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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 Date : 20111013

Dossier : IMM-1933-11

Référence : 2011 CF 1158

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), 13 octobre 2011

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

 

ENTRE :

 

RATHINI KANDIAH

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente demande porte sur une demande d’asile présentée par une femme d’origine tamoule née à Colombo. La demanderesse sollicite l’asile parce qu’elle craint, suivant l’article 96, d’être persécutée et, suivant l’article 97, d’être exposée à un risque au Sri Lanka de la part des forces paramilitaires du gouvernement sri-lankais. La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté la demande d’asile de la demanderesse parce qu’elle a tiré une conclusion globale défavorable concernant la crédibilité en raison des incohérences qu’elle voyait entre les déclarations de la demanderesse au port d’entrée, son Formulaire de renseignements personnels (FRP) et son témoignage livré lors de l’instruction de sa demande.

 

[2]               Selon le principal argument avancé par le conseil de la demanderesse, non seulement la conclusion globale défavorable concernant la crédibilité est fondamentalement erronée, mais elle est également utilisée de manière injustifiée à l’égard de l’article 97. Les conclusions de la SPR liées à l’article 97 sont les suivantes :

Encore une fois, je rejette les explications de la demandeure d’asile et les juge non satisfaisantes et, à la lumière de toutes les omissions et incohérences qui n’ont pas été expliquées de façon satisfaisante, je tire une conclusion défavorable quant à sa crédibilité. Mon analyse de la crédibilité s’appuie sur les articles 96 et 97 de la LIPR. Je rejette la demande d’asile en raison du manque de crédibilité. Je ne crois pas que la crainte soit fondée sur des facteurs crédibles et objectifs et je ne crois pas non plus à l’existence d’une crainte subjective. Je conclus que la demandeure d’asile n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a une possibilité raisonnable qu’elle soit persécutée pour l’un des motifs prévus dans la Convention si elle retourne au Sri Lanka.

 

Il faut maintenant déterminer si la demandeure d’asile serait personnellement exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle retournait au Sri Lanka. Je conclus que non. Je ne crois pas qu’elle risque davantage d’être victime d’extorsion ou de menaces que les autres Sri-Lankais. Je conclus, à la lumière de l’analyse qui précède, qu’il n’est pas plus probable que le contraire qu’elle soit exposée personnellement à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle retourne dans son pays. Par conséquent, je rejette la demande d’asile aux termes de l’article 97 de la LIPR.

 

[Non souligné dans l’original]

 

(Décision, par. 11 et 12)

 

Je conviens avec le conseil de la demanderesse que le manque de crédibilité du demandeur dans le cadre de l’article 96 n’est pas déterminant pour apprécier le critère applicable à l’article 97 (voir Bouaouni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1211, par. 41).

 

[3]               Selon le conseil de la demanderesse, la conclusion de fait ‑ une composante majeure de la conclusion globale défavorable concernant la crédibilité – constitue une erreur. En arrivant à sa conclusion globale défavorable concernant la crédibilité, la SPR s’est livrée à une analyse critique des éléments de preuve de la demanderesse concernant ses déclarations d’emploi au Sri Lanka. Dans le cadre d’une première entrevue menée par les autorités de l’Immigration environ un mois après son arrivée au Canada, la demanderesse a répondu à la question lui enjoignant d’énumérer tous les emplois qu’elle a occupés au cours des dix dernières années que, du 1er janvier 1999 au 11 novembre 2009, elle était [traduction] « sans emploi » (dossier du tribunal, p. 83). Dans son FRP, à la question demandant qu’elle fasse état de son expérience professionnelle, y compris les emplois à temps plein, à temps partiel et temporaires ainsi que le travail autonome, elle a déclaré : [traduction] « Je n’ai jamais travaillé à l’extérieur du foyer » (dossier de demande de la demanderesse, p. 22). Avant la tenue de l’audience devant la SPR, le FRP de la demanderesse a été modifié en ajoutant les renseignements suivants, lesquels étaient écrits à la main sur l’original : dans la section « études », elle a ajouté que, de mars 1992 à septembre 1992, elle avait fréquenté l’institut Charliament à Colombo et reçu le titre de formatrice Montosori et, dans la section « expérience professionnelle », elle a inscrit sous « nom de l’employeur » en indiquant les années de 1993 à 2009 [traduction] « services de garderie à domicile »  à Colombo et sous « type d’emploi », travail réalisé dans une [traduction] « garderie » (dossier de demande de la demanderesse, p. 22). Il ne fait aucun doute que les modifications ont été apportées au FRP dans le cours de la pratique normalement admise devant la SPR.

 

[4]               Le conseil de la demanderesse a avancé les arguments suivants à l’égard des conclusions de la SPR :

[TRADUCTION]

Nous estimons que la décision défavorable reposait sur des conclusions erronées concernant la crédibilité. Au paragraphe 8 des motifs, la commissaire Lewis affirme que la demandeure d’asile n’avait jamais mentionné, avant de présenter son témoignage de vive voix, qu’elle avait exploité une garderie à la maison pendant de nombreuses années. Cette conclusion est complètement erronée. À la ligne 11 des explications qu’elle a fournies dans son Formulaire de renseignements personnels (ci-après, le FRP), la demandeure affirme ce qui suit :

 

Après avoir terminé en 1991, j’ai gardé des enfants. Je m’occupais de nombreux enfants provenant des familles de Jaffna et de la province de l’Est. J’ai appris à bien connaître ces gens.

 

À notre avis, la commissaire Lewis n’a pas tenu compte de ces éléments de preuve présentés dès le départ dans le FRP. Son analyse approfondie de la question revient à une recherche exagérée et microscopique en vue de justifier une conclusion défavorable concernant la crédibilité. À la question 7 du FRP, la demandeure a déclaré : « Je n’ai jamais travaillé à l’extérieur du foyer. » Cette déclaration est exacte. La réponse à la question a été modifiée au début de l’audience pour indiquer qu’elle avait exploité une garderie à la maison pendant seize ans. Nous croyons qu’il n’existe aucun motif valable justifiant que la commissaire Lewis s’en tienne à une partie du FRP pour souligner une omission et ignore ensuite les déclarations très claires et non ambiguës formulées dans ce même formulaire. Cette conclusion était au cœur de la décision défavorable. Malgré sa longue analyse de l’omission alléguée, la commissaire Lewis n’a pas une seule fois fait allusion aux déclarations susmentionnées de la demandeure et clairement énoncées dans les explications fournies dans son FRP. La commissaire Lewis a discrédité la crédibilité de la demandeure en raison d’une omission qu’elle a jugée importante mais qui existe uniquement parce que la commissaire Lewis n’a pas tenu compte des déclarations énoncées clairement dans le compte rendu de la demandeure.

 

(Dossier de demande de la demanderesse, p. 208 et 209)

 

[5]               Je conviens avec le conseil de la demanderesse que la SPR a fait une erreur de fait importante sur la question relative à la garde d’enfants et conclus que cette erreur suffit pour faire obstacle à l’ensemble de la conclusion globale défavorable concernant la crédibilité.

 

[6]               Par conséquent, je conclus que la décision n’est pas justifiée au regard du droit et des faits.

 

 


ORDONNANCE

 

Pour les motifs susmentionnés, j’annule la décision faisant l’objet de l’examen et renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué afin qu’il rende une nouvelle décision en se prononçant à nouveau sur tous les aspects de la demande d’asile de la demanderesse, notamment la crédibilité et l’application des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

Il n’y a aucune question à certifier.

 

                                                                                                          « Douglas R. Campbell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1933-11

 

INTITULÉ :                                      RATHINI KANDIAH c. LE MINISTRE DE LA

CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 12 OCTOBRE 2011

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 13 OCTOBRE 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John W. Grice

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Suranjana Bhattacharyya

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DAVIS & GRICE

Avocats

North York (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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