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Date : 20110707

Dossier : IMM-5584-10

Référence : 2011 CF 843

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

JAIME ANTONIO CHICAS SANCHEZ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur prie la Cour de rendre une ordonnance annulant la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) le 7 septembre 2010, selon laquelle il n’a ni qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27 (la LIPR). La Commission n’a tiré aucune conclusion défavorable au sujet de la crédibilité. Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[2]               Le demandeur, un citoyen du Salvador, est un avocat spécialisé en droit civil et un juge de paix à San Miguel, au Salvador, une ville de 100 000 habitants environ. À titre de juge de paix, il s’occupait, selon ce qu’il a dit, des [traduction] « étapes préliminaires » des procédures pénales et, à titre d’avocat spécialisé en droit civil, de différends mineurs. Il craint les MS‑13, aussi connus sous le nom de Mara Salvatrucha (les Maras), une organisation criminelle impliquée dans différentes activités, notamment l’extorsion.

 

[3]               Le demandeur prétend que les Maras lui ont extorqué un paiement de protection. En 2008, il a présidé, en qualité de juge de paix, des enquêtes préliminaires sur le cautionnement concernant des Maras accusés de voies de fait et de vol qualifié. Il prétend aussi avoir reçu en 2009, plus d’un an plus tard, une note l’informant qu’il devait payer la somme exigée, à défaut de quoi il serait tué. Le demandeur a porté plainte au procureur général. Il croyait que la police et les autorités ne pouvaient rien faire pour le protéger et, moins de deux semaines après avoir porté plainte, il a mis fin à sa pratique juridique et s’est enfui au Canada en passant par les États‑Unis. Le demandeur affirme que, comme il était le seul à avoir un visa d’entrée aux États‑Unis, sa femme et ses deux filles sont restées au Salvador. Il soutient que, depuis son départ, les Maras ont surveillé la maison où sa femme et ses enfants habitent toujours au Salvador. Le demandeur a présenté une demande d’asile le 31 mars 2009. Cette demande a été rejetée le 7 septembre 2010.

 

[4]               L’élément déterminant pour la Commission au regard de l’article 96 était l’absence de lien entre la crainte de persécution du demandeur et un motif prévu par la Convention et, au regard de l’article 97, l’absence d’un risque particulier. La Commission a conclu subsidiairement que le demandeur pouvait obtenir une protection de l’État adéquate au Salvador.

 

[5]               La Commission a écrit :

[4]        J’estime que le demandeur d’asile n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger. Je suis d’avis que le demandeur d’asile n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention parce qu’il n’existe aucun lien entre sa crainte de persécution et l’un des cinq motifs prévus dans la Convention aux termes de l’article 96 de la LIPR. En outre, j’estime que le demandeur d’asile n’a pas qualité de personne à protéger parce qu’il est personnellement exposé à un risque de préjudice auquel l’ensemble de la population du Salvador est généralement exposé.

 

[5]        À titre subsidiaire, si j’ai erré en ce qui concerne l’analyse que j’ai effectuée relativement au risque auquel la personne serait personnellement exposée par rapport au risque généralisé, selon la prépondérance des probabilités, j’estime que le demandeur d’asile ne serait pas exposé à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d’être soumis à la torture par le MS‑13 (Maras), s’il retournait au Salvador, parce l’État pourrait raisonnablement lui assurer une protection adéquate.

 

 

[6]               L’avocat du demandeur affirme que la Cour doit statuer sur les questions suivantes :

1)          La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve documentaire relative au Salvador ou en ne l’appréciant pas correctement, en particulier en évaluant à la fois le risque généralisé et la protection de l’État à la lumière de documents qui n’étaient pas à jour concernant la situation de 2004 à 2006, et en ne tenant pas compte de documents plus récents?

 

2)          La Commission a-t-elle commis une erreur dans son analyse du risque généralisé et de la protection de l’État au Salvador?

 

3)          La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la question du groupe social et du lien avec l’article 96?

 

 

Question 1 :    La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la question du groupe social et du lien avec l’article 96?

 

[7]               La Commission a écrit :

[6]        La question déterminante en ce qui concerne la présente analyse de l’article 96 est celle de savoir s’il existe un lien entre la crainte de persécution du demandeur d’asile par le gang des Maras au Salvador et l’un des motifs prévus dans la Convention aux termes de l’article 96 de la LIPR, soit la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social. J’estime qu’il n’existe aucun lien.

 

[…]

 

[8]        Le demandeur d’asile a été questionné au sujet des ordonnances de détention qu’il a formulées contre des membres du gang des Maras qui ont comparu devant lui concernant des accusations criminelles lorsqu’il présidait des enquêtes sur le cautionnement à titre de juge de paix suppléant. Au début, le demandeur d’asile a affirmé qu’il ne savait pas si les problèmes qu’il avait eus avec le MS-13 le 2 mars 2009 avaient un lien avec le fait qu’il avait formulé des ordonnances de détention contre des membres du gang des Maras en 2008. Lorsque le demandeur d’asile a répondu aux questions de son conseil, il a avancé que les événements du 2 mars 2009 (c’est à dire lorsqu’il a reçu une note de menace du MS-13) étaient peut-être liés au fait qu’il avait formulé des ordonnances de détention contre des membres du gang des Maras en 2008, parce que le fait d’avoir déféré leurs dossiers à un tribunal d’instance supérieure avait peut-être donné lieu à un procès et à une déclaration de culpabilité contre des membres du gang au regard des accusations criminelles formulées contre eux.

 

[9]        Après avoir examiné tous les éléments de preuve, j’estime, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur d’asile a été victime d’un acte criminel ou d’une vengeance personnelle par le MS‑13. Rien n’indique que les gestes des membres du MS-13, lorsqu’ils ont laissé une note de menace au cabinet d’avocat du demandeur d’asile le 2 mars 2009, ont été motivés par l’un des motifs prévus dans la Convention, soit la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un groupe social. J’estime que les menaces que les membres du MS-13 ont formulées à l’intention du demandeur d’asile lorsqu’ils ont laissé une note dans son cabinet d’avocat, n’ont été formulées qu’à des fins criminelles, c'est-à-dire afin d’amasser des fonds pour financer leur entreprise et organisation criminelles, et non pour une raison qui pourrait en quelque sorte avoir un lien avec l’un des motifs prévus dans la Convention.  

 

 

[8]               La conclusion selon laquelle il n’existe aucun lien entre la crainte de persécution du demandeur et un motif prévu par la Convention est raisonnable et est étayée par une preuve abondante. Comme l’avocate du défendeur le fait remarquer, la preuve n’indiquait pas que le demandeur était un avocat dont le travail consistait à s’opposer à des gangs, ni un activiste antigang dans sa vie personnelle, de sorte qu’il aurait été plus susceptible d’être la cible de gangs.

 

[9]               Le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur indique qu’il avait une pratique générale, en matière civile et en matière pénale. Le demandeur a dit que son travail en matière civile consistait à agir comme conciliateur pour régler des différends civils. Rien n’indiquait qu’il s’était opposé aux activités des Maras dans le cadre de cette pratique.

 

[10]           Le demandeur n’a pas dit que, dans l’exercice normal de ses fonctions à titre de juge de paix, il s’était opposé aux activités des Maras salvadoriens. En tant que juge de paix, le demandeur s’occupait des aspects préliminaires d’affaires pénales. Il avait présidé des enquêtes sur le cautionnement de membres des MS‑13 à deux occasions.

 

[11]           La lettre de menace qu’il a reçue était muette au sujet de son travail de juge de paix et ne faisait pas état de sa profession. De plus, la preuve ne démontre pas que les menaces qu’il a reçues l’ont nécessairement empêché de maintenir sa pratique privée en matière civile et en matière pénale. Comme la Cour d’appel fédérale l’a indiqué dans Sanchez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 99, au paragraphe 20 :

[…] les personnes qui prétendent devoir être protégées simplement en raison de la nature de leur occupation ou de l’entreprise qu’elles exploitent dans leur pays d’origine ne se verront généralement pas reconnaître le statut de personne à protéger à moins de pouvoir établir qu’elles ne peuvent, dans leur pays d’origine, trouver aucune autre occupation ou entreprise leur permettant de se soustraire aux risques auxquels elles sont exposées.

 

 

[12]           En l’espèce, la preuve n’indique pas que le demandeur a reçu des menaces en raison de ses activités professionnelles. En somme, la Commission a examiné la question du lien de la manière appropriée sur le plan juridique et sa conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas établi l’existence d’un lien entre sa crainte de persécution et un groupe social au sens de la Convention était raisonnable.

 

Question 2 :    La Commission a-t-elle commis une erreur dans son analyse du risque généralisé et de la protection de l’État au Salvador?

 

[13]           La Commission a écrit :

[14]      Le demandeur d’asile a indiqué que d’autres collègues avocats ont également été touchés par les Maras. Il a déclaré avoir discuté avec plusieurs de ses collègues au sujet des problèmes qu’ils vivaient et causés par les Maras. Il a affirmé que certains de ses collègues avaient retiré l’enseigne figurant au-dessus de leur cabinet afin d’éviter d’être agressés par les Maras. Le demandeur d’asile a mentionné que le fait de retirer leur enseigne donnait l’impression aux Maras qu’ils avaient fermé leur cabinet ou qu’ils étaient partis. Il a ajouté que certains de ses amis avocats avaient décidé de payer la somme exigée par les Maras et qu’il s’agit de la raison pour laquelle ils n’avaient subi aucun préjudice. Il a affirmé qu’un de ses collègues avocats avait reçu des menaces de la part des Maras et qu’il avait par conséquent dû quitter le pays. Le demandeur d’asile a déclaré qu’il ne pouvait éviter les Maras en déménageant dans une autre région du pays parce que le gang était présent dans l’ensemble du pays et avait établi un réseau grâce auquel les membres du gang communiquaient entre eux. Le demandeur d’asile a mentionné que son partenaire au sein du cabinet d’avocat avait également été touché par les Maras et avait dû déménager le cabinet dans une autre partie de la ville de San Miguel.

 

[15]      Le demandeur d’asile a été questionné par son conseil et a été prié d’expliquer ce qu’il voulait dire dans son FRP lorsqu’il avait indiqué qu’[traduction] « il régnait un climat de peur à San Miguel en ce qui a trait aux Maras ». Le demandeur d’asile a expliqué qu’il y avait de l’extorsion et des décès découlant du refus de se conformer aux exigences du gang en matière d’extorsion – il s’agissait de la conséquence directe –, et que les Maras étaient présents partout au pays. Il a affirmé que les commerces, les bureaux, les services de transport et tous les secteurs productifs de l’économie étaient touchés par le gang des Maras. Il a ajouté que, en raison de l’ampleur des sommes extorquées par les Maras, toutes les personnes doivent verser une certaine somme, à défaut de quoi elles se font tuer et font alors les manchettes. J’estime que le demandeur d’asile indique pour l’essentiel, de son propre aveu, que les problèmes liés aux Maras ne se limitent pas à un groupe ou à un profil de personnes en particulier de la société salvadorienne, mais touchent plutôt l’ensemble de la population du Salvador, y compris tous les secteurs productifs de l’économie du Salvador. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[14]           La Commission a constaté qu’elle ne disposait d’aucune preuve démontrant que le demandeur était ciblé précisément parce qu’il était un avocat ou un juge de paix. Il ressort tout au plus du témoignage du demandeur qu’il faisait peut‑être l’objet d’extorsion parce qu’il s’était occupé de deux affaires concernant des membres des gangs des Maras. Comme la Commission l’a souligné, le lien est mince et ne repose que sur des suppositions. Le demandeur a reçu la note concernant l’extorsion un an après s’être occupé de ces affaires; cette note ne faisait aucune mention de son travail et n’établissait aucun lien avec lui. En outre, aucune preuve extrinsèque n’établissait un lien entre l’extorsion et les deux affaires. En conséquence, il serait conjectural d’établir les liens demandés, ce que la Commission a refusé de faire.

 

[15]           En conclusion, la Commission a utilisé le cadre juridique approprié pour examiner la question du risque personnalisé et ses conclusions sur cette question sont fondées sur la preuve et sont raisonnables.

 

Question 3 :    La Commission a-t-elle commis une erreur en n’appréciant pas correctement la preuve documentaire relative au Salvador, en particulier en évaluant la protection de l’État à la lumière de documents qui n’étaient pas à jour?

 

[16]           Le demandeur conteste la conclusion de la Commission selon laquelle il existe une protection de l’État adéquate au Salvador. La Commission a analysé longuement la question, mais les extraits qui suivent résument bien ses conclusions :

[21]      J’estime que la protection de l’État est adéquate au Salvador et que le demandeur d’asile n’a pas fait d’efforts diligents ni n’a pris toutes les mesures raisonnables en l’espèce pour épuiser tous les recours en vue d’obtenir la protection de l’État. En outre, j’estime que le demandeur d’asile n’a pas réfuté la présomption de protection de l’État à l’aide d’une preuve claire et convaincante.

 

[…]

 

[36]      En l’espèce, le demandeur d’asile a indiqué que, après avoir reçu une note de menace du gang MS-13 à son cabinet d’avocat le 2 mars 2009, il a rencontré son partenaire d’affaires et a rédigé une plainte avec lui. Le demandeur d’asile a mentionné que son partenaire et lui se sont rendus au Bureau du procureur général où ils ont porté plainte. Le demandeur d’asile a affirmé que, lorsqu’il s’est adressé aux responsables des plaintes au Bureau du procureur général, il leur a demandé s’ils étaient en mesure d’assurer sa protection contre les Maras. Le demandeur d’asile a déclaré que les responsables lui ont répondu que le problème des Maras touchait l’ensemble du pays et qu’ils ne pouvaient donc pas assurer sa protection. Le demandeur d’asile a toutefois indiqué qu’ils avaient accepté d’enquêter à ce sujet. Aucun élément de preuve convaincant ne laisse croire que le Bureau du procureur général n’a pris aucune mesure pour enquêter sur les demandes d’extorsion et les menaces de mort formulées par les membres du MS-13 à l’égard du demandeur d’asile. Au contraire, la preuve présentée en l’espèce laisse entendre que les autorités ont assuré le suivi de la plainte du demandeur d’asile et ont entamé une enquête à ce sujet. Le demandeur d’asile a déclaré que, après avoir porté plainte au Bureau du procureur général, il a discuté avec son partenaire, qui lui a dit que le Bureau du procureur général avait envoyé un avis au demandeur d’asile indiquant que ce dernier devait emmener, au Bureau du procureur général, la personne qui avait été témoin de la note de menace laissée au cabinet d’avocat à l’intention du demandeur d’asile, afin qu’elle témoigne à ce sujet. Aucun élément de preuve convaincant n’indique que le demandeur d’asile a satisfait à cette demande concernant le principal témoin de la note. En outre, rien n’indique que le demandeur d’asile est retourné au Bureau du procureur général pour assurer le suivi de sa plainte et savoir si sa plainte concernant les menaces du gang MS‑13 avait évolué. Au lieu d’assurer le suivi de sa plainte ou de satisfaire à la demande du Bureau du procureur général concernant le principal témoin, le demandeur d’asile a plutôt fermé son cabinet, transféré tous ses dossiers à son partenaire et immédiatement pris des mesures pour quitter le Salvador. J’estime que le demandeur d’asile a non seulement omis d’agir avec diligence en assurant le suivi de sa plainte et en satisfaisant aux exigences du Bureau du procureur général, mais a également omis de laisser au Bureau du procureur général suffisamment de temps pour enquêter de manière appropriée sur sa plainte contre le gang MS-13. Le demandeur d’asile a reçu la note de menace le 2 mars 2009. Selon son FRP, il est retourné à son cabinet d’avocat afin de le fermer les 9, 10 et 14 mars 2009. Toujours selon le FRP, le demandeur d’asile s’est procuré un billet d’avion le 10 mars 2009 et a quitté le Salvador le 16 mars 2009, soit environ deux semaines après avoir reçu la note de menace du MS‑13. J’estime qu’il ne serait pas raisonnable de s’attendre à ce que dans toutes les sociétés, l’ensemble des menaces signalées aux autorités donne immédiatement lieu à des poursuites ou à des déclarations de culpabilité. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[17]           Il ne fait aucun doute qu’il existe un véritable désaccord quant à la viabilité de la protection de l’État au Salvador. La Commission s’est appuyée sur des éléments de preuve datant de 2004 à 2006 pour conclure que la protection de l’État pouvait se présumer au Salvador. Or, il y avait dans le dossier des éléments de preuve de 2009 et 2010 qui permettaient de tirer une conclusion différente quant à la capacité du Salvador d’offrir une protection de l’État adéquate.

 

[18]           Il ressort clairement de la jurisprudence que, s’il n’est pas nécessaire qu’elle fasse référence à tous les éléments de preuve dont elle dispose, la Commission a l’obligation de mentionner les éléments de preuve substantielle pertinents qui étayent une conclusion différente : Cepeda‑Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 8667 (CF). 

 

[19]           Le demandeur se bute cependant à un autre obstacle : la Commission a conclu qu’il n’avait rien fait pour solliciter la protection de l’État. Selon la Commission, la décision du demandeur de quitter le Salvador était précipitée car il a quitté le pays 14 jours seulement après avoir reçu l’unique note de menace. Il est vrai qu’un demandeur ne doit pas mettre sa vie en danger en sollicitant la protection de l’État : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, au paragraphe 48, mais le dossier en l’espèce ne permet pas de conclure qu’il était futile de solliciter la protection de l’État ou que le demandeur se serait mis davantage en danger en le faisant. Le demandeur a porté plainte au bureau du procureur général, mais il n’a pas donné suite à la demande de ce bureau qui voulait que la personne ayant reçu la note fasse une déposition. La décision du demandeur de quitter le Salvador avant que les autorités aient eu la possibilité de prendre des mesures par suite de sa plainte ne peut mettre en échec la présomption de protection de l’État.

 

[20]           En somme, la conclusion de la Commission est, en ce qui a trait à la protection de l’État, une question mixte de fait et de droit qui doit être appréciée à l’aide de la norme de la raisonnabilité. Bien qu’ils fassent un portrait plus sombre de la capacité du gouvernement salvadorien d’offrir une protection, les éléments de preuve les plus récents ne vont pas à l’encontre de la conclusion et ne la rendent pas déraisonnable d’une autre façon. À mon avis, la décision appartient aux issues acceptables compte tenu de l’ensemble du dossier dont disposait la Commission.

 

[21]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[22]           Aucune question n’a été proposée à des fins de certification et aucune n’est soulevée.


 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’a été proposée à des fins de certification et aucune n’est soulevée.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-5584-10

 

INTITULÉ :                                                   JAIME ANTONIO CHICAS SANCHEZ c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 11 mai 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 7 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Tim Wichert

POUR LE DEMANDEUR

 

Sybil Thompson

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jackman et associés
Avocats
Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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