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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20110620

Dossier : T-599-10

Référence : 2011 CF 728

Ottawa, Ontario, le 20 juin 2011

En présence de monsieur le juge Scott

 

ENTRE :

 

6245820 CANADA INC.

et 3903214 CANADA INC.

 

 

 

demanderesses

 

et

 

 

 

MARIO PERRELLA

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

A.           INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par Maître Mark Abramowitz, en sa qualité d’arbitre nommé aux termes de l’article 242 du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2, présentée aux termes de l’article 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, par deux compagnies canadiennes, 6245820 Canada Inc. et 3903215 Canada Inc. (les « demanderesses »).

B.           FAITS

 

[2]               Les demanderesses font partie du « Groupe GT », un groupe d’entreprises familiales qui œuvrent dans le domaine du transport, de l’entreposage et de la réparation de conteneurs. Mario Perrella (le « défendeur ») y travaillait à titre de gérant de la flotte (« Fleet Manager »). Ses tâches comportaient l’embauche, la supervision, l’évaluation, la discipline et la gestion du travail d’une vingtaine d’employés pour les demanderesses. Au moment de son congédiement en 2009, le défendeur était âgé de 63 ans et occupait un emploi chez Groupe GT depuis près de 29 ans. En janvier 2009, le défendeur a signifié son intention de prendre sa retraite à l’âge de 65 ans, les demanderesses auraient alors embauché une personne pour le remplacer.

 

[3]               Le 19 février 2009, Monsieur Donato Terrigno, chef de la direction du Groupe GT, aurait appris qu’un fournisseur potentiel de pneus estimait impossible de faire affaire avec le Groupe GT parce que tous les achats devaient transiter par le défendeur, qui exigeait le paiement de commissions occultes (« kickbacks »). Monsieur Terrigno aurait alors demandé au directeur général du Groupe GT, Monsieur John Gillanders, d’enquêter sur ces allégations.

 

[4]               Selon les demanderesses, le 20 février 2009, Monsieur Gillanders informe le défendeur qu’il enquête et demande sa collaboration. Le 25 février 2009, le défendeur aurait indiqué qu’il démissionnait et aurait remis ses clés et sa passe. Aux dires du défendeur, on l’aurait confronté et accusé injustement d’avoir volé des sommes d’argent importantes. Les demanderesses, de leur coté, soutiennent que le défendeur a démissionné de son propre chef, à la première occasion.

 

[5]               Les demanderesses soutiennent de plus que le défendeur aurait demandé qu’on lui remette son relevé d’emploi le 27 février 2009. Toutefois, le lundi 2 mars 2009, le défendeur se présente à son travail. On lui rappelle alors sa toute récente démission.

 

[6]               Les demanderesses allèguent qu’au moment de la rupture du lien d’emploi, le défendeur occupait un poste de directeur aux termes de l’article 167(3) du Code canadien du travail. La section XIV du Code canadien du travail (« Congédiement injuste ») ne peut donc s’appliquer dans ce cas.

 

[7]               Le 6 avril 2009, le défendeur dépose une plainte de congédiement injuste contre les demanderesses aux termes du Code canadien du travail.

 

C.           DÉCISION CONTESTÉE

 

[8]               Les demanderesses ont soulevé des objections préliminaires qui ont été tranchées par l’arbitre dans une sentence préliminaire. L’arbitre a d’abord rejeté l’objection selon laquelle il n’était pas compétent pour se saisir de la plainte du défendeur, compte tenu que ce dernier occupait un poste de directeur aux termes de l’article 167(3) du Code canadien du travail. L’arbitre a également rejeté une seconde objection des demanderesses selon laquelle le défendeur avait volontairement démissionné de son emploi et n’avait pas été congédié.

 

[9]               Dans sa sentence sur le congédiement, l’arbitre conclut que le défendeur devait être sanctionné uniquement en raison de l’appropriation d’un bien qui ne lui appartenait pas, à savoir une échelle d’une valeur d’environ 300 $. Par ordonnance, il enjoint les demanderesses à suspendre le défendeur, sans salaire, pour une durée de trois mois, puisqu’il a déterminé que le défendeur a été injustement congédié.

 

D.           LÉGISLATION PERTINENTE

 

[10]           Voir en annexe (Annexe « A », les articles pertinents du Code canadien du travail.

 

E.           QUESTIONS EN LITIGE ET NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

 

[11]           Les questions en litige se résument ainsi :

1.      L’arbitre a-t-il erré en concluant que le défendeur n’occupait pas un poste de « directeur » aux termes de l’article 167(3) du Code canadien du travail ?

2.      L’arbitre a-t-il erré en concluant que le défendeur n’avait pas démissionné de ses fonctions ?

3.      La décision de l’arbitre quant au caractère injuste du congédiement est-elle déraisonnable ?

4.      Dans sa sentence sur le congédiement, le refus de l’arbitre d’accepter la mise en preuve par les demanderesses du dossier disciplinaire du défendeur constitue-t-il une violation des règles de justice naturelle ?

 

[12]           Quant à la première question, les demanderesses prétendent que l’arrêt Msuya c Sundance Balloons International Ltd, 2006 CF 321 au para 20 [Msuya], s’applique en l’instance. On y précise que la norme de contrôle applicable à l’interprétation de la définition de « directeur » est celle de la décision correcte. Plus récemment, le juge Luc Martineau de cette Cour précisait toutefois dans l’arrêt Banque Canadienne Impériale de Commerce c Torre, 2010 CF 105 aux para 9-10 [Torre], que cette question en est une mixte de fait et de droit et que la norme de la décision raisonnable doit s’appliquer. La Cour souscrit à l’interprétation du Juge Martineau et l’applique en l’instance.

 

[13]           La norme de contrôle applicable à la deuxième question est également celle de la décision raisonnable (Baldrey c H & R Transport Ltd, 2005 CAF 151 au para 11 [Baldrey]).

 

[14]           La norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique à la troisième question, aux termes de l’article 243 du Code canadien du travail et de l’arrêt Banque Royale du Canada c Wu, 2010 CAF 144 au para 4.

 

[15]           La norme de la décision correcte s’applique aux questions d’équité procédurale (Khosa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12 au para 43).

 

F.           ANALYSE

 

a) « Directeur »

 

 

 

 

Droit pertinent

 

[16]           Le mot « directeur » que l’on retrouve à l’article 167(3) du Code canadien du travail n’est pas défini dans la législation. Dans l’arrêt Torre (précité), le juge Martineau précise avec raison que cette exclusion doit recevoir une « interprétation restrictive » (para 15). L’arrêt Myusa (précité), au para 23, établit quant à lui que les critères applicables pour déterminer si une personne occupe un poste de directeur aux termes du Code canadien du travail sont  : l’autonomie, le pouvoir discrétionnaire et l’autorité importante dans l’entreprise dont bénéficiait le défendeur en l’espèce.

 

Prétentions des demanderesses

 

[17]           Les demanderesses soulignent que l’arbitre a conclu que le défendeur portait le titre de « Fleet Manager », qu’il supervisait directement 19 personnes, qu’il pouvait embaucher les employés sous sa supervision et autoriser le paiement de temps supplémentaire. De plus, la direction le consultait pour établir le montant des bonis à verser aux employés sous sa supervision, qu’il évaluait et disciplinait ces mêmes employés et recommandait leur congédiement, le cas échéant. Enfin, le défendeur fixait les périodes de vacances, il négociait le prix et la vente d’équipements usagés des demanderesses (sujet à l’approbation de Monsieur Danny ou Giuseppe Terrigno) et prenait des décisions relatives aux réparations, remorquage ou changement des tracteurs sur la route. Les paiements des factures devaient toutefois être approuvés par le président ou le chef de la direction.

 

[18]           Les demanderesses citent, dans leur dossier, Canadian Imperial Bank of Commerce c Bateman, [1991] 3 FC 586 aux pages 48-61) [Bateman] et Leontsini c Business Express Inc, 1997 CanLii 5981 aux pages 62-68) [Leontsini], à l’effet qu’il n’est pas nécessaire que le pouvoir décisionnel d’un employé soit absolu pour qu’il réponde à la définition de directeur. En fait, il suffit qu’il « a comme tâche principale celle de diriger… peu importe qu’il se situe au haut ou au bas de la pyramide de direction » (Leontsini aux pages 64-65). Les demanderesses prétendent que même s’il se réfère aux arrêts Bateman et Leontsini, l’arbitre en l’espèce n’en a nullement appliqué les principes. Les demanderesses allèguent que l’arbitre s’en est tenu plutôt  au fait que plusieurs des décisions du défendeur étaient sujettes à l’approbation de ses supérieurs (voir les paragraphes 23, 26 et 30 de la décision préliminaire, dossier des demanderesses aux pages 32-33).

 

[19]           Les demanderesses allèguent également que le défendeur jouissait d’une grande autonomie, il pouvait discipliner et suspendre ses employés, et que même s’il ne possédait  pas techniquement le pouvoir de les congédier, ses recommandations à cet effet étaient toujours suivies et mises en œuvre. Il aurait bénéficié de conditions salariales supérieures à celles du directeur général. Les demanderesses prétendent que l’arbitre a erré en accordant plus d’importance au fait que certaines des décisions du défendeur devaient être approuvées par la haute direction. Ils allèguent qu’il est paradoxal que l’arbitre ait conclu dans sa sentence préliminaire, que le défendeur ne jouissait pas de l’autorité nécessaire pour lier les demanderesses sur des questions d’importance, alors qu’il excuse dans sa sentence sur le congédiement, plusieurs reproches adressés au défendeur en raison de la très grande autonomie (« carte blanche ») dont bénéficiait ce dernier. (dossier des demanderesses à la page 54).

 

[20]           Les demanderesses allèguent que l’arbitre a omis de mentionner plusieurs éléments de preuve non contredits et grandement pertinents à la question qui confirment que le défendeur disposait de l’autonomie à laquelle fait référence l’arrêt Myusa (précité).

 

Prétentions du défendeur

 

[21]           Le défendeur soutient que l’arbitre a revu toute la jurisprudence applicable, s’appuyant notamment sur les arrêts Ferris c Big Freight Systems Inc, [2008] CLAD No 58 au para 12, et Msuya (précité), deux jugements cités par les demanderesses. Le défendeur allègue que les demanderesses, en s’appuyant seulement sur Myusa et non sur Torre quant à la norme de contrôle applicable, demandent en fait à la Cour de refaire l’audition de la cause plutôt que de se pencher sur la raisonnabilité de la décision de l’arbitre.

 

[22]           Le défendeur prétend que l’arbitre a clairement pris en considération les arrêts Bateman et Leontsini, puisqu’il les cite aux paragraphes 15 et 16 de la décision préliminaire. L’arbitre réfère également dans sa décision Laderoute c Air Canada (Technical Services), [2008] CLAC No 144, ce qui, selon le défendeur démontre clairement que l’arbitre saisit bien les principes applicables en l’instance.

 

[23]           Le défendeur cite l’affaire Greyeyes v Ahtahkakoop Cree Nation, [2003] CLAD No 205 au para 11 [Greyeyes], ou l’on précise que la définition d’un « directeur » aux termes de l’article 167(3) est plus restrictive que celle que l’on retrouve à l’article 3(1) du Code canadien du travail. Dans Greyeyes on écrit : 

[…] However, the policy of section 240 of the Canada Labour Code, as described earlier in this award, is to protect vulnerable workers with insufficient economic power to protect themselves, and the category of vulnerable employees will often include lower and middle echelon managers who do not form part of the directing will of the organisation. Therefore, it seems to me that the test for “manager” for the purpose of section 240 is intended to be narrower than that for “managerial functions” under section 3(1).

 

 

Le défendeur allègue que les demanderesses tentent d’appliquer une définition beaucoup plus large à la notion de « directeur », qui correspond plutôt à l’article 3(1) qui ne peut recevoir application en l’espèce.

 

[24]           Le défendeur prétend que les demanderesses se servent du pouvoir de supervision, d’embauche et de gestion du défendeur pour s’en prendre à la décision de l’arbitre. Ce dernier tient compte de ces éléments aux paragraphes 22 et suivants de sa décision mais conclut néanmoins que le défendeur n’occupait pas un poste de « directeur ». Le défendeur soumet que cet extrait de la décision du juge Martineau dans l’arrêt Torre s’applique en l’espèce :

 

[30] D'autre part, il est clair, à la lecture de la décision attaquée, que le tribunal a considéré les arguments formulés par la demanderesse. Le tribunal ne les a tout simplement pas retenus. Contrairement à la prétention de la demanderesse à l'effet que les motifs du tribunal soit contestables, ceux-ci ne sont pas arbitraires ou dépourvus de rationalité. […]

 

[31] Sans exprimer d'opinion à ce sujet, la conclusion à l'effet que la défenderesse était un « directeur » pouvait sans doute constituer une issue possible […]. Toutefois, cette conclusion n'était certainement pas la seule des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit », d'autres arbitres ayant pu par le passé rejeter des objections similaires à celle présentées par la demanderesse […]

 

[25]           Le défendeur soutient également que même si la direction des demanderesses suivait ses avis quant aux questions de nature opérationnelle sur la gestion de la flotte de véhicules, cela n’en fait pas un directeur pour autant. Le défendeur cite à cet effet Greyeyes au paragraphe 16 :

Nevertheless, the bare fact that an employee’s judgment is generally relied on, and his or her recommendations are generally adopted, by virtue of that employee’s professional expertise, does not in and of itself necessarily make that person « manager ». […] 

 

 

Analyse

 

[26]           Cette Cour souscrit entièrement aux principes que l’on retrouve dans l’arrêt Torre, conséquemment, la Cour ne peut substituer sa propre conclusion à celle de l’arbitre. En l’espèce l’arbitre n’a pas erré dans son analyse. L’extrait de Torre cité par le défendeur s’applique, la conclusion de l’arbitre « pouvait sans doute constituer une issue possible » compte tenu des éléments de preuve qui se trouvaient au dossier. Il est non contredit que plusieurs décisions du défendeur devaient être approuvées par ses supérieurs. Même s’il jouissait d’une certaine autonomie dans l’accomplissement de son travail quotidien, le défendeur n’en devient pas pour autant un « directeur » de la compagnie aux termes de l’article 167(3) du Code canadien du travail.

 

[27]           Les demanderesses n’ont pas démontré une erreur dans cette partie de l’analyse de l’arbitre qui justifierait l’intervention de la Cour. Il n’appartient pas à la Cour de refaire l’analyse et d’y substituer ses conclusions.

 

b) Le défendeur a-t-il démissionné de ses fonctions ?

 

Droit pertinent

 

[28]           Dans Baldrey (précité), la Cour d’appel fédérale s’exprime ainsi au paragraphe 9, quant à la démarche que doit entreprendre l’arbitre dans des circonstances analogues au présent dossier :

Les arbitres sont généralement d'avis que le premier élément à établir pour déterminer si une employée a démissionné est de vérifier si telle était bien son intention. Autrement dit, il faut déterminer si l'employée a voulu délibérément et librement rompre le lien d'emploi. Comme il a été clairement expliqué dans la décision clé maintes fois citée du professeur J. Finkelman c.r., Re Anchor Cap and Closure Corporation of Canada, Ltd., 1 L.A.C. 222, une démission comporte à la fois une intention subjective de quitter son emploi et un comportement objectif, qui traduit la volonté de réaliser cette intention. Dans l'affaire Anchor Cap, l'arbitre écrit:

 

[TRADUCTION] La démission comprend un élément subjectif et un élément objectif. L'employé qui désire quitter le service de l'entreprise commence par prendre sa décision, puis il fait un geste pour mettre sa décision en pratique. Ce geste peut être la remise d'un avis, [...] ou il peut s'agir d'un comportement, comme trouver un autre travail qui l'empêche de demeurer au service de l'employeur.

 

 

[29]           L’arbitre dans Baldrey précise de plus :

La démarche générale suivie par les arbitres pour déterminer s'il y a eu démission part du principe que des paroles prononcées à la hâte, dans un état d'énervement ou encore pendant qu'on est en colère ne reflètent pas nécessairement les véritables intentions de l'employée, qui veut la plupart du temps simplement donner libre cours à sa colère ou à sa frustration du moment. Les paroles prononcées dans un tel contexte n'expriment pas nécessairement une véritable intention de rompre le lien d'emploi.

 

Prétentions des demanderesses

 

[30]           Les demanderesses allèguent que l’arbitre a erré quant à la chronologie des évènements entourant la prétendue démission. Le défendeur n’a pas quitté les lieux de son travail le 20 février 2009, lorsqu’il a été informé de l’enquête (décision préliminaire, para 36), mais bien le 25 février 2009, au moment où il a remis ses clés et son laissez-passer. La conversation téléphonique entre le défendeur et Monsieur Gillanders s’est tenue le 27 février 2009 et non pas le 25 février 2009, contrairement à l’exposé de l’arbitre (para 38). Le courriel interne du 25 février 2009 dans lequel on annonçait le départ du défendeur a donc été transmis aux employés avant la conversation téléphonique et non après (para 39). De plus, contrairement aux prétentions de l’arbitre, le défendeur ne s’est jamais présenté aux bureaux des demanderesses, le 27 février 2009, afin d’obtenir la documentation relative à son départ mais a plutôt demandé ces documents lors de la conversation téléphonique qui s’est tenue à pareille date.

 

[31]           La chronologie des évènements non-contredite par le défendeur serait plutôt la suivante : on informe le défendeur de la tenue d’une enquête le 20 février 2009. Le 25 février, il annonce sa démission,  remet ses clés, son laissez-passer et son téléphone cellulaire et quitte les lieux de son travail. Le même jour, Monsieur Gillanders diffuse aux employés l’annonce de la démission du défendeur par voix de courriel interne. Le 27 février, au cours d’une conversation téléphonique entre le défendeur et Monsieur Gillanders (reproduite aux pages 21-23 de la décision préliminaire), le défendeur demande qu’on lui fasse parvenir son relevé d’emploi. Le 2 mars, le défendeur se présente à nouveau à son travail.

 

[32]           Les demanderesses allèguent que le déroulement des évènements démontre que le défendeur a clairement signifié sa démission le 25 février 2009. Il aurait posé des gestes concrets : la remise des clés, du laissez-passer et du téléphone cellulaire suivi de la demande de son relevé d’emploi. De plus, il s’absente de son travail entre le 25 février et le 2 mars. Ces gestes, selon les demanderesses, confirment objectivement l’intention du défendeur de quitter son poste.

 

[33]           Les demanderesses soumettent qu’en confondant les dates auxquelles le défendeur a posé ces gestes concrets, l’arbitre a tiré une conclusion clairement erronée et déraisonnable.

 

Prétentions du défendeur

 

[34]           Le défendeur prétend de son coté que les erreurs de l’arbitre quant au déroulement des évènements ne rendent pas pour autant ses conclusions déraisonnables. Le défendeur soumet que la diffusion du courriel à l’interne quelques instants après son départ démontre un empressement curieux, voir révélateur, des demanderesses. L’erreur quant aux circonstances entourant le demande du relevé d’emploi par téléphone plutôt qu’en personne, le 27 février, serait mineure, selon le défendeur.

 

[35]           Le défendeur soutient de plus que la conclusion de l’arbitre qui se retrouve aux paragraphes 42-45 démontre que ce dernier a bien saisi la nature des évènements qui se sont déroulés durant ces quelques jours. Il prétend qu’il a quitté les lieux de son travail le 25 février, suite aux reproches et accusations sans fondement dont il faisait l’objet, car il ne se sentait plus apprécié par les demanderesses. Il est resté chez lui le 26 février espérant un appel téléphonique des demanderesses. Le défendeur souligne également que lorsqu’il a parlé avec Monsieur Gillanders, le 27 février, ce dernier n’a nullement mentionné le courriel qu’il avait transmis aux employés pour annoncer le départ du défendeur.

[36]           Le défendeur prétend qu’il est impossible de conclure qu’il avait l’intention de démissionner.

 

Analyse

 

[37]           Il ne fait aucun doute que l’arbitre a confondu les dates dans son analyse de la chronologie des évènements. La conclusion de l’arbitre n’en devient pas nécessairement déraisonnable. Peu importe que le défendeur ait demandé son relevé d’emploi par téléphone ou en personne.

 

[38]           La Cour n’est pas d’accord avec l’affirmation du défendeur qu’il soit impossible de conclure qu’il avait subjectivement l’intention de démissionner ; à notre avis, les actions du défendeur pourraient soutenir une telle conclusion. Il a déclaré son intention de démissionner, a remis son laissez-passer et autres éléments tangibles d’emploi pour ensuite faire défaut de se présenter au travail pendant deux ou trois jours. De plus, il a demandé son relevé d’emploi. Pourtant, on doit admettre qu’il est possible de tirer une autre conclusion du déroulement de ces évènements. Celle tirée par l’arbitre ne serait donc pas déraisonnable. La Cour d’appel fédérale nous rappelle qu’un arbitre doit considérer la possibilité que les actions d’un employé en quittant son lieu de travail puissent provenir d’une colère momentanée et non pas d’une intention ferme de démissionner de son emploi.

 

[39]           En l’espèce, même si la Cour n’en serait pas nécessairement venue à la même conclusion que l’arbitre, celle-ci fait partie des issues possibles voir des conclusions qu’il pouvait raisonnablement tirer du déroulement des évènements. L’arbitre a clairement expliqué comment il en est arrivé à sa conclusion et sur quels facteurs il se fondait. Les demanderesses n’ont pas démontré l’existence d’une erreur de fait significative qui empêchait l’arbitre d’en venir à une telle conclusion.

c) La décision est-elle raisonnable ?

 

Prétentions des demanderesses

 

                        i) L’échelle volée

 

[40]           Les demanderesses allèguent que dans son analyse de la proportionnalité de la sanction appropriée pour le vol de l’échelle, l’arbitre a uniquement considéré les facteurs atténuants (la valeur peu élevée de l’échelle, le dossier vierge du défendeur, l’âge et les années de service du défendeur) et non pas les facteurs aggravants (la nature des fonctions occupées par le défendeur et son aveu d’avoir menti lorsque confronté au sujet de l’échelle. Les demanderesses prétendent que de tels facteurs sont incontournables lorsqu’il est question de déterminer l’existence ou non d’un bris de confiance. Les demanderesses notent que des éléments de preuve démontrent que le défendeur a menti lorsqu’interrogé au sujet de l’échelle (Dosser des demanderesses, volume II aux pages 391-2).

 

[41]           Les demanderesses citent l’arrêt Banque Nationale c Lepire, 2004 CF 1555 [Lepire], dans lequel la Cour a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à davantage de la part d’un employé qui exerce des fonctions importantes (para 14). Les demanderesses soumettent que les tâches du défendeur en l’espèce lui imposaient un lien de confiance aussi élevé que dans le secteur bancaire. Elles citent l’extrait suivant de Lepire (dans lequel on réfère à l'arbitre Du Mesnil dans l'affaire Banque Nationale du Canada c Salvant, DTE 96T-1126, page 23) et soumettent qu’il devrait recevoir application en l’espèce :

Il en résulte donc que, dans le domaine bancaire, tout particulièrement, et surtout, le lien de confiance, entre l'employeur et l'employé, doit toujours exister, ne subir la moindre atteinte et que, s'il y a bris ou rupture de ce lien de confiance, ce bris, cette rupture, comme nous l'enseigne la jurisprudence, peut être considéré comme étant une cause juste de congédiement. La perte de confiance, ayant pour effet immédiat la rupture de lien de confiance, résulte, dans la plupart des cas, de l'attitude, des faits et gestes, des réticences, du manque de franchise, du comportement de l'employé.

 

[42]           Les demanderesses soumettent que l’analyse de l’arbitre des circonstances hautement aggravantes est non seulement déraisonnable mais inexistante.

 

ii) Commissions occultes (« kickbacks »)

 

[43]           Les demanderesses rappellent que l’arbitre a retenu que Pneus SP a versé approximativement 2 000 $ en argent comptant au défendeur, au cours de l’année 2007-2008, pour obtenir des carcasses de pneus usagés appartenant aux demanderesses. Le défendeur a témoigné avoir remis cette somme au président des demanderesses, Monsieur Terrigno, mais ce dernier nie avoir reçu cet argent. L’arbitre a appliqué un « principe d’interprétation » selon lequel, dans l’appréciation de la crédibilité des témoins, l’arbitre doit préférer une déclaration positive à une déclaration négative. Il a donc conclu que le témoignage du défendeur devait prévaloir (d’après Lefeunteum c Beaudoin (1897), 28 SCR 89. Les demanderesses soulignent que ce « principe » a fait l’objet de sérieuses critiques de la part de la Cour suprême dans World Marine & General Insurance Company Ltd c Léger, [1951] 3 DLR 263 aux pages 109-122 du dossier des demanderesses). Ils prétendent de plus que la jurisprudence précise que ce « principe » s’applique uniquement lorsque deux témoins jouissent d’une même crédibilité. Les demanderesses soumettent que l’arbitre n’a jamais analysé la crédibilité des deux témoins.

 

[44]           Les demanderesses prétendent également que l’arbitre a erré en omettant de tenir compte de l’évolution du témoignage du défendeur tout au long de l’audition (par exemple, en disant qu’il n’y avait aucune remise d’argent comptant impliquée dans la transaction de l’échange de carcasses, pour par la suite admettre qu’il s’agissait d’un achat comptant et qu’on lui avait remis de l’argent ; en plus, il a changé son témoignage quant au nombre de fois qu’il a pris de l’essence à la pompe de l’employeur).

 

[45]           Les demanderesses soutiennent que si l’arbitre avait procédé à l’analyse de la crédibilité des deux témoins, il est clair qu’il aurait dû préférer le témoignage de Monsieur Terrigno et conclure que des commissions occultes avaient effectivement été versées au défendeur. Selon elles, cette faute justifierait l’intervention de la Cour.

 

[46]           Les demanderesses allèguent de plus que l’arbitre a erré en fait lorsqu’il a conclu que Monsieur Marois, président de Pneus SP, avait indiqué en juin 2008 à Monsieur Terrigno que Pneus SP n’était plus intéressée à acheter des carcasses de pneus usagés. Les demanderesses soulignent l’importance de cette affirmation qui porte sur la connaissance présumée de Monsieur Terrigno de « l’arrangement » (et donc qu’il était au courant du fait que le défendeur recevait de l’argent de Pneus SP pour les carcasses). Les demanderesses rappellent que dans son témoignage Monsieur Marois a précisé avoir rencontré Monsieur Terrigno à une seule reprise, soit en juin 2009, après le départ du défendeur et non pas en juin 2008, et a témoigné qu’il n’y avait pas d’arrangement (dossier des demanderesses, volume VI, aux pages 1200-01, 1210-11). Lors de l’audition, Monsieur Marois aurait reconnu l’existence d’un arrangement sans que les demanderesses y soient parties ou en aient même connaissance. La conclusion de l’arbitre serait donc étrangère aux éléments de preuve devant lui.

 

[47]           Les demanderesses prétendent finalement que l’arbitre a erré en reprochant aux demanderesses de ne pas avoir dressé un inventaire des carcasses vendues et procédé à un exercice de juricomptabilité avant d’affirmer qu’il y avait eu commissions occultes. Selon les demanderesses, ce reproche est déraisonnable vu le témoignage du défendeur et celui de Monsieur Marois à l’audition, lorsqu’ils ont confirmé qu’il n’existait pas de factures et que le système d’inventaire des pneus, géré par le défendeur, était dans un fouillis total. Ces affirmations constitueraient un élément de preuve important sur le caractère occulte de l’arrangement.

 

Prétentions du défendeur

 

                        i) L’échelle

 

[48]           Le défendeur prétend que l’affaire Lepire peut être distinguée de la cause en l’espèce en raison des paragraphes suivants, qui se lisent ainsi :

[15] Une lecture attentive de la décision de l'arbitre nous amène à conclure que ce dernier s'est basé essentiellement sur la décision de la Cour suprême du Canada dans McKinley v. BC Tel, [2001] 2 S.C.R. 161 (S.C.C.).

 

[16] Il apparaît que dans la décision McKinley, précitée, la Cour suprême a précisé les circonstances où un employeur serait en droit de congédier sommairement un employé en raison de son comportement malhonnête.

 

[17] Je crois, sans équivoque, que cette décision doit être distinguée du présent dossier en ce qu'elle est beaucoup trop restrictive et inapplicable. Il m'apparaît que la malhonnêteté d'un employé quel que soit le niveau de cet employé par rapport à son employeur doit être traitée différemment de celle d'un employé qui sciemment se mettrait en situation de conflit d'intérêts, ce qui est la situation dans le présent litige.

 

[49]           Le défendeur note que dans Lepire, il s’agissait d’une récidive, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il note aussi que l’arbitre s’est plutôt basé sur l’affaire McKinley.

 

[50]           Le défendeur prétend que l’arbitre n’a pas à reprendre tous les éléments de la preuve, ni même rendre une décision exempte d’erreurs (Colistro c BMO Banque de Montréal, 2008 CAF 154 au para 8). Il soumet que les circonstances entourant la disparition de l’échelle ont été bien comprises et analysées dans les motifs de la décision de l’arbitre. Bien qu’une autre issue soit possible, il n’y aurait aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire. Le défendeur cite la décision du juge de Montigny dans Defence Construction Canada Ltd c Girard, 2005 CF 1177 :

[49] Le demandeur a bien tenté de convaincre l'arbitre, décisions arbitrales à l'appui, que le vol de temps par un employé était toujours sanctionné par le congédiement. Pourtant, l'arbitre a bien expliqué pourquoi ces décisions ne lui paraissaient pas devoir être suivies dans le présent cas (manque d'informations précises sur les heures d'absence, état de santé du défendeur, vulnérabilité face à son supérieur immédiat, longs états de service et compétence de l'employé, condamnation sans jamais permettre à l'employé de s'expliquer).

 

[50] Qui plus est, la Cour suprême a clairement établi dans l'arrêt McKinley v. BC Tel, précité, qu'il appartient au juge des faits de décider si un acte malhonnête constitue un motif valable de congédiement, compte tenu de toutes les circonstances. Pour reprendre les termes mêmes de la Cour, « il faut établir un équilibre utile entre la gravité de l'inconduite d'un employé et la sanction infligée » (par. 53).

 

                        ii) Commissions occultes (« kickbacks »)

 

[51]           Le défendeur note dans un premier temps que l’arbitre a tenu compte de la tentative des demanderesses de reprendre le témoignage du défendeur et d’y trouver des contradictions et incohérences, et qu’il a conclu au paragraphe 39 que la preuve n’appuyait pas les prétentions des demanderesses à cet égard.

 

[52]           Le défendeur attaque la crédibilité de Monsieur Terrigno. Il note en plus que l’arbitre a pu entendre directement le témoignage des parties pendant cinq jours et prétend que la décision de l’arbitre se situe à l’intérieur des paramètres acceptables en la matière.

 

[53]           Le défendeur prétend que les demanderesses n’ont pas réussi à se décharger de leur fardeau de preuve, et de prouver un vol. L‘arbitre pouvait  donc leur en faire reproche. Le défendeur prétend qu’en fait, le témoignage de Monsieur Marois soutient plutôt la conclusion de l’arbitre.

 

Analyse

 

                        i) L’échelle

 

[54]           Quant au vol de l’échelle, la Cour est d’accord avec le défendeur que l’affaire Lepire peut être distinguée du présent dossier. Un bris de confiance dans la gestion d’une flotte de véhicules peut se distinguer d’un bris de confiance dans le domaine bancaire, contrairement à la prétention des demanderesses, d’autant plus que dans Lepire, on se retrouve devant un cas de récidive et de conflit d’intérêt.

 

[55]           La Cour considère que la conclusion de l’arbitre à l’effet que le vol de l’échelle ne justifiait pas le congédiement du défendeur était raisonnable dans les circonstances. Comme dans l’arrêt Girard, cité par le défendeur, l’arbitre en l’espèce a clairement distingué ce dossier des décisions contraires. Chaque situation constitue un cas d’espèce qui mérite une analyse raisonnable, les demanderesses n’ont pas démontré l’erreur dans l’analyse de l’arbitre qui justifie l’intervention de la Cour. L’arbitre n’avait pas à mentionner chaque élément de la preuve, comme le précise d’ailleurs l’arrêt Colistro.

 

ii) Commissions occultes (« kickbacks »)

 

[56]           La Cour reconnaît que l’arbitre a erré en appliquant un principe qui a été critiqué par la Cour suprême. Les demanderesses ont raison de soutenir qu’il y a là une lacune importante, puisque l’arbitre n’a pas analysé la crédibilité respective des témoins en présence. On ne peut se contenter de préférer le témoignage d’une personne à une autre simplement parce que le défendeur témoigne, dans l’affirmative, avoir remis l’argent comptant et Monsieur Terrigno nie avoir reçu cet argent. Retenir le témoignage du défendeur parce qu’il dit « oui » tandis que son employeur dit « non » constitue une erreur majeure qui entache l’analyse de l’arbitre sur les commissions occultes.

 

[57]           Les demanderesses soulignent à bon droit l’erreur importante commise par l’arbitre quant à la date de la rencontre entre Monsieur Marois et Monsieur Terrigno. Il en déduit erronément que Monsieur Terrigno était au courant de l’arrangement pour le paiement de commissions occultes en juin 2008, c’est-à-dire avant la plainte et l’enquête qui a débutée en février 2009. Aucun élément de preuve au dossier ne permettait à l’arbitre de tirer pareille conclusion. Cette erreur va au cœur même du litige, à savoir si les demanderesses étaient au courant du fait que le défendeur acceptait de l’argent pour les carcasses de pneus usagés lorsqu’elles ont procédé à son congédiement. Elle donne ouverture à une intervention de cette Cour par rapport à la décision du 19 août 2010.

 

d) Justice naturelle

 

Prétentions des demanderesses

 

[58]           Les demanderesses allèguent que dans son analyse sur la proportionnalité de la sanction pour le vol de l’échelle, l’arbitre relate avoir tenu compte de la somme en jeu, de l’âge du défendeur, de son ancienneté et son dossier disciplinaire impeccable. Les demanderesses rappellent pourtant qu’à l’audience, elles ont tenté de déposer comme élément de preuve trois avis disciplinaires écrits remis au défendeur entre 2005 et 2007 (dossier des demanderesses, volume II, pages 279-283). L’arbitre a refusé le dépôt au motif qu’ils n’étaient pas pertinents au débat dont il était saisi. Les demanderesses allèguent que ce refus de l’arbitre constitue un manquement à l’équité procédurale et une violation des règles de justice naturelle.

 

[59]           Les demanderesses citent l’arrêt Université du Québec à Trois-Rivières c Larocque, [1993] 1 RCS 471 [Larocque], dans lequel la Cour suprême a rejeté ce même raisonnement de la part d’un arbitre. L’arbitre aurait donc violé la règle audi alteram partem.

 

Prétentions du défendeur

 

[60]           Le défendeur prétend qu’en vertu de l’article 242(2)b) du Code canadien du travail, l’arbitre est maître de la procédure, et que le principe de la pertinence de la preuve demeure la règle (Jennings c Shaw Cablesystems Ltd, 2003 CF 1206 au para 17). Selon le défendeur, les trois lettres en cause ne constituent pas des avis disciplinaires mais portent plutôt de l’incompétence du défendeur. La situation en l’espèce serait complètement différente de celle dans l’affaire Larocque. La référence au dossier vierge serait, selon le défendeur, le dossier disciplinaire et non le dossier administratif (qui contenait les avis en question). La question de l’incompétence du défendeur n’aurait jamais été alléguée comme motif du congédiement, l’arbitre pouvait donc les écarter.

 

[61]           Dans l’alternative, le défendeur prétend que même si la Cour détermine qu’il y a manquement aux principes de l’équité procédurale, le refus n’aurait entraîné aucune conséquence sur la décision de l’arbitre, et donc qu’il s’agirait d’une des exceptions limitées dans laquelle « malgré le manquement, le résultat sur le fond aurait été le même » (B.R.E.S.T. Transportation Ltd c Noon, 2009 CF 630 au para 9).

 

 

 

Analyse

 

[62]           À la lecture des lettres concernées, la Cour constate qu’il ne s’agit pas de réprimandes liées à l’incompétence mais plutôt, comme le soutiennent les demanderesses, d’avis disciplinaires. Ces éléments de preuve auraient du être admis afin de permettre aux demanderesses de mettre en preuve que le dossier du défendeur n’était pas impeccable. La conclusion de l’arbitre quant à la proportionnalité de la sanction pour le vol de l’échelle aurait sans doute pu être différente.

 

[63]           La Cour reconnaît que l’arbitre a violé l’équité procédurale en refusant d’accepter comme élément de preuve les avis disciplinaires, tout en se reposant sur le dossier disciplinaire prétendument impeccable du défendeur. Ce manquement aux principes de l’équité procédurale constitue un second motif pour faire droit à la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre du 19 août 2010.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que

1.                  Pour les motifs susmentionnés, la Cour accueille la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’arbitre du 19 août 2010 ;

2.         La Cour rejette la demande de contrôle judiciaire de la décision du 23 mars 2010 ;

3.         La Cour renvoie la décision du 19 août 2010 pour reconsidération par un autre arbitre.

                                            Le tout sans frais contre le défendeur.       

 

 

« André F.J. Scott »

Juge


ANNEXE « A »

 

Définitions

 

3. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

 

« employé »

“ employee ”

 

« employé » Personne travaillant pour un employeur; y sont assimilés les entrepreneurs dépendants et les agents de police privés. Sont exclus du champ d’application de la présente définition les personnes occupant un poste de direction ou un poste de confiance comportant l’accès à des renseignements confidentiels en matière de relations du travail.

 

Definitions

 

3. (1) In this Part,

 

“employee”

« employé »

 

“employee” means any person employed by an employer and includes a dependent contractor and a private constable, but does not include a person who performs management functions or is employed in a confidential capacity in matters relating to industrial relations;

 

Exception : section XIV

 

 

167. (3) La section XIV ne s’applique pas aux employés qui occupent le poste de directeur.

 

Non-application of Division XIV to managers

 

167. (3) Division XIV does not apply to or in respect of employees who are managers.

 

Section XIV – Congédiement injuste

 

Plainte

 

240. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d’un inspecteur si :

 

a) d’une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

 

b) d’autre part, elle ne fait pas partie d’un groupe d’employés régis par une convention collective.

Division XIV – Unjust Dismissal

 

Complaint to inspector for unjust dismissal

 

240. (1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

 

 

 

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

 

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

 

 

 

 

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

 

Renvoi à un arbitre

 

242. (1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d’arbitre la personne qu’il juge qualifiée pour entendre et trancher l’affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l’éventuelle déclaration de l’employeur sur les motifs du congédiement.

 

 

 

Pouvoirs de l’arbitre

 

(2) Pour l’examen du cas dont il est saisi, l’arbitre :

 

a) dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en conseil;

 

 

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

 

c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des relations industrielles par les alinéas 16a), b) et c).

 

 

 

 

 

 

Décision de l’arbitre

 

(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l’arbitre :

 

 

a) décide si le congédiement était injuste;

 

 

 

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l’appui, à chaque partie ainsi qu’au ministre.

 

 

Restriction

 

(3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d’un poste;

 

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

 

 

Cas de congédiement injuste

 

(4) S’il décide que le congédiement était injuste, l’arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur :

 

 

 

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

 

 

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

 

c) de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

Reference to adjudicator

 

242. (1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1).

 

 

Powers of adjudicator

 

(2) An adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1)

 

(a) shall consider the complaint within such time as the Governor in Council may by regulation prescribe;

 

(b) shall determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the complaint to present evidence and make submissions to the adjudicator and shall consider the information relating to the complaint; and

 

(c) has, in relation to any complaint before the adjudicator, the powers conferred on the Canada Industrial Relations Board, in relation to any proceeding before the Board, under paragraphs 16(a), (b) and (c).

 

 

 

 

Decision of adjudicator

 

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

 

(a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and

 

(b) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.

 

 

Limitation on complaints

 

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

 

(a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or

 

(b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

 

Where unjust dismissal

 

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

 

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

 

(b) reinstate the person in his employ; and

 

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

 

Caractère définitif des décisions

 

243. (1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

 

Interdiction de recours extraordinaires

 

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

Decisions not to be reviewed by court

 

243. (1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

 

No review by certiorari, etc.

 

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-599-10

 

INTITULÉ :                                       6245820 CANADA INC. et 3903214 CANADA INC.

                                                            c MARIO PERRELLA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               7 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                      20 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Martine L. Tremblay

 

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Philippe-André Tessier

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

KUGLER KANDESTIN, S.E.N.C.R.L.

Montréal, Québec

 

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

 

ROBINSON SHEPPARD SHAPIRO, S.E.N.C.R.L./LLP

Montréal, Québec

POUR LE DÉFENDEUR

 

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