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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20111026

Dossier : IMM-1641-11

Référence : 2011 CF 1182

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 26 octobre 2011

En présence de monsieur le juge Pinard

ENTRE :

Andres SILVA PENA

Aurora CARRILLO MENDEZ

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Andres Silva Pena et Aurora Carrillo Mendez (les demandeurs), en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision rendue par un commissaire de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi.

 

[2]               En 2007 et 2008, les demandeurs, citoyens du Mexique, ont travaillé à une initiative en matière de [traduction] « tourisme d’aventure » à Guadalupe y Calvo, dans l’État de Chihuahua. En mars 2009, M. Pereda Lopez, président du commissariat de la commune, les a invités à assister à une conférence sur la vente de bois.

 

[3]               Les exploitants forestiers présents à la conférence ont essayé d’obtenir une baisse de prix pour leurs droits de coupe. Les demandeurs ont alors fait savoir qu’ils étaient contre cette proposition et ils ont dit être en faveur de la préservation des zones boisées afin de promouvoir l’écotourisme plutôt que l’exploitation forestière.

 

[4]               Les demandeurs affirment que le lendemain, un homme non identifié, muni peut‑être d’une arme à feu, les a menacés. Les demandeurs se sont enfuis et sont retournés chez eux à Jalcomulco, Veracruz. Ils ont reçu un appel de M. Pereda Lopez laissant entendre que les exploitants forestiers étaient à leur recherche. Plus tard cette semaine‑là, ils ont reçu trois messages texte de menaces. Ces messages ont été reçus dans diverses régions du Mexique, ce qui donnait l’impression que les expéditeurs anonymes étaient au courant des déplacements des demandeurs.

[5]               Les demandeurs croyaient que la police ne les aiderait pas ou ne pourrait pas les aider. Ils se sont enfuis au Canada en mai 2009 et ont demandé l’asile au mois d’août de la même année.

 

* * * * * * * *

 

[6]               La Commission a jugé que les demandeurs avaient raconté leur histoire « d’une façon claire », mais que certains éléments de leur demande d’asile étaient invraisemblables ou exagérés. La Commission a conclu que les demandeurs étaient venus au Canada parce qu’ils y voyaient une occasion d’immigrer, plutôt qu’en raison des menaces présumées des exploitants forestiers.

 

[7]               La Commission a jugé qu’un lien n’avait pas été établi avec l’un des motifs prévus par la Convention. Les demandeurs auraient été persécutés par des exploitants forestiers en raison du secteur d’activité dans lequel ils travaillaient.

 

[8]               La question déterminante était la protection de l’État. La Commission a souligné que les demandeurs n’avaient informé aucun représentant de l’État ni même M. Pereda Lopez des menaces. Ils auraient pu communiquer avec le directeur du développement rural (un partisan des idées de développement des demandeurs) ou avec le maire de Guadalupe y Calvo.

 

[9]               La Commission a conclu qu’il n’était pas raisonnable pour les demandeurs de ne parler à personne, ni même à la police, des menaces qu’une personne non identifiée leur avait faites et des trois messages texte de menaces qu’ils avaient reçus, et choisir plutôt de présenter une demande d’asile dans un pays étranger. La Commission a également noté que les menaces provenaient de ce qui est objectivement une petite ville dans une région isolée du Mexique.

 

* * * * * * * *

 

[10]           Une conclusion selon laquelle le demandeur peut se prévaloir de la protection de l’État joue un rôle déterminant dans l’issue d’une demande fondée tant sur l’article 96 que sur l’article 97. Le défendeur cite plusieurs décisions pertinentes portant que le Mexique est un État démocratique et qu’il faut donc présumer qu’il est en mesure de protéger ses citoyens. Dans la décision Navarro c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 358, au paragraphe 17, mon collègue le juge Yves de Montigny souligne que l’État « doit à tout le moins se voir offrir une possibilité réelle d’intervenir avant que l’on puisse conclure qu’il n’est pas en mesure d’offrir la protection requise par l’un de ses citoyens ».

 

[11]           La norme de contrôle applicable à la conclusion de la Commission sur la question de protection de l’État est la décision raisonnable selon le juge François Lemieux dans Mendoza c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2010 CF 119, aux paragraphes 26 et 27. En conséquence, les conclusions de la Commission sur cette question doivent appartenir aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, au paragraphe 47).

 

[12]           En l’espèce, les demandeurs ne se sont jamais adressés à l’État pour obtenir sa protection. Étant donné que la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs n’ont pas expliqué raisonnablement pourquoi ils ne se sont pas adressés à l’État était raisonnable eu égard à la preuve soumise, les demandeurs n’ont pas réussi, à mon avis, à établir que la protection de l’État n’aurait pu raisonnablement être assurée en l’espèce.

 

* * * * * * * *

 

[13]           Comme la question de la protection de l’État est déterminante en l’espèce, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[14]           Les parties conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire visant la décision dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, est rejetée.

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1641-11

 

INTITULÉ :                                       Andres SILVA PENA, Aurora CARRILLO MENDEZ c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 26 octobre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mitchell Goldberg                                             POUR LES DEMANDEURS

 

Gretchen Timmins                                             POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshey, Goldberg, Berger                              POUR LES DEMANDEURS

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

 

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