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Date : 20110719


Dossier : IMM-4461-11

Référence : 2011 CF 906

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

CLAUDINE NEWMAN KELLY

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

          MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE RENNIE

 

[1]        Il est de droit constant que le seuil est élevé pour satisfaire au critère de question sérieuse lorsqu’en accueillant la requête du demandeur, cela revient à accorder la réparation sollicitée dans la demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire sous-jacente. C’est là le critère applicable dans la présente affaire. La Cour d’appel fédérale a appliqué ce raisonnement dans le contexte de mesures de renvoi, dans l’arrêt Baron c. Canada (S.P.P.C.), 2009 CAF 81, et a déclaré que le juge des requêtes doit relever au moins une question rendant vraisemblable que la demande principale soit accueillie. Étant donné que la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent d’exécution est la raisonnabilité, le demandeur, pour obtenir gain de cause dans la demande de contrôle judiciaire par laquelle il conteste cette décision, doit être en mesure de faire valoir des « arguments assez solides ».

 

[2]        On ne saurait dire qu’en l’espèce, la décision de l’agent soulève une question sérieuse. La LIPR n’a pas pour objet, ni la Cour pour rôle, de créer le résultat qui permette le plus avantageusement possible aux parties de faire face aux problèmes en matière de santé auxquels, inévitablement, tous les Canadiens font face. L’agent a examiné la preuve dont il disposait sur les répercussions du renvoi, et tenu compte de la demande de parrainage depuis le Canada présentée peu avant. L’agent a reconnu que le renvoi occasionnerait des difficultés à la demanderesse et à son conjoint de fait canadien, en soulignant toutefois que ce dernier avait à sa disposition tous les services médicaux et le système de soutien dont bénéficiait tout autre citoyen canadien dans une situation semblable à la sienne. S’il faut reconnaître que les motifs sont peu étoffés et à peine convaincants, ils possèdent néanmoins les attributs requis de la transparence et de la justification. Par ailleurs, l'affaire ne soulève aucune question de droit qui réponde au critère énoncé dans Baron.

 

[3]        En outre, l’agent d’exécution qui agit en vertu de l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés dispose d’un pouvoir discrétionnaire très restreint face à une demande de report du renvoi. La demanderesse n’a pas démontré en l’espèce qu’elle serait exposée à un risque advenant son retour en Jamaïque, ni qu’il existait des « considérations spéciales », au sens où l’entend la jurisprudence, obligeant l’agent à surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi pour permettre le traitement de sa demande présentée au Canada. La demanderesse a déposé sa demande relative au conjoint après être devenue « prête au renvoi », soit malheureusement quelques semaines trop tard, et elle n’avait donc pas droit au sursis administratif de la mesure de renvoi pouvant être accordé lorsqu’est présentée au Canada une demande relative au conjoint, comme le prévoit le guide de l’immigration IP 8. Dans l’arrêt Baron, en outre, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l'existence d'une autre manière pour un demandeur de revenir au Canada militait fortement contre l’octroi judiciaire d’un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Cela étant, l’exercice du pouvoir discrétionnaire ne soulève aucune question permettant vraisemblablement à la demanderesse de faire valoir des arguments défendables et d’avoir gain de cause.

 

[4]        Si l’on se tourne maintenant vers la question du préjudice irréparable, un agent d’exécution n’est pas un agent chargé d’examiner les demandes CH, et l’obligation lui incombant de prendre en compte l’intérêt supérieur du conjoint de fait canadien de la demanderesse est par conséquent très restreinte. On a soutenu de manière convaincante que constituaient un préjudice irréparable, en l’espèce, les répercussions accessoires ou indirectes du renvoi de la demanderesse sur la capacité de son conjoint de fait canadien de vivre de manière autonome et de continuer de prendre soin de lui-même alors qu’il est confronté à d’importants défis d’ordre médical.

 

[5]        Bien que le préjudice irréparable doive être subi en propre par les demandeurs, les tribunaux se penchent, par-delà l’intérêt des demandeurs, sur celui des conjoints et des enfants nés au Canada qui resteront au pays (Tesoro c. Canada (M.C.I.) 2005 CAF 148, paragraphe 34). La jurisprudence ne confine pas l’analyse du préjudice irréparable à celui du seul demandeur. Les conséquences sur un tiers du renvoi, c’est toutefois rarement davantage que les difficultés, la perte et le chagrin qui accompagnent habituellement une expulsion. Si l’on examine la question du point de vue du conjoint de fait, la possibilité que celui-ci – et j’insiste sur la nature hypothétique et prospective de cette possibilité – doive recourir à des infirmières, à des soins à domicile ou à une forme quelconque d’aide à la vie autonome par suite du renvoi de sa conjointe ne constitue pas un préjudice irréparable. C’est là en effet un défi auquel sont confrontés chaque jour des milliers d’autres Canadiens. Bien que cette situation soit difficile, il ne s’agit pas de circonstances spéciales du type dont la Cour a traité dans les affaires Baron et Simones.

 

[6]        L’existence d’un préjudice irréparable n’ayant pas été établie, je n’aurai pas à examiner la question de la prépondérance des inconvénients. Si je devais me prononcer, toutefois, je conclurais que la prépondérance des inconvénients penche en faveur du ministre. La demanderesse a choisi de présenter une demande de parrainage depuis le Canada, plutôt qu’une demande pour considérations d’ordre humanitaire, et elle doit maintenant en assumer les conséquences. La demande n’a pas été présentée en temps utile, en outre, comme l’agent l’a souligné. La prépondérance des inconvénients penche manifestement en faveur du ministre en de telles circonstances. Les inconvénients que la demanderesse pourra subir du fait de son renvoi du Canada ne l’emportent pas sur l’intérêt public résidant dans l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés que le défendeur vise à préserver. La demanderesse a pu présenter une demande d’asile et une demande d’ERAR, et elle a vécu au Canada sans y disposer d’un statut. La mesure de renvoi exécutoire doit maintenant être exécutée.

« Donald J. Rennie »

Juge

 

Toronto (Ontario)

Le 19 juillet 2011

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4461-11

 

 

INTITULÉ :                                       CLAUDINE NEWMAN KELLY c. MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 18 JUILLET 2011

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE RENNIE

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 19 juillet 2011

 

 

COMPARUTIONS :

 

Aadil Mangalji

 

POUR LA DEMANDERESSE

Modupe Oluyomi

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Long Mangalji LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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