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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110510

Dossier : T-927-10

Référence : 2011 CF 526

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 mai 2011

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

 

ENTRE :

 

JOSEPH DOBROVOLNY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire a été déposée par le demandeur, M. Dobrovolny, qui n’était pas représenté par un avocat devant la Cour. M. Dobrovolny conteste les mesures prises par un agent de l’agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC), par suite de quoi le demandeur s’est vu imposer une amende de 250 $ pour avoir en sa possession sans le déclarer plus de 10 000 $ en espèces. Il s’agit d’une violation du paragraphe 12(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la Loi). Le demandeur a demandé au ministre (l’arbitre) de réviser la décision quant à l’application de l’article 12 et l’amende imposée, et, par suite de la révision, l’arbitre a confirmé que l’article 12 avait été violé et il a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de restituer la pénalité de 250 $. Cette décision a été rendue en application de l’article 27 de la Loi. Le demandeur, comme le révèle la présente demande, a signifié et déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision de ne pas annuler l’amende de 250 $. Aucune action n’a été déposée pour interjeter appel de la décision rendue en application de l’article 27, malgré ce que prévoit l’article 30 de la Loi.

 

I.          LES FAITS DE L’ESPÈCE

[2]               Comme c’est le cas pour de nombreux voyageurs, M. Dobrovolny était pressé par le temps avant son départ en avion vers la Russie via Vienne le 31 mars 2009. Alors qu’il se dépêchait pour se rendre à la porte d’embarquement, il a été arrêté par un agent de l’ASFC afin qu’il se soumette aux vérifications d’usage. L’agent a demandé au demandeur s’il avait en sa possession plus de 10 000 $ en espèces. Le demandeur a répondu : [traduction] « Est‑ce que j’ai l’air d’avoir 10 000 $? » Il a été conclu qu’une petite partie de la somme (180 $) appartenait à un ami et se trouvait en fait dans un dossier séparé. Le demandeur, aidé de l’agent de l’ASFC, a fouillé ses effets personnels et son comportement n’avait rien de répréhensible selon l’ASFC. Une grande partie de la somme était en euros (6 000 €). Le reste était en dollars américains. Il a été nécessaire de faire une conversion pour établir le montant total en dollars canadiens.

 

[3]               Les récits du demandeur et de l’agent diffèrent quant à la façon dont les vérifications ont été menées et les questions posées. Il est clair que le demandeur n’avait pas l’intention de dissimuler la somme d’argent, et il a dit qu’il ne connaissait pas la loi. Le demandeur n’a pas rempli le formulaire requis pour déclarer les espèces qu’il avait en sa possession parce qu’il ne savait pas que ce formulaire existait. La question de savoir si le demandeur a eu l’occasion de remplir ce formulaire est également contestée.

 

[4]               Sur le fondement du taux au comptant de la Banque du Canada ce jour‑là, le demandeur avait en sa possession 10 207,33 $ en espèces. Il avait été établi lors du calcul initial que le demandeur avait en sa possession 10 546,25 $ en euros et en dollars américains.

 

[5]               Le demandeur s’est vu imposer une amende de 250 $, la pénalité minimale prévue par le Règlement sur la déclaration des mouvements transfrontaliers d’espèces et d’effets, DORS/2002‑412 (le Règlement). Le demandeur a payé la pénalité et a pris l’avion. Il a par la suite contesté, en vertu de l’article 25 de la Loi, les mesures prises par l’ASFC.

 

[6]               Après de nombreuses communications écrites entre le demandeur et l’ASFC, une décision a été rendue par l’arbitre par laquelle il a confirmé la pénalité parce qu’il avait été établi que le demandeur avait été en possession de plus de 10 000 $. Le fondement de la violation même a été confirmé suivant l’article 27 de la Loi, et la pénalité a été confirmée suivant l’article 29 de la Loi.

 

II.        LE DROIT APPLICABLE

[7]               Les lois canadiennes n’interdisent pas de voyager en possession de plus de 10 000 $. La personne ou « l’entité » qui voyage avec plus de 10 000 $ en espèces doit le déclarer à l’ASFC conformément au règlement applicable (article 12 de la Loi). La limite de 10 000 $ est prévue par l’article 2 du Règlement.

 

[8]               La question de savoir si l’argent appartient au voyageur importe peu, car la « possession » de l’argent est le critère applicable à tous les voyageurs (alinéa 12(3)a) de la Loi). Il incombe au voyageur de déclarer les sommes en surplus qu’il a en sa possession, comme le prévoit l’article 11 du Règlement :

 

11. La déclaration relative à des espèces ou effets transportés par une personne quittant le Canada doit être présentée sans délai par cette personne au bureau de douane situé au lieu de l’exportation ou, si ce bureau est fermé au moment de l’exportation, au bureau de douane le plus proche qui est ouvert.

11. A report with respect to currency or monetary instruments transported by a person departing from Canada shall be submitted without delay by the person at the customs office located at the place of exportation or, if it is not open for business at the time of exportation, at the nearest customs office that is open for business at that time.

 

[9]               La question de savoir s’il y a plus de 10 000 $ en espèces est établie selon le taux de conversion officiel de la Banque du Canada le jour de l’« exportation » des espèces. Si le taux n’est pas établi, le taux que le déclarant utiliserait normalement dans le cours normal de ses activités à cette date peut être utilisé (paragraphe 2(2) du Règlement). Des taux de conversion officiels sont établis pour l’euro et le dollar américain.

 

III.       LA POSITION DES PARTIES

[10]           Le principal moyen de contrôle du demandeur était qu’il ne savait pas qu’il voyageait avec plus de 10 000 $. Il a allégué qu’il ne savait pas qu’il avait en sa possession une partie des sommes trouvées (180 $). Le demandeur soutient qu’il ne connaissait pas le droit applicable ayant trait à l’exportation d’espèces. Il allègue aussi qu’il n’a jamais eu l’occasion de remplir un formulaire de déclaration d’espèces, ce qui l’aurait déchargé de toute responsabilité. Le demandeur remet également en question les taux de conversion de la Banque du Canada. Il ajoute que l’on aurait dû employer le taux au comptant plutôt que le taux nominal. Dans la présente affaire, peu importe le taux de conversion employé, cela ne change pas le fait que le calcul final montre qu’il avait en sa possession plus de 10 000 $. De façon plus générale, le demandeur s’est dit lésé parce que cette situation a fait en sorte qu’il fait automatiquement l’objet de vérifications lorsqu’il doit traverser une frontière. Le demandeur affirme que si on lui en avait donné l’occasion, il aurait rempli le formulaire nécessaire.

 

[11]           Le premier argument du défendeur porte sur la compétence de la Cour dans la présente affaire. Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision. La Loi prévoit deux (2) types de « révisions » de décision : 1) la décision même rendue en application du paragraphe 27(1) doit faire l’objet d’un appel par voie d’action devant la Cour (article 30 de la Loi); 2) la décision concernant la pénalité rendue en application de l’article 29 doit être révisée par voie de contrôle judiciaire.

 

[12]           Dans les circonstances, le défendeur soutient que, puisque la présente affaire a été intentée par voie de contrôle judiciaire, la Cour ne devrait examiner que la raisonnabilité de la pénalité perçue, et que la Cour n’a aucunement compétence pour contrôler la décision rendue sur une demande présentée en vertu du paragraphe 12(1) de la Loi. À cet égard, la pénalité imposée est la pénalité minimale prévue à l’article 18 du Règlement. L’imposition d’une pénalité découle d’un pouvoir discrétionnaire exercé en vertu du paragraphe 29(1) de la Loi (Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255). Le défendeur soutient que l’exercice du pouvoir discrétionnaire était raisonnable et qu’il n’y a aucun moyen de contrôle.

 

IV.       LA QUESTION DE COMPÉTENCE ET LA RÉPARATION SOLLICITÉE

[13]           Les recours prévus aux articles 27 et 29 de la Loi sont différents. Ces différences peuvent certainement laisser perplexe un demandeur non représenté par un avocat, et certains affirment que la Loi‑même ne favorise pas les appels dans le processus de révision. Il n’est tout simplement pas facile de s’y retrouver. Bien que ces différences soient techniques et qu’elles semblent appartenir au jargon juridique, elles sont dans les faits essentielles à l’exercice des pouvoirs de la Cour et à l’établissement des réparations pouvant être accordées par la cour de révision.

 

[14]           Pour contester la décision même rendue en application de l’article 27, le demandeur doit interjeter appel sur le fondement de l’article 30, qui est libellé de la façon suivante :

Cour fédérale

30. (1) La personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l’article 27 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d’action à la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

 

Action ordinaire

(2) La Loi sur les Cours fédérales et les règles prises aux termes de cette loi applicables aux actions ordinaires s’appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), avec les adaptations nécessaires occasionnées par les règles propres à ces actions.

 

Restitution au requérant

(3) Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en a été informé, prend les mesures nécessaires pour donner effet à la décision de la Cour.

 

Limitation du montant versé

(4) En cas de vente ou autre forme d’aliénation des espèces ou effets en vertu de la Loi sur l’administration des biens saisis, le montant de la somme qui peut être versée en vertu du paragraphe (3) ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l’aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents exposés par Sa Majesté; à défaut de produit de l’aliénation, aucun paiement n’est effectué.

Appeal to Federal Court

30. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 27 may, within 90 days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which the person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

 

 

Ordinary action

(2) The Federal Courts Act and the rules made under that Act that apply to ordinary actions apply to actions instituted under subsection (1) except as varied by special rules made in respect of such actions.

 

 

Delivery after final order

(3) The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to the decision of the Court on being informed of it.

 

 

 

Limit on amount paid

(4) If the currency or monetary instruments were sold or otherwise disposed of under the Seized Property Management Act, the total amount that can be paid under subsection (3) shall not exceed the proceeds of the sale or disposition, if any, less any costs incurred by Her Majesty in respect of the currency or monetary instruments.

 

[15]           Après avoir lu le dossier et les observations du demandeur et avoir entendu ses observations orales, il est évident que le demandeur conteste la décision rendue en application du paragraphe 27(1) de la Loi, selon laquelle la Loi a été violée. Cependant, le recours applicable à une telle décision est une action. Or, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire.

 

[16]           Après avoir reçu l’avis de demande, l’avocate du défendeur a clairement expliqué la situation dans une longue lettre adressée au demandeur et datée du 21 juin 2010. À l’exception de modifications apportées à son avis de demande pour d’autres motifs, le demandeur n’a pas changé de voie de recours et n’a pas intenté d’action.

 

[17]           La jurisprudence de la Cour est sans équivoque, les décisions rendues en application des articles 27 et 29 sont distinctes, et la décision visant la pénalité (article 29) est la seule qui peut être contrôlée par voie de demande de contrôle judiciaire. Dans la décision Zeid c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 539, le juge de Montigny a clairement énoncé cette distinction aux paragraphes 35 et 36 :

35. L’article 30 de la Loi prévoit que la personne qui a demandé une décision du ministre en vertu de l’article 25 peut en appeler par voie d’action à la Cour fédérale.

 

36. L’appel prévu à l’article 30 ne peut toutefois porter que sur la décision fondée sur l’article 27, laquelle concerne la question de savoir s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) de la Loi. La personne qui souhaite contester une décision fondée sur l’article 29 doit introduire une demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (Tourki c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CAF 186, au paragraphe 18; conf. 2006 CF 50, au paragraphe 38).

 

[18]           Dans la décision Dokaj c. Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CF 1437, au paragraphe 37, madame la juge Layden‑Stevenson (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) a examiné l’aspect procédural de la Loi et a conclu qu’il n’y avait aucune ambiguïté :

37. Le libellé des dispositions est clair. La Loi permet d’interjeter appel de la décision du ministre fondée sur l’article 25. Cet article vise uniquement une décision sur la question de savoir s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), qui énonce l’obligation de faire une déclaration. Il s’ensuit que les termes « une demande » et « la décision » employés à l’article 30 renvoient à la décision du ministre en application de l’article 27. À mon avis, il s’agit de la seule interprétation raisonnable. La compétence de la Cour fédérale en vertu de l’article 30 de la Loi est donc restreinte à la révision de la décision rendue en application de l’article 27 de la Loi. Cette décision vise à déterminer s’il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

 

[19]           Par conséquent, la décision rendue en application du paragraphe 27(1) n’est pas contestée par voie d’appel. Seule la décision d’imposer une pénalité de 250 $ rendue en application de l’article 29 fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

V.        LA NORME DE CONTRÔLE

[20]           L’article 29 est libellé comme suit :

 (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre peut, aux conditions qu’il fixe :

 

 

      a) soit restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux‑ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;

 

     

      b) soit restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);

 

 

      c) soit confirmer la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.

 

Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b).

 

 

Limitation du montant versé

      (2) En cas de vente ou autre forme d’aliénation des espèces ou effets en vertu de la Loi sur l’administration des biens saisis, le montant de la somme versée en vertu de l’alinéa (1)a) ne peut être supérieur au produit éventuel de la vente ou de l’aliénation, duquel sont soustraits les frais afférents exposés par Sa Majesté; à défaut de produit de l’aliénation, aucun paiement n’est effectué.

 

2000, ch. 17, art. 29; 2006, ch. 12, art. 15.

 (1) If the Minister decides that subsection 12(1) was contravened, the Minister may, subject to the terms and conditions that the Minister may determine,

      (a) decide that the currency or monetary instruments or, subject to subsection (2), an amount of money equal to their value on the day the Minister of Public Works and Government Services is informed of the decision, be returned, on payment of a penalty in the prescribed amount or without penalty;

     

      (b) decide that any penalty or portion of any penalty that was paid under subsection 18(2) be remitted; or

 

      (c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada.

 

 

The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to a decision of the Minister under paragraph (a) or (b) on being informed of it.

 

 

Limit on amount paid

      (2) The total amount paid under paragraph (1)(a) shall, if the currency or monetary instruments were sold or otherwise disposed of under the Seized Property Management Act, not exceed the proceeds of the sale or disposition, if any, less any costs incurred by Her Majesty in respect of the currency or monetary instruments.

 

 

2000, c. 17, s. 29; 2006, c. 12, s. 15.

 

 

[21]           Le ministre devant trancher une telle affaire doit exercer sa compétence de façon à respecter les objets de la Loi. Comme l’a établi la jurisprudence, la décision doit révéler que l’exercice du pouvoir discrétionnaire a été fait de bonne foi, que les principes de justice naturelle ont été respectés et que les questions pertinentes ont été abordées suivant les objectifs de la loi :

La nature du pouvoir discrétionnaire que le ministre est appelé à exercer en vertu de l’article 29 consiste à déterminer s’il y a lieu de soustraire le demandeur, à l’égard de qui il vient de confirmer la contravention à l’article 12, aux conséquences de cette contravention. Le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire en respectant le cadre de la Loi et les objectifs que le législateur cherchait à atteindre par cette loi. En respectant ce cadre, les modalités d’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre sont variées. Il convient toutefois de rappeler que, dans la mesure où le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable, les tribunaux refuseront d’intervenir.

(Voir Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, paragraphe 53, et aussi Dag c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 95, au paragraphe 4.)

 

[22]           De quelle façon le ministre a‑t‑il exercé son pouvoir discrétionnaire?

 

[23]           À titre de rappel, le demandeur s’en allait en Russie via l’Aéroport international Pearson de Toronto. Près de la zone des portes d’embarquement, le demandeur a rencontré un agent de l’ASFC qui lui a demandé s’il avait en sa possession plus de 10 000 $ en espèces. Comme il a été mentionné précédemment, il n’est pas illégal de voyager avec plus de 10 000 $ en espèces, cependant, si l’on a un tel montant en sa possession, il faut le déclarer. Le demandeur a répondu : [traduction] « Est‑ce que j’ai l’air d’avoir 10 000 $? »

 

[24]           À l’aide du demandeur, l’agent de l’ASFC a fouillé les bagages et le portefeuille du demandeur et trouvé 6 030 €, 173 dollars américains et 350 dollars canadiens. Après avoir appliqué les taux de conversion de la Banque du Canada (6 030 € x 1,6548 = 9 978,44 $, 173 $US x 1,2602 = 218,01, plus les 350 $), il a été conclu que le demandeur avait en sa possession environ 10 546,25 $. Par suite de communication écrite avec l’ASFC, il a été établi après le fait que, même si l’on avait appliqué le taux le plus favorable lors de la conversion, soit le « taux au comptant » utilisé par la Banque du Canada, le demandeur aurait tout de même eu plus de 10 000 $ en sa possession (6 030 € x 1,60 = 9 648 $, 173 $US x 1,21 = 209,33, plus les 350 $, pour un total de 10 207,33 $).

 

[25]           Suivant le paragraphe 12(1) de la Loi, une personne qui voyage avec 10 000 $ ou plus en sa possession et qui ne le déclare pas se voit imposer une pénalité. L’agent de l’ASFC n’a aucune discrétion à cet égard (voir l’article 18 du Règlement).

 

[26]           Après avoir entendu l’explication du demandeur – selon laquelle il ne pensait pas avoir en sa possession 10 000 $ ou plus et selon laquelle il avait oublié qu’il avait 189 dollars canadiens – l’agent de l’ASFC a cru le demandeur et a tiré la conclusion portant que le demandeur n’avait pas eu l’intention de dissimuler l’argent et qu’il avait été honnête dans son explication des faits concernant les espèces qu’il avait en sa possession. Par conséquent, l’argent a été rendu au demandeur, et la pénalité minimale lui a été imposée suivant l’article 18 du Règlement.

 

[27]           La pénalité de 250 $ est appliquée si une personne n’a pas dissimulé l’argent, a divulgué tous les faits concernant l’argent au moment de la découverte et n’a fait l’objet d’aucune saisie antérieure en vertu de la Loi.

 

[28]           Le demandeur, par suite de la demande de révision par le ministre, a reçu une lettre datée du 30 avril 2010 signée par un arbitre, dans laquelle l’arbitre l’informait que les conclusions de l’agent de l’ASFC étaient confirmées suivant le paragraphe 27(1) de la Loi et que l’annulation de la pénalité de 250 $ était rejetée suivant le paragraphe 29(1) de la Loi. C’est cette dernière décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[29]           Le dossier du Tribunal révèle que le demandeur a eu tout le loisir de faire valoir ses arguments; on y trouve également la correspondance révélant que le demandeur a pleinement eu l’occasion d’être entendu. Le dossier du Tribunal montre également que l’arbitre a bien tenu compte du récit du demandeur, mais, en définitive, l’arbitre a décidé de confirmer la décision initiale et la pénalité minimale. Cette décision était raisonnable.

 

[30]           Après avoir entendu les observations orales du demandeur, la Cour a discuté avec lui et lui a expliqué que son observation selon laquelle il ne connaissait pas la loi qui exigeait que quiconque voyage avec 10 000 $ ou plus fasse une déclaration n’était pas acceptable. Il a aussi été clairement mentionné que le demandeur avait dit, comme en témoigne son admission écrite, à l’agent de l’ASFC [traduction] « Est‑ce que j’ai l’air d’avoir 10 000 $? » et que la fouille avait révélé qu’il avait plus de 10 000 $ en sa possession. Il s’agit d’une violation de la Loi. Le demandeur a allégué qu’il ne connaissait pas les taux de conversion de la Banque du Canada et qu’il aurait dû y avoir un tableau affichant ces taux. Cette allégation ne change en rien le fait que, après conversion, et même si l’on utilise les taux de conversion les plus favorables, le demandeur s’apprêtait à quitter le pays avec plus de 10 000 $ ce qui contrevient à la Loi.

 

[31]           En outre, le demandeur estime que la situation a fait en sorte qu’il a été étiqueté comme étant un terroriste ou un criminel et que, comme le révèlent ses récents voyages, il a fait l’objet de vérifications systématiques par les agents de l’ASFC en raison de ce qui s’est passé.

 

[32]           En réponse au demandeur, la Cour note que l’imposition de la pénalité minimale et la restitution de l’argent révèlent que le demandeur ne dissimulait pas de l’argent et que les explications données en ce qui concerne les raisons pour lesquelles il était en possession des espèces étaient satisfaisantes. Le demandeur ne devrait pas retenir de cette triste expérience qu’il a été étiqueté comme étant un terroriste ou un criminel.

 

[33]           En outre, comme remarque incidente aux présents motifs, la Cour souhaite que, lors des futurs voyages du demandeur, l’ASFC ne le traite pas automatiquement de façon différente des voyageurs en général. Après tout, les faits ont révélé que le demandeur n’avait aucunement l’intention de dissimuler de l’argent et n’avait aucun motif caché. Puisque le demandeur s’est acquitté de la pénalité minimale, il a payé sa dette pour ces malheureuses circonstances.

 

[34]           Le demandeur ne sollicite pas les dépens et aucuns dépens ne seront donc adjugés.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

-           Le contrôle judiciaire de la décision d’imposer une pénalité de 250 $ est rejeté, sans dépens.

 

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-927-10

 

INTITULÉ :                                       JOSEPH DOBROVOLNY

                                                            c.

                                                            MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 3 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE S. NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 10 mai 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Joseph Dobrovolny

 

LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Meghan Riley

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Joseph Dobrovolny

Winnipeg (Manitoba)

 

LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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