Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

 

Date : 20110815


Dossier : IMM-6821-10

Référence : 2011 CF 997

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 août 2011

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

 

MOHAMMAD ORAMINEJAD

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               Une décision ne peut pas être rendue dans un vide sans tenir compte de la personne qui se trouve devant un tribunal de première instance. À défaut de mettre en contexte tous les témoignages et les éléments de preuve, tant subjective qu’objective (éléments de preuve relatifs à la situation dans le pays), et de saisir les nuances claires qui s’assemblent pour permettre de comprendre une affaire, il se peut qu’un tribunal de première instance ait entendu une affaire mais n’ait pas nécessairement écouté. Une encyclopédie de références (à la situation dans le pays d’origine en question), un dictionnaire des termes (employés par la personne qui témoigne) et une galerie de portraits (des éléments de preuve tant subjective qu’objective) doivent être compris dans un contexte complet pour qu’une décision puisse être considérée comme raisonnable ou comme exposant une analyse raisonnable de ce qui précède.

 

II.  Introduction

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire relative à une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 20 octobre 2010, aux termes de laquelle la Commission a conclu que le demandeur n’avait ni « qualité de réfugié au sens de la Convention » ni « qualité de personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR) parce qu’il n’était pas crédible.

 

[3]               Les arguments du demandeur reviennent essentiellement à dire qu’il n’est pas d’accord avec le poids que la Commission a accordé aux éléments de preuve à son égard.

 

III.  Le contexte

[4]               Le demandeur, M. Mohammad Oraminejad, un homme de peu de mots (d’après ce qui ressort de la transcription de l’audience en première instance), est un citoyen kurde de l’Iran sans instruction âgé de 70 ans qui a été baptisé au Canada. (Il n’est pas d’origine perse).

 

IV.  Analyse

[5]               Le commissaire du tribunal de première instance semble avoir rédigé une décision plutôt hâtive. La décision n’a clairement pas pris en compte le fait que le demandeur était âgé de 70 ans et n’avait pas d’instruction, et les passages de la transcription auxquels renvoie l’avocat du demandeur confirment en substance le bien-fondé des arguments exposés dans le mémoire des faits et du droit produit par l’avocat du demandeur.

 

[6]               Les conclusions du commissaire du tribunal de première instance sont déraisonnables; le niveau d’instruction, l’origine ethnique du demandeur et la preuve de la cérémonie officielle de baptême du demandeur au Canada (notamment le témoignage, une lettre d’appui du membre célébrant de l’église ainsi que huit photos du demandeur dans un contexte ecclésiastique – en plus du fait qu’il semblerait que le demandeur puisse même être considéré comme un « réfugié sur place » de bonne foi). L’analyse du décideur de première instance au paragraphe 16 de sa décision est tout au plus sommaire, et elle ne démontre pas une analyse adéquate de la conversion et du baptême officiels au Canada.

 

[7]               Il importe de noter que certaines questions, posées au demandeur, s’appliquent à la pratique, aux rites et aux symboles (p. ex., faire le signe de croix) des catholiques, mais non des protestants (à l’exception des hauts anglicans), encore une fois, dépendant de la dénomination précise de protestantisme; pareilles connaissances spécialisées ne sont pas nécessairement des connaissances courantes; aussi, ces détails doivent souvent être recherchés dans des documents spécialisés demandés, et non faire l’objet d’une décision sur le fondement de ce qu’un décideur de première instance croit connaître d’office ou sur un coup de tête! Un tel coup de tête pourrait s’avérer très coûteux pour la vie et l’intégrité physique d’un demandeur, qui pourrait être renvoyé dans son pays d’origine où il serait exposé à des dangers. Il est significatif que, tout au long de l’histoire, et même de l’histoire moderne, des chrétiens de différentes dénominations, des juifs, des musulmans, des bouddhistes, des hindous et des bahaïes, par exemple, aient été tués à cause de leurs croyances sans même nécessairement avoir eu une connaissance approfondie, ni même une connaissance quelconque, de leur religion, si ce n’est qu’ils adhéraient à leur foi. Beaucoup son morts pour leur foi alors que, selon les annales de l’histoire, ils ne vivaient pas en conformité avec leur foi; et pourtant, cela n’a pas empêché leur massacre. Par conséquent, il importe d’examiner les éléments de preuve en l’espèce produits par l’église précise dont il est question et les éléments de preuve additionnels qui en découlaient et qui ont été produits.

 

[8]               Les conclusions du commissaire du tribunal de première instance sont spéculatives et non raisonnables; et il est manifeste que le tribunal a entendu les éléments de preuve, mais il ne semble y avoir eu aucune écoute (de la personne effectivement présente devant le tribunal) selon ce qui ressort d’un examen complet de l’intégralité de la transcription de l’audience lorsqu’elle est lue attentivement en contexte.

 

V.  Conclusion

[9]               Par conséquent, la décision est déraisonnable. La décision du tribunal de première instance est renvoyée pour que l’affaire fasse l’objet d’une nouvelle décision par un tribunal différemment constitué.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire du demandeur est accueillie et la décision du tribunal de première instance est renvoyée pour que l’affaire fasse l’objet d’une nouvelle décision par un tribunal différemment constitué. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6821-10

 

INTITULÉ :                                       MOHAMMAD ORAMINEJAD c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 août 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

  ET JUGEMENT :                            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 15 août 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Eric Freedman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Evan Liosis

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Eric Freedman

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.