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Cour fédérale

 

Federal Court


 

Date : 20110930

Dossier : IMM-364-11

Référence : 2011 CF 1123

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2011

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

IGOR KOTLER, LYUBOV KOTLER,

ALYONA KOTLER, ROMAN KOTLER

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision par laquelle on a conclu qu’ils ne seraient pas exposés à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives s’ils devaient retourner en Israël pour pouvoir présenter une demande de résidence permanente au Canada. Pour les motifs que je vais énoncer, leur demande est rejetée.

 

[2]               Selon le paragraphe 11(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la Loi), tout étranger souhaitant obtenir la résidence permanente au Canada doit en faire la demande préalablement à son entrée au Canada. Le paragraphe 25(1) de la Loi prévoit qu’il y a exception à cette règle lorsque le ministre « estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché ». Il convient de rappeler que la dispense fondée sur les considérations d’ordre humanitaire constitue un recours exceptionnel accessible uniquement lorsque les circonstances le justifient, et qu’il incombe au demandeur de produire une preuve démontrant que l’octroi de cette dispense exceptionnelle est justifié. En l’espèce, l’agent a conclu que les demandeurs ne s’étaient pas acquittés de cette obligation.

 

[3]               Les demandeurs sont des citoyens d’Israël. Igor Kotler et son épouse, Lyubov Kotler, sont tous deux âgés de 46 ans. Ils ont deux enfants : Alyona Kotler qui a 23 ans, et Roman Kotler qui en a 22.

 

[4]               La famille Kotler est arrivée au Canada le 27 février 2001. Ils n’avaient pas obtenu de visa d’entrée au Canada et ils n’ont pas présenté de demande d’asile. En février 2002, un permis d’études valide jusqu’à août 2002 a été délivré à Mme Kotler. Celle-ci a par la suite fait une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés; une approbation de principe a été obtenue mais, le 26 juin 2001, la demande a finalement été rejetée comme Mme Kotler ne s’était pas présentée à son entrevue.

 

[5]               Le 23 mars 2006, M. Kotler s’est vu refuser un permis de travail. Le 19 octobre 2010, sa demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés a également été rejetée.

 

[6]               Le 8 septembre 2006, les demandeurs ont présenté leur demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Ils ont soutenu qu’ils s’étaient établis au Canada et que les enfants subiraient des difficultés advenant leur retour en Israël. Comme Roman était âgé de 11 ans lors de son arrivée au Canada avec ses parents, et Alyona de 12 ans, ils n’y avaient pas accompli leur service militaire. Les demandeurs ont fait valoir qu’à leur retour en Israël, Roman et Alyona pourraient être mis en prison et devraient faire leur service militaire.

 

[7]               Les demandeurs ont soutenu à l’audience que deux questions se soulevaient dans le cadre de la présente demande, soit celles de savoir si l’agent (1) avait enfreint un principe de justice naturelle, et (2) avait omis de tenir dûment compte de l’intérêt supérieur des enfants. La première question appelle la norme de la décision correcte, et la deuxième la norme de la raisonnabilité.

 

[8]               Quant à la première question, selon les demandeurs, [traduction] « en rejetant des éléments de preuve déposés au soutien de la demande, l’agent a fait abstraction d’éléments et a tiré une conclusion défavorable malgré la preuve qui étayait [leurs] prétentions ». Je ne suis pas convaincu que l’agent ait fait abstraction d’éléments de preuve produits par les demandeurs, ni qu’il ait écarté de tels éléments. L’agent a plutôt reconnu une valeur probante moindre aux éléments qui, aux dires des demandeurs, étayait la demande et une valeur plus élevée aux éléments défavorables.

 

[9]               La prétention selon laquelle la preuve n’a pas été prise en compte est sans fondement aucun. Les demandeurs ont déposé dans le cadre de la présente demande, par voie d’affidavit, des documents dont l’agent n’était pas saisi. On ne saurait conclure qu’une personne a fait abstraction d’éléments qui ne lui avaient pas été présentés. Le contrôle par la Cour de la décision et du processus décisionnel doit se fonder uniquement sur les éléments dont le décideur était saisi. Je suis convaincu qu’en l’espèce, l’agent a bel et bien tenu compte de tous les éléments de preuve dont il disposait.

 

[10]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur ainsi qu’un manquement dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en mettant trop l’accent sur l’inobservation de leur obligation de produire des déclarations de revenus. Les demandeurs savaient toutefois que cela importait puisque, le 10 août 2010, l’agent leur avait demandé de fournir leurs [traduction] « déclarations de revenus et avis de cotisation fédéraux et provinciaux pour les trois dernières années ». Malgré cette demande explicite de l’agent, les demandeurs n’ont produit aucun élément de preuve démontrant qu’ils avaient respecté leurs obligations en matière d’impôt des particuliers et des sociétés. L’agent a dit estimer que [traduction] « l’inobservation des lois canadiennes sur l’immigration et l’impôt sur le revenu constitu[ait] un élément défavorable auquel [il] attach[ait] une grande importance ». Je juge pour ma part qu’on ne peut qualifier de déraisonnable l’évaluation de cet élément par l’agent, particulièrement au vu du fait qu’on avait informé les demandeurs de l’importance de la question.

 

[11]           Les demandeurs ont en outre fait valoir que l’agent avait fait abstraction de toute la preuve favorable concernant leurs activités commerciales, et mis uniquement l’accent sur les éléments défavorables à leur demande. Les demandeurs ont bien fourni des renseignements sur leur société en exploitation, I.Con Inc., mais ces renseignements étaient incomplets. Ils ne permettaient pas de constater si l’entreprise était toujours valablement constituée en société ni si, comme le prétendaient les demandeurs, elle comptait 22 employés. Le dossier révèle de plus que, même si les demandeurs travaillaient depuis une dizaine d’années au Canada, aucun d’eux n’était légalement autorisé à le faire. L’agent a déclaré qu’il attachait de l’importance [traduction] « à l’inobservation par les demandeurs des lois canadiennes ». Selon moi, il était pertinent pour l’agent de prendre ces divers facteurs en considération, et son appréciation de la preuve n’était pas déraisonnable.

 

[12]           Si un demandeur a créé une entreprise prospère et l’a exploitée pendant des années dans le respect des lois canadiennes, il y a lieu de le reconnaître dans l’évaluation de son degré d’établissement au Canada. On ne peut toutefois sûrement pas dire que le demandeur qui fait aussi valoir la mise sur pied d’une entreprise prospère, alors qu’il a agi illégalement, a démontré un degré d’établissement au Canada qui lui vaudrait la dispense exceptionnelle conduisant au bout du compte à l’obtention de la résidence permanente.

 

[13]           À mon avis, l’agent a tenu compte de tous les faits pertinents et sa conclusion quant au degré d’établissement des demandeurs au Canada était raisonnable.

 

[14]           Tournons-nous maintenant vers la deuxième question soulevée par les demandeurs. L’agent, selon eux, aurait commis une erreur en ne tenant pas compte de l’intérêt supérieur des enfants en regard de leur obligation d’accomplir le service militaire en Israël et des conséquences éventuelles du non-respect de cette obligation.

 

[15]           Il ressort toutefois clairement de la décision que l’agent a examiné avec soin la question de l’intérêt supérieur des enfants, même si ceux-ci, âgés de plus de 18 ans, sont désormais des adultes.

 

[16]           L’agent a souligné que les enfants avaient terminé leurs études et occupaient des emplois. Il a relevé que ce qu’ils avaient appris au Canada pourrait être reconnu en Israël, et qu’aucune preuve ne démontrait qu’ils seraient confrontés à des obstacles linguistiques ou à des problèmes d’ordre psychologique ou physique s’ils devaient retourner en Israël. L’agent a aussi souligné que les parents n’avaient pas démontré ne pas pouvoir répondre aux besoins de leurs enfants advenant un retour en Israël.

 

[17]           L’agent a également étudié avec soin les conséquences éventuelles pour les enfants de leur obligation de service militaire. L’agent a conclu, en se fondant sur la documentation de la Direction des recherches de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié que (1) même si éviter le service militaire constituait un crime en Israël, les enfants comme ceux en l’espèce qui quittent le pays avec leurs parents avant l’âge de 16 ans peuvent obtenir une dispense ou un report de service s’ils en font la demande auprès d’une mission diplomatique à l’étranger, (2) ni l’un ni l’autre enfant n’avait prétendu être un objecteur de conscience et (3) l’obligation de service militaire constituait une règle juridique d’application générale en Israël, de sorte qu’elle ne donne pas lieu à des difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

[18]           Compte tenu de ces faits, il était raisonnable pour l’agent de conclure que les enfants n’étaient pas exposés à un risque justifiant l’octroi d’une dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

 

[19]           Ni l’une ni l’autre partie n’a proposé une question en vue de sa certification.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée et qu’aucune question ne soit certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-364-11

 

INTITULÉ :                                       IGOR KOTLER ET AL. c. LE MINISTRE DE LA

                                                            CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 31 AOÛT 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 30 SEPTEMBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Karen Kwan Anderson

 

 

POUR LES DEMANDEURS

 

A. Leena Jaakkimainen

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

KAREN KWAN ANDERSON

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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