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Date : 20110727


Dossier : T-58-11

Référence : 2011 CF 936

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2011

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

TUNA ONUR

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               Mme Tuna Onur a demandé la citoyenneté canadienne en 2008. Un juge de la citoyenneté a conclu qu’elle satisfaisait aux exigences de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, y compris à l’exigence selon laquelle elle devait avoir résidé au Canada pendant trois des quatre années précédant sa demande. Bien que Mme Onur n’ait pas été effectivement présente au Canada pendant la durée requise, le juge a conclu, après avoir examiné en profondeur la situation de Mme Onur, que celle-ci avait fermement établi sa résidence et maintenu des attaches suffisamment solides ici pour que l’on puisse dire qu’elle avait centralisé son mode d’existence au Canada pendant la période nécessaire.

 

[2]               Le ministre soutient que la décision du juge était déraisonnable puisque Mme Onur a été présente au Canada pendant seulement 201 jours au cours de la période pertinente, soit 894 jours de moins que les trois années nécessaires.

 

[3]               Compte tenu des circonstances particulières de la présente espèce, je ne puis conclure que la décision du juge était déraisonnable au regard des éléments de preuve. Je dois donc rejeter le présent appel.

 

II.         Le contexte factuel

 

[4]               Mme Onur est arrivée au Canada en 1997 munie d’un visa d’étudiant. Elle a obtenu un doctorat en sismologie à l’Université de la Colombie-Britannique. Elle a vécu au pays pendant huit ans, ne quittant que pour de brèves périodes. Elle est devenue une résidente permanente en 2005. En 2005, elle a déménagé temporairement en Californie pour accompagner son époux canadien qui poursuivait des recherches en vue de l’obtention de son grade de docteur à l’Université de Victoria, lui aussi en sismologie. La demanderesse a demandé la citoyenneté canadienne à leur retour en Colombie-Britannique en 2008.

 

III.       La décision du juge de la citoyenneté était-elle déraisonnable?

 

[5]               Comme il lui était loisible de le faire, le juge a appliqué le critère énoncé dans la décision Koo (Re) (1992), [1993] 1 C.F. 286, 59 F.T.R. 27 (1re inst.). La principale question en vertu de ce critère est celle de savoir si la demanderesse a centralisé son mode d’existence au Canada. Le juge doit prendre en compte plusieurs facteurs pour répondre à cette question.

[5]

[6]               En l’espèce, le juge a conclu que les facteurs militaient en faveur de Mme Onur, comme suit :

 

            (i)         La personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s’absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

 

[7]               Mme Onur a été absente du Canada pendant seulement 124 jours entre 1997 et 2005. Elle a vécu et étudié au Canada pendant plus de huit ans avant sa première absence prolongée.

 

            (ii)        Où résident la famille proche et les personnes à charge (ainsi que la famille étendue) de la requérante?

 

[8]               L’époux et la fille de Mme Onur sont des citoyens canadiens, et ils résident actuellement au pays. Bien que les parents et la sœur de la demanderesse vivent en Turquie, ses attaches familiales sont fortes et principalement canadiennes.

 

            (iii)        La forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou qu’elle n’est qu’en visite?

 

[9]               Mme Onur est revenue au Canada 24 fois depuis sa première venue au pays en 1997. Il n’y a eu aucune indication d’une intention quelconque de sa part d’établir un foyer permanent à l’extérieur du Canada depuis 1997. La forme de ses déplacements indique clairement qu’elle revenait dans son pays au Canada.

 

            (iv)       Quelle est l’étendue des absences physiques?

 

[10]           Les absences de Mme Onur au cours de la période de quatre ans pertinente ont été considérables. Aussi, il lui faudrait établir de solides attaches avec le Canada afin de satisfaire à l’exigence de résidence en vertu de la Loi.

 

            (v)        L’absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire?

 

[11]           L’époux de Mme Onur est un expert en évaluation des risques de séismes et en planification d’interventions. Pour rédiger sa thèse de doctorat à l’Université de Victoria, il a dû passer une longue période à étudier les répercussions sociales des séismes dans une région qui avait subi d’importants dommages suite à un séisme dans un passé récent. Puisqu’aucune région du Canada ne correspondait à ces critères, il a dû séjourner en Californie. Mme Onur s’est trouvé un emploi en Californie pour aider à subvenir aux besoins de sa famille pendant que son époux terminait ses études. L’expérience qu’elle y a acquise a été mise à profit au Canada depuis son retour.

 

[12]           Après que son époux eut terminé ses recherches, Mme Onur et sa famille sont revenues au Canada, où ils vivent et travaillent depuis. Mme Onur et son époux ont demandé et ont obtenu la citoyenneté canadienne pour leur fille.

 

[13]           L’absence du Canada de Mme Onur était « manifestement temporaire » en ce qu’elle avait pour objet d’aider l’époux de la demanderesse à parfaire ses études, lesquelles, en raison de leur objet inhabituel et particulier, ont exigé des recherches sur le terrain à l’extérieur du Canada pendant une longue période.

 

            (vi)       Quelle est la qualité des attaches avec le Canada?

 

[14]           Mme Onur a clairement établi un foyer et une famille au Canada avant de partir pour la Californie avec son époux en 2005. Le juge a noté ce qui suit :

 

•   L’époux de Mme Onur est né au Canada et il a vécu au pays sans interruption jusqu’à ce qu’il aille effectuer des recherches en Californie;

 

•   Dans le cadre de ses propres recherches en vue de l’obtention de son grade de docteure, Mme Onur a étudié les risques de séismes dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique, en enquêtant sur les dommages qui pourraient être causés aux édifices construits en vertu de codes et pratiques de construction canadiens;

 

•   Elle a travaillé pour le gouvernement du Canada à titre de scientifique invitée de 2001 à 2005;

 

•   Elle a suivi des cours de français en vue d’atteindre un bilinguisme de niveau professionnel;

 

•   Elle a dirigé de nombreux projets de recherche axés sur la préparation canadienne aux séismes;

 

•   Durant son séjour en Californie, elle est demeurée membre d’associations professionnelles canadiennes et a maintenu des contacts avec des collègues au Canada;

 

•   Elle a été largement publiée dans des revues professionnelles et dans les médias nationaux;

 

•   Elle est membre du Comité permanent du calcul parasismique du Code national du bâtiment du Canada et a été nommée membre de cet organisme pour une période de cinq ans en 2009. Ce poste est non rémunéré, et il démontre la détermination de Mme Onur à servir les Canadiens et à leur faire profiter de ses compétences professionnelles spécialisées pour améliorer leur sécurité;

 

•   Elle et son conjoint travaillent actuellement au Canada à titre d’experts-conseils en recherche et en génie sismiques;

 

•   Durant leur séjour en Californie, Mme Onur et son conjoint ont tous deux acquis des connaissances et une expérience techniques précieuses qu’ils ont employées depuis au profit du Canada;

 

•   Ils ont pris des dispositions pour que leur fille fréquente une garderie au Canada;

 

•   Mme Onur paie des impôts sur le revenu et des impôts fonciers au Canada, elle a des comptes bancaires et une carte de crédit actifs au Canada, une hypothèque sur un foyer canadien ainsi qu’un numéro d’assurance sociale, une carte d’assurance-maladie et un permis de conduire canadiens;

 

•   Mme Onur ne possède aucun bien à l’extérieur du Canada et elle n’a aucune entreprise ni aucun emploi ou investissement dans aucun autre pays.

 

[15]           Pour ces motifs, le juge a conclu que Mme Onur avait de solides attaches familiales, académiques et professionnelles avec le Canada qui continuaient de se renforcer avec le temps, et qu’elle n’avait que des attaches périphériques avec d’autres pays. Le juge a conclu que le cas de Mme Onur était inhabituel en ce que sa seule absence importante du Canada avait manifestement été temporaire et s’était inscrite dans le cadre des études de son époux dans une université canadienne. Le juge a noté que l’absence du Canada de Mme Onur était intempestive au regard de l’exigence de résidence imposée par la Loi sur la citoyenneté, mais il a conclu que Mme Onur répondait de manière idéale aux exigences applicables pour devenir une citoyenne canadienne, qu’elle avait aisément séjourné assez longtemps au Canada et qu’elle y était revenue avec une régularité telle qu’elle avait clairement établi qu’elle avait centralisé son mode d’existence au Canada, et nulle part ailleurs qu’au Canada.

 

[16]           Je ne puis relever aucune erreur dans l’application des facteurs pertinents par le juge. Sa conclusion appartient aux issues possibles et pouvant se justifier au regard des faits et du droit et, par conséquent, elle n’était pas déraisonnable.

 

IV.       Conclusion et décision

 

[17]           Compte tenu des faits particuliers de la présente espèce, je conclus que la décision du juge de la citoyenneté n’était pas déraisonnable. Je dois donc rejeter le présent appel. Il n’y aura aucune adjudication de dépens.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  l’appel est rejeté;

2.                  il n’y a aucune adjudication des dépens.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-58-11

 

INTITULÉ :                                       MCI c. TUNA ONUR

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 13 juillet 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                     

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hilla Aharon

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Tuna Onur

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Tuna Onur

Victoria (Colombie-Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 

 

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