Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110516

Dossier : IMM-5389-10

Référence : 2011 CF 548

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 mai 2011

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

 

RASAMALAR JOSEPH

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.        Le contexte

 

 

[1]               En 2009, Mme Rasamalar Joseph a déposé une demande d’asile au Canada fondée sur une crainte de persécution en tant que femme tamoule du nord du Sri Lanka. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande après n’avoir trouvé aucune preuve crédible l’étayant.

 

[2]               Mme Joseph soutient que le Tribunal a procédé à une analyse microscopique de la preuve qu’elle a soumise. Elle prétend que cette analyse a mis de côté et a négligé des preuves qui soutenaient sa demande et a mené le Tribunal à rendre une décision déraisonnable. Elle demande à la Cour d’infirmer la décision du Tribunal et d’ordonner qu’une nouvelle audience soit tenue devant un tribunal constitué différemment.

 

[3]               Je ne peux cependant trouver de motif justifiant l’annulation de la décision du Tribunal, alors je devrai rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Selon moi, la décision du Tribunal voulant que les allégations de Mme Joseph ne soient pas étayées par une preuve crédible était raisonnable.

 

[4]               La question est de savoir si le traitement de la preuve par le Tribunal était raisonnable.

 

II.     La décision du Tribunal

 

[5]               Le Tribunal a conclu qu’il y avait peu de preuve étayant le récit des évènements de Mme Joseph.

 

[6]               Le Tribunal a été préoccupé par les lacunes dans le souvenir de Mme Joseph de son voyage du Sri Lanka au Canada. Elle ne pouvait pas se rappeler quels transporteurs aériens elle avait utilisés pour voyager du Sri Lanka à Singapour, pour voyager de Singapour au Japon et pour voyager du Japon au Canada. Un agent lui a fourni un nouveau passeport à Singapour, mais elle ne pouvait pas se rappeler quel pays l’avait délivré ni quel nom qui y figurait.

 

[7]               Le Tribunal a aussi noté que Mme Joseph avait fourni peu de documentation démontrant qu’elle avait vécu au Sri Lanka jusqu’en 1999 comme elle l’a déclaré. Elle n’avait pas de relevé bancaire, de registre de propriété pour sa maison ou son entreprise ni de permis de conduire. Elle a déposé un extrait de naissance (émis en 2004 et ne comportant pas de photo) et une lettre provenant d’un avocat qui avait exécuté du travail de nature juridique pour ses parents. La lettre était de toute évidence une lettre type, contenant principalement des renseignements passe-partout, ainsi que quelques détails personnels. Mme Joseph a aussi présenté un affidavit d’une connaissance de Toronto qui déclarait que Mme Joseph vivait au Sri Lanka, mais le souscripteur de l’affidavit n’a pas vue cette dernière depuis 1992.

 

[8]               Le Tribunal a de plus conclu que certaines parties du récit de Mme Joseph étaient invraisemblables. Elle prétend qu’elle a donné son passeport original et sa carte d’identité nationale à l’agent pour que celui-ci les lui poste. Le Tribunal s’est demandé pourquoi elle ne se les était pas postés elle-même et pourquoi l’agent aurait couru le risque de se faire prendre avec deux titres de voyage différents.

 

III.   Est-ce que le traitement de la preuve par le Tribunal était raisonnable?

 

[9]               La tâche d’évaluer et d’apprécier la preuve revient au Tribunal. Il ne m’appartient pas de douter de la conclusion de faits que le Tribunal a rendue à moins que son analyse ait été déraisonnable.

 

[10]           En l’espèce, la préoccupation du Tribunal concernant la preuve qui lui a été présentée l’a mené à conclure que la crainte de persécution au Sri Lanka de Mme Joseph n’était pas fondée. Mme Joseph soutient que les préoccupations du Tribunal visaient seulement des questions en marge de sa demande d’asile. Même si le Tribunal n’a pas cru son explication sur la façon dont elle s’est rendue au Canada ou sur ce qui est advenu de ses pièces d’identité, le fait demeure qu’elle est une femme tamoule du nord du Sri Lanka et que les preuves matérielles ont étayé sa prétention de risque de persécution si elle y retournait. Son extrait de naissance a prouvé son identité et son ethnicité, et ce fait en lui-même aurait du être suffisant pour appuyer sa demande d’asile.

 

[11]           Le Tribunal doit se garder de rejeter une demande d’asile parce qu’il ne croit pas certaines parties du témoignage du demandeur ou des éléments de preuve qui ne touchent pas l’essentiel de la demande. Parfois, le demandeur peut embellir son récit ou oublier certains détails secondaires. Il est déraisonnable pour le Tribunal de rejeter une demande seulement parce qu’il estime que des preuves en marge de l’affaire ne sont pas crédibles ou fiables. Même si le Tribunal conclut que certains éléments de preuve ne sont pas crédibles, il doit poursuivre son analyse pour déterminer s’il subsiste des éléments de preuve crédibles étayant le bien-fondé d’une crainte de persécution. (Voir, par exemple, Seevaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 167 FTR 130, 88 ACW (3d) 650 (1ère inst.); Mylvaganam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 98 ACWS (3d) 1089, [2000] ACF no 1195 (C.F. 1ère inst.) (QL); Kanesaratnasingham c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 48).

 

[12]           D’un autre côté, quelques fois les préoccupations du Tribunal concernant la crédibilité ou la fiabilité des preuves soumises par le demandeur lui font douter de l’essence même de la demande. Lorsque cela se produit, le Tribunal n’a pas besoin de considérer la preuve sur la situation générale du pays pour déterminer si la demande est fondée : Mathews c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1387, aux paragraphes 7 et 8. C’était le cas en l’espèce. La question est alors de savoir si le Tribunal avait un motif raisonnable pour douter de la preuve présentée par Mme Joseph.

 

[13]           Selon moi, la décision du Tribunal était raisonnable compte tenu de la preuve qui lui a été soumise. Le récit du voyage de Mme Joseph vers le Canada est au mieux incomplet. Il jette le doute sur son témoignage concernant les autres aspects de sa demande. Elle n’a pas fourni la preuve documentaire qui aurait pu corroborer sa prétention selon laquelle elle a vécu et travaillé dans le nord du Sri Lanka pendant plusieurs années. La lettre de l’avocat de ses parents et l’affidavit de sa connaissance constituaient des preuves faibles de sa vie passée au Sri Lanka. De plus, son extrait de naissance de 2004 a pu être obtenu à l’extérieur du Sri Lanka. Bien sûr, il reste tout de même son témoignage, cependant, concernant les points importants, on aurait pu s’attendre à recevoir des preuves documentaires corroborantes (par exemple, en ce qui concerne sa maison et son entreprise), mais aucune n’a été offerte. En pareilles circonstances, le Tribunal a le droit de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité : Adu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1995), 53 ACWS (3d) 158, [1995] ACF no 1114 (CAF) (QL), au paragraphe 1.

 

[14]           Selon moi, le traitement de ces éléments de preuve par le Tribunal et sa décision étaient raisonnables. Eu égard à ses doutes concernant le récit des évènements par Mme Joseph et la faiblesse des preuves démontrant qu’elle a effectivement été résidente du nord du Sri Lanka pendant la période pertinente, le Tribunal pouvait tirer la conclusion que la demande de Mme Joseph n’était pas étayée par une preuve crédible et fiable.

 

IV.  Conclusion et décision

[15]           Comme j’ai conclu que la décision du Tribunal était raisonnable en fonction de la preuve, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a soumis de question de portée générale pour certification, et aucune ne sera certifiée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n'est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5389-10

 

INTITULÉ :                                       JOSEPH

                                                            c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (ON.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 avril 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 16 mai 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Grice

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Alex C. Kam

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Davis & Grice

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.