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Date : 20110708

Dossier : IMM-6137-10

Référence : 2011 CF 850

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2011

En présence de Monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

TIRU ANIMUT KINDIE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse sollicite l’annulation d’une décision datée du 24 août 2010 par laquelle un agent des visas de l’ambassade du Canada à Nairobi, au Kenya, a refusé sa demande de permis de travail. La demande a été refusée parce que l’agent des visas n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à l’expiration de la période de séjour autorisée en raison de sa situation sociale et économique dans son pays de résidence.

 

[2]               Les principes régissant le contrôle judiciaire des décisions rendues par les agents des visas au sujet des permis de travail sont bien établis. En premier lieu, le pouvoir discrétionnaire de l’agent est assujetti au paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (LIPR), et à l’article 179 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (DORS/2002-227) (le Règlement), qui prévoient ensemble que l’agent délivre un permis s’il est établi que l’étranger quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée par le visa.

 

[3]               En deuxième lieu, les décisions sont très discrétionnaires et les conclusions de fait appellent une certaine retenue; voir Boughus c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 210. 

 

[4]               En troisième lieu, il incombe à l’étranger qui cherche à entrer au Canada de réfuter la présomption selon laquelle il est immigrant; Danioko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 479.

 

[5]               En quatrième lieu, le degré d’équité procédurale exigé dans le contexte d’une demande de permis de travail à l’étranger est minimal; Arias Bravo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 411.

 

[6]               En cinquième lieu, compte tenu du devoir d’équité minimal, il n’est pas obligatoire de fournir des motifs détaillés; cependant, les notes de l’agent font partie des motifs de la décision; décision Bravo, susmentionnée.

 

[7]               En sixième lieu, le simple fait que l’agent mentionne dans ses motifs les facteurs qu’il juge déterminants ne signifie pas que les autres éléments de preuve ont été ignorés; Boughus, au paragraphe 56. L’importance à attribuer à chaque facteur relève du pouvoir discrétionnaire de l’agent; Baylon c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 743.

 

[8]               Enfin, le défendeur ne peut, au moyen d’un affidavit supplémentaire, combler les lacunes du dossier ou du raisonnement en mentionnant d’autres facteurs ou éléments à prendre en compte. Des affidavits peuvent être nécessaires lorsque des allégations d’iniquité sont formulées; cependant, en général, le défendeur ne peut renforcer le dossier au moyen d’une analyse a posteriori.

 

[9]               Le 24 août 2010, le Haut-Commissariat du Canada à Nairobi, au Kenya, a rendu une décision dans laquelle il a refusé la demande de permis de travail de la demanderesse. Mme Kindie s’était vu offrir un poste d’une durée de huit mois comme cuisinière au restaurant de son demi‑frère situé à Hamilton et sa demande était appuyée d’un avis relatif au marché du travail émanant de Service Canada.

 

[10]           L’agent des visas a refusé la demande sans mener d’entrevue, parce qu’il n’était pas convaincu que la demanderesse quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée en raison de la situation sociale et économique prévalant dans son pays de résidence. Les notes consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI) renferment les explications suivantes au sujet des motifs de l’agent :

[traduction]

En ce qui concerne la DP, sa situation économique personnelle semble faible. L’emploi est prévu pour une période de huit mois. Eu égard à l’histoire de la famille au Canada, des doutes existent au sujet de la bonne foi (la mère a récemment formulé une demande d’asile). Non convaincu que la demanderesse a des liens économiques solides assurant son retour et qu’elle quitterait le Canada après son admission. Demande refusée.

 

 

[11]           L’histoire de la famille que l’agent des visas a mentionnée concernait l’arrivée de la mère de la demanderesse au Canada au moyen d’un visa de séjour afin de rendre visite au demi‑frère de celle-ci. À son arrivée, la mère de la demanderesse a demandé l’asile.

 

[12]           Même si je conviens avec M. VanderVennen que l’analyse des liens économiques et sociaux rattachant la demanderesse à l’Éthiopie est faible, la préoccupation exprimée est appuyée jusqu’à un certain point, l’agent ayant constaté que la demanderesse n’avait que quatre années d’expérience de travail et qu’un diplôme d’études secondaires. L’agent des visas a souligné la différence de salaire entre le poste que la demanderesse occuperait en Éthiopie et le salaire qu’elle toucherait au Canada. Cette différence ne constituait pas en soi une raison suffisante pour rejeter la demande de visa.

 

[13]           Il doit y avoir une raison objective pour mettre en doute la motivation de la demanderesse. L’application du facteur qui inciterait une personne à venir au Canada en premier lieu comme raison de refuser l’accès au pays va à l’encontre de l’objet du régime législatif et réglementaire autorisant l’octroi de visas de travail temporaires. Le régime lui-même est fondé sur l’hypothèse selon laquelle les personnes veulent venir au Canada pour travailler afin d’améliorer leur situation économique. C’est pour cette raison que la Cour fédérale a constamment décidé que les raisons économiques incitant une personne à prolonger son séjour ne suffisent pas en soi à justifier un refus; Cao c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 941, décision du juge Martineau; Khatoon c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 276, décision de la juge Temblay-Lamer; Dhanoa c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 729, décision du juge Harrington, et Rengasamy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1229, décision du juge O’Reilly.

 

[14]           Cependant, l’agent des visas avait en main des éléments de preuve objectifs qui justifiaient ses préoccupations au sujet de la bonne foi de la demande et de l’engagement de la demanderesse à retourner en Éthiopie à l’expiration du visa. La mère de la demanderesse avait obtenu un visa de séjour du même Haut-Commissariat du Canada à Nairobi et a demandé l’asile à son arrivée. Elle reste actuellement à Hamilton, en Ontario, où la demanderesse a l’intention de travailler. Ce deuxième élément appuie en soi le caractère raisonnable de la conclusion de l’agent selon laquelle il n’avait pas été établi que la demanderesse retournerait dans son pays d’origine. Les agents doivent examiner les demandes dans leur contexte général et il serait déraisonnable d’obliger l’agent des visas à fermer les yeux devant les circonstances de l’espèce, y compris la récente conduite des membres de la famille de la demanderesse.

 

[15]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[16]           Il n’y a aucune question à faire certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’a été soumise à des fins de certification et l’affaire n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-6137-10

 

INTITULÉ :                                                  TIRU ANIMUT KINDIE c.

                                                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          Le 23 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                         LE JUGE RENNIE

 

DATE DU JUGEMENT :                            Le 8 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul VanderVennen

POUR LA DEMANDERESSE

 

Kareena Wilding

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VanderVennen Lehrer
Avocats
Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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