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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110519

Dossier : T-639-10

Référence : 2011 CF 582

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 mai 2011

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

ZOLTAN ANDREW SIMON

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA

 

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Monsieur Simon a intenté une action contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada (défenderesse). Il tente pour la seconde fois d’intenter une action devant la Cour fédérale; sa première déclaration a été rejetée. À ce moment-là, la défenderesse avait déposé une requête en radiation de la déclaration modifiée.
I.          Contexte

 

[2]        Les faits sur lesquels reposent à la fois la déclaration initiale et la présente déclaration modifiée sont les mêmes. Ils ont été exposés dans la décision rendue par le juge Zinn dans Simon c Sa Majesté la Reine du chef du Canada, 2010 CF 617, [2010] ACF no 752 (QL), aux paragraphes 2 à 6 [Simon CF]:

[2]         En janvier 1999, le demandeur a parrainé la demande de résidence permanente au Canada de Margarita Reyes, alors son épouse, et de ses deux fils. Il a signé avec elle une entente de parrainage par laquelle il s’engageait à pourvoir à ses besoins fondamentaux. Il nie catégoriquement avoir conclu une telle entente avec le Canada.

 

[3]               En juin 2000, Mme Reyes a quitté le demandeur en emmenant ses fils. Ils ont commencé à recevoir des prestations d’assistance sociale de la province de la Colombie-Britannique. M. Simon n’était pas au courant de ces prestations ni du fait que la province de la Colombie-Britannique lui imposait, en sa qualité de répondant, l’obligation de rembourser ces prestations d’assistance sociale jusqu’à une date indéterminée en 2007.

 

[4]               En 2008 puis en 2009, la province de la Colombie‑Britannique a saisi le solde créditeur de son compte à Revenu Canada.

 

[5]               M. Simon s’est remarié depuis et a tenté de parrainer sa nouvelle famille pour qu’elle puisse venir au Canada. La demande de parrainage a été refusée en raison du manquement de M. Simon aux obligations prévues dans son engagement antérieur. La Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI) a rejeté l’appel formé contre le rejet de cette demande. La Cour a refusé l’autorisation d’introduire une procédure de contrôle judiciaire contre cette décision.

 

 

II.        Historique des procédures judiciaires

 

[3]               Dans Simon CF, précité, le juge Zinn a conclu que la déclaration devait être radiée sans autorisation de la modifier. Il a fondé sa décision sur sa conclusion que la demande de M. Simon ne relevait pas de la compétence de la Cour fédérale. Le juge Zinn a accordé des dépens de 500 $ à la défenderesse.

 

[4]               M. Simon a interjeté appel à la Cour d’appel fédérale. Dans Simon c Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, 2011 CAF 6, 410 N.R. 374, la Cour d’appel a accueilli en partie l’appel. Bien qu’elle ait conclu que la déclaration devait être radiée, la Cour d’appel ne croyait pas, contrairement au juge Zinn, que la Cour fédérale n’avait pas compétence dans toutes les questions que la déclaration pouvait soulever.  

 

[5]               La Cour d’appel a convenu avec le juge Zinn que de nombreux aspects de la déclaration de M. Simon ne relevaient pas de la compétence de la Cour fédérale. Plus précisément, la Cour d’appel a soutenu que la Cour fédérale n’avait pas compétence pour statuer sur l’existence ou l’étendue de toute responsabilité de M. Simon envers le gouvernement de la Colombie-Britannique à l’égard des prestations d’assistance sociale (paragraphe 9). La Cour d’appel a toutefois relevé un aspect dont le juge Zinn n’avait pas tenu compte. Comme l’énonce le paragraphe 12 :

[12]      Cela dit, je suis d’avis que le juge a ignoré un aspect important de la demande de M. Simon : la question de savoir si l’Agence du revenu du Canada a versé à tort de l’argent qu’elle devait à M. Simon, en application de la Loi de l’impôt sur le revenu au gouvernement de la Colombie‑Britannique, sans lui fournir d’explication. Rien n’indique qu’une ordonnance de saisie‑arrêt a été rendue par un tribunal compétent. Peut‑être que l’argent que l’on devait autrement à M. Simon a été appliqué à sa présumée dette de parrainage conformément au paragraphe 164(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5suppl.). La façon dont l’Agence de revenu du Canada a traité l’argent autrement dû à M. Simon relève indubitablement de la compétence de la Cour fédérale. À mon humble avis, il s’ensuit que la Cour fédérale a commis une erreur de droit en concluant qu’aucune des questions dont s’est plaint M. Simon ne relevait de sa compétence.

 

 

[6]               La Cour d’appel a statué que même si le juge Zinn a eu raison de radier la déclaration, il n’était pas évident et manifeste que si elle était modifiée, la déclaration de M. Simon selon laquelle l’Agence du revenu du Canada avait commis une erreur dans sa façon de traiter l’argent auquel il avait autrement droit ne révèlerait pas une cause d’action valable. Il en a résulté que M. Simon a obtenu l’autorisation de modifier son acte de procédure. Il appartenait à M. Simon de présenter une déclaration modifiée.  

 

[7]               Dans sa décision, la Cour d’appel a donné des conseils très précis et utiles à M. Simon, aux paragraphes 17 à  20. En bref, la Cour lui a conseillé ce qui suit :

 

                     le défaut de se conformer à toutes les règles de la Cour fédérale régissant les actes de procédure risquerait de causer la radiation dudit acte (paragraphe 17);

 

                     chaque élément constitutif d’une cause d’action doit être invoqué avec suffisamment de détails, une exigence qu’un récit des faits ne remplit pas (paragraphe 18);

 

                     il est peu probable que les documents liés au bien-fondé de la demande de remboursement présentée par les autorités en Colombie-Britannique relèvent de la compétence de la Cour fédérale (paragraphe 19);

 

                     certaines réparations demandées contre des entités fédérales ne peuvent l’être que par un avis en vue de solliciter le contrôle judiciaire (paragraphe 20).

 

III.       Question en litige

 

[8]               La question dont je suis saisie est de savoir si la déclaration modifiée de M. Simon ou des parties de celle-ci doivent être radiées.  

 

IV.       Analyse

 

[9]               J’ai très soigneusement examiné la déclaration modifiée. J’ai fait de mon mieux pour y discerner une cause d’action. J’ai écouté très attentivement la plaidoirie de M. Simon au sujet de cette requête en radiation afin de mettre au jour les éléments de sa demande.  

 

[10]           La déclaration modifiée de M. Simon est longue et incompréhensible. Il n’a pas mis à profit les conseils de la Cour d’appel. Sa déclaration est entachée de tous les défauts signalés par la Cour d’appel, en l’occurrence :

 

1.                  En contravention de l’article 174 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106,  la déclaration ne contient pas un exposé concis des faits substantiels sur lesquels M. Simon se fonde.

 

2.                  En contravention de l’article 174, la déclaration comprend beaucoup de moyens de preuve.

 

3.                  En contravention de l’alinéa 221(1)a), la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable.  

 

4.                  En contravention de l’alinéa 221(1)c), la déclaration est frivole ou vexatoire parce qu’elle est si déficiente que la défenderesse ne pouvait pas savoir comment y répondre.

 

5.                  Enfin, bien qu’une partie puisse invoquer un point de droit dans une plaidoirie (article 175), une déclaration ne peut pas constituer un argument juridique. Les nombreux arguments juridiques contenus dans la déclaration enfreignent l’article 174 parce que les arguments de M. Simon, y compris les nombreux renvois à la jurisprudence et à des causes hypothétiques, ne sont pas des exposés concis des faits substantiels.

 

[11]           Tout comme pour la déclaration initiale, la plupart des aspects de la présente déclaration modifiée ne relèvent pas de la compétence de la Cour fédérale. Même si le libellé peut différer dans la plaidoirie révisée, l’élément clé de la plainte de M. Simon est sa responsabilité envers le gouvernement de la Colombie-Britannique relativement aux prestations d’assistance sociale reçues par sa première épouse. Comme il est dit dans la déclaration modifiée, son argument se fonde sur le fait qu’il ne croit pas qu’il existe une entente contractuelle exécutoire entre lui et le gouvernement de la Colombie-Britannique. Par essence, cette demande vise la Couronne provinciale de la Colombie-Britannique, même si la défenderesse a, dans les faits, effectué la saisie-arrêt. Toute plainte relative aux actions de la Couronne fédérale semble être accessoire dans les principales allégations de M. Simon contre le gouvernement de la Colombie-Britannique.

 

[12]           La Cour d’appel fédérale a laissé entendre que M. Simon avait peut-être un motif de se plaindre de la façon dont l’Agence du revenu du Canada (ARC) avait effectué la saisie-arrêt (ou des motifs de présenter une demande de contrôle judiciaire). Puis-je trouver une cause d’action valable contre la défenderesse – la Couronne fédérale – dans cette déclaration modifiée en ce qui concerne cette réclamation possible? Je ne le peux pas.

 

[13]           À cet égard d’une réclamation potentielle contre l’ARC, la déclaration modifiée contient un certain nombre de mentions de l’ARC. Toutefois, aucune, à mon avis, n’établit clairement une cause d’action. Ce qui pourrait se rapprocher le plus d’une conclusion de cause d’action contre l’ARC est la déclaration générale du paragraphe 20, dans lequel M. Simon déclare :

[traduction]

La négligence de la défenderesse et des fonctionnaires impliqués a créé cette situation de controverse ou l’a rendue possible. Le principal aspect de la présente déclaration a trait aux actions et en particulier aux omissions de l’ARC et du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration entre 2007 et aujourd’hui. Le demandeur a, à maintes reprises, communiqué sans succès avec ces autorités fédérales au fil de ces années. Tous les fonctionnaires fédéraux de la défenderesse impliqués ont sans cesse prétendu que toute la procédure avait été équitable et fondée en droit, sans erreur ni omission de leur part, déplaçant ainsi les controverses, les responsabilités et la compétence uniquement au demandeur et/ou à la Colombie-Britannique. [Non souligné dans l’original..]

 

[14]           Le premier problème réside dans le fait que cette accusation générale vise à la fois l’ARC et le « ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration ». La mention par M. Simon du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration est-elle une autre contestation indirecte du refus de sa demande de parrainage de sa deuxième épouse? De plus, de quelles « actions » et quelles « omissions » se plaint-il? Comment un défendeur peut-il répondre à ces allégations? Il est manifeste et évident, à mon avis, que la déclaration modifiée ne révèle aucune cause d’action valable contre la défenderesse en ce qui concerne les actions de l’ARC.  

 

[15]           De plus, bien qu’il nie tenter de contester indirectement le refus de l’agent des visas de lui permettre de parrainer sa deuxième épouse, les actes de procédure qui me sont présentés soulèvent carrément cette question.

 

[16]           Pendant sa plaidoirie concernant la présente requête en radiation, M. Simon a révélé qu’il avait intenté une action contre le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Colombie‑Britannique (de même qu’une tierce partie) devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Il a informé la Cour qu’il s’est désisté depuis. Je ne sais pas pourquoi.

 

[17]           Il s’agit de la troisième tentative de M. Simon d’intenter la présente action (deux fois devant notre Cour et une fois devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique). M. Simon a eu l’entière possibilité de modifier sa plaidoirie, Il n’a pas tenu compte des conseils donnés par la Cour d’appel fédérale et il a présenté une déclaration modifiée qui n’est pas conforme aux Règles des Cours fédérales. Malgré l’aimable suggestion de la Cour d’appel selon laquelle il serait bien avisé de demander des conseils juridiques (au paragraphe 18), M. Simon ne l’a pas fait. Dans les circonstances, je radierais la déclaration modifiée sans autorisation de la modifier.  

 

V.        Dépens

 

[18]           Dans sa réponse à la requête, le demandeur a déclaré qu’il voulait obtenir une ordonnance [traduction] « pour annuler les frais de 500 $ concernant les dépens à payer à la Couronne défenderesse » prévus dans  Simon CF, précitée. Cette demande aurait dû être faite à la Cour d’appel. Je n’ai pas le pouvoir d’infirmer l’ordonnance du juge Zinn.

 

[19]           En ce qui concerne la requête, j’accorderais à la défenderesse des dépens que je fixe à 500 $.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La déclaration modifiée déposée dans la présente instance est radiée, sans autorisation de la modifier.

 

2.                  La défenderesse a droit aux dépens, qui sont établis à 500 $, y compris les honoraires, les débours et les taxes.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-639-10

 

INTITULÉ :                                      ZOLTAN ANDREW SIMON

                                                            c SA MAJESTÉ LA REINE

                                                            DU CHEF DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 18 avril 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :             LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 19 mai 2011

 

COMPARUTIONS :

 

Zoltan Andrew Simon

 

LE DEMANDEUR

 

 

Wendy Bridges

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Zoltan Andrew Simon

Red Deer (Alberta)

 

LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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