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Cour fédérale

 

Federal Court


Date : 20110623

Dossier : T-1389-10

Référence : 2011 CF 760

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2011

En présence de monsieur le juge Barnes

 

ENTRE :

 

 

WELLESLEY CENTRAL RESIDENCES INC.

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du ministre du Revenu national (le ministre) refusant la demande de la demanderesse visant à être désignée comme « municipalité » au sens du paragraphe 259(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, chapitre E‑15 modifié. La demanderesse demande une ordonnance annulant la décision du ministre et renvoyant l’affaire pour nouvel examen.

 

Le contexte

[2]               Wellesley Central Residences Inc. (Wellesley) a été constituée en personne morale en 2004. Il s’agit d’une société d’habitation sans but lucratif et d’un organisme de bienfaisance enregistré.

 

[3]               En septembre 2008, Wellesley a parachevé la construction d’un immeuble résidentiel situé au 490, Sherboume Street, à Toronto (Ontario), comportant 112 unités d’habitation (l’établissement résidentiel).

 

[4]               L’établissement résidentiel a été construit pour procurer un hébergement assorti d’un loyer proportionné au revenu à des personnes qui vivent avec le VIH/sida et à des personnes âgées en perte d’autonomie (les résidants).

 

[5]               Aux termes d’une entente de supplément au loyer conclue avec la ville de Toronto le 28 juillet 2008, Wellesley a convenu de mettre chacune des 112 unités d’habitation à la disposition de résidants moyennant un loyer proportionné au revenu, et la ville de Toronto a convenu de payer un financement subventionné à Wellesley. Aux termes de cette entente, Wellesley s’engageait à louer toutes les unités [traduction] « aux personnes qui seront aiguillées vers elle » par la ville de Toronto. Wellesley convenait également de conclure un bail écrit avec chaque résidant.

 

[6]               En guise de reconnaissance des services municipaux que Wellesley fournissait en offrant des logements abordables permanents à long terme, la ville de Toronto a désigné l’établissement résidentiel comme étant une immobilisation municipale aux fins de l’imposition municipale. Cette désignation soustrayait toutes les unités d’habitation de l’établissement résidentiel à l’imposition municipale.

 

[7]               Aux termes de l’entente conclue avec la ville de Toronto, chacun des résidants qui vivent dans l’établissement résidentiel doit conclure soit un contrat de bail type soit une convention d’occupation (la ou les conventions de location). Les conventions de location élaborées par Wellesley stipulent que les résidants doivent conclure un contrat de services type avec des tiers prestataires de services désignés qui offriront un soutien aux résidants en leur fournissant, entre autres, des services de soins personnels, une aide aux tâches ménagères, une formation en dynamique de la vie, une évaluation continue, des services de défense de leurs intérêts et une aide aux activités de la vie quotidienne (les services de soins personnels). Aux termes des conventions de location, les résidants reconnaissent qu’ils peuvent devoir quitter leurs unités locatives si Wellesley estime qu’ils n’ont plus besoin du soutien de tiers ou si les services que peuvent fournir les prestataires de services désignés ne suffisent pas à répondre à tous leurs besoins. Il est acquis aux débats que Wellesley perçoit un revenu uniquement pour la fourniture de logements et ne profite pas financièrement de la prestation de services de soins personnels par les tiers prestataires de services.

 

[8]               Le 30 septembre 2008, Wellesley a demandé au ministre une désignation de municipalité en vertu du paragraphe 259(1) de la Loi sur la taxe d’accise. Une telle désignation aurait eu pour effet de rendre Wellesley admissible au plein remboursement municipal de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) en liaison avec sa fourniture de logements.

 

[9]               Le 15 juillet 2009, Philippe Nault, agissant pour le compte du ministre, a écrit à Wellesley pour l’aviser que sa demande de désignation avait été refusée. Sa lettre justifiait la décision comme suit :

[traduction]

 

Aux fins d’une désignation de municipalité, une fourniture qui comprend un logement en tant qu’élément mais qui en inclut d’autres, notamment des repas ou des services de soins personnels, de blanchisserie ou de nettoyage, ne peut pas être considérée comme étant une fourniture admissible de logement à long terme.

 

Compte tenu des renseignements que vous avez communiqués, Wellesley n’a pas démontré qu’elle satisfaisait aux critères d’une désignation de municipalité énoncés au deuxième paragraphe ci-dessus. Par conséquent, nous ne pouvons pas désigner Wellesley comme étant une municipalité en vertu du paragraphe 259(1) de la Loi. Nous vous communiquons à titre indicatif les commentaires suivants, fondés sur notre compréhension des activités pertinentes de Wellesley.

 

Wellesley administre un complexe d’habitations locatives de 112 unités situé au 490, Sherbourne Street, à Toronto (Ontario) (les résidences).

 

En juillet 2008, Wellesley a conclu deux ententes avec la ville de Toronto en liaison avec les résidences.

 

En vertu de son accord d’aiguillage de juin 2008 avec WoodGreen Community Services (WoodGreen), Wellesley convient d’offrir certaines unités à des clients de WoodGreen et de consulter WoodGreen dans l’éventualité de toute éviction de ces clients. WoodGreen et Wellesley se rencontreront pour examiner l’admissibilité du résidant éventuel. En juin 2008, Wellesley a conclu un accord d’aiguillage quasi identique avec Fife House.

 

Selon le site Web de Fife House, 56 des unités des résidences seront disponibles pour des personnes qui vivent avec le VIH/sida, et le personnel et les bénévoles de Fife House fourniront des services de soutien 24 heures par jour tels que des services de soins personnels et d’aide aux tâches ménagères de même que de coordination avec d’autres prestataires de services.

 

Le site Web de WoodGreen affirme que WoodGreen fournira des services de soutien personnel, d’aide aux tâches ménagères et de coordination de services 24 heures par jour aux personnes âgées qui ont besoin d’une aide permanente aux activités de la vie quotidienne. Ces services sont censés être fournis aux résidants des 56 autres unités des résidences.

 

Ce qui précède s’accorde avec un communiqué de presse du 25 novembre 2006 qui annonçait que le gouvernement fédéral du Canada, la province de l’Ontario et la ville de Toronto travaillaient avec Fife House, WoodGreen et le Wellesley Institute à construire et à administrer un projet de logements supervisés (les résidences). Le communiqué de presse mentionne du financement des gouvernements fédéral et provincial pour les services de logement supervisés que WoodGreen et Fife House fourniront aux résidants.

 

Compte tenu des renseignements communiqués, l’éventail des services fournis aux résidants déborde le cadre des activités de la vie autonome admissibles envisagées par le processus de désignation de municipalité. Le degré d’interdépendance entre Wellesley et WoodGreen et Fife House relativement aux résidants mène à la conclusion que le programme dans le cadre duquel se déroulent les activités de Wellesley est plus large qu’un programme visant à procurer un logement à des ménages dont les revenus vont de faibles à modérés. En conséquence, les activités de Wellesley reliées aux résidences ne sont pas des activités admissibles aux fins d’une désignation de municipalité.

 

[Notes de bas de page omises.]

 

 

[10]           Wellesley a demandé au ministre d’examiner à nouveau sa demande, et elle a fourni des renseignements additionnels à l’appui, dont un avis juridique favorable. Par lettre datée du 3 août 2010, M. Nault a refusé encore une fois d’accorder une désignation de municipalité à Wellesley pour les motifs suivants :

[traduction]

 

Wellesley a conclu des accords d’aiguillage avec Fife House et WoodGreen en vertu desquels elle offre des unités disponibles à des clients de ces organismes. Aux termes des accords d’aiguillage, Fife House et WoodGreen rencontrent Wellesley pour examiner l’admissibilité de leurs clients à une résidence, et elles discutent avec Wellesley de toute éviction de leurs clients.

 

Bien que Wellesley fournisse à ses résidants un logement assorti d’un loyer proportionné au revenu, aux fins d’une désignation de municipalité, il faut également examiner le contexte dans lequel ces fournitures sont faites. L’ARC a pour politique de désigner comme municipalités les organismes qui fournissent à des résidants un logement à long terme assorti d’un loyer proportionné au revenu dans le cadre d’un programme visant à procurer des logements à des ménages dont les revenus vont de faibles à modérés. Cependant, lorsqu’un éventail de services est fourni aux résidants en plus de la fourniture du logement, soit par le fournisseur du logement lui-même ou par un tiers, cette fourniture n’est plus considérée comme une activité admissible en vertu de la politique administrative et des critères d’admissibilité relatifs aux désignations de municipalité.

 

Dans la situation de Wellesley, la fourniture de logement et les services de soutien fournis par Fife House et WoodGreen sont inextricablement liés, et, en conséquence, le programme dans le cadre duquel Wellesley réalise ses activités est administré dans un contexte qui est plus large que la fourniture de logements assortis de loyers proportionnés au revenu à des ménages dont les revenus vont de faibles à modérés. Par conséquent, Wellesley ne cadre pas avec la politique administrative et ne satisfait pas aux critères d’admissibilité à une désignation de municipalité pour l’application de la Loi.

 

 

[11]           C’est cette dernière décision qui a donné lieu à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

Les questions en litige

[12]           L’exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire était-il raisonnable?

 

[13]           Le ministre a-t-il indûment restreint l'exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a appliqué la politique concernant les désignations de municipalité établie sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise?

 

Analyse

[14]           Les parties conviennent que la présente demande de contrôle judiciaire concerne l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ministériel à l’égard duquel la norme de contrôle appropriée est la raisonnabilité : voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 53. L’argument de Wellesley concernant la restriction du pouvoir discrétionnaire soulève une question d’équité procédurale pour laquelle la norme de contrôle appropriée est la décision correcte : voir Dorothea Knitting Mills Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2005 CF 318, 295 F.T.R. 314, au paragraphe 13. 

 

[15]           La Loi sur la taxe d’accise ne comporte pas de définition du terme « service municipal » ni d’ensemble de critères d’admissibilité à une désignation de municipalité pouvant être faite en vertu du paragraphe 259(1). Les parties conviennent qu’une telle désignation suppose l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ministériel qui est encadré par une politique administrative élaborée en 1993 puis révisée en 2007. Les lignes directrices ministérielles de 2007 intitulées [TRADUCTION] « Politique administrative et critères d’admissibilité relatifs à une désignation de municipalité » exposent les motifs qui justifient l’octroi d’une désignation de municipalité en rapport avec la fourniture de logement résidentiel assorti d’un loyer proportionné au revenu :

[TRADUCTION]

 

Un organisme de bienfaisance ou un organisme sans but lucratif qui est financé par le gouvernement pour fournir des logements à long terme à des locataires sur la base du loyer proportionné au revenu peut demander une désignation de municipalité pour l’application du paragraphe 259(1). Nous estimons que la fourniture de logements à long terme signifie la location d’une habitation autonome (hébergement privé qui comprend une cuisine et une salle de bains) pour des périodes d’un mois ou plus. Le financement public doit être payable pour subventionner le coût des logements qui sont fournis sur la base du loyer proportionné au revenu. Il est important de souligner que dans ces cas, le financement public comprend le financement fourni par une municipalité. Les activités décrites ci-dessus doivent être menées dans le cadre d’un programme visant à fournir du logement aux ménages dont les revenus vont de faibles à modestes.

 

La désignation de municipalité ne s’applique pas aux autres activités que l’organisme de bienfaisance ou l’organisme à but non lucratif peut exercer, par exemple la fourniture d’unités résidentielles autrement que sur la base du loyer proportionné au revenu ou pour lesquelles aucune subvention gouvernementale n’est payable (ce qu’on appelle parfois loyer économique) et la fourniture de locaux commerciaux. En outre, une fourniture qui comprend un logement en tant qu’élément mais qui en inclut d’autres, notamment des repas ou des services de soins personnels, de blanchisserie ou de nettoyage, ne peut pas être considérée comme étant une fourniture admissible de logement à long terme. En conséquence, les activités exercées par les exploitants de maisons de soins personnels et de maisons de soins infirmiers qui font ces fournitures mixtes ne sont pas des activités admissibles en vertu de la politique administrative et des critères d’admissibilité relatifs aux désignations de municipalité pour l’application du paragraphe 259(1).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[16]           Le ministre a refusé la demande de désignation de municipalité de Wellesley au motif que sa fourniture de logement résidentiel était [traduction] « inextricablement lié[e] » aux services de soins personnels que les résidants étaient tenus de recevoir, en vertu de leurs conventions de location, des tiers prestataires de services désignés. Selon le ministre, une activité municipale admissible est une activité qui ne rend pas la fourniture de logement assorti de loyer proportionné au revenu conditionnelle à l’admissibilité d’un résidant à des services de soins personnels, peu importe que ceux-ci soient fournis par le propriétaire ou par des tiers.

 

[17]           Wellesley soutient que les services de soins personnels liés à l’établissement résidentiel constituent une fourniture taxable distincte faite par d’autres parties, et qu’il était déraisonnable que le ministre refuse de reconnaître cette séparation des activités aux fins d’une désignation de municipalité en vertu du paragraphe 259(1). Wellesley affirme en effet que le ministre a méconnu la séparation de fonctions qui faisait partie intégrante de son modèle de gestion, en faveur d’une démarche indûment rigide et restrictive.

 

[18]           Le ministre, quant à lui, a considéré ce modèle de gestion comme étant une activité unique de la nature de l’exploitation d’un établissement de soins personnels. Étant donné la nature mixte de tous les services fournis aux résidants, le modèle, selon le ministre, allait au-delà de la simple fourniture de logement public subventionné qui aurait justifié une désignation de municipalité. Le ministre s’est également appuyé sur certaines dispositions des conventions de location qui reliaient directement Wellesley à la prestation de services de soins personnels, notamment la clause 1.02 du contrat de bail :

[traduction]


1.02     Vous comprenez et convenez que l’Unité fait partie d’une « maison de soins » au sens de
la Loi sur la location à usage d’habitation. L’unité est fournie dans le cadre d’un programme à l’intention de personnes âgées de 16 ans ou plus qui vivent avec le VIH/sida et qui ont besoin de services offerts par Fife House. Vous convenez que vous avez choisi de vivre dans l’unité aux fins de recevoir les services convenus entre vous et nous en conformité avec le contrat de services que vous avez conclu avec Fife House (le « prestataire de services », et nous, avant de signer le présent contrat (lesquels services sont désignés collectivement dans le présent contrat comme étant les « services »). À la date du présent contrat, les services comprennent :

 

(i)                  une évaluation, une planification et une mise en œuvre continues de votre plan de service élaboré en conformité avec le contrat de services;

 

(ii)        un soutien concret et une écoute active;

 

(iii)       une aide en matière de soins personnels et de travaux ménagers;

 

(iv)       une formation à la dynamique de vie, notamment aux habiletés d’adaptation quotidiennes, aux habiletés sociales et aux activités de la vie quotidienne;

 

(v)                une liaison avec les services et les ressources désirées;

 

(vi)       la défense de vos intérêts;

 

(vii)      une aide aux activités de la vie quotidienne lorsque cette aide est nécessaire en raison de symptômes éprouvés par le locataire et découlant d’une maladie reliée au VIH/sida.

 

Une copie de votre contrat de services est jointe au présent contrat et constitue l’annexe « E ». Le prestataire de services vous a nommé comme locataire de l’unité, en conformité avec l’accord d’aiguillage que nous avons conclu avec lui (l’accord d.’aiguillage), sous réserve de notre approbation, puisque vous devez être admissible aux services fournis par le prestataire de services ainsi qu’au logement social que nous fournissons. Cependant, le prestataire de services n’est pas votre locateur, puisque nous avons la responsabilité de vous fournir l’unité, d’exécuter toutes les obligations d’un locateur et de vous fournir les services (même si nous vous fournissons les services par l’intermédiaire du prestataire de services, en vertu de l’accord d’aiguillage).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[19]           D’autres dispositions de la convention d’occupation relient de manière similaire Wellesley à la prestation de services personnels aux résidants, notamment les clauses 2, 4, 17 et 22.

 

[20]           Wellesley conteste essentiellement la sagesse de la décision du ministre pour des motifs de politique sociale. Elle affirme, non sans justification, que la décision crée un obstacle à la fourniture de logements abordables à des membres vulnérables de la collectivité. Wellesley qualifie également les dispositions de la Loi sur la taxe d’accise relatives aux remboursements de dispositions relatives au bien-être social qui doivent être interprétées libéralement et en conformité avec les valeurs de la Charte.

 

[21]           L’argument de Wellesley tombe cependant à plat parce qu’il y a une justification fiscale valide à la décision du ministre, qui a évidemment été considérée comme primordiale. Cette justification est exposée dans un document technique du ministère des Finances sur les biens et services d’août 1989, qui parle de la nécessité de préserver une équité fiscale concurrentielle au sein des secteurs privé et public en évitant d’accorder un traitement fiscal plus favorable aux activités commerciales menées par le secteur public. Le défendeur a traité de cette question de la manière suivante dans son mémoire des faits et du droit :

[traduction]


40.       Accorder une désignation de municipalité à la demanderesse sur le fondement de sa structure juridique entraînerait également un traitement fiscal inégal entre les établissements où le logement et les services sont fournis par une seule entité et les établissements où le logement et les services sont fournis par des entités différentes. Il s’ensuivrait des pressions de la part d’établissements similaires qui fournissent des logements et des services par l’intermédiaire d’une entité juridique unique et qui voudraient eux aussi être admissibles à un remboursement municipal. Cela créerait des iniquités par rapport à d’autres organismes de bienfaisance et organismes à but non lucratif qui administrent des établissements de soins comportant un hébergement, comme les hôpitaux, les maisons de soins infirmiers et les foyers de groupe, qui ne récupèrent pas la TPS et la portion fédérale de
la TVH au taux municipal.

 

 

[22]           Il ressort à l’évidence des lignes directrices ministérielles de 2007 que l'établissement qui fournit des logements assortis de soins à domicile subventionnés par la municipalité de la nature d’une maison de soins infirmiers ou d’une maison de soins personnels où sont fournis des repas, des services de soins personnels, des services d’entretien ménager ou des services similaires ne sera pas admissible à une désignation de municipalité, parce que son activité représente une forme d’activité commerciale concurrentielle. Cependant, les lignes directrices ministérielles de 2007 ne traitent nulle part de la situation dont il est précisément question ici, où les fournitures de logement et de services de soins personnels sont reliées contractuellement. En l’absence d’une politique précise, le ministre devait adopter une position fondée sur des principes, et c’est ce qu’il a fait. Bien qu’il existe peut-être un modèle de gestion envisageable pour l'administration de l’établissement résidentiel qui répondra aux préoccupations du ministre, il est évident que le degré de l'amalgamation contractuelle entre la fourniture de logement et la fourniture de services de soins personnels était tel que le ministre n’était pas prêt à traiter ces fonctions comme étant des fournitures taxables distinctes dans le cadre d’une désignation de municipalité.

 

[23]           Si séduisant que puisse paraître le contre-argument de Wellesley, il n’appartient pas à la Cour, dans le contexte d’un contrôle judiciaire, de substituer son point de vue sur des questions de politique à celui du ministre. La décision en l’espèce est transparente, intelligible et rationnellement étayée par les motifs exposés. La retenue exige qu’elle soit respectée dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

 

[24]           Pour ce qui est de la question de savoir si le ministre a indûment restreint ou non son pouvoir discrétionnaire, il n’y a rien au sujet de la décision du ministre qui porterait à croire que les lignes directrices fiscales ministérielles sur les désignations de municipalité auraient été élevées au rang d’un ensemble de principes juridiques immuables excluant toute autre considération pertinente. Le fait que le ministre ait exercé son pouvoir discrétionnaire d’une certaine façon ne signifie pas que des questions pertinentes ont été méconnues. De fait, la décision attaquée traduit une appréciation claire des particularités du modèle de gestion employé par les parties. J’ajouterais que le fait que la ville de Toronto ait été prête à soustraire l’établissement résidentiel à l’application des taxes municipales ne revêt guère de pertinence au regard de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire sous le régime de la Loi sur la taxe d’accise, et le fait que le ministre n’a pas mentionné ce fait dans sa décision n’a entraîné aucune erreur susceptible de révision.

 

[25]           Le ministre demande des dépens contre Wellesley. Malgré l’issue de la présente demande, je suis convaincu que la présente instance soulevait d’importantes questions d’intérêt public et que Wellesley fournit un service public louable dans le cadre de sa gestion de l’établissement résidentiel. En conséquence, chaque partie paiera ses propres frais.

 

Conclusion

[26]           En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée sans dépens pour l'une ou l'autre partie.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE comme suit : la présente demande est rejetée sans dépens.

 

 

 

« R.L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1389-10

 

INTITULÉ :                                       WELLESLEY CENTRAL RESIDENCES INC. c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ON)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 avril 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 juin 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brent Murray

 

POUR LA DEMANDERESSE

Diana Aird

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wilson & Partners LLP

Toronto (ON)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (ON)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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