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Cour fédérale

 

Federal Court



 

 

Date : 20110623

Dossier : IMM-4797-10

Référence : 2011 CF 759

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2011

En présence de monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

 

AGIM LAJQI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est appelée à se prononcer en révision judiciaire d’une décision de la Section de la Protection des Réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Par cette décision, le demandeur s’est vu refusé la qualité de personne à protéger et de réfugié, au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). Le demandeur a cherché l’asile au Canada, après que sa demande ait été refusée aux États-Unis.

 

[2]               Le demandeur est originaire du Kosovo. Il allègue craindre les tensions ethniques propres à l’ex-Yougoslavie. Plus précisément, trois motifs appuieraient la persécution alléguée du demandeur. D’abord, il indique avoir œuvré auprès de la Democratic League of Kosovo (DLK), opposée à la guerre. Il aurait également fui le Kosovo pendant la guerre. De ces faits, il aurait été pris à partie comme « traitre » et battu. Deuxièmement, il craint la persécution du fait que son père, maintenant citoyen allemand, a marié une femme d’origine serbe, ce qui attirerait les foudres des « organisations illégales » le persécutant. Le demandeur aurait été battu à deux reprises, l’une d’elle lorsqu’il était accompagné par son père. Finalement, il allègue craindre une vendetta avec la famille Mugiri. Un incident serait survenu dans un chantier naval en Allemagne, où le frère du demandeur aurait blessé par balles un membre de la famille Mugiri. Cette attaque se situerait dans un contexte global de vendetta entre les deux familles.

 

La Décision de la SPR

[3]               Le demandeur n’a pas été jugé crédible par la SPR. D’abord, il aurait offert des réponses vagues quant à l’identité des agents de persécution. Le SPR lui a reproché des importantes divergences entre son formulaire au point d’entrée (FPE), son formulaire de renseignements personnels (FRP) et ce qu’il a témoigné à l’audience. La SPR n’a pas cru que les opinions politiques et son implication auprès du DLK ont été de réelles sources de persécution car la documentation révèle que la DLK a remporté les élections dans la ville d’origine du demandeur un peu plus d’une semaine après son départ. Les opinions du demandeur seraient donc partagées et acceptées par la population. Ainsi, la SPR a indiqué croire que le demandeur aurait été victime d’attaques aléatoires.

 

[4]               Par ailleurs, la vendetta entre les Mugiri et sa famille a été minimisée par la SPR. D’abord, il ne s’agirait pas d’une « organisation illégale », pourtant les agents persécuteurs initialement décrits par le demandeur. La source des persécutions allégées n’était donc pas suffisamment claire pour la SPR.

 

[5]               La présumée persécution résultant du second mariage de son père à une femme d’origine serbe a également été minimisée car le demandeur n’avait pas indiqué que des motifs d’ethnicité seraient liés à sa demande dans son FRP. Il n’a pas parlé de sa belle-mère lors de son entrevue au point d’entrée. De plus, le demandeur est lui-même kosovar « pure-laine ». Le mariage de son père a eu lieu en Allemagne et ce mariage n’a pas été source de tensions avant la guerre, du propre aveu du demandeur. De plus, le père du demandeur n’est retourné au Kosovo qu’en 1999, moment auquel il a été victime d’une attaque, afin de reconstruire la maison familiale. Il est retourné en Allemagne peu après, le tout, alors que sa femme d’origine serbe est restée en Allemagne.  

 

[6]               Le demandeur n’a pas établi que l’attaque subie par lui et son père était liée aux agents de persécution allégés. Le demandeur indique lui-même que les coupables de l’agression n’ont jamais été identifiés. Une seconde attaque aurait eu lieu, où il aurait été traité de traitre, et il attribue cette attaque à la famille Mugiri. La SPR a tranché qu’il n’y avait pas de preuve, sur la balance des probabilités, établissant la responsabilité et l’identité des agents persécuteurs allégués.

 

[7]               Par ailleurs, la SPR a reproché au demandeur l’absence de démarches raisonnables auprès des autorités américaines pour obtenir copie du rejet de sa demande d’asile.

 

[8]               Finalement, la SPR s’est appuyée sur la preuve documentaire pour établir que les vendettas prendraient de moins en moins d’ampleur au Kosovo. Par ailleurs, les Mugiri ne sont introduits dans le récit du demandeur dans son FRP que lors de la mention que son frère et cousin ont été attaqués au Kosovo en 2003 par « un extrémiste de la famille Mugiri ». Le demandeur a indiqué qu’en 2007, des membres des deux familles se sont rencontrés « par hasard » en Allemagne et que le tout a dégénéré en bataille avec coups de feu. Or, un article de journal établit que la rencontre n’était pas un hasard et que la victime de coups de feu et le frère du demandeur travaillaient sur le même chantier naval et qu’une altercation avait eu lieu trois ans auparavant. Ceci contredit la version du demandeur des évènements.

 

[9]               Donc, la SPR est d’avis que la vendetta entre les familles n’avait pas été établie, d’autant plus que les membres de la famille Mugiri présents au Kosovo ne sont pas précisés. La documentation établit par ailleurs que les vendettas auraient moins d’ampleur qu’auparavant et que les autorités auraient mis en place des programmes pour y pallier. Bien que le pouvoir judiciaire soit déconsidéré au Kosovo et que la protection étatique n’est pas parfaite, la SPR indique qu’une preuve documentaire établit que ceci s’améliore. Donc, le demandeur n’a pas démontré la source de la persécution alléguée, que le risque était toujours présent advenant un retour au Kosovo et que la protection étatique ne serait pas disponible.

 

Norme de Contrôle et Analyse

[10]           La question déterminante en l’espèce est celle de la crédibilité. Il est bien établi que l’appréciation de la crédibilité d’un demandeur d’asile est une question de faits, laquelle s’apprécie par la Cour selon la norme de contrôle de la décision raisonnable (Aguebor c Canada (Citoyenneté et Immigration), [1993] ACF no 732 (CAF); Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 408; Sahota c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 1256). Ainsi, la Cour doit porter une attention particulière à l’intelligibilité de la décision, ses assises factuelles et juridiques ainsi qu’à sa raisonnabilité : la Cour n’est pas appelée à substituer son jugement à celui du décideur administratif (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[11]           En l’espèce, le point de départ de l’analyse de la SPR est l’omission du demandeur de fournir les motifs écrits de sa demande d’asile négative aux États-Unis. Le peu de diligence du demandeur à cet égard a été souligné par la SPR. Considérant que les omissions et contradictions dans la documentation et témoignages fournis par le demandeur étaient en cause, il était raisonnable pour la SPR de reprocher l’absence de démarches pour obtenir de la preuve corroborant sa demande d’asile, dont les motifs du refus aux Etats-Unis (Zareiaghdaragh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 745; Ramanathan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 862).

 

[12]           Les conclusions de la SPR quant à la persécution du demandeur en raison de son opinion politique sont également raisonnables. En se fiant sur des récents résultats d’élection, la SPR a déterminé que les opinions du demandeur étaient plus courantes et acceptées que l’a laissé entendre le demandeur. Ceci est raisonnable. De plus, il peut être ajouté que même si le parti politique du demandeur aurait reçu un pourcentage plus faible de suffrages, l’opinion partagée des supporteurs du DLK n’est pas suffisante pour établir qu’ils en seraient persécutés pour autant.

 

[13]           Il ressort des documents du demandeur et de son témoignage une importante disparité entre les agents de persécution allégués. Initialement, son opinion politique est au premier plan. S’ajoute ensuite des éléments de tension ethnique en raison de l’ethnicité de sa belle-mère. Ultimement, il semble que ce soit principalement la famille Mugiri qui est craint. Au-delà de ces disparités, les déclarations du demandeur sont irréconciliables avec la documentation produite, notamment quant à la source de l’altercation de son frère en Allemagne avec un Mugiri. Confrontées à ces éléments, la SPR a tiré une conclusion négative quant à la crédibilité du demandeur.

 

[14]           Cette conclusion est raisonnable, car elle s’appuie sur une appréciation réaliste et considérée des éléments de preuve déposés par le demandeur. Tel que souligné par la procureure du Ministre, il est loisible pour la SPR de tirer des conclusions négatives sur la crédibilité lorsqu’un important élément du récit est omis au point d’entrée (Eustace c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1553) et lorsque d’importantes contradictions sont relevées entre les divers déclarations et documents déposés (Sahota c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 1256).

 

[15]           La demande de révision judiciaire est donc rejetée. Aucune question n’est à certifier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de révision judiciaire est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Simon Noël »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4797-10

 

INTITULÉ :                                       AGIM LAJQI c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 juin 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 juin 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stéphanie Valois

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Patricia Nobl

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Stéphanie Valois

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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