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Date : 20110928

Dossier : IMM‑7215‑10

Référence : 2011 CF 1111

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 septembre 2011

En présence de M. le juge Rennie

 

 

ENTRE :

 

JORGE ENRIQUE JURADO TOBAR

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite l’annulation de la décision par laquelle un agent d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a rejeté la demande qu’il avait présentée en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 200l, ch. 27 (la LIPR) en vue d’obtenir la résidence permanente pour des motifs d’ordre humanitaire. L’agent d’immigration de CIC (l’agent) a estimé que le demandeur ne serait pas exposé à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il devait présenter sa demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada. Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[2]               Âgé de 59 ans, le demandeur est un citoyen de l’Équateur. Il a déjà été un résident permanent canadien mais, en 1996, il est retourné en Équateur pour s’occuper de ses intérêts commerciaux. Il a donc perdu son statut de résident permanent. En juillet 2006, plus d’une décennie plus tard, il est revenu au Canada pour aider sa mère malade, une citoyenne canadienne, qui est décédée en mars 2010. De retour au Canada, il a repris contact avec sa fille, qui a la citoyenneté canadienne, et avec les enfants canadiens de son fils (ses petits‑enfants). Le demandeur habite actuellement avec sa sœur, qui est également canadienne. Conformément aux conditions dont est assorti son visa de visiteur, il n’a pas travaillé pendant qu’il se trouvait au Canada. Il aurait apparemment épuisé ses épargnes de 2 000 $ US et il note, dans sa demande, qu’il a dû vendre quelques effets personnels ainsi que son entreprise en Équateur. Dans ce pays, il menait [traduction] « une existence relativement aisée »; il travaillait comme directeur d’usine et touchait également des revenus locatifs en louant une chambre de sa maison. Il affirme que, si on lui donnait la possibilité de demeurer au Canada, il travaillerait comme mécanicien en chauffage et en réfrigération ou comme mécanicien d’avions.

 

[3]               Le 30 novembre 2010, l’agent des visas a écrit ce qui suit dans la décision par laquelle il a rejeté la demande :

[traduction]

Il incombe au demandeur de convaincre le tribunal que sa situation est telle que les difficultés que représenterait pour lui le fait d’obtenir son visa de résident permanent à l’extérieur du Canada de la manière habituelle seraient (i) « inhabituelles et injustifiées »; ou (ii) excessives.

 

[…]

 

Après avoir examiné attentivement le dossier en entier, je ne suis pas d’avis que le fait d’obliger le demandeur à présenter sa demande de résidence permanente de la manière habituelle lui causerait des difficultés qui ne sont pas prévues par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) et qui découleraient d’une situation indépendante de sa volonté. Vu l’ensemble de la preuve dont je dispose, je ne suis également pas convaincu que les difficultés que comporterait la présentation d’une demande depuis l’étranger comme le prévoit la Loi auraient des incidences disproportionnées en raison de la situation personnelle du demandeur.

 

J’estime qu’il n’existe pas des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier de faire droit à la présente demande d’exemption.

 

[4]               Il est de jurisprudence constante que les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire (les décisions CH) ne doivent être accueillies que dans des circonstances exceptionnelles. De plus, compte tenu de l’aspect hautement discrétionnaire de toute décision CH, notre Cour fait preuve d’un degré élevé de retenue envers ce genre de décision, d’autant plus qu’elles se prêtent à une gamme plus vaste d’issues possibles acceptables (Inneh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 108, au paragraphe 13; et Del Melo Gomes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 98, au paragraphe 9). Pour obtenir gain de cause dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur doit démontrer que l’agent a ignoré ou mal interprété la preuve ou qu’il a commis une erreur susceptible de révision dans la façon dont il a analysé les facteurs pertinents pour l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

 

[5]               Le demandeur soutient toutefois essentiellement que les motifs donnés par l’agent pour rejeter sa demande CH ne permettent pas de conclure qu’il a procédé à l’analyse et à la pondération des facteurs exigées par l’article 25 de la LIPR. Exprimé en termes plus familiers, l’agent n’aurait pas examiné le fond de la demande et ce serait contenté d’affirmations non étayées. Le demandeur ajoute que, même si l’agent énumère dans ses motifs des facteurs pertinents pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire en question et il mentionne certains faits pertinents, les motifs en question ne comportent pas l’analyse nécessaire pour qu’on puisse les considérer comme suffisants. En conséquence, les motifs en question consisteraient en une série d’affirmations et d’hypothèses non étayées. L’avocat affirme en outre que l’analyse ne comporte aucune pondération des facteurs dont on doit tenir compte dans le cas de toute décision CH et qu’elle ne permet pas de penser que l’agent a abordé la demande d’un point de vue humanitaire comme l’exige tout examen régulier d’une demande CH.

 

[6]               Dans ses motifs, l’agent a bel et bien examiné le fond de la demande. Il signale et applaudit les raisons pour lesquelles le demandeur est venu au Canada, il relève l’évolution de ses rapports avec ses petits‑enfants canadiens, tout en signalant que le demandeur est un grand‑parent et que ce n’est pas lui qui a la charge de s’occuper de ces enfants. Dans ces motifs, l’agent signale qu’il existe peu de faits ou d’éléments de preuve au sujet des rapports en question qui permettraient de considérer que les difficultés évoquées seraient plus importantes que celles que cause habituellement un renvoi. L’agent reconnaît que la séparation sera difficile, tout en signalant que le demandeur dispose d’autres moyens pour garder le contact avec ses petits‑enfants même si cette solution est de toute évidence un pis‑aller. L’agent signale également que le demandeur a toujours une résidence et des liens familiaux en Équateur : il y a toujours un fils.

 

[7]               En résumé, en ce qui concerne les relations familiales, l’agent a conclu de façon raisonnable qu’il n’y aurait pas de difficultés autres que celles habituellement associées à un renvoi. Cette conclusion appartient aux issues possibles raisonnables, surtout lorsqu’on l’examine à la lumière de l’objet de l’article 25 de la LIPR, qui n’est censé s’appliquer que dans des circonstances exceptionnelles et impérieuses. Ainsi que notre Cour l’a fait observer dans la décision Irimie c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1906, au paragraphe 26, la procédure d’examen des demandes CH n’est pas un mécanisme d’examen ex post facto qui l’emporte sur la procédure d’examen prévue par la LIPR. Les agents chargés d’examiner les demandes CH ne sont pas non plus obligés d’arriver à la décision la plus avantageuse pour les enfants qui sont, en l’espèce, les petits‑enfants; il suffit que l’agent soit sensible à leur intérêt (Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1041).

 

[8]               Je passe maintenant au second volet de l’argument du demandeur, soit le défaut de l’agent de tenir compte de sa situation personnelle. Le demandeur soutient qu’à l’âge de 56 ans, il s’est départi de la plupart de ses actifs, qu’il a vendu son entreprise et qu’il est venu au Canada pour s’occuper de sa mère malade. En conséquence, sa mère a pu continuer à vivre chez elle et n’est pas devenue un fardeau pour le système de santé publique. Le visa de visiteur du demandeur a été renouvelé à quatre reprises de sorte qu’il est maintenant âgé de 60 ans et n’a plus, selon lui, de perspectives d’emploi valables en Équateur.

 

[9]               L’agent n’était pas convaincu, compte tenu de la preuve, que le demandeur serait exposé à des difficultés économiques excessives s’il devait retourner en Équateur :

[traduction]

[…] le demandeur a soumis peu d’éléments de preuve pour démontrer qu’il ne pourrait être financièrement indépendant en Équateur s’il était obligé de présenter sa demande de résidence permanente à l’extérieur du Canada comme le prévoit la Loi. Il a été mentionné que le demandeur loue actuellement une chambre dans sa maison en Équateur, ce qui lui permet d’obtenir suffisamment de revenus pour entretenir toute la maison. On peut raisonnablement supposer que le demandeur pourrait encore y habiter s’il choisissait de le faire, advenant le cas où il serait obligé de présenter sa demande selon la procédure habituelle.

 

 

[10]           Il ne s’agit peut‑être pas de la situation la plus avantageuse sur le plan économique pour le demandeur, mais l’agent a tenu compte du fait que le demandeur avait une maison et disposerait d’une certaine forme de revenu résiduel à son retour en Équateur.

 

[11]           Il existe des faits qui militent en faveur du demandeur et une solution différente aurait pu être envisagée, mais il n’en demeure pas moins que les décisions relatives aux demandes CH sont hautement discrétionnaires. Dans son examen, notre Cour doit se limiter à s’assurer que les motifs invoqués au soutien de la décision démontrent que celle‑ci est justifiée, transparente et intelligible. Les motifs pour lesquels la situation du demandeur n’a pas été considérée comme entraînant des difficultés plus grandes que les difficultés habituelles associées à un renvoi sont clairs et cohérents. L’agent a relevé les considérations en jeu opposées et a bien saisi l’essentiel des raisons d’ordre humanitaire qui étaient invoquées. Le fait qu’on aurait pu, en pondérant les considérations en question, arriver à une décision différente et plus charitable ne rend pas la décision en cause déraisonnable. On ne saurait qualifier les motifs de simples conclusions et les motifs exposés démontrent que l’agent a bien pondéré les facteurs pertinents.

 

[12]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[13]           Aucune question à certifier n’a été proposée et le dossier n’en soulève aucune.


JUGEMENT

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire. Aucune question à certifier n’a été proposée et le dossier n’en soulève aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER                                                       IMM‑7215‑10

 

INTITULÉ :                                                   JORGE ENRIQUE JURADO TOBAR c.
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 9 août 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 28 septembre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clifford Luyt – avocat inscrit au dossier

Andrew Brouwer – mandataire

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Prathima Prashad

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

D. Clifford Luyt

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan,

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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