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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110526

Dossier : IMM-5676-10

Référence : 2011 CF 622

 

Montréal (Québec), le 26 mai 2011

En présence de madame la juge Bédard 

 

ENTRE :

 

 

ANGEL RICARDO RUANO SANCHEZ

 

 

partie demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

partie défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001 c 27 (la LIPR), d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 29 septembre 2010, ne reconnaissant pas au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni de personne à protéger.

 

[2]               Le demandeur est citoyen du Honduras. Il soutient avoir été approché à quelques occasions par des membres d’un gang de rue (la MS-13) pour qu’il joigne le gang. Il a toujours refusé leur invitation. Le 30 août 2005, il a été approché à nouveau par des membres du gang de rue qui, devant son refus de devenir membre, l’ont battu, volé et menacé de mort.

 

[3]               Le demandeur a quitté le Honduras le 8 septembre 2005 pour se rendre au Mexique. Il est ensuite entré aux États-Unis et y a vécu de février 2006 à octobre 2008. Il est venu au Canada le 6 novembre 2008 et il a demandé l’asile cette même journée.

 

[4]               La décision de la Commission refusant sa demande d’asile est fondée sur divers éléments.

 

[5]               Premièrement, la Commission a jugé que le demandeur n’avait pas établi qu’il pourrait être recruté sous la contrainte et qu’il pourrait être d’un intérêt quelconque pour ces gangs s’il retournait au Honduras. La Commission a appuyé cette conclusion sur deux éléments. Elle a estimé que le demandeur avait reconnu qu’il n’était pas particulièrement visé par les gangs et que ceux-ci s’attaquaient à tout le monde. Elle a également cité un extrait du cartable national sur le Honduras qui traite de l’important « membership » de jeunes au sein des gangs et des facteurs qui contribuent à attirer les jeunes vers ces gangs. Elle en a tiré une conclusion que plusieurs jeunes étaient disponibles pour faire partie des gangs au Honduras.

 

[6]               La Commission a ensuite jugé que le demandeur n’avait pas démontré, selon la balance des probabilités, « qu’il pourrait être exposé à un risque de menace à sa vie qui ne serait pas encouru indistinctement par d’autres individus dans son pays. » La Commission a estimé qu’il s’agissait d’un risque généralisé présent au Honduras.

 

[7]               La Commission a également conclu que le comportement du demandeur, qui a séjourné aux États-Unis pendant deux ans et neuf mois sans demander l’asile, n’était pas compatible avec la crainte de retour alléguée par le demandeur.

 

[8]               La Commission a également conclu que le demandeur n’avait pas déposé de preuve qui pouvait suggérer qu’il risquerait d’être persécuté pour les motifs énoncés dans la Convention.

 

[9]               La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes:

1)      La Commission a-t-elle errée en concluant que le demandeur ne faisait pas l’objet d’un risque personnalisé et que le risque auquel il était exposé était généralisé?

2)      Le tribunal a-t-il erré en déterminant que le séjour du demandeur aux États-Unis sans y demander l’asile n’était pas compatible avec sa crainte alléguée de retour?

 

[10]           Je considère que la Commission a tiré une conclusion qui a été déterminante dans sa décision mais qui n’était pas appuyée par la preuve.

 

[11]           La Commission a conclu que le risque auquel le demandeur était exposé était encouru indistinctement par d’autres individus dans son pays. Sans le dire clairement, il appert de la décision que les autres « individus » auxquels la Commission réfèrent sont vraisemblablement les jeunes hommes puisqu’elle a cité un extrait de la décision Perez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 345 (disponible sur CanLII) (Perez) dans lequel la Cour reconnaît qu’un risque peut être généralisé s’il vise un sous-groupe de la population.

 

[12]           En l’espèce, le risque invoqué par le demandeur est clairement lié à sa crainte de représailles dans un contexte où il refuse de joindre un gang de rue. Or, la preuve au dossier ne traite aucunement du recrutement forcé pratiqué par les gangs de rue auprès des jeunes. Dans le contexte où le risque invoqué par le demandeur est clairement lié à sa crainte de représailles dans une situation de refus de joindre un gang de rue, la Commission ne pouvait, en l’absence de preuve, conclure que le risque encouru par le demandeur était généralisé. La preuve documentaire traitant du nombre de jeunes qui sont membres de gangs de rues et des facteurs les poussant à adhérer à un gang n’était pas pertinente pour appuyer une conclusion de risque généralisé lié au recrutement forcé ou aux craintes de représailles en cas de refus d’adhérer.

 

[13]           Le témoignage du demandeur n’était pas non plus concluant. À la question suivante que lui a posée le membre de la Commission : « Savez-vous s’ils s’attaquent un peu à tout le monde? », le demandeur a répondu : « oui, bien sûr que oui, ils attaquent tout le monde. » Cette déclaration m’apparaît loin d’être suffisante pour appuyer une conclusion que le risque encouru par le demandeur était généralisé.

 

[14]           Les faits du présent dossier sont distincts de ceux qui prévalaient dans les affaires Perez, Garcia Arias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1029 (disponible sur CanLII) et Morales Gonzales c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 991 (disponible sur CanLII), où les conclusions de la Commission quant à l’existence d’un risque généralisé étaient appuyées par la preuve.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie et que le dossier est retourné devant la Commission de l’immigration et de la protection des réfugiés afin que la demande d’asile du demandeur soit réexaminée par un panel différent.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5676-10

 

INTITULÉ :                                       ANGEL RICARDO RUANO SANCHEZ c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               25 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE BÉDARD

 

DATE DES MOTIFS :                      26 mai 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Luciano Mascaro

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Zoé Richard

Amélia Fink, stagiaire

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Luciano Mascaro

Arpin, Mascaro et Associés

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

 

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