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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110624

Dossier : IMM-5503-10

Référence : 2011 CF 769

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

SARKA KELLESOVA

RENE KELLES

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision datée du 19 août 2010, par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[2]               La demande est rejetée pour les motifs exposés ci‑dessous.

 

I.          Le contexte

 

A.        Le contexte factuel

 

[3]               Les demandeurs, Sarka Kellesova (la demanderesse principale, la DP) et son fils mineur, Rene Kelles (le demandeur mineur) sont tous deux citoyens de la République tchèque. Ils sont arrivés au Canada le 28 février 2009 et ont présenté des demandes d’asile à l’aéroport.

 

[4]               Les demandeurs sont des Roms. La DP allègue que, en raison de son ethnicité, elle a commencé à subir de la discrimination lorsqu’elle était aux études. À l’âge adulte, elle a eu de la difficulté à obtenir un emploi.

 

[5]               Le fils de la DP est né en 1993 et il a été victime de racisme dès la première année du primaire. Les autres élèves lui faisaient des commentaires méprisants, et il a commencé à avoir peur d’aller à l’école. À l’âge de huit ans, il a été agressé physiquement par deux garçons plus âgés. De nouveau en novembre 2008, le demandeur mineur a été victime d’une agression physique par un homme blanc d’origine tchèque.

 

[6]               En 2009, la DP a été agressée physiquement par une femme blanche d’origine tchèque. Les personnes qui ont été témoins de l’agression ne sont pas intervenues. Selon son Formulaire de renseignements personnels (FRP), elle s’est rendue au poste de police pour déposer une plainte, mais la police ne lui est pas venue en aide.

 

[7]               Après le dernier incident, la DP et son fil se sont enfuis au Canada.

 

B.         La décision contestée

 

[8]               La Commission a rejeté la demande d’asile, ayant établi que la question déterminante dans cette affaire était la protection offerte par l’État. La DP ne s’était pas adressée à la police tchèque depuis 2006. Le FRP indiquait qu’elle a demandé l’aide de la police en 2009, mais elle a témoigné que son FRP était erroné. Elle a expliqué qu’elle ne s’était pas adressée à la police après l’agression subie par le demandeur mineur en 2008 en raison de son expérience antérieure avec les autorités. Lorsque la Commission lui a posé d’autres questions, elle a admis que c’était en 2001 que la police avait refusé de l’aider.

 

[9]               La Commission a souligné que la DP n’avait pas fait preuve de diligence pour obtenir la protection de l’État. Bien que la DP dise avoir éprouvé des problèmes avant de déménager au Royaume-Uni pour y travailler pendant un mois, elle est retournée en République tchèque en 2006. Après son retour, malgré les actes de persécution qui auraient été commis à son endroit en 2008 et 2009, elle ne s’est jamais adressée à la police pour obtenir de l’aide ou la protection de l’État. La Commission a donc conclu qu’elle n’avait pas fourni une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État à les protéger, elle et son fils. La Commission a fait le commentaire suivant à la page 12 :

La Commission a pris en considération le témoignage de la demandeure d’asile principale et elle conclut que le témoignage de vive voix n’est pas corroboré par la prépondérance des éléments de preuve documentaire. Elle n’a pas communiqué avec la police, et le tribunal n’ajoute pas foi aux motifs de cette omission. Son expérience antérieure remonte à il y a neuf ans. Bien que les craintes de la demandeure d’asile principale puissent être de nature subjective, le tribunal conclut qu’elles n’ont aucun fondement objectif.

 

II.         La question en litige

 

[10]           La présente demande soulève une seule question :

a)         La Commission a-t‑elle tiré une conclusion raisonnable au sujet de la protection de l’État?

 

III.       La norme de contrôle

 

[11]           La question déterminante en l’espèce est la protection de l’État. La question de savoir si les demandeurs ont réfuté la présomption de protection offerte par l’État est une question mixte de fait et de droit qui relève de l’expertise de la Commission. La norme de contrôle applicable est donc celle de la décision raisonnable (Zupko c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1319, 94 Imm. L.R. (3d) 312, au paragraphe 5).

[12]           Tel qu’il est établi dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel. Il tient également à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

IV.       Argument et analyse

 

A.        La Commission a-t‑elle tiré une conclusion raisonnable au sujet de la protection de l’État?

 

[13]           Les demandeurs affirment que la preuve documentaire qu’ils ont présentée à l’audience a été interprétée à leur désavantage et utilisée avec partialité par la Commission. Les demandeurs soutiennent également que la Commission a mal interprété les éléments de preuve qui lui ont été fournis.

 

[14]           La Commission a rejeté la demande d’asile parce que les demandeurs n’ont pas prouvé que l’État est incapable de les protéger ou que cette protection ne serait pas accordée dans l’avenir; ils n’ont pas réussi à réfuter la présomption de protection offerte par l’État. La Commission est parvenue à cette conclusion après avoir apprécié la preuve documentaire qui, la Cour en convient, contenait des renseignements disparates. Mme  Kellesova, qui se représentait elle‑même à l’audience, n’a pas démontré que cette conclusion était déraisonnable.

 

[15]           Par exemple, la Commission a tenu compte du fait que, selon Amnistie Internationale, les Roms sont toujours victimes de discrimination de la part de représentants de l’État et de particuliers dans les domaines de l’éducation, du logement, de la santé et de l’emploi, et que la police entretient généralement des préjugés à l’égard des Roms, ce qui s’exprime parfois par des propos discriminatoire ou irrespectueux.  Toutefois, la Commission a pris connaissance d’éléments de preuve montrant que l’accession de pays à l’Union européenne avait entraîné des changements et eu un impact positif sur les Roms tchèques. La police tchèque est tenue par la loi de répondre à tous les appels de détresse et d’aviser les parties du résultat de leurs plaintes. En outre, il existe des ONG qui offrent une gamme de services aux Roms, dont une assistance judiciaire, un soutien au réembauchage et des activités éducatives.

 

[16]           La Commission n’a pas l’obligation de prouver que la République tchèque peut offrir aux demandeurs une protection de l’État efficace. Les demandeurs ont plutôt le fardeau de réfuter la présomption qu’une protection de l’État efficace existe, en présentant des éléments de preuve clairs et convaincants qui permettent à la Commission de trancher selon la prépondérance de la preuve (Flores Carillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, 69 Imm. L.R. (3d) 309, au paragraphe 30). Le critère à savoir si la protection de l’État « aurait pu raisonnablement être assurée » (tel qu’il est stipulé dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 RCS 689) est objectif, et comme l’a souligné la juge Judith Snider dans Judge c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1089, 133 ACWS (3d) 157, au paragraphe 13, il « [n]e suffit pas que la demanderesse croie tout simplement qu’elle ne peut pas se prévaloir de la protection de l’État ».

 

[17]           Les demandeurs n’ayant produit aucun élément de preuve qui montre que l’État n’a pas la volonté ou la capacité de les protéger, la conclusion de la Commission est raisonnable et étayée par la preuve qui figure au dossier.  La Cour ne voit aucune raison d’intervenir.

 

V.        Conclusion

 

[18]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et aucune ne se pose en l’espèce.

 

[19]           Compte tenu des conclusions qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5503-10

 

INTITULÉ :                                       KELLESOVA ET AL. c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 21 AVRIL 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 24 JUIN 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sarka Kellesova

 

POUR LES DEMANDEURS

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Khatidja Moloo

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sarka Kellesova

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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