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Cour fédérale

 

Federal Court


 

 


Date : 20110621

Dossier : IMM-5257-10

Référence : 2011 CF 739

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 juin 2011

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

AJAYINDER SINGH SAHOTA

HARPREET KAUR SAHOTA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Les demandeurs se sont vu refuser leur demande visant à ce que leur demande de résidence permanente soit traitée alors qu’ils étaient Canada. L’agent d’immigration (l'agent) a décidé que la preuve n'établissait pas l'existence de motifs d’ordre humanitaire justifiant une exception à la règle habituelle selon laquelle les demandes de résidence permanente doivent être traitées alors que les demandeurs sont à l’étranger.

 

II.         LE CONTEXTE

[2]               Les demandeurs sont des citoyens de l’Inde qui ont deux enfants nés au Canada.

 

[3]               Les demandeurs sont venus au Canada en janvier 2002, et leur demande d’asile a été refusée en janvier 2004.

 

[4]               Dans leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, qu’ils ont déposée en septembre 2004, les demandeurs ont soutenu qu’il avaient été accusés d’avoir hébergé des militants sikhs, qu’ils étaient bien établis au Canada et qu’ils avaient un enfant né au Canada (alors).

 

[5]               Six (6) ans plus tard, des fonctionnaires de l’immigration ont examiné la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et ont invité les demandeurs à présenter des observations additionnelles. Les demandeurs ont donné suite à cette invitation en faisant valoir qu’ils étaient encore mieux établis au Canada, comme en témoignait leur démarrage d’une entreprise de camionnage, et, surtout, en produisant des éléments de preuve démontrant que leur fils cadet souffrait d’eczéma et que cette affection serait exacerbée par le chaud climat indien. Les demandeurs ont également expliqué qu’ils n’avaient jamais eu la possibilité de quitter volontairement le Canada, parce que le gouvernement de l'Inde ne leur avait pas délivré de nouveaux passeports.

 

[6]               L’agent a tiré trois conclusions cruciales qui sont au cœur du présent contrôle judiciaire :

a)         le séjour prolongé des demandeurs au Canada dépendait de leur volonté;

b)         d’après les recherches effectuées par l’agent lui-même (dont des copies n’avaient pas été communiquées au demandeur), l’eczéma du fils cadet pouvait être traité en Inde;

c)         l’intérêt supérieur des enfants pris en compte, les demandeurs n'éprouveraient pas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils retournaient en Inde.

 

III.       ANALYSE

[7]               La norme de contrôle applicable en général aux décisions relatives à des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire est la raisonnabilité (Singh Mooker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 518). Par contre, c'est la décision correcte qui s'applique comme norme aux questions relatives au bon critère juridique appliqué et à l’équité procédurale (Gurshomov c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 1212).

 

[8]               L’analyse de l’« intérêt supérieur de l’enfant » par l’agent est mal fondée en droit. L’agent a perverti l’analyse et a appliqué le mauvais critère juridique en imposant le fardeau de démontrer des « difficultés excessives », plutôt que d’appliquer le critère de l’« intérêt supérieur », qui s’imposait selon l’arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475. Bien que la question des « difficultés excessives » se pose en dernière analyse dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, l’analyse de l’« intérêt supérieur » constitue une considération distincte. L’agent a omis de préserver la distinction entre ces deux questions, de sorte que son évaluation de l’intérêt supérieur des enfants est déraisonnable.

 

[9]               L’analyse de l’« établissement » par l’agent était également déraisonnable. L’agent a conclu à tort que le long séjour des demandeurs au Canada était attribuable à des circonstances qui dépendaient de leur volonté. Par suite de cette erreur, l’agent a conclu que toute difficulté résultant du bouleversement de l’établissement serait imputable aux demandeurs eux-mêmes.

 

[10]           Les demandeurs ne pouvaient pas obtenir leurs passeports du gouvernement de l'Inde afin de retourner volontairement en Inde. La seule autre façon de retourner en Inde était d’y être renvoyés par les autorités canadiennes; cependant, ces mêmes autorités ont omis pendant six ans de statuer sur la demande des demandeurs fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent a omis de tenir compte de ces faits dans ses conclusions.

 

[11]           L’agent a également commis un manquement à l’équité procédurale lorsqu’il a omis de communiquer aux demandeurs les résultats de ses propres recherches qui contredisaient les éléments de preuve présentés par les demandeurs. Les recherches sur lesquelles l’agent s’est appuyé ont joué un rôle déterminant dans sa conclusion selon laquelle le problème de santé du fils pouvait être traité en Inde. Si les demandeurs en avaient été avisés, ils auraient pu tenter de réfuter ces résultats de recherches, qu’ils disent être inexacts.

 

IV.       CONCLUSION

[12]           Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision sera annulée, et l’affaire sera renvoyée pour qu'un autre agent rende une nouvelle décision sur le fondement de renseignements mis à jour.

 

[13]           Il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit : la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est annulée, et l’affaire est renvoyée pour qu'un autre agent rende une nouvelle décision sur le fondement de renseignements mis à jour.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5257-10

 

INTITULÉ :                                       AJAYINDER SINGH SAHOTA

                                                            HARPREET KAUR SAHOTA

 

                                                            c.

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 6 avril 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 21 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Khatidja Moloo

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

WALDMAN & ASSOCIATES

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

M. MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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