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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20110711

Dossier : IMM-5818-10

Référence : 2011 CF 863

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2011

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

HARJIT SINGH GILL

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET
DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [la LIPR] en vue de soumettre à un contrôle judiciaire une décision datée du 27 septembre 2010 par laquelle un agent d’immigration, L.M. Nunez (l’agent), a décidé de ne pas accorder au demandeur une dispense pour solliciter depuis le  Canada le statut de résident permanent pour motifs d’ordre humanitaire.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande est accueillie.

 

I.                    Le contexte

 

A.                 Les faits

 

[3]               Le demandeur, Harjit Singh Gill, est âgé de 51 ans et est citoyen de l’Inde. Il est arrivé au Canada en 1996 et a demandé l’asile. Sa demande a été rejetée le 18 décembre 1997. La demande qu’il a présentée par la suite en vue d’obtenir l’autorisation de soumettre cette décision à un contrôle judiciaire a elle aussi été rejetée.

 

[4]               Même si le demandeur était sous le coup d’une mesure de renvoi, il est resté au Canada et a présenté une demande de résidence permanente, qui a été refusée en janvier 2000. Il a présenté, toujours depuis le Canada, une autre demande de résidence permanente pour motifs d’ordre humanitaire (demande CH). Cette demande-là a elle aussi été infructueuse, et a été rejetée le 29 juin 2004.

 

[5]               Après le refus de la première demande CH, le demandeur en a présenté une seconde depuis le Canada, le 29 septembre 2004. Ses observations portaient principalement sur les preuves de son établissement au Canada, comme son rôle de président et principal actionnaire de Bollywood Basics Inc., un restaurant spécialisé dans la cuisine indienne, son emploi comme chef de cuisine, les fonds qu’il avait économisés et sa participation au sein de la communauté sikhe. La demande a été soumise pour traitement au bureau de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) de Hamilton.

 

[6]               Sans nouvelles depuis un certain temps du bureau de CIC de Hamilton, l’ancien avocat du demandeur est entré en contact avec ce bureau en 2008 et il a appris que le dossier du demandeur avait été archivé par erreur. Comme le demandeur avait entre-temps déménagé à Mississauga, il a fallu que son dossier soit transféré au bureau de CIC de cette ville, ce qui a été confirmé dans une lettre adressée au demandeur en date du 2 mai 2008.

 

[7]               Le 14 mai 2009, et de nouveau le 13 juillet suivant, l’avocat du demandeur a écrit au bureau de CIC de Mississauga pour demander que l’on accélère le traitement de la demande.

 

[8]               Par une lettre datée du 16 septembre 2010, le bureau de CIC de Mississauga a demandé qu’on lui envoie des informations mises à jour, à cause de la date des observations initiales. La lettre demandait au demandeur : [traduction] « Veuillez présenter tous les renseignements et les autres documents que vous voulez que nous examinions à ce stade. » (Souligné dans l’original.)

 

[9]               Le 16 septembre 2010, le demandeur a fourni des informations mises à jour au bureau de CIC. Dans ses observations, il a indiqué qu’il subvenait aux besoins financiers de son épouse et de ses deux enfants en Inde. Sans son revenu canadien, il ne pourrait plus envoyer ses enfants, âgés de 18 et de 20 ans, dans une école privée. Même s’il touchait un revenu locatif de terres qu’il possédait en Inde, ce revenu n’était pas suffisant pour subvenir aux besoins de sa famille, et les efforts qu’il avait faits plus tôt dans le domaine agricole avaient échoué. Par ailleurs, le demandeur a indiqué qu’il doutait de pouvoir trouver un emploi rémunérateur en Inde du fait de son âge, du temps depuis lequel il était absent de ce pays et du caractère redondant de ses compétences en tant que chef de cuisine indien en Inde. Il a également souligné son intégration au Canada par le bénévolat qu’il faisait. Il a produit une preuve documentaire, dont des états de compte montrant qu’il avait fait des économies durant son séjour au Canada, ainsi que des lettres de soutien de la part d’amis.

 

[10]           La demande du demandeur a été rejetée par une lettre datée du 27 septembre 2010.

 

B.                 La décision contestée

 

[11]           L’agent a résumé les observations du demandeur. Sous la rubrique [traduction] « Degré d’établissement », il a signalé que le demandeur avait huit années de scolarité, qu’il travaillait comme chef de cuisine, qu’il faisait du bénévolat auprès de son temple, qu’il payait ses impôts, qu’il avait des économies évaluées à plus de 70 000 $, plus 11 000 $ en fonds américains, et qu’il possédait une automobile.

 

[12]           Sous la rubrique [traduction] « Décision et justification », l’agent a décidé que même si le demandeur était présent au Canada depuis plus de quatorze ans, son degré d’établissement n’était pas inusité et ne justifiait donc pas un traitement favorable. Il a signalé aussi que la famille du demandeur se trouvait en Inde et que ses économies considérables l’aideraient à se réétablir dans ce pays et à continuer de subvenir aux besoins de sa famille jusqu’à ce qu’il soit capable de trouver un emploi convenable. Il a considéré que les compétences du demandeur comme chef de cuisine pouvaient être pratiques et que, par ailleurs, il était capable de gérer ses propres terres. Il a reconnu que le demandeur séjournait depuis longtemps au Canada, mais qu’il était sous le coup d’une mesure de renvoi depuis 1997 et qu’il avait décidé de rester au pays malgré diverses décisions défavorables. Ce facteur à lui seul ne justifiait pas que l’on rende une décision favorable.

 

[13]           L’agent a également pris en considération l’intérêt supérieur des enfants. Les économies amassées couvriraient le coût du reste de leurs études en Inde, et il n’a donc pas été convaincu que l’on ne répondrait pas à l’intérêt supérieur des enfants si le demandeur quittait le Canada pour présenter une demande de la manière habituelle.

 

[14]           L’agent a exprimé l’avis que les excellentes qualités que possédait le demandeur, selon ce que ses amis attestaient, aideraient celui-ci à se réétablir auprès des êtres qui lui étaient chers en Inde. En se fondant sur tous les renseignements, l’agent s’est dit non convaincu que le dossier du demandeur justifiait un traitement favorable car il n’était pas persuadé que ce dernier subirait des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

II.                 Les questions en litige

 

[15]           Le demandeur allègue que la décision de l’agent est déraisonnable, en ce sens que :

a)         l’agent a commis une erreur de droit en évaluant le degré d’établissement et d’intégration du demandeur au Canada;

b)         l’agent a commis une erreur de droit en évaluant les difficultés que subirait le demandeur s’il retournait en Inde;

c)         l’agent a rendu sa décision sans se fonder sur le dossier complet, ce qui est contraire aux principes de justice naturelle.

 

III.               La norme de contrôle applicable

 

[16]           La norme de contrôle qu’il faut appliquer aux conclusions de fait et à l’évaluation des éléments de preuve dans une décision CH est la raisonnabilité. Il convient de faire preuve de retenue judiciaire à l’égard de la décision quand cette dernière démontre sa justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, de même que son appartenance aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[17]           Le demandeur allègue aussi que la décision est déraisonnable en partie parce que les motifs sont insuffisants. Il s’agit là d’une question d’équité procédurale, que l’on contrôle habituellement selon la norme de la décision correcte (Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, 139 ACWS (3d) 164, au paragraphe 9). Cependant, il ressort de certaines décisions jurisprudentielle qu’étant donné que la fonction première des motifs est de garantir qu’une décision administrative est justifiée, transparente et intelligible, le caractère suffisant des motifs est en fait susceptible de contrôle par rapport à une norme qui ressemble davantage à la raisonnabilité (Nicolas c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 452, 367 FTR 223, au paragraphe 11). D’une façon ou d’une autre, le cadre analytique demeure le même.

 

IV.              Les arguments invoqués et l’analyse

 

A.                 L’agent a-t-il commis une erreur en évaluant le degré d’établissement et d’intégration du demandeur?

 

[18]           Le demandeur soutient que les motifs de l’agent qui concernent son degré d’établissement sont lacunaires parce que : 1) les motifs sont insuffisants pour étayer la conclusion selon laquelle le degré d’établissement du demandeur [traduction] « n’est pas inusité » et 2) l’agent n’a pas tenu compte des circonstances personnelles du demandeur et a donc tiré une conclusion sans égard aux éléments de preuve.

 

[19]           Le défendeur soutient que les motifs sont suffisants, en ce sens qu’ils sont clairs, précis et intelligibles et qu’ils montrent que l’agent a bien saisi les éléments que le demandeur avait soulevés. De plus, il a bel et bien tenu compte des circonstances personnelles du demandeur, et il en a fait état dans les motifs.

 

[20]           L’agent n’a pas contesté l’établissement du demandeur au Canada. Comme le soutient le défendeur, l’agent doit examiner s’il est justifié d’accorder une dispense de l’application de la LIPR en évaluant les difficultés que subirait le demandeur. L’établissement n’est qu’un des facteurs dont il faut tenir compte au moment d’évaluer les difficultés, et dans une demande CH l’établissement en soi n’est pas un facteur déterminant (Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1303, 372 FTR 1, au paragraphe 32).

 

[21]           En l’espèce, l’agent a trouvé naturel qu’une personne ait un certain degré d’établissement après un séjour de quatorze ans au pays. Il a conclu que le degré d’établissement du demandeur n’était pas inusité au point de justifier un traitement favorable. Le demandeur soutient que l’agent n’a pas expliqué convenablement pourquoi son degré d’établissement n’était pas inusité.

 

[22]           Je suis d’accord avec le défendeur. Les motifs de l’agent à propos de l’établissement et de l’intégration sont clairs et cohérents. Comme le prétend le défendeur, une décision CH favorable est une mesure exceptionnelle et, par ailleurs, de nature discrétionnaire. Même si le demandeur pouvait invoquer de solides arguments pour expliquer pourquoi il ferait un bon résident permanent, les demandes CH ne constituent pas une filière de rechange pour pouvoir immigrer au Canada, et une décision favorable n’est pas garantie juste parce que le demandeur estime qu’il peut cocher les cases requises.

 

[23]           Comme en font foi les motifs, l’agent était clairement au fait des observations du demandeur et il s’est servi des mesures d’établissement suggérées qui sont énumérées dans le guide de traitement (au nombre des facteurs appropriés figurent le fait de savoir si le demandeur a des antécédents d’emploi stable, s’il fait preuve d’une gestion financière saine et constante et s’il s’est intégré à la communauté). De l’avis du demandeur, l’agent ne fait que réitérer les faits et formule ensuite une conclusion sans explication ou analyse. Je ne suis pas d’accord. L’agent est bien sûr tenu de fournir des motifs suffisants qui permettent au demandeur de comprendre la raison du refus, mais il n’a pas à élaborer, point par point, un argument subsidiaire à l’appui de sa conclusion. Le défendeur cite, et j’y souscris, ce que le juge Roger Hugues a déclaré dans la décision Rachewiski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 244, 365 FTR 1, au paragraphe 17 :

[17]      Fréquemment, les motifs donnés par l’agent sont minutieusement détaillés à la Cour, les avocats s’efforçant d’expliquer les lacunes, les omissions et les erreurs. Il n’est pas obligatoire que les motifs soient de la qualité propre à la Cour suprême du Canada ou qu’ils détaillent chaque élément de preuve présenté et chaque argument avancé. Ils doivent justifier l’issue avec assez d’intelligibilité et de transparence pour que le lecteur puisse apprécier si la décision se situe, comme il se doit, dans les limites de la raisonnabilité.

 

[24]           Les motifs doivent être lus comme un tout. Peut-être bien que le demandeur s’est établi au Canada, mais l’agent n’a pas simplement déclaré que son degré d’établissement au Canada était insuffisant. Il a analysé ensuite de quelle façon les éléments de cet établissement – des économies considérables, l’acquisition de compétences professionnelles – permettaient d’atténuer les difficultés que subirait le demandeur s’il avait à se réétablir en Inde. Il a également signalé que le demandeur rejoindrait sa famille s’il retournait en Inde. Il subirait peut-être des difficultés après son renvoi, mais l’agent n’était pas convaincu que ces difficultés atteindraient le niveau des difficultés injustifiées ou excessives. Les motifs indiquent cela clairement et ils sont suffisants.

 

[25]           Le demandeur soutient que l’agent, en rendant sa décision, a omis de tenir compte de ses circonstances personnelles. Cependant, il ressort d’un examen de la décision que l’agent a énuméré les circonstances qui n’ont censément pas été prises en compte, telles que les huit ans de scolarité du demandeur, ce qui donne à penser qu’il les a bel et bien prises en considération.

 

[26]           Même si le degré d’établissement du demandeur peut être louable et si, à cause de son faible degré d’instruction, le succès qu’il a connu en tant que nouvel arrivant au Canada était plus improbable, l’agent a quand même le pouvoir discrétionnaire de décider de quelle façon évaluer ces facteurs. En l’espèce, il n’a pas conclu que les circonstances personnelles du demandeur causeraient un effet déraisonnable sur ce dernier s’il fallait qu’il demande le statut de résident permanent depuis l’étranger, et il a donc conclu que le demandeur ne subirait pas de difficultés injustifiées ou excessives (Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 413, 45 Imm LR (3d) 129, au paragraphe 11). Le demandeur n’a pas montré qu’il s’agissait là d’une décision déraisonnable.

 

B.                 L’agent a-t-il commis une erreur en évaluant les difficultés?

 

[27]           Le demandeur soutient que l’agent a fait abstraction de la preuve en concluant qu’il serait capable de s’établir en Inde et qu’il ne subirait pas de difficultés excessives à cause d’un manque de possibilités d’emploi viables. Dans ses observations, le demandeur a expliqué qu’il lui serait impossible de trouver un emploi rémunérateur en Inde parce que ses compétences en tant que chef de cuisine indien ne seraient pas jugées comme valables en milieu urbain et que, dans la région rurale d’où il vient, il n’y a pas beaucoup de restaurants. De plus, même s’il possède des terres, il n’a pas les compétences d’un agriculteur et serait incapable de gagner sa vie dans le domaine de l’agriculture. Il est donc d’avis qu’il a fallu que l’agent fasse abstraction de la preuve pour dire : [traduction] « Il a acquis les compétences d’un chef de cuisine, ce qui peut être pratique; sinon, il est capable de gérer ses terres ».

 

[28]           Je ne suis pas persuadé que l’agent n’a pas tenu compte des observations du demandeur. Une fois de plus, il a signalé que le demandeur avait exprimé l’avis que ses compétences comme chef de cuisine n’étaient pas transférables. Et, comme le fait remarquer le défendeur, jamais l’agent ne laisse entendre que le demandeur pourrait se tourner vers l’agriculture; il dit simplement que les économies du demandeur, combinées au revenu tiré de ses terres, lui permettraient de continuer de subvenir aux besoins de sa famille pendant qu’il chercherait un emploi convenable. Contrairement aux observations du demandeur, l’agent conclut que ce dernier ne sera pas tout à fait privé d’une source de revenus. Le demandeur ne souscrit pas à l’évaluation de l’agent, mais il n’a pas montré que celle-ci est déraisonnable.

 

[29]           Le demandeur ne peut pas faire valoir, d’une part, qu’il est arrivé au Canada et s’est bien débrouillé malgré de nombreux obstacles et, d’autre part, que ces mêmes caractéristiques ne lui seront d’aucune aide pour se réétablir en Inde. L’agent n’a pas fait abstraction des éléments de preuve; il a plutôt rejeté les observations du demandeur, chose que, le demandeur l’admet, l’agent a le droit de faire.

 

[30]           Personne ne conteste que le demandeur subira quelques difficultés s’il est contraint de quitter le Canada, mais l’agent a conclu que ces difficultés ne seraient pas injustifiées ou démesurées. Le demandeur a décidé de s’établir au Canada en sachant que son statut d’immigrant était incertain et qu’il se pouvait qu’on l’oblige un jour à quitter le pays. Son séjour au Canada n’est pas dû à des circonstances indépendantes de sa volonté. Il ne peut pas prétendre maintenant devant la Cour que son long séjour au Canada l’empêche de pouvoir rentrer dans le pays dont il a la citoyenneté parce que les compétences qu’il a acquises ici durant son séjour prolongé seraient moins lucratives chez lui (Serda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 356, 146 ACWS (3d) 1057, au paragraphe 23).

 

C.                 L’agent a-t-il manqué aux principes de justice naturelle?

 

[31]           Le demandeur soutient que l’agent a rendu sa décision en se fondant uniquement sur les observations mises à jour de septembre 2010 parce que CIC avait égaré ses observations. Il soutient qu’il s’agit là d’un manquement à la justice naturelle car l’agent a rendu la décision sans se fonder sur le dossier entier.

 

[32]           Le défendeur admet que la demande et les observations initiales du demandeur n’ont pas été soumises à l’examen de l’agent, mais il soutient qu’étant donné que le demandeur n’a pas subi de préjudice à cause de ce manquement à l’équité procédurale, cela ne constitue pas une erreur susceptible de contrôle. Le défendeur incite la Cour à suivre la conclusion tirée dans l’arrêt Yassine c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), 172 NR 308, 27 Imm LR (2d) 135, où, citant l’arrêt de la Cour suprême du Canada Mobil Oil Canada Ltd c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, la Cour d’appel fédérale a créé une exception à la règle générale pour les affaires dans lesquelles « le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir » et que « la demande ne [peut] qu’être refusée » (paragraphes 9 et 10). Dans de telles circonstances, le fait de renvoyer l’affaire au décideur en raison d’une irrégularité procédurale ne serait d’aucune utilité.

 

[33]           La situation du demandeur illustre l’existence d’une lacune importante dans le système de tenue de dossiers de CIC. Les observations initiales contenaient une preuve du rôle que jouait le demandeur en tant que président et actionnaire d’une entreprise de restauration. En septembre 2010, toutefois, cette information n’était plus à jour car, à l’époque où la décision a été rendue, le demandeur n’était plus l’un des propriétaires du restaurant. Je prends note de l’avis du défendeur selon lequel le fait que le demandeur a été propriétaire partiel, à un certain moment, d’un restaurant n’était peut-être pas important pour la décision, mais je ne puis dire avec la moindre certitude que les observations initiales du demandeur n’auraient pas eu une incidence sur l’issue de la présente affaire. Je suis le raisonnement qu’a exposé la juge Anne Mactavish dans la décision Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 259, 40 Imm LR (3d) 177. Voici ce qu’elle écrit, au paragraphe 25 :

[25]      L’omission par la Commission de tenir compte des observations de l’une des parties, même par inadvertance, constitue un manquement à l’équité procédurale. Eu égard à toutes ces circonstances, je ne puis affirmer avec certitude que les observations finales des demandeurs n’auraient pas eu d’effet sur le dénouement de la cause. Par conséquent, la décision de la Commission devrait être annulée, et l’affaire renvoyée à un tribunal différemment constitué pour être entendue à nouveau sur la base d’un dossier complet.

 

Il y a eu manquement au droit à l’équité procédurale du demandeur, et j’accueillerai donc le présent contrôle judiciaire.

 

V.                 Conclusion

 

[34]           Aucune question à certifier n’a été proposée, et la présente affaire n’en soulève aucune.

 

[35]           Compte tenu des conclusions qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire renvoyée à un agent différent en vue d’un nouvel examen.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire renvoyée à un agent différent en vue d’un nouvel examen.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice‑conseil

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5818-10

 

INTITULÉ :                                       HARJIT SINGH GILL c. MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 9 JUIN 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 11 JUILLET 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Naseem Mithoowani

 

POUR LE DEMANDEUR

Nicole Padararu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lorne Waldman

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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