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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20111027

Dossier : IMM-191-11

Référence : 2011 CF 1192

Ottawa (Ontario), ce 27e jour d’octobre 2011

En présence de l’honorable juge Pinard

ENTRE :

Roghieh KHOSRAVI

 

Partie demanderesse

 

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de Anna Brychcy, de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (le tribunal) présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, (la Loi) par Roghieh Khosravi (la demanderesse), une Iranienne âgée de 62 ans. Le tribunal a conclu que la demanderesse n’avait pas la qualité de « réfugiée » ni celle de « personne à protéger » et a donc rejeté sa demande d’asile.

[2]          Se considérant une « réfugiée sur place », la demanderesse dit craindre retourner en Iran en raison de sa participation et de celle de ses enfants à des manifestations contre le gouvernement iranien, à Montréal. Elle dit aussi craindre d’être persécutée en raison de fausses accusations portées contre elle par les autorités iraniennes.

 

[3]          Le tribunal a jugé que plusieurs aspects importants de la demande d’asile de la demanderesse n’étaient pas crédibles et qu’en conséquence ses allégations tant de « réfugiée sur place » que de crainte subjective au sens de la Loi n’avaient pas été prouvées. En concluant de la sorte, le tribunal s’est notamment basé sur les éléments suivants expliqués dans sa décision :

·        Après son premier interrogatoire en juillet 2004, seule la fille de la demanderesse a formulé une demande d’asile, non pas la demanderesse elle-même.

 

·        Malgré les difficultés auxquelles ses enfants faisaient face, difficultés qui les ont amenés à quitter l’Iran, la demanderesse n’a auparavant jamais formulé une demande d’asile et a continué à voyager.

 

·        Après avoir dit que son dernier interrogatoire relié aux activités de son fils avait eu lieu en 2004, elle affirme maintenant que c’était plutôt en 2005.

 

·        Il existe une contradiction dans le témoignage de la demanderesse relativement à son passeport.

 

·        Il est improbable que les autorités iraniennes aient fouillé la maison de la demanderesse, à la recherche de preuves, lors de sa détention, puisqu’elle s’était trouvée à l’extérieur du pays pour une durée de six mois sans être retournée chez elle.

 

·        Après avoir quitté l’Iran en 2009, la demanderesse n’a pas formulé de demande d’asile en Angleterre, et elle aussi omis de le faire immédiatement lors de son arrivée au Canada.

 

·        La demanderesse a pu sortir d’Iran à multiples reprises depuis 2004.

 

·        La demanderesse a été incapable de dire à qui un pot-de-vin aurait été versé pour assurer son départ d’Iran.

 

·        La demanderesse n’a jamais pris une part active dans les démonstrations auxquelles elle a assisté.

 

·        Il n’y a aucune preuve que les autorités iraniennes soient au courant de la présence de la demanderesse dans ces démonstrations.

 

·        Sur la base d’une preuve documentaire de 2005 contenue dans le cartable du pays, il est improbable que le gouvernement iranien soit au courant de la participation de la demanderesse aux manifestations.

 

 

 

* * * * * * * *

 

 

 

[4]          La présente demande de contrôle judiciaire soulève fondamentalement les questions suivantes :

                                 i.            Le tribunal a-t-il violé les principes de justice naturelle et manqué à son devoir d’équité procédurale en privant la demanderesse de la possibilité d’être entendue et de faire sa preuve?

 

                               ii.            Le tribunal a-t-il erré dans son appréciation des faits et de la crédibilité de la demanderesse, en regard de ses allégations de « réfugiée sur place » et de crainte subjective?

 

 

 

[5]          La norme de contrôle applicable à toute question de droit, d’équité procédurale et de violation des principes de justice naturelle est celle de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 [Dunsmuir]).

 

[6]          Par ailleurs, c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique à l’égard de la deuxième question reliée aux conclusions de fait du tribunal.

 

[7]          Sur la première question, la demanderesse allègue que le tribunal a agi de façon inéquitable, en contravention aux principes de justice naturelle, en ne l’informant pas de la preuve contre elle et en ne lui donnant pas l’occasion de se faire entendre. La demanderesse indique qu’une partie doit être informée des doutes du tribunal, ainsi que de la preuve contre elle et pouvoir commenter sur ces éléments (voir Skripnikov c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2007 CF 369 au para 22; Sheikh c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 176 au para 10 et Tamber c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2008 CF 951 au para 16). Le tribunal aurait erré en omettant de faire part à la demanderesse de ses doutes quant à sa crédibilité lors de l’audition.

 

[8]          Cependant, à la face même de la décision, il appert que le tribunal a bel et bien donné l’occasion à la demanderesse de s’expliquer sur son témoignage contradictoire. La demanderesse a effectivement eu la possibilité de donner son point de vue complet et de faire sa preuve, tel que requis par l’équité procédurale (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 au para 22). Comme le précise le défendeur, le fardeau de preuve dans une demande d’asile revient à la demanderesse : cette dernière devait établir une crainte subjective et une possibilité sérieuse de persécution sur la base d’une preuve crédible. Il n’appartient pas au tribunal de rechercher des preuves additionnelles.

 

[9]          La demanderesse reproche en outre au tribunal de n’avoir pas attiré son attention sur la preuve documentaire contenue dans le cartable sur le pays de sa nationalité, spécifiquement le document par le « director for the consular office in the Iranian Foreign Language Ministry ». Cette preuve documentaire est retenue, dans la décision du tribunal, comme preuve établissant l’improbabilité de la connaissance du gouvernement iranien des agissements de la demanderesse et l’improbabilité de persécution. Ne s’étant pas fait offert l’opportunité de contredire ce document, la demanderesse aurait été brimée dans son droit à l’équité procédurale.

 

[10]      Pour sa part, le défendeur réfère au paragraphe 170h) de la Loi pour souligner la discrétion accordée au tribunal en matière de crédibilité et de considération de la preuve. Le défendeur souligne que le document « director for the consular office in the Iranian Foreign Language Ministry » faisait partie du cartable et qu’il a été spécifiquement porté à la connaissance de la demanderesse avant l’audience.

 

[11]      Il importe de souligner qu’en vertu de la Loi, le tribunal a discrétion pour considérer tout ce qui se trouve dans le cartable. De plus, le tribunal est présumé avoir examiné toute la preuve dont il est saisi (voir Florea c. Canada (Le ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n598 (C.A.) au para 1). Le tribunal n’avait certes pas l’obligation de commenter sur chacune des pièces mise en preuve (Cepeda-Gutierrez et al. c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 au para 16).

 

[12]      Je considère donc, à la lumière du dossier, que la demanderesse a pleinement eu l’occasion de se faire entendre et que le tribunal n’a d’aucune façon manqué à son devoir d’équité procédurale.

 

[13]      Sur la deuxième question, celle reliée à l’appréciation des faits et de la crédibilité de la demanderesse, tant en regard de son allégation de « réfugiée sur place » que de celle de sa crainte subjective, je ne suis pas convaincu, après révision de la preuve et audition des procureurs des parties, que l’intervention de la Cour soit justifiée.

 

[14]      D’une part, il ne m’apparaît pas que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments devant lui (voir l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7). Bien que certains documents à l’appui des prétentions de la demanderesse ne soient pas analysés dans la décision et que la détermination du tribunal quant à la présence du tampon d’autorisation de sortie dans le passeport de la demanderesse puisse être erronée, je ne crois pas que cela soit suffisant pour vicier l’ensemble de la décision en cause. En cette matière, il n’appartient pas à cette Cour de se substituer au tribunal. Somme toute, je suis d’opinion qu’il n’était pas déraisonnable pour le tribunal d’apprécier l’ensemble des faits comme il l’a fait pour conclure au manque de crédibilité de la demanderesse et à l’absence de preuve suffisante pour démontrer qu’elle est une « réfugiée sur place » et qu’elle a une crainte subjective conforme à la Loi. Considérant l’ensemble des circonstances pertinentes, la décision du tribunal et ses conclusions de fait sont en substance justifiées et appartiennent aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. La décision m’apparaît justifiée, transparente et son processus, intelligible (voir Dunsmuir au para 47).

* * * * * * * *

 

[15]      Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[16]      Je suis d’accord avec les procureurs des parties qu’il n’y a pas ici matière à certification.

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, concluant que la demanderesse n’avait pas la qualité de « réfugiée » ni celle de « personne à protéger » selon les paragraphes 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-191-11

 

INTITULÉ :                                       Roghieh KHOSRAVI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 septembre 2011

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 27 octobre 2011

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Annie Bélanger                              POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Anne-Renée Touchette                  POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Annie Bélanger                                                             POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Myles J. Kirvan                                                            POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

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