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Date : 20110729


Dossier : IMM-777-11

Référence : 2011 CF 950

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2011

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

ALBA ROSA BANGUERA PALACIOS ET VICTOR MANUEL BANGUERA PALACIOS

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               Mme Alba Rosa Banguera Palacios et son fils, Victor, ont demandé l’asile au Canada après avoir fui leur pays d’origine, la Colombie. Ils ont soutenu avoir été la cible des FARC, groupe de guérilleros qui a tué le cousin de Mme Banguera Palacios et kidnappé Victor pendant onze jours.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande des demandeurs, concluant que ceux-ci n’avaient pas été persécutés pour des motifs reconnus par la Convention sur les réfugiés. Ils ont plutôt été ciblés du fait de leur richesse présumée. La Commission a également conclu que le risque d’être victime d’un crime est un risque général en Colombie et non un risque propre aux demandeurs.

 

[3]               Mme Banguera Palacios soutient que la Commission a commis une erreur en ne reconnaissant pas qu’elle avait été persécutée à titre de membre d’un groupe social et en concluant que le risque auquel Victor et elle-même étaient exposés en Colombie était un risque généralisé. Elle me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience. Cependant, je ne puis trouver aucune raison justifiant l’annulation de la décision de la Commission et je dois, en conséquence, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Les questions en litige sont les suivantes :

            1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que Mme Banguera n’était pas ciblée à titre de membre d’un groupe social?

            2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le risque existant en Colombie était un risque généralisé?

 

II.         Les faits à l’origine du litige

 

[5]               Mme Banguera Palacios allègue qu’en mars 2008, pendant qu’elle effectuait le trajet qui la menait de Cali à Buenaventura, en compagnie de son cousin et de Victor, leur véhicule a été arrêté par des hommes masqués qui, après avoir abattu son cousin, l’ont volée et ont kidnappé Victor. Les ravisseurs de celui-ci ont téléphoné plus tard pour demander une rançon.

 

[6]               Victor soutient que ses ravisseurs étaient des membres des FARC. Par chance, onze jours après avoir été enlevé, il a réussi à s’enfuir.

 

[7]               Les demandeurs ont quitté la Colombie et se sont rendus jusqu’au Mexique. C’est de là qu’ils sont arrivés au Canada en octobre 2009. Mme Banguera Palacios allègue que, depuis que son fils et elle-même ont quitté la Colombie, ses parents ont reçu des appels de menaces anonymes.

 

III.       La décision de la Commission

 

[8]               Mme Banguera Palacios soutient qu’elle a été ciblée du fait de sa race, de ses opinions politiques présumées et de son appartenance à un groupe social, en l’occurrence, les femmes afro-colombiennes non mariées qui ont des enfants.

 

[9]               Cependant, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas d’opinion politique au sujet de la situation qui régnait en Colombie et qu’ils n’avaient pas été ciblés du fait que leur famille était dirigée par une mère célibataire. Leur demande ne semblait comporter aucun aspect racial.

 

[10]           La Commission a plutôt conclu que le risque auquel les demandeurs étaient exposés était fondé sur leur richesse réelle ou présumée. Ce risque était particulièrement élevé dans le cas des personnes qui, comme les demandeurs, étaient retournées en Colombie après avoir passé quelques années aux États-Unis. La Commission a conclu que le risque auquel les demandeurs pouvaient être exposés n’avait aucun lien avec les motifs prévus à la Convention.

 

[11]           La Commission a cité les lignes directrices du HCR pour la protection internationale des demandeurs d’asile de la Colombie, où l’accent est mis sur le risque auquel sont exposées les femmes appartenant à certains profils et sur le risque particulier auquel font face les Afro‑Colombiennes et les enfants du fait de la race, du sexe ou d’une combinaison de facteurs. La Commission a toutefois conclu que les circonstances décrites dans ce document ne s’appliquaient pas aux demandeurs. De l’avis de la Commission, à titre de personnes qui vivaient en milieu urbain et possédaient des ressources financières, les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque du type décrit dans le rapport du HCR, soit le déplacement interne ou le recrutement de guérilleros.

 

[12]           La Commission a plutôt conclu que les FARC avaient visé les demandeurs simplement du fait de leur richesse présumée. Étant donné qu’il ne s’agissait pas d’une conclusion établissant un lien avec un motif prévu à la Convention, la Commission a rejeté la demande des demandeurs qui était fondée sur l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR], (voir l’annexe A pour le texte des dispositions législatives pertinentes); Cius c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1.

 

[13]           La Commission a ensuite examiné la demande de protection des demandeurs qui est fondée sur l’alinéa 97(1)b). Elle a reconnu que les demandeurs avaient été ciblés de façon précise, mais souligné que le risque auquel ils étaient exposés était un risque généralisé en Colombie. De l’avis de la Commission, l’enlèvement et l’extorsion par les groupes criminels, y compris les FARC, étaient répandus en Colombie.

 

[14]           Bien que les demandeurs aient déclaré que leur situation était unique parce qu’ils étaient retournés en Colombie après avoir vécu quelque temps aux États-Unis et qu’ils étaient considérés comme des gens riches, la Commission a souligné que la richesse présumée n’est pas un motif justifiant une demande fondée sur l’article 97 : Prophète c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 31.

 

[15]           La Commission a donc conclu que, même si leur crainte était crédible, les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque personnel différent de celui auquel faisait face l’ensemble de la population de la Colombie. En conséquence, les demandes que les demandeurs avaient présentées sous le régime des articles 96 et 97 ont été rejetées.

 

IV.       Première question – La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que Mme Banguera Palacios n’avait pas été ciblée à titre de membre d’un groupe social?

 

 

[16]           Les demandeurs ont fait valoir qu’ils avaient été ciblés du fait de leur race, de leurs opinions politiques et, dans le cas de Mme Banguera, de l’appartenance à un groupe social, soit les femmes afro-colombiennes non mariées ayant des enfants.

 

[17]           À mon avis, la Commission a examiné toutes ces possibilités dans sa décision. Elle a également exploré celles-ci en interrogeant les demandeurs à ce sujet à l’audience. Il n’y avait tout simplement aucun élément de preuve appuyant l’existence d’un lien avec l’un ou l’autre des motifs prévus à la Convention.

 

[18]           Les demandeurs se fondent en grande partie sur les lignes directrices du HCR pour la protection internationale des demandeurs d’asile de la Colombie, dans lesquelles il est souligné ce qui suit : [traduction] « Les Colombiennes ayant certains profils, surtout celles qui vivent dans les régions touchées par les conflits armés, sont exposées à des risques du fait de leur appartenance à un groupe social. Il s’agit, notamment, des femmes victimes de violence de la part de groupes armés illégaux, des femmes recrutées de force, des femmes indigènes ou des femmes d’origine afro-colombienne, ainsi que des femmes qui sont victimes de violence familiale ».

 

[19]           Cependant, je ne puis croire que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a jugé que ce passage ne s’appliquait pas aux demandeurs, parce que ceux-ci vivaient en milieu urbain et avaient des ressources financières. En conséquence, je ne puis conclure que la Commission a commis une erreur en décidant qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve appuyant la demande d’asile des demandeurs fondée sur leur appartenance à un groupe social.

 

V.        Deuxième question – La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le risque existant en Colombie était un risque généralisé?

 

 

[20]           La crainte de criminalité généralisée est insuffisante pour justifier l’octroi de la protection aux termes de l’article 97. Le demandeur doit établir l’existence d’un risque personnalisé en fonction de ses circonstances personnelles : Jean et al c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 674, au paragraphe 32; Marcelin Gabriel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1170, aux paragraphes 13 à 18 [Marcelin-Gabriel].

 

[21]           Même le risque élevé qu’une personne soit ciblée à titre de victime d’un crime n’est pas nécessairement un risque particulier : Cius c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1, aux paragraphes 22 à 25. De plus, la catégorie des personnes relativement riches de la Colombie est trop large et ne satisfait pas à l’exigence relative au risque personnalisé : décision Marcelin Gabriel, susmentionnée, aux paragraphes 21 à 23; Rodriquez Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1029, au paragraphe 35; Saint Hilaire c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 178, au paragraphe 17.

 

[22]           Compte tenu des règles de droit et des éléments de preuve dont elle a été saisie, je ne puis voir d’erreur dans la conclusion de la Commission selon laquelle le risque auquel les demandeurs étaient exposés était un risque généralisé qui n’était pas visé par la protection prévue à l’article 97 de la LIPR.

 

VI.       Conclusion et décision

 

[23]           Je ne puis déceler aucune erreur dans la conclusion de la Commission selon laquelle la demande des demandeurs n’était pas visée par les articles 96 et 97 de la LIPR. En conséquence, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune partie n’a proposé de question de portée générale à faire certifier et aucune n’est formulée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


Annexe « A »

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27

 

Définition de « réfugié »

 

  96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

  97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

  (2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, C-27

 

Convention refugee

 

  96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

  97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

Person in need of protection

 

  (2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-777-11

 

INTITULÉ :                                      ALBA ROSA BANGUERA PALACIOS, ET AL. c.

                                                           LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 juillet 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 juillet 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Lawrence Leung

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Hilla Aharon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lawrence Leung

Avocat

Surrey (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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