Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20110708

Dossiers : IMM-6403-10

IMM-6404-10

 

Référence : 2011 CF 845

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

 

DOREEN KINOBE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT


I.          Introduction

[1]               La demanderesse, Doreen Kinobe, est une citoyenne de l’Ouganda. Elle demande le contrôle judiciaire de deux décisions rendues le 17 septembre 2010 par la même agente d’immigration (l’agente). Dans l’affaire IMM‑6403‑10, elle conteste le rejet de sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’affaire IMM‑6404‑10 concerne une décision défavorable rendue relativement à l’examen des risques avant renvoi (l’ERAR). La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire reposait principalement sur les risques que la demanderesse courrait si elle était renvoyée en Ouganda qui étaient décrits dans sa demande d’ERAR.

 

[2]               La demanderesse est arrivée au Canada en juillet 2002. Elle fait principalement valoir à l’appui de sa demande qu’elle a été forcée d’épouser Byenkya Harrison (M. Harrison), un homme qui habitait auparavant dans leur village natal, dont elle a fait la connaissance en décembre 2000. Elle s’opposait à ce mariage parce qu’elle était déjà fiancée. Elle prétend qu’en janvier 2002 M. Harrison l’a kidnappée, l’a forcée à vivre avec lui durant cinq mois pendant lesquels il l’a battue continuellement et l’a violée.

 

[3]               Elle a demandé l’asile peu de temps après son arrivée au Canada. La Section de la protection des réfugiés a rejeté sa demande le 17 janvier 2005, pour deux raisons. Premièrement, elle a considéré que le témoignage de la demanderesse n’était pas crédible parce que ses réponses aux questions visant à obtenir des précisions étaient « souvent vague[s], hésitante[s] et évasive[s] ». Selon la SPR, ces réponses n’étaient « ni vraisemblables ni raisonnables; [elles] manquaient de naturel et n’étaient pas convaincantes ». Deuxièmement, la SPR a conclu que la demande d’asile de la demanderesse n’avait pas de fondement objectif parce que, selon elle, il était invraisemblable que la demanderesse ait été contrainte d’accepter un mariage forcé avec M. Harrison, un homme qui ne l’intéressait pas, puisqu’elle avait déjà un fiancé. En outre, la demanderesse est une jeune femme instruite qui venait de trouver un emploi dans une société immobilière de Kampala. Préférant la preuve documentaire aux autres éléments de preuve, la SPR a conclu que la demanderesse n’appartenait pas à une communauté qui pratiquait les mariages forcés en Ouganda. Un juge de la Cour a refusé d’accorder l’autorisation d’interjeter appel de cette décision le 14 juin 2005.

 

[4]               Dans le but de surmonter les conclusions de la SPR, la demanderesse a produit, par l’entremise de son avocat, John Howorun, de nouveaux éléments de preuve au soutien de sa demande d’ERAR le 11 mars 2010. Ces nouveaux éléments de preuve sont décrits ci‑dessous.

a.                                                                                           Un extrait du journal de bord de la police ougandaise (l’extrait de la police), qui démontrait que la demanderesse avait signalé l’enlèvement et les agressions à la police, ainsi que le fait qu’elle avait été forcée de vivre en union de fait avec M. Harrison. Les policiers lui ont dit que, comme sa plainte concernait des problèmes familiaux, elle avait besoin d’une lettre de consentement du conseil local.

b.                                                                                          Une copie de son certificat de mariage daté du 4 juin 2003 prouvant son mariage forcé avec M. Harrison. Ce document avait été transmis précédemment à l’agente d’ERAR.

c.                                                                                           Une lettre de la tante de la demanderesse qui indique que M. Harrison avait proféré des menaces à son endroit parce qu’il avait dû verser une dot pour épouser la demanderesse. La tante a demandé à cette dernière de retourner en Ouganda.

d.                                                                                          Un certificat de décès daté du 15 novembre 2009 indiquant que sa tante était morte d’un empoissonnement.

e.                                                                                           Un document daté du 21 décembre 2009 dans lequel le conseil local indique qu’il enquête sur une tentative visant à empêcher la fille de la tante de signaler l’empoisonnement.

 

[5]               En avril 2010, l’agente a envoyé différents documents, dont l’extrait de la police et le certificat de mariage, à l’ambassade canadienne à Kampala afin qu’ils soient vérifiés. En juin 2010, un agent de l’ambassade a informé l’agente que l’extrait de la police (le rapport de police) et le certificat de mariage étaient de faux documents.

 

[6]               Je reproduis ci‑dessous l’essentiel du courriel reçu par l’agente :

[traduction]

Comme je le soupçonnais, le rapport de police est frauduleux.

 

En Ouganda, les rapports de police sont manuscrits, et non dactylographiés. Le tampon de la police est un faux. La papeterie utilisée est différente de celle dont se sert la police lorsqu’elle prend en note les déclarations des plaignants. Le style de la déclaration laisse à désirer. Le poste de police de Zana est appelé le poste de police de Kikumbi (comme le montre le tampon figurant sur la lettre envoyée par la police en réponse à notre demande de vérification, qui a été numérisé), et non la division de la police de Zana, comme l’indique le faux tampon. L’original de la lettre vous sera posté demain.

 

Le registraire des mariages de Kampala confirme qu’il n’a pas de représentant à Masindi. Il n’y a donc pas de registraire des mariages à cet endroit.

 

Ces vérifications maintenant faites, pouvons‑nous considérer que le travail est terminé et que nous n’avons pas à vérifier le certificat de décès et les autres documents délivrés à Masindi?

 

[7]               La [traduction] « lettre envoyée par la police en réponse à notre demande de vérification » dont il est question dans le courriel était jointe à celui‑ci. Elle était manuscrite et datée du 25 avril 2011. Elle indiquait que l’extrait de la police daté du 2 mai 2002 était un faux document (voir la page 309 du DCT).

 

[8]               Après avoir reçu le courriel, l’agente a décidé de tenir une audience sur la crédibilité en vertu de l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le RIPR) [traduction] « aux fins de la présente demande et de la demande de résidence permanente de la demanderesse, au regard de ces faux documents ».

 

[9]               Il est extrêmement rare que l’on tienne une audience sur la crédibilité dans le but de statuer sur une demande d’ERAR. Les avocats des deux parties le reconnaissent. L’alinéa 113b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) prévoit qu’« une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires ».

 

[10]           Les facteurs réglementaires en question sont décrits à l’article 167 du RIPR :

            167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

[Non souligné dans l’original.]

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

      [Emphasis added]

 

[11]           L’article 168 renferme les dispositions régissant une audience tenue en vertu de l’article 167 :

 Si une audience est requise, les règles suivantes s’appliquent :

aun avis qui indique les date, heure et lieu de l’audience et mentionne les questions de fait qui y seront soulevées est envoyé au demandeur;

bl’audience ne porte que sur les points relatifs aux questions de fait mentionnées dans l’avis, à moins que l’agent qui tient l’audience n’estime que les déclarations du demandeur faites à l’audience soulèvent d’autres questions de fait;

cle demandeur doit répondre aux questions posées par l’agent et peut, à cette fin, être assisté, à ses frais, par un avocat ou un autre conseil;

dla déposition d’un tiers doit être produite par écrit et l’agent peut interroger ce dernier pour vérifier l’information fournie.

[Non souligné dans l’original.]

 A hearing is subject to the following provisions:

(anotice shall be provided to the applicant of the time and place of the hearing and the issues of fact that will be raised at the hearing;

(bthe hearing is restricted to matters relating to the issues of fact stated in the notice, unless the officer conducting the hearing considers that other issues of fact have been raised by statements made by the applicant during the hearing;

(cthe applicant must respond to the questions posed by the officer and may be assisted for that purpose, at their own expense, by a barrister or solicitor or other counsel; and

(dany evidence of a person other than the applicant must be in writing and the officer may question the person for the purpose of verifying the evidence provided.

      [Emphasis added]

 

II.         L’audience portant sur la crédibilité et la suite

[12]           L’agente a tenu l’audience portant sur la crédibilité le 26 juillet 2010, en présence de la demanderesse et de son conseil. Le défendeur reconnaît que l’agente n’a pas révélé avant l’audience qu’elle avait reçu un rapport de l’ambassade canadienne en Ouganda selon lequel l’extrait de la police et le certificat de mariage étaient de faux documents. L’information a été divulguée après que l’agente a demandé à la demanderesse si les documents qu’elle avait fournis à l’appui de sa demande d’ERAR étaient authentiques, ce à quoi la demanderesse a répondu « oui ». Elle a aussi dit à l’agente que les documents avaient été envoyés par sa tante vivant en Ouganda, par l’entremise d’autres membres de sa famille, et qu’elle pensait qu’ils étaient authentiques. À l’audience, la demanderesse a affirmé également que les faux documents visaient à la forcer à retourner en Ouganda.

 

[13]           À l’audience portant sur la crédibilité, la demanderesse a produit une copie d’un journal de Kampala daté du 9 avril 2010 – le « Daily Paper » – dans lequel était publié un article qui rapportait les propos de l’agente dans sa décision [traduction] « relative à M. Harrison et à la disparition de deux femmes qui avaient eu des démêlés avec cet homme. L’article parle également d’une femme présentée comme son épouse que M. Byenkya Harrison a kidnappée et a forcée à l’épouser et qui a ensuite quitté le pays. »

 

[14]           Le conseil de la demanderesse a demandé à l’agente de lui permettre de présenter des observations écrites. L’agente a déclaré dans son affidavit au soutien de la position du défendeur qu’elle [traduction] « avait donné deux semaines à la demanderesse et à M. Howorun pour répondre à mes questions et pour produire tout document additionnel s’ils le voulaient ».

 

[15]           Dans son affidavit, l’agente a déclaré aussi qu’elle avait lu à haute voix les courriels envoyés par l’ambassade canadienne à la demanderesse et à son conseil. Elle a ajouté :

[traduction]

3. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles j’ai refusé de remettre le « rapport » à M. Howorun, je signale que je n’ai jamais dit à la demanderesse et à son conseil qu’il y avait un rapport. Ni la demanderesse, ni son conseil ne m’ont demandé une copie du courriel. Après leur avoir expliqué pourquoi le rapport de police et le certificat de mariage étaient faux, ils ont produit d’autres documents. Il n’y a rien dans mes notes qui indique qu’ils ont demandé à voir le courriel. J’ai l’habitude d’indiquer les demandes de ce genre dans mes notes.

 

[16]           M. Howorun a profité de l’occasion pour présenter des observations écrites portant notamment sur le « Daily Paper ».

 

[17]           Il a mentionné le nom de l’auteur de l’article du « Daily Paper » et celui du rédacteur en chef du journal, Mukasa Mack. Il a remis à l’agente plusieurs courriels échangés entre lui et M. Mack, dont l’adresse électronique se trouvait à yahoo.com.

 

[18]           Les courriels et les documents qui y étaient joints révèlent ce qui suit :

a.                                                                                           la personne présentée comme l’épouse de M. Harrison dans l’article du « Daily Paper » du 9 avril 2010 qui a quitté l’Ouganda par la suite est bien la demanderesse. Le rédacteur en chef dit que cette information a été confirmée par l’auteur de l’article, qui l’avait obtenue d’un poste de police local, puis par un membre de la famille. M. Howorun a transmis à l’agente le courriel qui confirmait ce que la demanderesse avait dit à la SPR en 2002 (dossier du tribunal (DT), page 103);

b.                                                                                          un autre courriel daté du 16 août 2010 confirme que M. Harrison a payé une dot pour la demanderesse (DR, page 105);

c.                                                                                           un autre courriel daté du 16 août 2010, auquel étaient joints un rapport d’examen médical et une lettre de consentement au mariage et de confirmation de la cérémonie du mariage, renferme une liste des noms des personnes qui ont assisté à la cérémonie à laquelle la demanderesse n’était pas présente car elle a eu lieu le 15 mai 2003 alors que la demanderesse se trouvait au Canada. Le courriel du rédacteur en chef explique que la police a découvert dans le dossier de la demanderesse [traduction] « uniquement le rapport médical qu’elle était censée utiliser si le dossier de la police avait été déposé » (DT, page 109).

 

[19]           Dans ses observations, M. Howorun ajoutait que les courriels révélaient également que M. Harrison faisait maintenant partie de l’escouade Kibooka, [traduction] « qui donne apparemment un coup de main au service de police nationale officiel lorsqu’il y a des émeutes ».

 

III.       Les questions en litige

[20]           L’avocat de la demanderesse soulève une seule question. L’agente a manqué aux principes de justice naturelle ou d’équité procédurale, d’abord en ne donnant pas l’avis exigé par l’alinéa 168a) du RIPR, qui prévoit qu’un avis de l’audience portant sur la crédibilité doit être envoyé au demandeur et doit mentionner « les questions de fait qui y seront soulevées ». L’avocat de la demanderesse soutient en outre que l’agente a manqué aux principes de justice naturelle en effectuant une recherche dans Internet afin de savoir si le « Daily Paper » était effectivement un journal publié en Ouganda et en tirant des conclusions au sujet de la nature du compte de courrier électronique du rédacteur en chef. Ces conclusions sont les suivantes :

[traduction] Le « Daily Paper » ne figurait pas dans la liste des 15 journaux. Compte tenu du grand nombre de faux documents pouvant être obtenus en Ouganda, il ne serait pas surprenant que cet article ait été publié afin d’aider la demanderesse. De plus, les courriels produits proviennent d’un compte yahoo.com, de sorte qu’on ne peut pas savoir de quel pays ils ont été envoyés. Compte tenu de la nature de « yahoo », le compte peut avoir été créé par n’importe qui. Son origine est donc incertaine. J’estime que l’information contenue dans les courriels a une valeur limitée et je lui accorde peu de poids en ce qui concerne les risques allégués par la demanderesse ou à titre de preuve visant à réfuter les faux documents produits. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[21]           À l’audience devant la Cour, l’avocat du défendeur a reconnu que l’agente n’avait pas respecté l’alinéa 168a) du RIPR, mais il a fait valoir que ce manquement avait été corrigé lorsque l’agente avait donné à la demanderesse la possibilité de répondre à ses préoccupations. Il a aussi fait valoir que le manquement était sans importance étant donné que M. Howorun n’avait pas contesté, dans ses observations, la conclusion selon laquelle les deux documents étaient faux (voir le DA, page 80). M. Howorun avait écrit : [traduction] « Même si l’on a démontré que les documents étaient faux, Mme Kinobe continue d’affirmer que les renseignements contenus dans le rapport de police sont vrais. »

 

[22]           L’avocat de la demanderesse soutient que l’agente a aussi manqué à l’équité procédurale lorsqu’elle a examiné la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. À la page 324 du dossier du tribunal, il y a une lettre intitulée [traduction] « Retrait de l’engagement de parrainage ». Cette lettre a été reçue le 5 juin 2008. Elle est signée par l’expéditeur et indique que lui et Doreen Kinobe sont séparés et que la demanderesse, son ex‑épouse, [traduction] « l’a épousé seulement pour obtenir la résidence permanente, comme je l’ai découvert plus tard ».

 

[23]           L’avocat du défendeur reconnaît que la [traduction] « lettre venimeuse » n’a jamais été divulguée à la demanderesse et tente de distinguer le cas de la demanderesse en rappelant que l’agente a déclaré dans son affidavit qu’elle ne s’était jamais appuyée sur cette lettre pour rendre sa décision concernant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Je constate que l’agente a indiqué, dans le dossier relatif à cette demande, que la demanderesse avait d’abord présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (qui n’était pas parrainée) et sur l’existence de risques le 13 octobre 2005, qui, selon elle, était la demande en suspens qu’elle devait examiner, et que la demanderesse avait présenté une demande parrainée le 23 mars 2007, laquelle a été rejetée le 24 septembre 2008, après le retrait de l’engagement de parrainage.

 

[24]           Le dossier du tribunal montre également, à la page 155, que la demanderesse a présenté une autre demande de résidence permanente au Canada fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, mais non parrainée, le 7 octobre 2008.

 

IV.       Analyse

            La norme de contrôle

[25]           La norme de contrôle dépend des questions sur lesquelles la Cour doit se prononcer. Il est bien établi en droit que la question relative à un manquement à l’équité procédurale n’exige pas une analyse de la norme de contrôle. La Cour examine simplement le dossier afin de déterminer s’il y a eu manquement et quelle réparation elle devrait accorder, s’il y a lieu.

 

V.        Conclusion

[26]           Pour les motifs qui précèdent, les deux demandes de contrôle judiciaire doivent être accueillies et les décisions relatives à l’ERAR et à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire rendues par l’agente doivent être annulées. Comme je l’ai déjà mentionné, la décision relative à cette dernière demande repose essentiellement sur les risques liés au retour de la demanderesse en Ouganda.

 

[27]           Il n’est pas contesté que l’agente a procédé à une enquête dans le but de déterminer la qualité de la preuve produite par la demanderesse et par son conseil après l’audience portant sur la crédibilité. Se fondant sur ses recherches, elle a conclu que le « Daily Paper » n’existait pas et que les courriels échangés entre M. Mack et le conseil de la demanderesse et l’information qu’ils contenaient avaient peu ou pas du tout de valeur parce M. Mack utilisait une adresse électronique de yahoo.com. L’agente n’a pas communiqué à la demanderesse et à son conseil la preuve qu’elle avait découverte. Elle ne leur a pas demandé non plus de faire des commentaires sur cette preuve.

 

[28]           Si j’interprète bien la décision de l’agente, les conclusions qu’elle a tirées à la suite de l’enquête qu’elle a entreprise de son propre chef ont grandement influé sur sa décision selon laquelle la demanderesse ne courrait pas de risque si elle était renvoyée en Ouganda parce que la preuve produite après l’audience était frauduleuse. Elle a écrit ce qui suit dans sa décision :

[traduction] Il incombe aux personnes qui, comme la demanderesse, s’appuie sur des documents émanant de l’Ouganda d’en démontrer l’authenticité. La demanderesse n’a pas été en mesure de le faire et j’ai obtenu des éléments de preuve qui me permettent de conclure qu’une grande partie des documents produits par la demanderesse ne sont pas authentiques et sont en fait des faux. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[29]           Il ne fait aucun doute que l’agente a manqué aux principes de justice naturelle en menant son enquête. Il me suffit de rappeler les arrêts Magnasonic Canada Limited c. Canada (Tribunal antidumping), [1972] C.F. 1239, et Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Handyside (1994), 170 N.R. 353, où la Cour d’appel fédérale a affirmé que l’équité procédurale exige que les parties aient la possibilité de formuler des commentaires sur les éléments de preuve pertinents et très importants.

 

[30]           L’agente a peut‑être eu raison de conclure que les éléments de preuve produits après l’audience n’avaient aucune valeur et étaient peut‑être frauduleux, mais là n’est pas la question. Ce qui est important, c’est que la demanderesse et son conseil n’ont pas eu la possibilité de faire des commentaires sur la preuve que l’agente a elle‑même obtenue et sur laquelle elle s’est appuyée pour rendre sa décision.

 

[31]           L’avocat du défendeur soutenait que l’affaire ne devait pas être renvoyée en raison de l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Mobil Oil Canada Ltd. c. Office CanadaTerre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202. À mon avis, le renvoi de l’affaire pour réexamen n’est pas futile. La demanderesse doit avoir la possibilité de démontrer l’authenticité de la preuve produite après l’audience.

 

[32]           Dans les circonstances, la question que la demanderesse propose de faire certifier n’est pas pertinente. Copie des présents motifs sera versée dans les deux dossiers.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire concernant IMM‑6403‑10 et IMM‑6404‑10 sont accueillies; la décision rendue dans chaque dossier est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  IMM-6403-10 et IMM-6404-10

 

INTITULÉ :                                                   DOREEN KINOBE c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 10 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 8 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Micheal T. Crane

 

POUR LA DEMANDERESSE

John Loncar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Micheal T. Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.