Le 30 septembre 2008, M. Germain présente au ministre une demande de révision à l’encontre de l’avis de cotisation de pénalité en vertu de l’article 129 de la Loi. Le 9 janvier 2009, conformément à l’article 130 de la Loi, l’arbitre demande à M. Germain de lui fournir la preuve d’achat de la statuette afin de déterminer si le montant de pénalité a été correctement calculé. Le 26 janvier 2009, celui-ci transmet à l’arbitre la preuve d’achat de la statuette datée du 15 juin 2006 et qui confirme que la valeur de l’objet est de 25 000 $US

 

[6]               À l’issue du processus d’arbitrage, le ministre informe la demanderesse des décisions rendues par lettre datée du 17 mars 2010. En vertu de l’article 131 de la Loi, il détermine qu’il y a eu infraction à la Loi ou aux règlements. Il décide également de maintenir la pénalité de 5 000 $ en vertu de l’article 133 de la Loi. En date du 13 avril 2010, M. Germain dépose la présente demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision.

 

[7]               L’argument de M. Germain peut se résumer ainsi : il était de bonne foi et a déclaré verbalement aux agents des douanes la possession de la statuette en ivoire. Il ne comprenait pas clairement qu’il devait faire mention de la possession de la statuette par écrit dans la déclaration douanière.

 

[8]               Le défendeur soutient pour sa part que la réponse de l’ASFC à la demande de révision administrative de M. Germain comporte deux décisions distinctes. La première est la décision selon laquelle y a eu une infraction en contravention à l’article 131 de la Loi. La deuxième est la décision de maintenir la sanction de 5 000 $ en vertu de l’article 133.

 

[9]               Il soutient que la demanderesse ne peut s’attaquer à la décision prise en vertu de l’article 131 de la Loi puisque cette contestation peut exclusivement se faire par voie d’action. Le contrôle judiciaire ne constitue donc pas le recours approprié pour contester une décision en vertu de cet article et seule la décision d’appliquer l’article 133 de la Loi peut être révisée. Or, rien dans la preuve ni dans l’argumentation de la demanderesse ne permet d’attaquer la légalité de la pénalité imposée. Je suis de cet avis.

 

[10]           L’article 131 de la Loi qui traite de la décision rendue par le ministre suite à une révision administrative comporte une clause privative à son paragraphe (3) :

Recours judiciaire

 

131. (3) La décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe (1) n’est susceptible d’appel, de restriction, d’interdiction, annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).

 

 

Judicial review

 

131. (3) The Minister’s decision under subsection (1) is not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by subsection 135(1).

 

[11]           Le paragraphe 135(1) prévoit que toute contestation relative à l’article 131 doit être effectuée par voie d’action plutôt que par voie de contrôle judiciaire :

Cour fédérale

 

135. (1) Toute personne qui a demandé que

soit rendue une décision en vertu de l’article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d’action devant la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

Federal Court

 

135. (1) A person who requests a decision

of the Minister under section 131 may, within ninety days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which that person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

 

 

[12]           L’arrêt Nguyen c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CF 724, [2009] ACF no 884 au para 20, confirme que les décisions prises en vertu des articles 131 et 133 de la Loi constituent des décisions distinctes qui doivent être contestées par des recours différents. Alors que la décision en vertu de l’article 131 ne peut être portée en appel que par voie d’action, la décision en vertu de l’article 133 ne peut quant à elle être contestée que par voie de contrôle judiciaire.

 

[13]            La lettre envoyée par l’ASFC à M. Germain en réponse à sa demande de révision administrative et datée du 17 mars 2010 indiquait clairement qu’il devait choisir entre ces deux types de recours dépendant de la décision qu’il désirait contester:

[…]

 

Pour appeler d’une décision rendue en vertu de l’article 131, vous pouvez introduire une action devant la Cour fédérale, conformément à l’article 135 de la Loi sur les douanes. Une telle demande à la Cour doit être introduite dans les 90 jours suivant la date de mise à la poste de cette décision.

 

Pour appeler d’une décision rendue en vertu de l’article 133, vous pouvez présenter une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, conformément à l’article 18.1(1) de la Loi sur les cours fédérales. Une telle demande de la Cour doit être introduite dans les 30 jours suivant la date de mise à la poste de cette décision.

 

[…]

 

[14]           En l’espèce, la demanderesse a choisi de contester la décision du ministre devant cette Cour par voie de contrôle judiciaire. M. Germain a introduit ce type de recours par un avis de demande qui fait d’ailleurs exclusivement référence à l’article 133 de la Loi. C’est donc uniquement la décision de l’ASFC rendue en application de cet article qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[15]           La décision prise en vertu de l’article 133 est tributaire du constat d’infraction à la Cour. En effet, s’il décide en vertu de l’article 131 qu’il y a eu infraction à l’article 12 de la Loi, le ministre peut infliger une amende ou toute autre mesure de réparation applicable.

 

[16]           Selon l’arrêt Nguyen, précité, au paragraphe 23, il revient à la demanderesse de démontrer que la décision rendue par le ministre en vertu de l’article 133, et qui concerne uniquement le montant de la demande de paiement est déraisonnable. Or, M. Germain n’a présenté aucun argument ni aucune preuve démontrant que le montant de cette pénalité est injustifié ou déraisonnable. Ses motifs de contestation portent uniquement sur la décision prise en vertu de l’article 131 de la Loi et sur laquelle, pour les raisons mentionnées, la Cour n’a pas le pouvoir d’intervenir dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Celui-ci ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver que la pénalité de 5 000 $ imposée n’était pas conforme à la Loi.

 

[17]           La facture qu’il a fournie confirme en fait que la statuette non déclarée était d’une valeur de 25 000 $US La pénalité de 5 000 $ infligée par l’ASFC et confirmée en révision administrative est inférieure à la pénalité maximale autorisée par l’article 109.1 de la Loi qui est de 25 000 $ et correspond à 20% de la valeur en douane de la statuette non déclarée, et ce, pour une première infraction.

 

[18]           Ainsi, la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que le montant de la pénalité était déraisonnable. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-565-10

 

INTITULÉ :                                       JACQUES GERMAIN - ARTS

                                                            ETHNOGRAPHIQUES INC.  c  PGC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 9 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      le 10 mai 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jean-Marc Tremblay

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jacques Mimar

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jean-Marc Tremblay

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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