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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110614

Dossier : IMM-4481-10

Référence : 2011 CF 697

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 juin 2011

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

MAYUKUMAR ZAVERCHAND SHAH

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. (la Loi), de la décision d’un agent d’immigration (l’agent) du Bureau de réception centralisée – Travailleurs qualifiés (fédéral) (le BRC), datée du 14 juillet 2010 (la décision), dans laquelle l’agent a statué que la demande du demandeur n’était pas admissible à un traitement plus poussé dans le cadre du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur est un citoyen du Royaume-Uni. Il a déposé une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), dans laquelle il a indiqué qu’il avait de l’expérience comme directeur des comptes. Dans son affidavit daté du 26 août 2010, le demandeur affirme que la description des responsabilités liées à son emploi actuel débordait le cadre de l’espace réservé à cette fin sur le formulaire normalisé intitulé « Annexe 3 : Immigration économique – Travailleurs qualifiés – Fédéral » (l’annexe 3). Le demandeur avait donc joint un addenda dans lequel il élaborait au sujet de ces tâches. Cet addenda, intitulé [TRADUCTION] « Renseignements professionnels additionnels relatifs au demandeur principal – Mayurkumar Zaverchand Shah » (l’addenda), est reproduit dans le dossier de demande (à la page 32). Cet addenda énonce dix-sept tâches que le demandeur a accomplies dans le cadre de son emploi de directeur des comptes. Le demandeur affirme sous serment que l’addenda était joint à sa demande, et que l’agent en disposait donc au moment de rendre sa décision.

 

[3]               Le BRC a reçu la demande du demandeur le 9 avril 2010. L’agent a évalué la demande en fonction de la question de savoir si le demandeur avait une expérience de travail dans l’une des professions admissibles en vue d’un traitement, en l’occurence celles des vérificateurs/vérificatrices et comptables (désignées par le code 1111 dans la Classification nationale des professions (la CNP)). Contrairement à ce que soutient le demandeur, l’agent affirme sous serment, dans son affidavit daté du 12 octobre 2010, qu’il ne disposait pas de l’addenda. Au lieu de cela, il a évalué la demande en fonction des deux « tâches principales » énoncées à l’annexe 3, qui faisait partie de la demande du demandeur et qui est reproduite dans le dossier de demande (à la page 31). Ces tâches principales consistaient à : (1) produire des comptes financiers et des rapports de la direction exigés par la loi, préparer des payes et assurer la liaison avec des organismes gouvernementaux, des banques et des vérificateurs; (2) produire des rapports de la direction et des comptes financier, préparer des payes et traiter avec tous les intéressés.

 

[4]               La CNP définit comme suit les tâches essentielles des vérificateurs, puis celles des comptables :

  Les vérificateurs et les comptables exercent une partie ou l'ensemble des tâches suivantes :

Vérificateurs

·                     examiner et analyser les livres de comptes et le grand livre, les états de compte, les inventaires, les dépenses, les déclarations de revenus et autres pièces comptables, les registres et les systèmes financiers d'un particulier, d'un service à l'intérieur d'une entreprise ou d'une société ou tout autre genre d'établissement afin de vérifier l'exactitude des écritures et assurer la conformité aux méthodes comptables établies, aux procédures et aux vérifications internes;

 

·                     rédiger un rapport de vérification détaillé et présenter des recommandations propres à améliorer les pratiques comptables et la situation financière du particulier ou de l'établissement;

 

·                     effectuer, à l'occasion, des missions de vérification dans des entreprises afin d'assurer le respect des dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la Loi canadienne sur les sociétés par actions et des autres obligations légales;

 

·                     superviser, au besoin, d'autres vérificateurs ou la personne responsable de la comptabilité chez le client.

 

Comptables

 

·                     concevoir, mettre en œuvre et administrer des systèmes comptables et préparer des renseignements financiers pour un particulier, un service à l'intérieur d'une entreprise, une société ou un autre genre d'établissement;

 

·                     examiner les livres comptables, et préparer les états financiers et les rapports;

 

·                     concevoir et appliquer des méthodes d'établissement et de comptabilisation du coût de revient et des procédures de contrôle interne;

 

·                     examiner les états et les comptes financiers et préparer les déclarations de revenus;

 

·                     analyser les états financiers et les rapports et donner des conseils dans le domaine financier ou fiscal;

 

·                     remplir, à l'occasion, des tâches de liquidateur dans des cas de faillite;

 

·                     superviser et former, s'il y a lieu, des stagiaires comptables, d'autres comptables ou des techniciens en administration.

 

 

[5]               Selon l’évaluation de l’agent, l’expérience du demandeur énoncée à l’annexe 3 ne correspondait pas aux tâches essentielles d’un vérificateur / d’une vérificatrice ou d’un comptable énoncées dans la description précitée de la CNP. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

 

[6]               Voici les extraits pertinents de la décision :

[TRADUCTION]

[L]es tâches principales que vous avez énumérées n’indiquent pas que vous avez accompli une partie appréciable des tâches principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de la CNP, notamment toutes les tâches essentielles. Aussi je ne suis pas convaincu que votre expérience correspond à la catégorie professionnelle des vérificateurs/vérificatrices et comptables, CNP 1111.

 

Pour les motifs exposés ci-dessus, votre demande ne satisfait pas aux exigences des Instructions ministérielles et n’est pas admissible en vue d’un traitement […]

 

[V]ous n’avez pas satisfait aux exigences applicables pour pouvoir déposer une demande au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) […]

 

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[7]               Le demandeur soulève les questions suivantes :

a.       Les conclusions de fait de l’agent quant à l’expérience de travail du demandeur étaient-elles déraisonnables?

b.      L’agent a-t-il omis de donner au demandeur la possibilité de répondre à ses réserves quant aux lacunes dans les tâches d’emploi déclarées du demandeur par rapport aux tâches énoncées dans la description de la CNP, privant ainsi le demandeur de la possibilité de bénéficier d’un processus équitable?

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES

 

[8]               Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2000-227 (le Règlement), s’appliquent dans la présente instance :

Travailleurs qualifiés (fédéral)

 

Catégorie

 

75. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.

 

 

Qualité

 

(2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

 

a) il a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au sens du paragraphe 80(7), ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande de visa de résident permanent, dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions — exception faite des professions d’accès limité;

 

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification;

 

 

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des tâches principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les tâches essentielles.

 

 

Exigences

 

(3) Si l’étranger ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe (2), l’agent met fin à l’examen de la demande de visa de résident permanent et la refuse.

 

Federal Skilled Worker Class

 

Class

 

75. (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the federal skilled worker class is hereby prescribed as a class of persons who are skilled workers and who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who intend to reside in a province other than the Province of Quebec.

 

 

 

Skilled workers

 

(2) A foreign national is a skilled worker if

 

 

(a) within the 10 years preceding the date of their application for a permanent resident visa, they have at least one year of continuous full-time employment experience, as described in subsection 80(7), or the equivalent in continuous part-time employment in one or more occupations, other than a restricted occupation, that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

 

 

 

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

 

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties.

 

Minimal requirements

 

(3) If the foreign national fails to meet the requirements of subsection (2), the application for a permanent resident visa shall be refused and no further assessment is required.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

[9]               Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il n’était pas toujours nécessaire de procéder à une analyse relative à la norme de contrôle. En effet, lorsque la jurisprudence est bien établie quant à la norme de contrôle applicable à une question précise dont la cour de révision est saisie, celle-ci peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsqu’une telle recherche ne donne aucun résultat que la cour de révision doit procéder à un examen des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle.

 

[10]           Le demandeur allègue que l’agent a erré dans ses conclusions de fait. Les conclusions de fait relèvent du domaine de spécialisation de l’agent, et elle sont donc assujetties à la norme de la décision raisonnable. Voir la décision Madan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 172 FTR 262, [1999] ACF no 1198 (QL), au paragraphe 24, et l’arrêt Dunsmuir, précité, aux paragraphes 51 et 53.

 

[11]           Lors de l’examen d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse porte sur « la justification de la décision, […] la transparence et […] l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi [que sur] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. » Voir les arrêts Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. »

 

[12]           Le demandeur allègue que l’agent a estimé que le demandeur manquait de crédibilité, mais qu’il ne l’a pas confronté, le privant ainsi de la possibilité de bénéficier d’un processus équitable. L’équité procédurale est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Voir les arrêts Dunsmuir, précité, et Khosa, précité, au paragraphe 43. Lorsqu’elle applique la norme de la décision correcte, une cour de révision n’acquiesce pas au raisonnement du décideur. Elle entreprend plutôt sa propre analyse de la question.

 

ARGUMENTS

            Le demandeur

                        La décision était déraisonnable

 

[13]           Le demandeur présume que l’agent a lu l’addenda et qu’il a estimé que l’expérience pertinente du demandeur ne [TRADUCTION] « correspondait pas de manière crédible » aux tâches énoncées dans la description de la CNP.

 

[14]           Vu la teneur de la demande, il est difficile de concevoir en quoi le demandeur possède un nombre insuffisant de tâches pour pouvoir déposer une demande au titre de la CNP pertinente. Le demandeur soutient que la décision déborde le cadre du raisonnable au sens de l’arrêt Dunsmuir, et qu’elle doit donc être annulée.

 

Le demandeur a été privé de la possibilité de répondre

 

[15]           Les notes consignées au Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (le STIDI) n’indiquent pas que l’agent a fait part au demandeur des réserves qu’il avait au sujet de sa crédibilité, comme il y était tenu. Comme l’a affirmé le juge Richard Mosley de la Cour dans la décision Hassani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24 :

 

Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci‑dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande, comme dans Rukmangathan, ainsi que dans John et Cornea, deux décisions citées par la Cour dans Rukmangathan, précitée.

 

 

Le défendeur

            Les conclusions de l’agent étaient fondées sur le dossier et étaient donc raisonnables

 

[16]           La demande indiquait que le demandeur était employé comme comptable depuis janvier 1998. Cependant, la description de ses « tâches principales » faite à l’annexe 3, qui faisait partie de sa demande, n’incluait pas une partie appréciable des tâches principales des vérificateurs/vérificatrices et des comptables énoncées dans la description de la CNP, notamment toutes les tâches essentielles.

 

[17]           Lorsqu’il a rendu sa décision le 14 juillet 2010, l’agent ne disposait pas de l’addenda, qui énonce dix-sept tâches que le demandeur a accomplies dans le cadre de son emploi de directeur des comptes, et l’addenda ne peut donc pas être invoqué pour contester cette décision. De fait, l’agent ne disposait pas des éléments de preuve contenus aux pages 39 à 46 du dossier de demande avant de rendre sa décision, et ces éléments de preuve devraient donc être radiés du dossier. Voir George c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1315, au paragraphe 12.

 

Les conclusions de l’agent reposaient sur des faits et non sur la crédibilité

 

[18]           L’argument du demandeur selon lequel l’agent a estimé que le demandeur manquait de crédibilité, ce qui faisait naître à la charge de l’agent l’obligation de confronter le demandeur, est dénué de fondement. La décision est fondée sur la conclusion de l’agent selon laquelle, d’après les éléments de preuve dont l’agent disposait lorsqu’il a rendu sa décision, le demandeur n’avait pas accompli une partie appréciable des tâches principales figurant dans la description de la CNP, notamment toutes les tâches essentielles. Le demandeur a le fardeau de fournir tous les documents nécessaires à une décision favorable; il n’incombe pas à l’agent de demander des éclaircissements. Voir la décision Madan, précitée, au paragraphe 6.

 

La réponse du demandeur

 

[19]           Le demandeur soutient que le résumé des « tâches principales » énoncé à l’annexe 3, qui faisait partie de sa demande et qui est reproduit dans le dossier de demande (à la page 31), cadre parfaitement avec la profession envisagée de comptable. Malgré l’affirmation de l’agent selon laquelle celui-ci ne disposait pas de l’addenda, la décision était néanmoins déraisonnable compte tenu du résumé des « tâches principales » et de la demande prise dans son ensemble.

 

[20]           Le demandeur soutient en outre que l’agent avait l’obligation de l’interroger au sujet de ses qualifications, et que la jurisprudence de la Cour étaye cette prétention. Le juge Paul Rouleau de la Cour a formulé les observations suivantes dans la décision Dhaliwal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 52 FTR 311, [1992] ACF no 122 (QL) :

Compte tenu de l'espace extrêmement limité réservé à la description des antécédents professionnels du requérant et des écarts dans le nombre d'années d'expérience attribuées au requérant par son procureur […] à l'égard des professions envisagées, l'agent des visas doit, en toute équité, interroger le requérant sur les responsabilités dont il s'est acquitté dans ses emplois précédents.

 

ANALYSE

 

[21]           Le demandeur affirme que, lorsqu’il a déposé sa demande de résidence permanente en mars 2010, il y a joint un addenda qui fournissait des renseignements additionnels au sujet de son expérience antérieure :

[TRADUCTION] Le fondement professionnel de ma demande est mon expérience de travail comme directeur des comptes d’un ensemble commercial de cabinets d’avocats londoniens. Étant donné que les responsabilités considérables liées à ce poste débordaient l’espace alloué sur le formulaire pour décrire ces tâches, j’ai joint un addenda à la demande afin de pouvoir exposer ces responsabilités.

 

 

[22]           M. Patrick Nelson, qui travaille au cabinet de l’avocat du demandeur à Toronto, affirme que le demandeur lui a dit que le Bureau de réception centralisée à Sydney (Nouvelle-Écosse) disposait de l’ensemble de documents (comprenant vraisemblablement l’addenda) et : [TRADUCTION] « M. Shah m’informe que le BRC disposait de ces documents, et je le crois. »

 

[23]           L’affidavit de M. Nelson n’ajoute rien au tableau. M. Nelson ne fait que répéter ce que le demandeur lui a dit.

 

[24]           L’affidavit du demandeur comporte très peu de choses qui soient de nature à rassurer la Cour quant à la fiabilité probatoire des affirmations concernant l’inclusion de l’addenda, et, en toute hypothèse, tout ce que le demandeur peut dire est qu’il a inclus l’addenda dans l’ensemble de documents qu’il a envoyé avec sa demande.

 

[25]           L’agent affirme qu’il ne disposait pas des documents additionnels en question lorsqu’il a rendu la décision.

 

[26]           La Cour n’a aucune raison de croire que le demandeur ou l’agent n’ont pas fait des déclarations sincères. Ni l’un ni l’autre ne parvient à expliquer pourquoi l’agent ne disposait pas de l’addenda lorsqu’il a examiné la demande de résidence permanente du demandeur. L’agent a été contre-interrogé concernant son affidavit, et ce qu’il a dit laisse place à la spéculation quant à savoir ce qui a pu se produire, mais ne comporte rien qui pourrait aider la Cour à en arriver à une conclusion acceptable sur cette question.

 

[27]           Pour ce qui concerne le demandeur, la Cour note qu’il n’est indiqué nulle part sur les formulaires normalisés, formulaires que le demandeur a remplis et dont l’agent disposait, qu’un addenda a été joint ou a été inclus dans l’ensemble de documents. Il convient également de noter que, bien que le demandeur affirme qu’il a inclus un addenda parce que les formulaires ne comportaient pas assez d’espace pour décrire ses tâches, le demandeur a néanmoins donné une certaine description sous la rubrique « Tâches principales », où il n’a pas utilisé tout l’espace disponible. Par conséquent, il n’y a rien qui ait été de nature à alerter l’agent au fait que le demandeur ne considérait pas sa description sous la rubrique « Tâches principales » comme complète ou qu’il avait joint un addenda qui complétait le tableau.

 

[28]           En fin de compte, il est impossible pour la Cour de dire ce qui est advenu de l’addenda ou d’en arriver à quelque conclusion que ce soit quant à savoir pourquoi l’addenda n’est pas parvenu à l’agent. Il est impossible d’attribuer une cause ou de jeter un blâme dans ces circonstances. Tout ce que la Cour peut affirmer avec certitude est que l’agent affirme catégoriquement qu’il ne disposait pas de l’addenda lorsqu’il a rendu la décision et que les formulaires normalisés qui ont été déposés ne comportaient rien qui aurait pu alerter l’agent à des documents manquants. Le demandeur a prié la Cour de tirer une inférence défavorable sur le fondement des révélations faites lors du contre‑interrogatoire quant à la manière dont le dossier avait été traité et constitué avant de parvenir à l’agent. Cependant, la Cour ne dispose tout simplement pas d’assez d’éléments de preuve objective concernant ce qui s’est produit en l’espèce pour pouvoir tirer une inférence, dans un sens ou dans l’autre.

 

[29]           Compte tenu de ce qui précède, la question concernant l’équité procédurale ainsi que le caractère raisonnable de la décision peuvent seulement être examinés sur le fondement de la documentation dont nous savons que l’agent disposait. La Cour ne peut pas procéder à un examen de novo fondé sur des documents dont elle ne peut pas dire si l’agent en disposait ou aurait dû en disposer.

 

[30]           Pour ce qui concerne l’équité procédurale, la crédibilité n’était pas en cause dans la décision. Les motifs sont fondés sur les renseignements dont l’agent disposait. Le juge Mosley a procédé à un examen complet des questions qui devraient être soumises au demandeur dans la décision Hassani, précitée, au paragraphe 24 :

Il ressort clairement de l’examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci‑dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d’un règlement connexe, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande, comme dans Rukmangathan, ainsi que dans John et Cornea, deux décisions citées par la Cour dans Rukmangathan, précitée.

 

 

[31]           Dans la présente affaire, les réserves au sujet de l’expérience antérieure du demandeur découlaient directement des exigences de la loi et d’un règlement connexe. La question qui se posait était simplement celle de savoir si les tâches antérieures du demandeur correspondaient suffisamment à celles de la CNP 1111. Il n’était question ni de la crédibilité, ni de l’exactitude, ni de l’authenticité des renseignements fournis par le demandeur. Il n’y a eu aucune inéquité procédurale.

 

[32]           Pour ce qui concerne le caractère raisonnable, lorsque je compare la description fournie par le demandeur à celle de la CNP 1111, je ne puis dire que l’évaluation de l’agent n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, selon le critère établi dans l’arrêt Dunsmuir. Comme le juge John Evans l’a clairement énoncé dans la décision Madan, précitée, au paragraphe 24, il faut reconnaître aux agents des visas un pouvoir discrétionnaire très étendu lorsqu’ils procèdent à ce type d’évaluation :

De toute façon, les agents des visas ont un pouvoir discrétionnaire très étendu lorsqu'il s'agit de déterminer si un demandeur répond aux critères pour une profession donnée, y compris dans leur interprétation des dispositions de la CNP. Leur connaissance et leur compréhension de ce document est au moins égale, sinon supérieure, à celle du tribunal chargé du contrôle.

 

 

[33]           À l’audience, le demandeur a également prié la Cour de contrôler le caractère adéquat des motifs. Je l’ai fait. À mon avis, étant donné la nature de la décision sur dossier que l’agent devait rendre, les exigences relatives à ce que le demandeur devait démontrer en vertu du paragraphe 75(3) du Règlement et les documents dont l’agent disposait, je ne puis dire que les motifs étaient inadéquats. Le demandeur n’a pu qu’admettre qu’en supposant que l’agent n’ait pas disposé de son addenda de tâches, le demandeur n’avait pas satisfait aux exigences. Je peux comprendre que le demandeur trouve les motifs inadéquats s’il suppose que l’agent disposait de l’addenda de tâches du demandeur, mais il ne s’agit pas là d’une supposition que la Cour peut faire en l’espèce.

 

[34]           Les avocats des deux parties conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour est du même avis.

 


JUGEMENT

 

 

LA COUR STATUE que :

1.                 la demande est rejetée.

2.                 il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4481-10

 

INTITULÉ :                                       MAYUKUMAR ZAVERCHAND SHAH

                                                           

                                                            et

                                                           

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 avril 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT               Le juge Russell

ET JUGEMENT :                             

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Max Chaudhary

 

POUR LE DEMANDEUR

John Loncar

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chaudhary Law Office

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur general du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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