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Date : 20110819


Dossier : T-268-08

Référence : 2011 CF 1009

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 août 2011

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

 

MARTHA COADY

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE DIRECTEUR DES POURSUITES PÉNALES, LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE SOUS‑COMMISSAIRE DE LA GRC ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ONTARIO

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               Le vendredi 29 juillet 2011, j’ai entendu une demande faite par la demanderesse en vue d’obtenir la délivrance d’une [TRADUCTION] « ordonnance de type Wagg ». Après avoir entendu les observations de la demanderesse, j’ai conclu qu’il n’était pas nécessaire d’entendre l’avocate des défendeurs. J’ai refusé la demande faite par la demanderesse en vue d’obtenir un bref ajournement qui lui aurait permis d’introduire dans la Cour une instance sous-jacente à laquelle l’ordonnance de type Wagg aurait pu être reliée. Compte tenu des ordonnances précédentes rendues par les juges Beaudry et Martineau, j’ai rejeté la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse déposée le 18 février 2008. Voici les motifs pour lesquels j’ai agi ainsi.

 

II.         Le contexte

[2]               La demanderesse agit pour son propre compte. Elle est une avocate qui fait actuellement l’objet d’une procédure disciplinaire devant le Barreau du Haut-Canada (BHC).

 

[3]               Le 18 février 2008, elle a déposé un avis de demande auprès de la Cour en vue de l’obtention des ordonnances suivantes :

a.       Une ordonnance en vertu de l’alinéa 38.04(2)c) de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5 (la LPC) permettant à certains individus de témoigner de vive voix au sujet de dossiers d’enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

 

b.      Une ordonnance en vertu du paragraphe 38.04(2) de la LPC permettant à tout autre enquêteur ou membre du personnel de la GRC identifié lors d’un examen des deux dossiers d’enquête de témoigner de vive voix au sujet de ces dossiers.

 

c.       Une ordonnance de communication ou une ordonnance de la nature d’un interrogatoire préalable en equity ou une ordonnance en vertu du paragraphe 37(4.1) ou 37(5) de la LPC donnant à la demanderesse accès à l’intégralité des deux dossiers d’enquête.

 

d.      Une ordonnance en vertu du paragraphe 37(4.1) ou 37(5) de la LPC enjoignant la GRC de communiquer à la demanderesse tous les renseignements détenus dans les dossiers de la GRC au sujet de son ex-époux et des personnes associées à ce dernier.

 

e.       Une ordonnance de la nature d’une ordonnance de type Norwich enjoignant le procureur général de l’Ontario de communiquer à la Cour une copie certifiée de deux dossiers sous scellés figurant parmi les éléments de preuve détenus par la Cour supérieure de justice à Ottawa.

 

[4]               La demanderesse affirme qu’entre 1987 et 2008, elle a été la victime d’une série d’actes criminels et elle a découvert que la GRC avait enquêté au sujet de certaines sociétés de portefeuille détenues par son ex-époux et que, quelques années plus tard, elle a découvert que la GRC avait ouvert une enquête parallèle relativement à des infractions contre l’administration de la justice et des infractions aux dispositions législatives fédérales sur le blanchiment d’argent commises par un groupe d’avocats d’Ottawa.

 

[5]               Dans ses actes de procédure, la demanderesse affirme qu’elle a besoin des renseignements découverts par la GRC pour mettre fin aux infractions en cours (infractions de harcèlement criminel) qui lui ont fait subir des pertes financières et personnelles.

 

[6]               Le 26 février 2008, le juge Beaudry a rejeté les demandes d’ordonnances de la demanderesse en vertu de l’article 37 de la LPC. Le juge Beaudry était d’avis que l’article 37 de la LPC n’avait pas été enclenché et que la Cour n’avait pas compétence pour contraindre des membres de la GRC à communiquer des éléments de preuve en rapport avec une instance ni devant la Cour d’appel de l’Ontario ni devant le BHC. Son ordonnance n’a pas été portée en appel.

 

[7]               Le 22 septembre 2008, le juge Martineau a rejeté la demande de la demanderesse visant à obtenir une ordonnance en vertu du paragraphe 377(1) des Règles des Cours fédérales (DORS/98‑106) (les Règles), soit une ordonnance interlocutoire exigeant que la GRC produise auprès de la Cour une copie certifiée de l’intégralité du dossier d’enquête relatif au Projet Anecdote sous réserve de tout privilège du secret professionnel de l’avocat.

 

[8]               La demanderesse affirme que le Projet Anecdote est l’enquête de la GRC portant sur le blanchiment d’argent dont il est question dans son audience disciplinaire et dans une décision défavorable du Conseil canadien de la magistrature (CCM) rendue en 2004.

 

[9]               Comme le juge Martineau l’a noté, la demande faite par la demanderesse en vertu du paragraphe 377(1) des Règles vise l’obtention d’une ordonnance de conservation d’éléments de preuve importants. Le juge Martineau a rejeté la demande. Il n’était pas convaincu de l’existence d’une preuve prima facie solide. Il a mentionné l’ordonnance du juge Beaudry et a conclu que les conditions requises pour enclencher l’article 38 de la LPC invoqué par la demanderesse n’étaient pas réunies d’après les éléments de preuve dont il disposait.

 

[10]           Durant les plaidoiries qui lui ont été présentées, le juge Martineau a noté que la demanderesse avait mentionné que le ministère de la Justice avait adopté comme position qu’une demande d’accès à l’information était une condition préalable nécessaire à l’obtention par la demanderesse des renseignements qu’elle demandait, et que le ministère avait soutenu qu’une telle demande nécessiterait le consentement des cibles de l’enquête de la GRC, consentement auquel il n’était pas raisonnable de s’attendre. Le juge Martineau a statué qu’[traduction] « [u]ne ordonnance Anton Piller (ou ordonnance Norwhich) ne peut pas être employée pour mettre en échec les dispositions expresses de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. (1985), ch. A-1) (la LAI). »

 

[11]           La demanderesse avait également soutenu que la Cour avait compétence à l’égard des questions découlant de l’enquête du CCM. Le juge Martineau a souligné que la demanderesse n’avait déposé aucune demande de contrôle judiciaire contestant quelque décision que ce soit du CCM.

 

[12]           Enfin, le juge Martineau a traité de la demande d’ordonnance de type Norwich de la demanderesse, un mécanisme de communication d’éléments de preuve par un tiers préalablement à une action, qui permet de contraindre un tiers de fournir des renseignements à un demandeur si celui-ci en a besoin pour exercer un recours en justice. Le juge Martineau n’était pas convaincu que la demanderesse avait établi de solides prétentions de bonne foi en vue de l’obtention d’une ordonnance de type Norwich, et il a conclu qu’il n’était pas nécessaire qu’il examine les autres critères régissant la délivrance d’une telle ordonnance.

 

[13]           Dans l’arrêt Coady c. Canada (Service des poursuites pénales) 2009 CAF 360, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel interjeté par la demanderesse à l’encontre de la décision du juge Martineau.

 

III.       L’instance devant la Cour

[14]           Le 2 mai 2011 était la date fixée par l’administrateur judiciaire pour l’audition de la présente affaire. Dans son dossier de réponse déposé le 5 juillet 2010, l’avocate des défendeurs fédéraux a soutenu que les juges Beaudry et Martineau avaient traité de manière complète les plaintes de la demanderesse et qu’il ne subsistait aucune question en litige. La demande de la demanderesse était soumise à la règle de la préclusion pour même question en litige.

 

[15]           À l’audience, la demanderesse a demandé une ordonnance d’ajournement afin de lui permettre de procéder à des vérifications relativement à un événement qu’elle avait récemment découvert, soit le fait que la GRC avait récemment transféré à Bibliothèque et Archives Canada (BAC) les deux dossiers d’enquête qu’elle demandait. Elle a également mentionné à la Cour que BAC avait une politique plus ouverte relativement à la communication de documents d’archives. Elle a exprimé l’avis que ce nouveau développement apporterait peut-être une solution au contrôle judiciaire.

 

[16]           J’ai accordé l’ajournement pour permettre aux avocats des deux parties de procéder à des vérifications à ce sujet. Le 24 mai 2011, la Cour a reçu une lettre de l’avocate des défendeurs fédéraux indiquant qu’après vérifications, elle ne pouvait admettre l’interprétation que la demanderesse faisait de la [traduction] « nouvelle » politique de communication de BAC. Dans tous les cas, elle a dit que la demanderesse devait déposer une demande de communication auprès de BAC en vertu de l’article 6 de la LAI.

 

[17]           La demanderesse a répondu le 4 juin 2011. Elle a avisé la Cour que, quelque temps auparavant, une demande d’accès à l’information avait été faite auprès de la GRC en vue de la communication des dossiers d’enquête, mais que cette demande avait été refusée sur le fondement de l’article 16 de la LAI, une décision que le Commissaire à l’information avait récemment confirmée. Cependant, la demanderesse n’avait reçu aucune lettre officielle du Bureau du commissaire.

 

[18]           Après avoir entendu les parties lors d’une conférence téléphonique, j’ai réinscrit au rôle l’audition de la demande de contrôle judiciaire pour le 29 juillet 2011 et j’ai permis la présentation d’observations complémentaires.

 

[19]           Le 18 juillet 2011, la Cour a reçu des observations complémentaires des défendeurs fédéraux selon lesquelles la Cour fédérale n’avait pas compétence pour ordonner une procédure d’examen préalable en vertu de la common law, ce qui constituerait l’objet d’une ordonnance de type Wagg selon les défendeurs fédéraux, qui citaient à l’appui de cette prétention la décision de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans l’affaire P.D. v. Wagg, 61 OR (3d) 746 confirmée par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt P.D. v. Wagg, 71 OR (3d) 229.

 

[20]           Dans tous les cas, l’avocate des défendeurs fédéraux a soutenu que, puisqu’une ordonnance de type Wagg était une ordonnance de communication, elle ne pouvait pas être prononcée à titre autonome, indépendamment de toute instance. L’avocate a soutenu qu’il devait y avoir une action sous-jacente et que les parties devaient avoir échangé des affidavits de documents comme condition préalable au dépôt d’une requête de type Wagg, avant même d’arriver à la procédure d’examen préalable élaborée dans la décision Wagg.

 

[21]           J’ai admis cette observation, tout comme l’a fait la demanderesse. Elle a demandé un ajournement pour lui permettre d’introduire une instance sous-jacente, dont j’ai compris qu’il s’agirait d’un appel de la décision récente du Commissaire confirmant le refus de communication de 2008-2009 en vertu de la LAI. J’étais d’avis que je ne pouvais pas accorder l’ajournement que demandait la demanderesse parce que la LAI prévoyait expressément une procédure de contrôle par la Cour qui devait être suivie. Puisque la demande de contrôle judiciaire n’avait aucun objet, je l’ai rejetée.

 

[22]           Bien que la demanderesse ait demandé à ce que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans dépens, je ne puis voir pour quel motif je ne devrais pas adjuger les dépens habituels en faveur des défendeurs fédéraux.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-268-08

 

INTITULÉ :                                       MARTHA COADY c. DIRECTEUR DES POURSUITES PÉNALES, GENDARMERIE ROYALE DU CANADA REPRÉSENTÉE PAR LE SOUS-COMMISSAIRE DE LA GRC et PROCUREUR GÉNÉRAL DE L’ONTARIO

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 juillet 2011

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                              LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 19 août 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Martha Coady

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Tatiana Sandler

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

-

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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