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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110617

Dossier : IMM-6685-10

Référence : 2011 CF 700

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2011

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

 

AJAY KUMAR SHOOR

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision rendue le 15 octobre 2010 par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), selon laquelle le demandeur est exclu en application de l’article 98 de la Loi et de la disposition 1Fb) de la Convention relative au statut des réfugiés (189 R.T.N.U. 150) (la Convention).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

 

[3]               Le demandeur est un citoyen de l’Inde (du Pendjab) et il est arrivé au Canada le 16 août 2008. Le 8 octobre 2008, il a présenté une demande d’asile en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[4]               Il craint que s’il retournait dans son pays, il serait tué par un adversaire politique nommé Sukhwinderpal Singh Purewal, du Parti du Congrès, et par une femme nommée Anu Pandey, laquelle est une membre radiée du parti du demandeur, le Bharatiya Janata Party (le BJP).

 

[5]               Le ministre est intervenu devant la Commission dans la présente affaire, affirmant que le demandeur ne pouvait bénéficier de la protection fournie par la Convention, en raison de l’application de la disposition 1Fb), parce qu’il y avait des raisons sérieuses de penser qu’il avait commis un crime grave de droit commun. Le ministre a soutenu que le demandeur avait été déclaré coupable in absentia en vertu de plusieurs articles du code pénal de l’Inde. L’infraction la plus grave concerne une infraction prévue à l’article 342 (confinement délictueux). Cet article est l’équivalent du paragraphe 279(2) du Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-46, lequel porte sur la séquestration, un acte criminel punissable d’un emprisonnement maximal de dix ans.

 

[6]                La Commission a conclu qu’il y avait plusieurs incohérences et contradictions dans le témoignage du demandeur, ce qui a miné sa crédibilité. Par exemple, le demandeur a donné des explications divergentes pour se justifier de n’être pas retourné en Inde et de ne pas avoir comparu pour se défendre lors de la dernière séance d’audience que la cour avait fixée au 10 septembre 2008.

 

[7]               La Commission a fait remarquer que les éléments de la preuve montraient qu’il y avait des « raisons sérieuses de penser » que le demandeur avait commis un crime en Inde, soit : ses déclarations dans lesquelles il avait admis à l’agent d’immigration lors de son entrevue d’admissibilité qu’il avait été inculpé, les déclarations dans son formulaire de renseignements personnels (le FPR) par lesquelles il affirmait qu’il avait été inculpé, libéré sous caution et avait comparu en cour, le premier rapport d’information dans lequel sont exposées les allégations et les infractions au code pénal portées contre lui, les documents concernant la caution, des documents de la cour, de même que les éléments de preuve présentés par le ministre concernant l’information provenant du Haut-Commissariat du Canada à New Delhi, lequel avait avisé l’Agence des services frontaliers du Canada que, selon la police, le demandeur avait été accusé d’avoir enfreint les articles 323, 341, 342 et 292 du code pénal de l’Inde et déclaré coupable in absentia pour ces crimes.

 

[8]               La Commission a tenu compte de Moreno c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 298 (C.A.), 21 Imm. L.R. (2d) 221 (C.A.F.), affaire dans laquelle la Cour d’appel avait conclu que l’existence d’un mandat d’arrestation valide lancé par un pays étranger pouvait, sauf allégations d’exagération des accusations, respecter le critère des « raisons sérieuses de penser ». La Commission a fait remarquer que, dans la présente affaire, la preuve va au-delà de ce critère parce qu’il y a une preuve de déclaration de culpabillité.

 

[9]               La Commission a également examiné la preuve du demandeur selon laquelle les accusations avaient été inventées, mais a conclu que cette preuve ne réfutait pas vraiment les accusations. La Commission a fait remarquer que le demandeur était déjà marié au moment où il aurait épousé Anu Pandey, mais a conclu que cela ne réfutait pas qu’il l’avait effectivement épousée, et que cela laissait sans réponse les accusations concernant l’enlèvement. De plus, la Commission a affirmé que la preuve selon laquelle le demandeur avait nié toutes les accusations devant la Commission des droits de la personne et la police ne constitue pas une preuve de son innocence.

 

[10]            Le demandeur a également produit une lettre de Gurinder Pal Singh (le fils du défunt) pour appuyer son affirmation qu’il se trouvait à des funérailles le 2 février 2008, lorsque l’enlèvement se serait produit. La Commission n’a accordé aucune importance à cette lettre parce que M. Singh avait également présenté un affidavit (dossier du tribunal, volume 2, page 549), lequel contredisait les propos tenus dans cette lettre en affirmant que le 2 février 2008, le demandeur avait été attaqué et qu’il avait donc fui la maison; cet affidavit ne faisait aucune mention de funérailles. La Commission a interrogé le demandeur au sujet de cette incohérence, mais n’a pas été satisfaite de l’explication. La Commission a ajouté que, même si elle ne tenait pas compte de l’affidavit, la lettre ne fournissait au demandeur qu’un alibi entre 11 h et 14 h. La Commission a également affirmé que toutes les lettres présentées par le demandeur, rédigées par des amis, n’étaient rien d’autre que de simples affirmations selon lesquelles les accusations étaient fausses.

 

[11]           Le tribunal a également tenu compte de l’argument du demandeur selon lequel il avait été déclaré coupable seulement parce qu’il ne s’était pas présenté devant la cour et qu’il fallait prendre en compte la nature in absentia de la déclaration de culpabilité. Cependant, la Commission a rejeté cet argument, s’appuyant sur Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 178, [2003] 3 C.F. 761, affaire dans laquelle le demandeur avait également été déclaré coupable in absentia et où la Cour d’appel fédérale avait néanmoins rejeté l’appel.

 

[12]           La Commission a également tenu compte du fait que le demandeur avait eu la possibilité de se défendre en cour, même s’il était absent, et elle a affirmé que, malgré la corruption de la police en Inde, la magistrature est un système indépendant et [traduction] « relativement sans tache » (décision, paragraphe 22). En se basant sur la preuve documentaire, la Commission s’est dite convaincue que le demandeur n’avait pas été déclaré coupable sans une application juste de la loi.

 

[13]           Enfin, la Commission a conclu que la jurisprudence prévoit qu’un crime grave est un crime pour lequel le Code criminel du Canada prévoit un emprisonnement maximal d’au moins dix ans (Chan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 390, 10 Imm. L.R. (3d) 167)). La Commission a retenu l’observation du ministre selon laquelle l’équivalent de l’accusation qui avait été portée contre le demandeur est la séquestration, aux termes du paragraphe 279(2) du Code criminel du Canada. Conséquemment, la Commission s’est dite convaincue qu’il y avait des raisons sérieuses de penser que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du Canada.

 

[14]           Les deux parties conviennent que la question fondamentale en litige dans la présente affaire est une conclusion de fait, et que la norme de contrôle est la raisonnabilité (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47. La Cour en convient, et elle n’interviendra que si elle conclut que la décision de la Commission ne se trouve pas parmi les issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[15]           Par suite d’un examen minutieux de la preuve, des observations écrites et des témoignages des deux parties, la Cour conclut que la Commission a présenté des motifs suffisamment détaillés pour justifier son rejet des allégations du demandeur. La décision, dans sa totalité, ne peut pas être considérée comme étant déraisonnable.

 

[16]           Même si le demandeur ne souscrit pas à la conclusion de la Commission, elle avait le droit de conclure que les incohérences et les contradictions dans son témoignage et dans son FRP étaient déraisonnables. Comme il est énoncé dans Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1451 (C.F. 1re inst.), 2003 CF 1146, au paragraphe 5, « la Commission n'a pas l'obligation d'accepter toutes les explications que lui donne le demandeur et elle peut rejeter celles qu'elle estime ne pas être crédibles compte tenu des incohérences, des contradictions ou des invraisemblances ». En fait, le demandeur demande à la Cour de soupeser à nouveau la preuve. Il ne s’agit pas là du rôle de la Cour lors d’une demande de contrôle judiciaire, sauf s’il y a preuve d’une erreur susceptible de contrôle judiciaire, ce qui n’est pas le cas.

 

[17]           De plus, la Cour ne souscrit pas à l’argument du demandeur selon lequel la Commission aurait mal interprété la preuve. En fait, la Cour conclut que la Commission a énuméré et analysé les éléments de preuve soumis par le demandeur et qu’elle a présenté des motifs solides pour justifier sa conclusion selon laquelle il y avait des raisons sérieuses de penser qu’il avait commis un crime grave de droit commun à l’extérieur du Canada.

 

[18]           En ce qui concerne la décision de la Commission selon laquelle le demandeur n’aurait pas été déclaré coupable sans une application juste de la loi, la Cour accepte que cette conclusion est appuyée par la preuve documentaire. Bien que le demandeur ait présenté d’autres éléments de preuve documentaire qui exposent la corruption de la police, la Cour conclut que cette preuve n’est pas suffisante pour infirmer la conclusion de la Commission.

 

[19]           Enfin, la Cour souscrit à l’énonciation faite dans Akram c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 629, 2004 CarswellNat 1201, au paragraphe 15, selon laquelle « la Commission n'est pas tenue de mentionner chaque élément de la preuve dans ses motifs et elle est présumée avoir apprécié et examiné l'ensemble de la preuve portée à sa connaissance, à moins que le contraire ne soit établi ». Par conséquent, la Cour ne peut pas tirer la conclusion que la Commission a omis d’examiner un ou des éléments de la preuve documentaire en tirant sa conclusion. Ainsi, la Cour n’a pas à intervenir.

 

[20]           Les parties n’ont pas proposé de question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.

 


 

JUGEMENT

LA COUR statue comme suit :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6685-10

 

INTITULÉ :                                       Ajay Kumar Shoor c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 14 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 17 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Birjinder P.S. Mangat

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Rick Garvin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Birjinder P.S. Mangat

Avocat

Calgary (Alberta)

T1Y 6Z8

 

POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

T1Y 6Z8

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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